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CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 12 octobre 2018

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 12 octobre 2018
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 2e ch. civ. sect. A
Demande : 17/01554
Décision : 470/2018
Date : 12/10/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 3/04/2017
Numéro de la décision : 470
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7779

CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 12 octobre 2018 : RG n° 17/01554 ; arrêt n° 470/2018 

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2018-018296

 

Extraits : « Attendu que M. et Mme X. affirment qu'aucun formulaire de rétractation n'était joint à l'exemplaire du contrat de mandat que leur a remis la société Email immobilier ; Attendu, cependant, que la lecture du contrat démontre qu'à la suite du paragraphe les informant de l'existence et des modalités d'exercice de la faculté de rétractation, la case précédant la mention « Ceci exposé, le mandant reconnaît que le formulaire type de rétractation lui a été fourni en annexe au présent mandat » a été cochée ; Attendu que le moyen de nullité tiré de l'absence de remise d'un formulaire de rétractation est donc mal fondé ». 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2 A 17/01554. Arrêt n° 470/2018. Décision déférée à la Cour : jugement du 9 mars 2017 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG.

 

APPELANTS et défendeurs :

1 - Monsieur X.

2 - Madame Y. épouse X.

demeurant [adresse], représentés par Maître L.-W., avocat à la Cour, plaidant : Maître H.-W., avocat à STRASBOURG

 

INTIMÉE et demanderesse :

La SAS IMMOBILIER EMAIL

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [adresse], représentée par la SCP C. & ASSOCIÉS, avocats à la Cour, plaidant : Maître B., avocat à STRASBOURG

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 6 juillet 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Bernard POLLET, Président, Monsieur Emmanuel ROBIN, Conseiller, Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT : Contradictoire - prononcé publiquement après prorogation du 5 octobre 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

M. X. et Mme Y., épouse X., propriétaires d'une maison à [ville H.], ont sollicité la société Email immobilier afin de rechercher un acquéreur pour ce bien ; par trois mandats de vente sans exclusivité en date des 14 janvier, 13 mars et 15 mai 2015, le prix minimum du bien immobilier a été fixé successivement à 495.000, 480.000 puis 465.000 euros. Le 11 mai 2015, Mme Z. a déclaré par écrit souhaiter acquérir le bien au prix de 465.000 euros et, le 15 mai 2015, M. et Mme X. ont déclaré accepter le principe de cette offre d'achat, sous réserve de la signature rapide d'un avant-contrat ; cependant, M. et Mme X. ont refusé de conclure la vente, en déclarant, par lettre du 26 mai 2015, exercer leur droit de rétractation quant au dernier mandat confié à la société Email immobilier.

Par acte d'huissier du 8 septembre 2015, la société Email immobilier a fait assigner M. et Mme X. devant le tribunal de grande instance Strasbourg afin qu'ils soient condamnés à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 15.000 euros, correspondant aux honoraires prévus par le dernier contrat de mandat, en date du 15 mai 2015. M. et Mme X. ont invoqué la nullité du mandat aux motifs que celui-ci n'avait pas été conclu avec un agent immobilier titulaire d'une carte professionnelle, mais avec un agent commercial, et qu'il n'avait pas été régulièrement enregistré sur le registre prévu à cet effet. Par ailleurs, ils ont contesté le bien-fondé de la demande, en soutenant qu'aucune vente n'était intervenue de manière définitive, qu'aucun compromis n'avait été régularisé et que le mandat n'avait reçu aucun commencement d'exécution sérieux.

Suivant jugement en date du 9 mars 2017, le tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la société Email immobilier la somme de 15.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2015, débouté M. et Mme X. de leurs demandes, et condamné M. et Mme X. aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1.200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'essentiel, le tribunal a considéré que le mandat avait été conclu entre M. et Mme X. et la société Email immobilier, titulaire d'une carte professionnelle d'agent immobilier, et qu'il importait peu que cette société ait été représentée par un agent commercial qui a effectué les démarches ; en outre, il a relevé que le mandat conclu le 15 mai 2015 avait été régulièrement enregistré sur un registre tenu sous forme électronique, ainsi que cela résultait d'un document imprimé certifié conforme par le président de la société Email immobilier. Le tribunal a également considéré que, conformément aux clauses du mandat, M. et Mme X. s'étaient obligés à consentir à la vente à l'acquéreur présenté par le mandataire aux prix et conditions prévus par le mandat et que M. et Mme X. avaient renoncé au délai de rétractation en demandant que l'agent immobilier commence sans attendre la totalité de ses prestations.

Le 3 avril 2017, M. et Mme X. ont interjeté appel de cette décision.

L'instruction a été clôturée par ordonnance en date du 6 février 2018, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 6 juillet 2018, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

* * *

Par conclusions du 6 novembre 2017, M. et Mme X. demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de déclarer nul le mandat de vente du 15 mai 2015, ou, subsidiairement, de constater qu'ils ont exercé leur droit de rétractation et qu'ils n'avaient plus d'obligations à compter du 26 mai 2015, de dire que la société Email immobilier n'a pas accompli son mandat, de dire qu'elle a violé ses obligations de loyauté, de renseignement et de conseil et de la débouter de ses demandes, ou, à défaut, de réduire à l'euros symbolique le montant de la clause pénale, et, en tout état de cause, de la condamner au paiement de deux indemnités de 2.500 et 3.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme X. font valoir que le mandat a été conclu en dehors de tout établissement de la société Email immobilier, qu'il était donc soumis aux anciens articles L. 121-16 et suivants du code de la consommation, qu'il ne comportait pas l'ensemble des informations prévues par les articles L. 111-1 et L. 111-2 de ce code, ni celles de l'article L. 121-17, et que l'exemplaire qui leur a été remis ne comportait pas un formulaire de rétractation.

Ils ajoutent qu'ils ont exercé leur droit de rétractation dans les quatorze jours de la conclusion du contrat, qu'ils n'avaient remis à la société Email immobilier aucun écrit demandant expressément à cette société de commencer l'exécution de la prestation pendant le délai de rétractation, et que le contrat de mandat n'a pas été pleinement exécuté postérieurement à sa conclusion ; il leur aurait seulement été remis une offre d'intention d'achat n'engageant pas son auteur, et dépourvue de sérieux.

M. et Mme X. contestent avoir manqué à leurs obligations et reprochent à la société Email immobilier de ne pas avoir fait signer un compromis de vente.

Par ailleurs, le montant prévu pour le cas où les vendeurs refuseraient de contracter avec l'acquéreur présenté par l'agent immobilier serait excessif.

* * *

Par conclusions du 27 décembre 2017, la société Email immobilier demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer une indemnité de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Email immobilier soutient que M. et Mme X. ont manqué à leurs obligations en refusant de contracter avec l'acquéreur qu'elle leur a présenté, au prix prévu par le mandat, et qu'ils sont redevables de l'indemnité prévue par le contrat. Elle leur reproche également d'avoir vendu le bien à un tiers sans lui avoir notifié le nom et l'adresse de l'acquéreur et du notaire chargé de la rédaction de l'acte authentique.

La société Email immobilier conteste avoir manqué à ses obligations et soutient que la faculté de rétractation ne lui est pas opposable car M. et Mme X. lui auraient expressément demandé de commencer d'exécuter ses prestations avant l'expiration du délai de rétractation et ils devraient, de ce fait, une somme correspondant au service fourni jusqu'à la date de l'exercice de ce droit ; or, en l'espèce, ils auraient accepté une offre d'achat conforme au mandat donné. Ainsi la société Email immobilier aurait exécuté en totalité sa prestation.

Par ailleurs, le mandat du 15 mai 2015 serait régulier en la forme et comprendrait toutes les informations prévues par le code de la consommation ; un formulaire de rétractation aurait été remis aux mandants. L'offre d'achat aurait été sérieuse et son acceptation aurait rendu la vente parfaite. Enfin, il ne serait pas justifié de réduire le montant de l'indemnité prévue par le contrat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la nullité du mandat :

Attendu que M. et Mme X. affirment qu'aucun formulaire de rétractation n'était joint à l'exemplaire du contrat de mandat que leur a remis la société Email immobilier ;

Attendu, cependant, que la lecture du contrat démontre qu'à la suite du paragraphe les informant de l'existence et des modalités d'exercice de la faculté de rétractation, la case précédant la mention « Ceci exposé, le mandant reconnaît que le formulaire type de rétractation lui a été fourni en annexe au présent mandat » a été cochée ;

Attendu que le moyen de nullité tiré de l'absence de remise d'un formulaire de rétractation est donc mal fondé ;

Attendu que M. et Mme X. soutiennent également que le contrat conclu avec la société Email immobilier ne comportait pas toutes les informations prévues par l'ancien article L. 121-17 du code de la consommation ;

Attendu, cependant, que M. et Mme X., qui, conformément à l'article 6 du code de procédure civile, ont la charge d'alléguer des faits propres à justifier leurs prétentions, ne précisent pas quelles seraient les informations omises ; qu'il n'appartient pas au juge de suppléer leur carence ;

Attendu que M. et Mme X. seront en conséquence déboutés de leur demande tendant à faire prononcer la nullité du mandat conclu le 15 mai 2015 ;

 

Sur l'exercice de la faculté de rétractation :

Attendu que, conformément à l'article L. 121-21, alinéa 1, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date des faits, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5, et toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle ; que, selon l'alinéa 2 du même article, ce délai court à compter du jour de la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services ;

Attendu, en l'espèce, que le contrat de mandat du 15 mai 2015 a été conclu hors établissement et que M. et Mme X. disposaient donc d'un délai expirant le 29 mai suivant pour exercer leur droit de rétractation ; que l'exercice de ce droit par lettre du 26 mai 2015 est donc intervenu dans le délai légal ;

Attendu que l'exercice par le consommateur de la faculté de demander que l'exécution de la prestation de service débute avant l'expiration du délai de rétractation n'a pas pour effet de le priver du bénéfice de celui-ci ;

Attendu que, selon l'article L. 121-21-8, 1° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date des faits, le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de services pleinement exécutés avant la fin du délai de rétractation et dont l'exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation ;

Attendu, en l'espèce, que le mandat de vente n'avait pas été pleinement exécuté par la société Email immobilier avant le 26 mai 2015 ; qu'en effet, à cette date aucun accord n'était intervenu avec un acquéreur pour la vente du bien immobilier ; que la société Email immobilier avait seulement transmis à M. et Mme X. une « offre d'intention d'achat », dont l'auteur précisait qu'elle n'était pas une offre ou une promesse d'achat et à laquelle il se réservait expressément le droit de ne pas donner suite ; que l'« acceptation de principe » d'une telle offre par M. et Mme X., « sous réserve de la signature rapide d'un avant-contrat incluant les clauses d'usage et les diagnostics obligatoires », ne vaut que comme preuve de l'information qu'ils avaient reçue et démontre l'étendue de la mission restant à accomplir pour l'agent immobilier ;

Attendu que M. et Mme X. ont donc exercé valablement leur droit de rétractation ;

Attendu que si, selon les dispositions générales de l'ancien article L. 121-21-5, alinéa 2, du code de la consommation, le consommateur qui a exercé son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services dont l'exécution a commencé, à sa demande expresse, avant la fin du délai de rétractation, verse en principe au professionnel un montant correspondant au service fourni jusqu'à la communication de sa décision de se rétracter, néanmoins, conformément aux dispositions spéciales de l'article 6 I, alinéa 8, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, aucune somme d'argent, représentative d'honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est due à l'agent immobilier avant que l'opération ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties ;

Attendu qu'en l'espèce aucune opération n'a été constatée dans un acte écrit contenant l'engagement de M. et Mme X. et d'un acquéreur ; que la société Email immobilier ne peut dès lors solliciter le paiement d'aucune somme en exécution du mandat conclu le 15 mai 2015 ;

Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de débouter société Email immobilier de ses demandes ;

 

Sur les dépens et autres frais de procédure :

Attendu que la société Email immobilier, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile ;

Attendu que, selon l'article 700, 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ;

Attendu que les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société Email immobilier à payer à M. et Mme X. une indemnité de 3.500 euros au titre des frais exclus des dépens exposés à l'occasion du présent procès, tant en première instance qu'en cause d'appel ; qu'elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré ;

Et, statuant à nouveau,

DÉBOUTE M. et Mme X. de leur demande tendant à faire prononcer la nullité du mandat conclu le 15 mai 2015 ;

CONSTATE que M. et Mme X. ont exercé leur droit de rétractation ;

DÉBOUTE la société Email immobilier de ses demandes ;

CONDAMNE la société Email immobilier aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. et Mme X. une indemnité de 3.500 euros (trois mille cinq cents euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE