CASS. CIV. 1re, 19 juin 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7973
CASS. CIV. 1re, 19 juin 2019 : pourvoi n° 18-10424 ; arrêt n° 590
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Ayant à bon droit retenu que le contrat de location d’un logement, en ce qu’il oblige le bailleur à mettre un immeuble à la disposition du locataire afin qu’il en jouisse pendant un certain temps, sans imposer au premier, à titre principal, l’exécution d’une prestation, ne constitue pas un contrat de fourniture de services, la cour d’appel en a exactement déduit que le bail d’habitation régi par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 n’entrait pas dans le champ d’application de l’action de groupe prévue à l’article L. 423-1, devenu L. 623-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, de sorte qu’était irrecevable l’action de groupe engagée par l’association aux fins d’obtenir la réparation de préjudices individuels subis par les locataires et ayant pour cause commune un manquement du bailleur à ses obligations légales ou contractuelles ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 19 JUIN 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 18-10424. Arrêt n° 590.
DEMANDEUR à la cassation : Association Confédération nationale du logement
DÉFENDEUR à la cassation : Société Immobilière 3F
Mme Batut (président), président. SCP Piwnica et Molinié, SCP Zribi et Texier, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2017), que, soutenant que la société Immobilière 3F (le bailleur) avait inséré une clause illicite et abusive dans ses contrats de location de logements, l’association Confédération nationale du logement (l’association) l’a assignée, le 5 janvier 2015, sur le fondement des dispositions relatives à l’action de groupe, aux fins de voir déclarer cette clause non écrite et d’obtenir sa condamnation à réparer les préjudices individuels subis par les locataires ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que l’association fait grief à l’arrêt de déclarer son action irrecevable, alors, selon le moyen :
1°/ qu’une association de défense des consommateurs, représentative au niveau national et agréée, peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles à l’occasion de la vente de bien ou de la fourniture de services ; que le contrat de bail constitue un contrat de fourniture de services, redevable, comme tel, du mécanisme de l’action de groupe ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé, par fausse interprétation, l’article L. 423-1, 1°, devenu l’article L. 623-1, du code de la consommation ;
2°/ qu’aucune disposition du code de la consommation n’exclut du champ d’application de l’action de groupe les préjudices subis par des consommateurs à raison des manquements commis par un professionnel à l’occasion d’un contrat de bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 ; qu’en énonçant que le bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation, de sorte qu’un tel contrat de bail n’entre pas dans le champ d’application de l’action de groupe, la cour d’appel a violé l’article L. 423-1, devenu l’article L. 623-1, du code de la consommation, par refus d’application ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’ayant à bon droit retenu que le contrat de location d’un logement, en ce qu’il oblige le bailleur à mettre un immeuble à la disposition du locataire afin qu’il en jouisse pendant un certain temps, sans imposer au premier, à titre principal, l’exécution d’une prestation, ne constitue pas un contrat de fourniture de services, la cour d’appel en a exactement déduit que le bail d’habitation régi par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 n’entrait pas dans le champ d’application de l’action de groupe prévue à l’article L. 423-1, devenu L. 623-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, de sorte qu’était irrecevable l’action de groupe engagée par l’association aux fins d’obtenir la réparation de préjudices individuels subis par les locataires et ayant pour cause commune un manquement du bailleur à ses obligations légales ou contractuelles ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs surabondants, n’est pas fondé en sa première ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne l’association Confédération nationale du logement aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour l’association Confédération nationale du logement.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Confédération Nationale du Logement fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR déclaré irrecevable l’action de groupe qu’elle a engagée ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « selon les dispositions de l’alinéa 1er de l’article L. 423-1 du code de la consommation, issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation : « Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles : 1° à l’occasion de la vente de biens ou de la fournitures de services ; 2° ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du libre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » ; que ce texte subordonne ainsi la recevabilité de l’action de groupe à l’existence de préjudices individuels nés de manquements commis à l’occasion de la vente ou de la fourniture de services ou de pratiques anticoncurrentielles ; qu’il appartient au demandeur qui invoque l’existence d’une fourniture de services de rapporter la preuve de celle-ci ; que le contrat de fourniture de services est celui qui permet de réaliser une prestation de services, le consommateur se procurant des services à des fins non professionnelles ; qu’il comprend comme obligation essentielle une obligation de faire, le débiteur de cette obligation s’engageant à titre principal, à effectuer une activité déterminée créatrice d’utilité économique ; qu’en l’espèce, la Confédération Nationale du Logement soutient que les contrats de location conclus entre le S.A. Immobilière 3F d’une part et chacune des quatre locataire dont elle invoque la situation personnelle d’autre part constituent des contrats de fourniture de services ; que selon les dispositions de l’article 8 de ces contrats « les obligations de la société et du locataire sont régies par les articles 6 et 7 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989, la législation HLM et le présent contrat » ; que ces contrats constituent des contrats de louage de choses au sens de l’article 1709 du Code civil ; que selon les dispositions de ce texte : « le louage de chose est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige à lui payer » ; que cette définition s’applique en particulier au louage d’immeuble, l’immeuble en tant que chose, constituant l’objet du contrat ; que dans ce contrat, le titulaire du droit réel sur l’immeuble procure durant un certain temps à son cocontractant la jouissance de l’immeuble ou d’une partie de celui-ci, en contrepartie du paiement d’un loyer ; que de cette définition il résulte que le bailleur ne s’oblige pas, à titre d’obligation essentielle, à réaliser une prestation mais à mettre un bien immobilier à la disposition de son cocontractant ; que le bail d’habitation ne comprend donc pas à titre principal de la part du bailleur une obligation de faire au sens, rappelé ci-dessus, de réalisation d’une activité déterminée créatrice d’utilité économique ; que la mise à disposition d’un bien immobilier, obligation principale du bailleur dans le bail d’habitation, ne saurait donc être qualifiée de fourniture de services et correspondre, pour le locataire à la consommation d’un service ; que par ailleurs, l’obligation essentielle du bailleur n’étant pas une prestation de services, le fait que la mise à disposition du bien immobilier s’accompagne de certains services fournis dans le cadre de charges récupérables, est sans influence sur la qualification du contrat, lequel constitue un contrat de louage de choses et non de fourniture d’une prestation ; qu’en outre, l’action de groupe est instituée par l’article L. 423-1 du code de la consommation ; que des dispositions de l’article 8 des contrats de location susvisés il résulte qu’en l’espèce les obligations générales de la société et du locataire sont régies en particulier par les articles 6 et 7 de la loi du 6 juillet 1989 ; que le bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation (cf : Cass 3ème arrêts du 26 janvier 2017 (n° 16-10.389 ; n° 15-27.688 ; et n° 15-25.791) : arrêts qui, bien qu’ils ne portent pas sur l’application de l’article L. 423-1 du code de la consommation, d’une part posent un principe, de portée générale, d’exclusion du droit de la consommation en matière de bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 et d’autre part, soit censurent le motif du premier juge selon lequel « la location d’un logement est une fourniture de services, le bailleur mettant la disposition du locataire un local en contrepartie d’un loyer (arrêt n° 16-10-389) soit écartent la notion de “professionnel” notion particulière au droit de la consommation (arrêts n° 15-27.688 et 15-25.791) ; que, comprises, doit dans le code civil, soit dans des textes non codifiés, les règles applicables aux contrats d’habitation ne sont pas incluses dans le code de la consommation ; que celui-ci n’y renvoie pas ; qu’il ne contient pas de dispositions traitant spécialement de droits et obligations en matière de baux d’habitation ; qu’il en résulte que le droit de la consommation n’inclut pas dans son champ d’application le bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 ; que sur le moyen pris des travaux parlementaires, ceux-ci ne peuvent, à eux seuls, être utilisés pour donner de la notion de fourniture de services des éléments de définition et un contenu que la loi ne précise pas ; qu’il convient d’observer à cet égard qu’alors que l’extrait de la séance du 25 juin 2013 de l’Assemblée nationale mentionné par les premiers juges est essentiellement constitué d’une affirmation selon laquelle « aucun secteur d’activité n’est exclu du champ d’application du dispositif d’action de groupe », cette affirmation ne s’inscrit pas dans le cadre d’un échange de moyens juridiques qui permettrait d’en apprécier le fondement et la portée ; que de ce qui précède il résulte que le bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 n’entre pas dans le champ d’application de l’action de groupe » ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QU’une association de défense des consommateurs, représentative au niveau national et agréée, peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles à l’occasion de la vente de bien ou de la fourniture de services ; que le contrat de bail constitue un contrat de fourniture de services, redevable, comme tel, du mécanisme de l’action de groupe ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé, par fausse interprétation, l’article L. 423-1, 1°, devenu l’article L. 623-1, du code de la consommation ;
2°) ALORS QU’aucune disposition du code de la consommation n’exclut du champ d’application de l’action de groupe les préjudices subis par des consommateurs à raison des manquements commis par un professionnel à l’occasion d’un contrat de bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 ; qu’en énonçant que le bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation, de sorte qu’un tel contrat de bail n’entre pas dans le champ d’application de l’action de groupe, la cour d’appel a violé l’article L. 423-1, devenu l’article L. 623-1, du code de la consommation, par refus d’application.