CASS. COM., 3 juillet 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7878
CASS. COM., 3 juillet 2019 : pourvoi n° 17-22739 ; arrêt n° 564
Publication : Legifrance
Extrait : « Mais attendu, en premier lieu, que c’est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, des termes des conclusions de la société Elecor et du jugement frappé d’appel, que leur ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d’appel a retenu que la demande de la société Elecor, par laquelle celle-ci demandait que soit prononcée l’annulation des stipulations de l’annexe 5 de l’accord-cadre la liant à la société EFI, au motif qu’elles créaient un déséquilibre significatif à son préjudice en excluant ses conditions générales de vente au profit des conditions générales d’achat de la société EFI et, en conséquence, qu’il soit fait interdiction à cette société d’appliquer les clauses de responsabilité figurant à ses conditions générales d’achat, constituait un moyen de défense fondé sur l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce ;
Et attendu, en second lieu, qu’ayant constaté que la société Elecor avait, devant le tribunal, opposé aux demandes des sociétés EFI et AIG un moyen de défense fondé sur l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, la cour d’appel en a exactement déduit que l’appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon devait être porté devant la cour d’appel de Paris. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 3 JUILLET 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 17-22739. Arrêt n° 564.
DEMANDEUR à la cassation : Société AIG Europe Ltd - Société Electricfil Automotive
DÉFENDEUR à la cassation : Société Orelec, devenue la Société Elecor
Mme Mouillard (président), président. SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon les arrêts attaqués (Lyon, 5 janvier 2017 et 8 juin 2017), que par un contrat de prestation de services du 22 décembre 2005, la société Electricfil Automotive (la société EFI), spécialisée dans la fabrication de capteurs pour moteurs automobiles, a confié à la société Orelec, devenue la société Elecor, le traitement de certaines pièces mécaniques ; qu’invoquant des désordres ayant affecté ces pièces, la société EFI et son assureur, la société AIG Europe Ltd (la société AIG), ont assigné la société Elecor et son assureur, la société Axa France IARD, devant le tribunal de commerce de Lyon, en réparation de leurs préjudices ; que la société Elecor a demandé l’annulation des stipulations de l’annexe 5 de l’accord-cadre la liant à la société EFI, sur le fondement de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, comme engendrant un déséquilibre significatif à son préjudice et, en conséquence, qu’il soit fait interdiction à cette société d’appliquer les clauses de responsabilité figurant à ses conditions générales d’achat ; que le tribunal ayant rejeté l’ensemble des demandes, les sociétés EFI et AIG ont formé appel devant la cour d’appel de Lyon ;
Sur la déchéance du pourvoi en ce qu’il est formé contre l’arrêt du 5 janvier 2017 :
Vu l’article 978 du code de procédure civile ;
Attendu qu’aucun moyen n’étant dirigé contre l’arrêt du 5 janvier 2017, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu’il est formé contre cette décision ;
Et sur le pourvoi en ce qu’il est formé contre l’arrêt du 8 juin 2017 :
Sur le moyen unique de ce pourvoi :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société EFI et son assureur font grief à l’arrêt de déclarer leur appel irrecevable alors, selon le moyen :
1°/ qu’en vertu des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, la cour d’appel de Paris est exclusivement compétente pour statuer sur l’appel des décisions rendues par les juridictions désignées pour connaître des litiges relatifs à l’application du premier de ces textes ; qu’il en résulte que l’appel dirigé contre une décision rendue par l’une de ces juridictions en ses seuls chefs de dispositif non relatifs à l’article précité est recevable dès lors qu’il est formé devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle se situe la juridiction en cause ; qu’en jugeant que l’appel général formé par les sociétés EFI et AIG contre le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 8 juin 2015, qui les avaient notamment déboutées de leur demande de condamnation de la société Elecor et de son assureur, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la première, était irrecevable du fait de l’irrecevabilité de l’appel incident formé par la société Elecor contre ce jugement en ce qu’il avait rejeté « le moyen de défense » invoqué par la société Elecor sur le fondement implicite de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, quand les demandes des sociétés EFI et AIG déférées à la cour d’appel n’avaient pas nécessité l’application par le premier juge de cette disposition, la cour d’appel a violé les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, ensemble l’article 562 du code de procédure civile ;
2°/ que la portée de l’appel est délimitée par les dernières conclusions de l’appelant ; qu’en l’espèce, il résulte des dernières conclusions d’appel des sociétés EFI et AIG que ces dernières ne sollicitaient l’infirmation du jugement du tribunal de commerce du 8 juin 2015 qu’en ce qu’il les avait déboutées de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la société Elecor et son assureur la compagnie AXA France IARD, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la première ; qu’en retenant que « l’appel général » formé par les sociétés EFI et AIG était irrecevable, « même si le recours n’est porté sur les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce que dans le cadre de l’appel incident », quand les sociétés EFI et AIG avaient, dans leurs dernières conclusions, limité leur appel aux seuls chefs de dispositif du jugement leur faisant grief, desquels était notamment exclu celui relatif à « l’absence de déséquilibre contractuel » et sans constater que le litige revêtait un caractère indivisible, la cour d’appel a violé l’article 562 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce ;
3°/ que, dans ses conclusions devant le tribunal de commerce de Lyon, la société Orelec avait formé une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la société EFI à lui verser une somme de 30 000 euros en indemnisation du préjudice qu’elle prétendait avoir subi à raison du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties qui résulterait de l’accord-cadre du 22 décembre 2005 ; qu’aux termes de son jugement du 8 juin 2015, le tribunal de commerce de Lyon, après avoir débouté les sociétés EFI et AIG de l’ensemble de leurs demandes, au motif que ces sociétés « ne rapportaient pas la preuve d’un manquement d’Orelec à ses obligations et d’un lien de causalité entre ledit manquement qu’EFI et AIG allèguent et la survenance des désordres », puis a « débouté la société Orelec de sa demande reconventionnelle » ; qu’en énonçant, pour dire que l’appel incident de la société Elecor contre ce jugement entraînait l’irrecevabilité de l’appel principal des sociétés EFI et AIG, que le jugement entrepris avait notamment « rejeté le moyen de défense » formé par la société Orelec, devenue Elecor, sur le fondement, sinon sur le visa, désormais expressément mentionné, de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, quand ce jugement ne fait état d’aucun moyen de défense reposant sur ce fondement, la cour d’appel a dénaturé le jugement du 8 juin 2015, en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, en premier lieu, que c’est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, des termes des conclusions de la société Elecor et du jugement frappé d’appel, que leur ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d’appel a retenu que la demande de la société Elecor, par laquelle celle-ci demandait que soit prononcée l’annulation des stipulations de l’annexe 5 de l’accord-cadre la liant à la société EFI, au motif qu’elles créaient un déséquilibre significatif à son préjudice en excluant ses conditions générales de vente au profit des conditions générales d’achat de la société EFI et, en conséquence, qu’il soit fait interdiction à cette société d’appliquer les clauses de responsabilité figurant à ses conditions générales d’achat, constituait un moyen de défense fondé sur l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce ;
Et attendu, en second lieu, qu’ayant constaté que la société Elecor avait, devant le tribunal, opposé aux demandes des sociétés EFI et AIG un moyen de défense fondé sur l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, la cour d’appel en a exactement déduit que l’appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon devait être porté devant la cour d’appel de Paris ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : CONSTATE LA DÉCHÉANCE du pourvoi en ce qu’il est formé contre l’arrêt du 5 janvier 2017 ;
REJETTE le pourvoi en ce qu’il est formé contre l’arrêt du 8 juin 2017 ;
Condamne les sociétés Electricfil Automotive et AIG Europe Ltd aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 3.000 euros à la société Axa France IARD et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés AIG Europe Ltd et Electricfil Automotive.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR déclaré irrecevable l’appel principal formé par la société ELECTRICFIL AUTOMOTIVE et par la société AIG EUROPE LTD contre le jugement du tribunal de commerce de LYON du 8 juin 2015 ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU’ « En application des articles L. 442-6 III et D. 442-3 du code de commerce, le recours formé contre le jugement du 18 juin 2015 du tribunal de commerce de LYON, juridiction spécialement désignée qui a notamment rejeté le moyen de défense formé par la société ORELEC, devenue ELECOR, sur le fondement, sinon sur le visa, désormais expressément mentionné, de l’article L. 442-6-I-2°, doit être porté devant la cour d’appel de Paris, seule dotée du pouvoir juridictionnel pour en connaître. En conséquence, l’appel général formé devant la présente cour est irrecevable, même si le recours n’est porté sur les dispositions de cet article que dans le cadre de l’appel incident, comme le relève la société ORELEC au visa de l’article 562 du code de procédure civile. L’équité commande qu’il ne soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile au profit d’aucune partie et que chacune d’elles conserve ses dépens d’appel, sans qu’il puisse être fait application dans ces conditions de l’article 699 du code de procédure civile »
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QU’ en vertu des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, la cour d’appel de PARIS est exclusivement compétente pour statuer sur l’appel des décisions rendues par les juridictions désignées pour connaître des litiges relatifs à l’application du premier de ces textes ; qu’il en résulte que l’appel dirigé contre une décision rendue par l’une de ces juridictions en ses seuls chefs de dispositif non relatifs à l’article précité est recevable dès lors qu’il est formé devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle se situe la juridiction en cause ; qu’en jugeant que l’appel général formé par les sociétés EFI et AIG contre le jugement du tribunal de commerce de LYON du 8 juin 2015, qui les avaient notamment débouté de leur demande de condamnation de la société ELECOR (ORELEC) et de son assureur, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la première, était irrecevable du fait de l’irrecevabilité de l’appel incident formé par la société ELECOR contre ce jugement en ce qu’il avait rejeté « le moyen de défense » invoqué par la société ELECOR sur le fondement implicite de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, quand les demandes des sociétés EFI et AIG déférées à la cour d’appel n’avaient pas nécessité l’application par le premier juge de cette disposition, la cour d’appel a violé les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, ensemble l’article 562 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la portée de l’appel est délimitée par les dernières conclusions de l’appelant ; qu’en l’espèce, il résulte des dernières conclusions d’appel des sociétés EFI et AIG que ces dernières ne sollicitaient l’infirmation du jugement du tribunal de commerce du 8 juin 2015 qu’en ce qu’il les avait déboutées de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la société ELECOR (ORELEC) et son assureur la compagnie AXA FRANCE IARD, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la première (conclusions d’appel n° 4, p. 26) ; qu’en retenant que « l’appel général » formé par les sociétés EFI et AIG était irrecevable, « même si le recours n’est porté sur les dispositions de [l’article L. 442-6 du code de commerce] que dans le cadre de l’appel incident », quand les sociétés EFI et AIG avaient dans leurs dernières conclusions limité leur appel aux seuls chefs de dispositif du jugement leur faisant grief, desquels était notamment exclu celui relatif à « l’absence de déséquilibre contractuel » (leurs conclusions d’appel n°4, p. 26, 4ème §), et sans constater que le litige revêtait un caractère indivisible, la cour d’appel a violé l’article 562 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce ;
3°) ALORS QUE dans ses conclusions devant le tribunal de commerce de LYON, la société ORELEC avait formé une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la société EFI à lui verser une somme de 30.000 € en indemnisation du préjudice qu’elle prétendait avoir subi à raison du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties qui résulterait de l’accord-cadre du 22 décembre 2005 ; qu’aux termes de son jugement du 8 juin 2015, le tribunal de commerce de LYON, après avoir débouté les sociétés EFI et AIG de l’ensemble de leurs demandes (p. 6 à 7, 1er §), au motif que ces sociétés « ne rapport[aient] pas la preuve d’un manquement d’ORELEC à ses obligations et d’un lien de causalité entre ledit manquement qu’EFI et AIG allèguent et la survenance des désordres », puis a « débout[é] la société ORELEC de sa demande reconventionnelle » (p. 7, 2ème §) ; qu’en énonçant, pour dire que l’appel incident de la société ELECOR contre ce jugement entraînait l’irrecevabilité de l’appel principal des sociétés EFI et AIG, que le jugement entrepris avait notamment « rejeté le moyen de défense » formé par la société ORELEC, devenue ELECOR, sur le fondement, sinon sur le visa, désormais expressément mentionné, de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, quand ce jugement ne fait état d’aucun moyen de défense reposant sur ce fondement, la cour d’appel a dénaturé le jugement du 8 juin 2015, en violation de l’article 4 du code de procédure civile.