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CASS. COM., 10 juillet 2018

Nature : Décision
Titre : CASS. COM., 10 juillet 2018
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. commerciale
Demande : 17-16365
Décision : 18-696
Date : 10/07/2018
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:CO00696
Nature de la décision : Cassation sans renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 696
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CERCLAB - DOCUMENT N°7874

CASS. COM., 10 juillet 2018 : pourvoi n° 17-16365 ; arrêt n° 696 

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « Vu l’article 125 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 420-7 et R. 420-5 du code de commerce ; Attendu qu’il résulte de la combinaison de ces textes que les actions en réparation des préjudices nés de pratiques anticoncurrentielles sont portées devant les juridictions spécialisées désignées à l’article R. 420-3 du code de commerce et que seule la cour d’appel de Paris est investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur l’appel formé contre les décisions rendues par ces juridictions ; que l’inobservation de ces règles d’ordre public est sanctionnée par une fin de non-recevoir ; […]

que par un jugement du 30 juin 2015, le tribunal mixte de commerce de Fort de France a déclaré prescrite cette action ; que M. Y. a interjeté appel de cette décision devant la cour d’appel de Fort de France ; Attendu que l’arrêt confirme ce jugement, rendu par une juridiction spécialement désignée par l’article R. 420-3 du code de commerce ; Qu’en statuant ainsi, sans relever d’office la fin de non-recevoir tirée de son défaut de pouvoir juridictionnel pour statuer sur l’appel formé devant elle, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 10 JUILLET 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 17-16365. Arrêt n° 696.

DEMANDEUR à la cassation : Monsieur Y.

DÉFENDEUR à la cassation : Société Filmdis - Société Cinesogar - Société Mediagestion

Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président), président. SCP Le Bret-Desaché, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article 125 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 420-7 et R. 420-5 du code de commerce ;

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu’il résulte de la combinaison de ces textes que les actions en réparation des préjudices nés de pratiques anticoncurrentielles sont portées devant les juridictions spécialisées désignées à l’article R. 420-3 du code de commerce et que seule la cour d’appel de Paris est investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur l’appel formé contre les décisions rendues par ces juridictions ; que l’inobservation de ces règles d’ordre public est sanctionnée par une fin de non-recevoir ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Filmdis assure la distribution de films en Martinique et recourt, pour la distribution de films en Guadeloupe, à un sous-distributeur, la société Cinesogar ; que ces sociétés sont des filiales de la société Holding Mediagestion ; que, le 9 mars 2000, M. Y., qui exploite une salle de cinéma sous l’enseigne Ciné théâtre, a saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution et de l’exploitation de films ; que par une décision n° 04-D-44 du 15 septembre 2004, le Conseil a dit que les sociétés Filmdis et Cinesogar avaient enfreint les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce, leur a infligé une sanction pécuniaire et fait injonction de supprimer certaines clauses des contrats les liant aux exploitants de salles de cinéma indépendants et de cesser certains agissements ; que par un arrêt du 29 mars 2005, la cour d’appel de Paris a réformé cette décision, retenant, notamment, qu’il n’était pas établi que la société Cinesogar ait enfreint l’article L. 420-2 du code de commerce, et réduit la sanction infligée à la société Filmdis ; que par actes des 24 mars et 8 avril 2010, M. Y. a assigné les sociétés Filmdis, Cinesogar et Mediagestion en réparation des préjudices qu’il estimait avoir subis du fait de ces pratiques anticoncurrentielles ; que par un jugement du 30 juin 2015, le tribunal mixte de commerce de Fort de France a déclaré prescrite cette action ; que M. Y. a interjeté appel de cette décision devant la cour d’appel de Fort de France ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que l’arrêt confirme ce jugement, rendu par une juridiction spécialement désignée par l’article R. 420-3 du code de commerce ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, sans relever d’office la fin de non-recevoir tirée de son défaut de pouvoir juridictionnel pour statuer sur l’appel formé devant elle, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Fort-de-France ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable l’appel formé devant la cour d’appel de Fort de France, par M. Y., exerçant sous l’enseigne Ciné théâtre, contre le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Fort de France le 30 juin 2015 ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens, y compris ceux exposés devant les juges du fond ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-huit.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. Y.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

IL EST FAIT GRIEF A l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu’il déclaré irrecevable l’action en indemnisation pour pratiques anticoncurrentielles prohibées, intentée par une partie (M. Y.), contre d’autres (les sociétés Cinesogar, Filmdis et Mediagestion) ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE M. Y. recherchait la responsabilité contractuelle de la société Filmdis, au visa de l’article 1147 du code civil, en raison des pratiques anticoncurrentielles qu’il lui reprochait et qui seraient constituées d’abus de position dominante et d’abus de dépendance économique au sens des deux alinéas de l’article L. 420-2 du code de commerce ; que, prenant appui sur la décision du Conseil de la concurrence et l’arrêt partiellement confirmatif de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2005, il faisait grief à la société Filmdis, soit d’avoir inséré des clauses en elles-mêmes abusives dans les contrats-types imposés à ses cocontractants, soit d’avoir violé d’autres clauses au profit d’autres salles concurrentes à la sienne ; que, pourtant, s’il avait bien entretenu une relation contractuelle avec la société Filmdis, dont l’objet était la distribution de films en vue de leur projection dans la salle exploitée par M. Y., celui-ci n’avait jamais adhéré à la convention-type proposée par la société Filmdis et dont les clauses n’avaient pas davantage été mises en application par les parties ; que, par conséquent, comme le soutenaient les intimées, en l’absence de manquement de la société Filmdis à ses obligations nées du contrat spécifiquement conclu avec M. Y., les fautes commises par celles-ci ne pouvaient engager que sa responsabilité délictuelle ; qu’à l’encontre des sociétés Cinésogar et Mediagestion, avec lesquelles il n’était pas lié par un contrat, M. Y. réclamait la réparation de ses préjudices au visa de l’article 1382 du code civil ; que la prescription de son action était donc, lorsqu’elle avait été engagée par assignation du 24 mars 2000, soumise en toutes ses composantes à la prescription décennale de l’ancien article 2270-1 du code civil, selon lesquelles « les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation » ; qu’il lui avait été substitué un délai quinquennal par l’article 2224 issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, l’article 26 II de cette loi prévoyant que “les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure” ; que le point de départ du délai de prescription se situait au jour où M. Y. avait eu connaissance des faits à l’origine du préjudice dont il se plaignait ; qu’il ressortait du procès-verbal de la réunion de conciliation du Médiateur du cinéma, en date du 8 octobre 1999, que celui-ci avait été saisi de la plainte de M. Y. par courriers des 28 octobre 1998 et 17 juin 1999 et que M. Y. avait amplement développé devant lui les distorsions aux règles de la libre concurrence dont il s’estimait victime de la part de la société Filmdis ; que ce même comportement anticoncurrentiel avait ensuite été dénoncé dans la lettre enregistrée le mars 2000 destinée au Conseil de la concurrence, puis dans les mémoires des 2 mai et 28 juin 2000, détaillant les pratiques de la société Filmdis-Circuit Elizé qu’il estimait anticoncurrentielles ; que M. Y. connaissait ainsi les manquements reprochés aujourd’hui aux intimées dès le 28 octobre 1998 et, dans toute leur ampleur. à tout le moins dès le 9 mars 2000 ; que son préjudice, dont aucune aggravation n’était caractérisée, était alors également déjà constitué ; que le délais imparti à M. Y. pour agir avait donc commencé à courir le 9 mars 2000 ; que la procédure engagée devant le Conseil de la concurrence puis, sur recours, devant la cour d’appel de Paris n’avait eu pour effet ni de retarder le point de départ de la prescription, ni d’en suspendre le cours ; qu’elle avait simplement permis à M. Y. de faire sanctionner les sociétés Filmdis et Cinésogar et de se ménager des éléments de preuve supplémentaires, sans aucunement l’empêcher d’agir devant la juridiction civile en réparation de ses préjudices ; que s’agissant d’une action extra-contractuelle, le délai maximum de dix ans dont bénéficiait M. Y. expirait donc le 9 mars 2010 ; qu’en l’absence de solidarité légale ou contractuelle entre les parties défenderesses, l’assignation délivrée par une autre partie n’avait eu aucune effet interruptif à l’égard des autres ; qu’or, M. Y. avait fait assigner les sociétés Filmdis, Cinésogar et Mediagestion, par actes des 24 mars et 8 avril 2000, les demandes indemnitaires à l’encontre de Mediagestion, initialement appelée en déclaration de jugement commun, n’étant même présentées pour la première fois que le 21 janvier 2014 ; que le premier juge avait donc exactement retenu que les actions engagées à l’encontre des sociétés Filmdis, Cinésogar et Mediagestion étaient irrecevables comme prescrites ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE d’une part la cour d’appel de Paris est seule compétente pour connaître, en appel, des actions en indemnisation de pratiques anticoncurrentielles, notamment celles de l’article L. 420-2 du code de commerce ; qu’en s’abstenant de soulever d’office son incompétence, quand elle avait été saisie en appel d’une action tendant à l’indemnisation de telles pratiques anticoncurrentielles, la cour d’appel a violé les articles L. 420-7, R. 420-5 du code de commerce et 122 du code de procédure civile ;

ALORS QUE d’autre part la prescription de l’action en indemnisation née d’une pratique anticoncurrentielle visée à l’article L. 420-2 du code de commerce ne court pas tant que la pratique prohibée n’a pas cessé ; qu’en ayant fixé au 9 mars 2000 le point de départ de la prescription de l’action en indemnisation intentée par M. Y., sans constater que les pratiques anticoncurrentielles dénoncées par lui avaient cessé, la cour d’appel a violé l’article 2224 du code civil, interprété à la lumière de l’article 36 de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014, ensemble l’article L. 462-7 du code de commerce ;

ALORS QUE de troisième part si l’Autorité de la concurrence a été saisie de faits de pratiques anticoncurrentielles par l’une des victimes de celles-ci, le délai de prescription de l’action en indemnisation de ces pratiques prohibées ne court que du jour où l’Autorité a rendu sa décision ; qu’en ayant fixé le point de départ de l’action de M. Y. au 9 mars 2000 et non au jour de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2005, qui avait pourtant seul permis à l’exposant de connaître dans toute leur ampleur les pratiques anticoncurrentielles dont il avait été victime, la cour d’appel a violé l’article 2224 du code civil ;

ALORS QUE de quatrième part la saisine de l’Autorité de la concurrence interrompt le délai de prescription de l’action en indemnisation dont est titulaire la victime d’une pratique anticoncurrentielle prohibée ; qu’en ayant jugé le contraire, la cour d’appel a violé l’article 2224 du code civil, interprété à la lumière de l’article 36 de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014, ensemble l’article L. 462-7 du code de commerce ;

ALORS QU’ENFIN l’action en indemnisation intentée contre l’un des auteurs d’une pratique anti-concurrentielle prohibée interrompt le cours de la prescription contre les co-auteurs de cette pratique ; qu’en ayant jugé le contraire, au profit de la société Mediagestion, la cour d’appel a violé l’article 2245 du code civil, interprété à la lumière de l’article 36 de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014.