5754 - Code de la consommation - Régime de la protection - Groupe de consommateurs - Action de groupe
- 5709 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Qualité pour agir
- 5753 - Code de la consommation - Régime de la protection - Groupe de consommateurs - Action en représentation conjointe
- 5761 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Contrats – Contrats identiques conclus avec un consommateur
- 5765 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Suppression volontaire - Clauses supprimées avant l’action - Droit postérieur à la loi du 17 mars 2014
- 5767 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Suppression volontaire - Clauses supprimées en cours d’instance - Droit postérieur à la loi du 17 mars 2014
- 5807 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (6) - Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014
- 6252 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Suppression de la clause (nullité)
- 5782 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Effets de l’action - Réparation des préjudices - Préjudice du professionnel
- 6256 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Publication de la décision
- 5840 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat - Qualification du contrat - Clauses abusives - Régime général
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5754 (23 septembre 2022)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - RÉGIME
ACTION D’UN GROUPE DE CONSOMMATEURS - ACTION DE GROUPE
Présentation. La loi n° 2014-34 du 17 mars 2014 a introduit dans le Code de la consommation aux articles L. 423-1 s. une action de groupe permettant à une association de consommateurs d’engager une action contre un professionnel au nom de consommateurs constitutifs d’un groupe susceptible d’intégrer d’autres consommateurs se trouvant dans une situation identique. Lors de la refonte réalisée par l’ordonnance du 14 mars 2016, les textes ont été déplacés et restructurés aux art. L. 623-1 s. C. consom.
Aux termes de l’art. L. 623-1 C. consom. (anciennement art. L. 423-1 C. consom.), « Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l'article L. 811-1 peut agir devant une juridiction civile afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles : 1° A l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ; 2° Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ». Selon l’art. L. 623-2 C. consom. (repris aussi de l’ancien art. L. 423-1 C. consom.), « L'action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs. »
Suppression d’une clause abusive dans une action de groupe. L’action de groupe a pour objectif explicite de réparer les « préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs ». À l’occasion de cette recherche de la responsabilité du professionnel, il peut être nécessaire d’écarter une clause abusive, notamment une clause affectant la mise en oeuvre de la responsabilité du professionnel (définition de l’obligation, modification de celle-ci, clause limitative, exonératoire, relative à la preuve du manquement, au délai de réclamation, etc.).
Dans la loi du 17 mars 2014, cette reconnaissance du caractère abusif de la clause pouvait se faire lors de l’intervention du juge prévue par l’ancien art. L. 423-3 C. consom. qui disposait : « dans la même décision, le juge constate que les conditions de recevabilité mentionnées à l’article L. 423-1 sont réunies et statue sur la responsabilité du professionnel, au vu des cas individuels présentés par l’association requérante. Il définit le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée et en fixe les critères de rattachement. Le juge détermine les préjudices susceptibles d’être réparés pour chaque consommateur ou chacune des catégories de consommateurs constituant le groupe qu’il a défini, ainsi que leur montant ou tous les éléments permettant l’évaluation de ces préjudices. Lorsqu’une réparation en nature du préjudice lui paraît plus adaptée, le juge précise les conditions de sa mise en œuvre par le professionnel. »
Dans le régime de l’ordonnance, il faut se référer au nouvel art. L. 623-4 C. consom., qui dispose : « Le juge statue sur la responsabilité du professionnel au vu des cas individuels présentés par l'association requérante, définit le groupe des consommateurs à l'égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée et en fixe les critères de rattachement. » Ce texte est précisé par les articles suivants, notamment l’art. L. 623-5 C. consom. (« le juge détermine les préjudices susceptibles d'être réparés pour chaque consommateur ou chacune des catégories de consommateurs constituant le groupe qu'il a défini, ainsi que leur montant ou tous les éléments permettant l'évaluation de ces préjudices ») et L. 623-6 C. consom. (« Lorsqu'une réparation en nature du préjudice lui paraît plus adaptée, le juge précise les conditions de sa mise en œuvre par le professionnel »).
Ces textes mériteront d’être précisés sur plusieurs points.
1/ Si l’action se fonde sur l’élimination préalable d’une clause abusive, l’identité de contrat devra être un des critères de constitution du groupe (V. L. 623-4 précité). La mise en œuvre de ce principe pourra soulever des difficultés lorsque la clause litigieuse figurera dans plusieurs versions du contrat, son élimination supposant de vérifier que le déséquilibre qu’elle institue n’a pas été affecté par les autres dispositions.
Toutefois, cette preuve ne sera sans doute pas toujours difficile. V. pour des contrats de bail de logements sociaux : la mise en œuvre de l'action de groupe suppose au préalable que l’association rapporte la preuve que des locataires, placés dans une situation similaire ou identique, ont subi un préjudice résultant d'un manquement imputable au bailleur. TGI Paris (ch. 1/7), 27 janvier 2016 : RG n° 15/00835 ; Site CCA ; Cerclab n° 7028 (preuve jugée rapportée par le fait que plusieurs locataires se sont vus appliquer la clause pénale litigieuse en tout cas avant la prohibition des pénalités par la loi Alur modifiant la loi du 6 juillet 1989), infirmé par CA Paris (pôle 4 ch. 3), 9 novembre 2017 : RG n° 16/05321 ; Cerclab n° 7134 (action irrecevable, l’action de groupe étant selon l’arrêt inapplicable aux baux d’habitation régis par la loi du 6 juillet 1989), pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 19 juin 2019 : pourvoi n° 18-10424 ; arrêt n° 590 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 7973.
2/ L’utilisation de l’action de groupe ne semble pas contestable lorsque l’application de la clause abusive a causé un préjudice financier au consommateur. V. par exemple : TGI Paris (ch. 1/7), 27 janvier 2016 : RG n° 15/00835 ; Site CCA ; Cerclab n° 7028 (clause pénale sanctionnant des retards de paiement dans un bail : action recevable, mais clause jugée non abusive), infirmé par CA Paris (pôle 4 ch. 3), 9 novembre 2017 : RG n° 16/05321 ; Cerclab n° 7134 (action irrecevable, l’action de groupe étant selon l’arrêt inapplicable aux baux d’habitation régis par la loi du 6 juillet 1989), pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 19 juin 2019 : pourvoi n° 18-10424 ; arrêt n° 590 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 7973.
3/ En visant la possibilité d’une réparation en nature, l’art. L. 623-6 C. consom. pourrait autoriser le juge à prononcer la suppression de la clause au profit de tous les consommateurs membres du groupe (comp. dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6 C. com., devenu l’art. L. 442-1-I-2° C. com., Cerclab n° 6252). Mais, il n’est pas acquis, en revanche, que l’action de groupe puisse avoir pour seul objet de faire déclarer une clause abusive n’ayant pas causé de préjudice patrimonial avéré, ce qui la distingue clairement des actions préventives des associations de consommateurs.
Intérêt à agir de l’association. L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action dès lors que l'existence du droit invoqué n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès ; il est constant qu'une association peut ester en justice pour la défense d'intérêts collectifs, même hors habilitation législative et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, à la seule condition que les intérêts précités entrent dans son objet social (notamment Cass. soc., 3 avril 2019 : pourvoi n° 17-23304) ; il ressort des statuts de l'association CLCV, dont les premiers juges ont retenu qu'elle faisait partie des quinze associations de consommateurs nationales disposant d'un agrément, qu'il lui appartient de défendre, notamment, les « droits et intérêts matériels (…) des consommateurs » tant au plan national qu'international, comme stipulé à l'article 3 de ses statuts qui présente, sous l'adverbe « notamment », une liste par conséquent non exhaustive de domaines de la vie quotidienne ; son objet social ne se limite pas au cadre de vie entendu comme un ensemble d'éléments assurant un confort de vie au quotidien, et s'étend à la défense des consommateurs de biens de la vie courante incluant, par voie de conséquence, le domaine de leurs moyens de transport individuels. CA Versailles (16e ch.), 12 mai 2022 : RG n° 20/03337 ; Cerclab n° 9633 (conséquence : admission de la recevabilité de l’action de groupe contre un constructeur automobile visant à obtenir réparation du préjudice subi par les acquéreurs à l’occasion d’un rappel de motos pour un risque potentiel de rupture de la tige d'amortisseur d'une suspension active), sur appel de TGI Versailles, 4 juin 2020 : RG n° 15/10221 ; Dnd.
Domaine de l’action : location. La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 (art. 138) a modifié l’art. L. 623-1 C. consom. afin d’inclure les locations immobilières : « Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l'article L. 811-1 peut agir devant une juridiction civile afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales, relevant ou non du présent code, ou contractuelles : 1° A l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ainsi que dans le cadre de la location d'un bien immobilier ; […] ».
Cette modification brise la jurisprudence antérieure de la Cour d’appel de Paris, qui avait été approuvée par la Cour de cassation : la cour d’appel a retenu, à bon droit, que le contrat de location d’un logement, en ce qu’il oblige le bailleur à mettre un immeuble à la disposition du locataire afin qu’il en jouisse pendant un certain temps, sans imposer au premier, à titre principal, l’exécution d’une prestation, ne constitue pas un contrat de fourniture de services ; elle en a exactement déduit que le bail d’habitation régi par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 n’entrait pas dans le champ d’application de l’action de groupe prévue à l’art. L. 423-1, devenu L. 623-1 C. consom., dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, de sorte qu’était irrecevable l’action de groupe engagée par l’association aux fins d’obtenir la réparation de préjudices individuels subis par les locataires et ayant pour cause commune un manquement du bailleur à ses obligations légales ou contractuelles. Cass. civ. 1re, 19 juin 2019 : pourvoi n° 18-10424 ; arrêt n° 590 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 7973, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 4 ch. 3), 9 novembre 2017 : RG n° 16/05321 ; Cerclab n° 7134 (le bail d'habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 n'entre pas dans le champ d'application de l'action de groupe régie par l’ancien art. L. 421-3 [L. 623-1] C. consom. ; irrecevabilité de l’action), infirmant TGI Paris (ch. 1/7), 27 janvier 2016 : RG n° 15/00835 ; Site CCA ; Cerclab n° 7028. § L’arrêt se fonde sur deux arguments principaux, l’un propre à l’action de groupe, l’autre à la loi du 6 juillet 1989 (sur ce second argument, V. Cerclab n° 5840).
* Arguments en appel. Selon le premier, l’ancien art. L. 421-3 régissant l’action de groupe vise la réparation des préjudices individuels survenus « à l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services » : le contrat de fourniture de services comprend comme obligation essentielle une obligation de faire, le débiteur de cette obligation s'engageant à titre principal, à effectuer une activité déterminée créatrice d'utilité économique ; un louage de choses, au sens de l’art. 1709 C. civ., ce qui inclut les baux d’habitation, oblige le bailleur à titre d'obligation essentielle, non à réaliser une prestation, mais à mettre un bien immobilier à la disposition de son cocontractant ; la mise à disposition d'un bien immobilier, obligation principale du bailleur dans le bail d'habitation, ne saurait donc être qualifiée de fourniture de services et correspondre, pour le locataire, à la consommation d'un service ; la solution n’est pas modifiée par l’adjonction de prestations de services à titre accessoire, qui sont sans influence sur la qualification du contrat ; enfin, les travaux parlementaires ne peuvent, à eux seuls, être utilisés pour donner de la notion de fourniture de services des éléments de définition et un contenu que la loi ne précise pas, l'extrait de la séance du 25 juin 2013, selon lequel « aucun secteur d'activité - n'est - exclu du champ d'application du dispositif d'action de groupe », cette affirmation ne s'inscrit pas dans le cadre d'un échange de moyens juridiques qui permettrait d'en apprécier le fondement et la portée.
* Arguments contraires en première instance. Le jugement avait adopté la position inverse, dans une décision fortement motivée : le logement relève du champ d'application de l’ancien art. L. 423-1 [623-1] C. consom. TGI Paris (ch. 1/7), 27 janvier 2016 : RG n° 15/00835 ; Site CCA ; Cerclab n° 7028. § Pour les arguments : 1/ la loi du 17 mars 2014 n’exclut que les secteurs de la santé et de l’environnement et pas celui du logement ; 2/ les travaux parlementaires confirment cette solution, notamment l’intervention du ministre chargé de la consommation qui a affirmé devant l’Assemblée nationale qu’« aucun secteur d'activité n'était exclu du champ d'application du dispositif d'action de groupe », et celle du rapporteur du projet devant le Sénat qui a déclaré que « la location d'un bien constitue une fourniture de services » ; 3/ les amendements visant à ajouter explicitement la location de biens ont été abandonnés compte tenu de cette interprétation qui les rendait sans objet ; 4/ réponse ministérielle du 10 juin 2004 n° 38849 dans le même sens ; 5/ l’existence d’une protection spécifique en matière de logement n’exclut pas l’application du droit de la consommation : il serait paradoxal d'adapter des techniques juridiques issues du droit de la consommation afin de renforcer la protection des locataires et acquéreurs et parallèlement de refuser à ces derniers le bénéfice de l'action de groupe dont l'objectif recherché est d'améliorer la protection du consommateur ; 6/ la Commission des clauses abusives a rédigé plusieurs recommandations concernant les baux d’habitation). § La solution vaut aussi pour les logements sociaux : 1/ peu importe que le Conseil d'État qualifie de mission de service public l'activité exercée par les organismes privés de logement social dès lors qu'il n'est ni soutenu ni démontré que cette qualification aurait pour conséquence de faire échapper cette activité au droit de la consommation ; 2/ le moyen articulé sur la décision de la commission n° 2012/21/UE du 20 décembre 2011, les directives 2011/83/UE du 25 octobre 2011 et 2006/123/CE du 12 décembre 2006, est également inopérant puisque ces textes se cantonnent à exclure expressément le logement social de l'application des règles de concurrence du traité, sans pour autant l'évincer du droit de la consommation.
* Commentaire. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris pointe une difficulté de rédaction ancienne et présente dans de nombreux textes se contentant de viser les contrats de « ventes et de prestations de services ». Or, cette typologie ne correspond pas exactement à la classification traditionnelle du Code civil. Le raisonnement de la Cour paraît contestable en ce que, d’une part, elle se refuse à prendre en compte la spécificité du droit de la consommation et la finalité de la protection du consommateur, et, d’autre part, que même en acceptant l’analyse de la cour, la jouissance temporaire d’un bien est incontestablement un « service économique ». Poussée dans toutes ses conséquences, l’arrêt reviendrait à exclure les locations de l’obligation d’information des art. L. 111-1 s. C. consom.
Objet de l’action : réparation des préjudices. L’art. L 623-1 C. consom., qui évoque un « manquement », entendu comme un fait illicite générateur d'un dommage, ici (selon son art. L. 623-2) de nature uniquement matérielle subi par le consommateur - ne limite aucunement l'action de groupe à la seule hypothèse de la responsabilité pour faute ; sauf à ajouter à ce texte qui, par sa large formulation, permet d'englober de nombreux manquements. CA Versailles (16e ch.), 12 mai 2022 : RG n° 20/03337 ; Cerclab n° 9633 (action de groupe contre un constructeur automobile à l’occasion d’un rappel de motos pour un risque potentiel de rupture de la tige d'amortisseur d'une suspension active), sur appel de TGI Versailles, 4 juin 2020 : RG n° 15/10221 ; Dnd.
Droit de tout consommateur de participer à une action de groupe. Aux termes de l’art. L. 623-32 C. consom., anciennement L. 423-25 C. consom., « est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou effet d'interdire à un consommateur de participer à une action de groupe. » § Pour la condamnation des clauses contraires, V. par exemple : la Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées des contrats proposés par les fournisseurs de service de réseautage social les clauses ayant pour objet ou pour effet d’interdire au consommateur ou au non-professionnel de participer à une action de groupe. Recomm. n° 2014-02/45° : Cerclab n° 5002 (réseau social ; considérant n° 45 ; clause illicites, contraires à l’ancien art. L. 423-25 C. consom., et, maintenues dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ou un non-professionnel, abusives).
Néanmoins, l’intérêt du dispositif étant de concentrer la réparation du préjudice, la loi protège le professionnel pour éviter la multiplication d’actions ultérieures ayant le même objet. D’une part, l’art. L. 623-29 C. consom., anciennement L. 423-22 C. consom., dispose que « l'adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d'agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n'entrant pas dans le champ défini par la décision du juge mentionnée à l'article L. 623-4 ou d'un accord homologué en application de l'article L. 623-23 » Mais, à l’inverse, l’art. L. 623-30 C. consom., anciennement L. 423-23 C. consom. dispose que « n'est pas recevable l'action prévue à l'article L. 623-1 lorsqu'elle se fonde sur les mêmes faits, les mêmes manquements et la réparation des mêmes préjudices que ceux ayant déjà fait l'objet du jugement prévu à l'article L. 623-4 ou d'un accord homologué en application de l'article L. 623-23. »
Le dispositif ne semble toutefois pas interdire une action individuelle d’un consommateur qui n’aurait pas adhéré au groupe, l’art. L. 623-28 C. consom., anciennement L. 423-21 C. consom. ne faisant bénéficier de l’autorité de la chose jugée que les membres du groupe (« Les décisions prévues aux articles L. 623-4 et L. 623-14 ainsi que celle résultant de l'application de l'article L. 623-23 ont également autorité de la chose jugée à l'égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure »). Le consommateur devra en revanche établir toutes les conditions de l’engagement de la responsabilité du professionnel. § V. aussi l’art. R. 623-12-5° C. consom., anciennement R. 423-9-5° C. consom., qui dispose que les mesures d'information individuelle prévues à l'article L. 623-15 C. consom., anciennement L. 423-10, al. 2, auxquelles le professionnel doit procéder doivent comporter, outre les mentions éventuellement prescrites par le jugement : « 5° L'indication qu'à défaut d'acceptation selon les modalités et délai requis le consommateur ne sera plus recevable à obtenir une indemnisation dans le cadre de l'action de groupe ». § V. encore l’art. R. 623-14 C. consom., anciennement R. 423-11 C. consom., qui précise que « Les consommateurs membres du groupe qui n'ont pas exprimé leur acceptation dans le délai et selon les modalités fixés par le juge en application des dispositions de l'article L. 623-15 et dans les conditions prévues par l'article R. 623-13 ne sont plus recevables à demander leur indemnisation dans le cadre de l'action de groupe et ne sont pas représentés par l'association requérante » (même sens pour l’art. R. 623-19 C. consom., anciennement art. R. 423-16 C. consom. pour l’action simplifiée).
* Contrôle des demandes : rôle du JME. S’il revient au juge de la mise en état de vérifier que l’assignation délivrée sur le fondement de l’art. L. 423-1 C. consom., dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015, expose expressément des cas individuels au sens de l’anc. art. R. 423-3, devenu R. 623-3, il ne lui appartient pas d’en apprécier la pertinence ; il s’ensuit que la cour d’appel a exactement retenu que l’absence éventuelle de représentativité des cas individuels exposés dans l’assignation arguée de nullité, de même que la diversité des conditions générales des contrats d’assurance applicables à ceux-ci, constituent des moyens sur lesquels le juge de la mise en état ne peut se prononcer. Cass. civ. 1re, 27 juin 2018 : pourvoi n° 17-10891 ; arrêt n° 672 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 7665, rejetant le pourvoi contre CA Versailles, 3 novembre 2016 : Dnd.
L’art. L. 623-1 C. consom. n'exige pas que l'ensemble des consommateurs aient nécessairement subi des préjudices identiques ou de même nature ; seuls les consommateurs dont le préjudice résulte d'une même cause imputable au même professionnel peuvent intenter une action de groupe ; tel est le cas en l'espèce puisqu'ils reprochent au même professionnel un même manquement, fait générateur commun consistant en un problème technique affectant la tige de l'amortisseur arrière dont est doté l'ensemble des modèles de motos R 1200 RT et qui constitue le même fait générateur des divers préjudices invoqués. CA Versailles (16e ch.), 12 mai 2022 : RG n° 20/03337 ; Cerclab n° 9633 (arrêt visant la circulaire d'interprétation du 26 septembre 2014 qui, même sans valeur normative, offre un éclairage sur l’appréciation de cette condition), sur appel de TGI Versailles, 4 juin 2020 : RG n° 15/10221 ; Dnd.
Articulation avec l’action en cessation. La loi du 17 mars 2014 n’a pas explicitement tranché la question de savoir si, simultanément, l’association de consommateurs peut engager une action en cessation, dont la portée à été élargie par le texte, afin de permettre une suppression erga omnes de la clause, y compris dans des contrats déjà conclus et donc au delà du groupe défini par l’action. Si le principe en est admis, la voie procédurale est également à determiner (action principale ou intervention).
Suspension de la prescription. Aux termes de l’art. L. 623-27 C. consom., anciennement L. 423-20 C. consom., « L'action mentionnée à l'article L. 623-1 suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le jugement prévu aux articles L. 623-4 ou L. 623-14. [alinéa 2] Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle, selon le cas, le jugement rendu en application des articles L. 623-4 ou L. 623-14 n'est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou de l'homologation prévue à l'article L. 623-23. [alinéa 2] ».
Compétence. A compter du 1er janvier 2020 marquant l’entrée en vigueur de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, l’art. L. 211-9-2 COJ dispose : « Le tribunal judiciaire connaît des actions de groupe définies au chapitre III du titre II du livre VI du code de la consommation et par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. »
Pour le droit antérieur : selon l’art. R. 623-2 C. consom., anciennement R. 423-2 C. consom., « Le tribunal de grande instance territorialement compétent est celui du lieu où demeure le défendeur. [alinéa 1] Le tribunal de grande instance de Paris est compétent lorsque le défendeur demeure à l'étranger ou n'a ni domicile ni résidence connus [alinéa 2] ». Si le texte vise explicitement à définir des règles de compétence territoriale, il semble aussi implicitement retenir une compétence exclusive du TGI (y compris pour des actions en matière de crédit à la consommation relevant normalement du tribunal d’instance).
Responsabilité de l’association de consommateurs. En l'absence de preuve de l'existence de propos de nature à caractériser un dénigrement ou une mauvaise foi de la part de l’association, le fait pour celle-ci d'avoir évoqué par la voie d'un communiqué de presse l'existence d’un litige avec un bailleur sociale et de l’introduction à son encontre d’une action de groupe ne saurait en lui-même être considéré comme fautif. CA Paris (pôle 4 ch. 3), 9 novembre 2017 : RG n° 16/05321 ; Cerclab n° 7134. § Comp. pour le jugement dans la même affaire : rejet de l’action en responsabilité intentée par un bailleur social contre une association de consommateurs ayant intenté contre lui une action de groupe, dès lors que le préjudice allégué n'est pas lié à l’action mais à la diffusion d'un communiqué de presse donnant une large publicité au litige, ce dont il résulte que le bailleur n'aurait pu obtenir une éventuelle réparation qu'en se plaçant sur le fondement des dispositions de la loi du 29 juillet 1881. TGI Paris (ch. 1/7), 27 janvier 2016 : RG n° 15/00835 ; Site CCA ; Cerclab n° 7028. § Rappr. Cerclab n° 5782, dans le cadre des actions préventives des associations, et Cerclab n° 6256, dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-I-2° [442-1-I-2°] C. com. pour la médiatisation de l’action du ministre.
Illustrations. Jugé qu’en présence d’un défaut de qualité de l'amortisseur d’une moto, simplement présenté comme étant susceptible de provoquer une rupture de tige, n'était que suspecté mais cependant de nature à conduire le distributeur, par précaution, à une mesure de rappel, il ne peut être déduit des diligences du constructeur la preuve de l'existence d'un vice caché d'une gravité telle qu'il rende le bien impropre à sa destination, en l’absence d’éléments de nature technique sur le problème en cause. CA Versailles (16e ch.), 12 mai 2022 : RG n° 20/03337 ; Cerclab n° 9633 (N.B. l’arrêt relève pourtant par ailleurs une certaine résistance du constructeur à fournir des documents internes qui auraient pu établir cette cause ; rejet au surplus de la demande indemnitaire fondée sur l'art. L. 623-4 C. consom., qui n'a pas été fondée sur l'art. 1644 C. civ., texte qui aurait supposé au demeurant la preuve des conditions de la responsabilité de droit commun, alors que le constructeur a procédé au remplacement de la pièce litigieuse et proposé la mise en œuvre de mesures destinées à compenser les désagréments nés de l'immobilisation des véhicules, qu'il s'agisse de solutions de mobilité alternatives ou d'aides à la reprise de la moto, de mesures d'accompagnement financier ou encore d'une extension de la garantie contractuelle ; rejet également de la demande au titre d’une violation de l’obligation de sécurité, alors que la moto a été dûment et globalement homologuée et que l’obligation de suivi et la campagne préventive de rappel pour une défectuosité qui n'était que potentielle n’établissent pas un tel manquement), sur appel de TGI Versailles, 4 juin 2020 : RG n° 15/10221 ; Dnd.