CA LYON (1er pdt – réf.), 17 décembre 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7976
CA LYON (1er pdt – réf.), 17 décembre 2018 : RG n° 18/00227
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu, qu'en l'espèce, le requérant ne soutient pas que l'exécution provisoire était interdite par la loi, mais fait valoir l'existence de moyens sérieux pour obtenir l'infirmation de la décision entreprise et se prévaut de conséquences manifestement excessives ;
Attendu qu'il n'appartient pas au premier président de se déterminer en vérifiant le bien-fondé de la décision frappée d'appel et par suite les risques d'infirmation ; que dès lors l'existence de moyens sérieux pour obtenir l'infirmation de la décision entreprise est indifférente lorsque la demande se fonde sur l'article 524 du code de procédure civile seule la Cour d'appel statuant au fond ayant qualité pour en apprécier les mérites ;
Attendu que s'agissant du risque de conséquences manifestement excessives qu'entraînerait l'exécution du jugement de première instance, élément que le premier président doit tirer de la seule situation économique du débiteur ou de celle du créancier lorsqu'il est invoqué un risque de non restitution des sommes allouées, il convient de relever que la société l'ESCALE DES DÉLICES se fonde, plus précisément, sur le risque d'atteinte irréversible à son activité professionnelle, au motif que le paiement de la somme de 21.581,72 euros à laquelle elle est condamnée, entraînerait des conséquences manifestement excessives, eu égard à sa santé financière fragile ; Attendu que celles-ci s'entendent de conséquences pratiquement irréversibles de nature à mettre en péril son existence même et non de simples difficultés passagères ; Attendu que la charge de la preuve incombe à la requérante qui ne produit que ses comptes annuels pour les années 2016 et 2017, mais ne fournit aucune pièce quant à sa situation financière pour l'année 2018, que si l'exercice 2016 présente un résultat déficitaire de 7.910 euros, celui de 2017 présente un résultat bénéficiaire de 481 euros ; que le chiffre d'affaires de la société, sur la même période, a augmenté, passant de 120.332 euros en 2016 pour atteindre 168.410 euros en 2017, que de la même manière, aucun élément quant au chiffre d'affaires pour l'année 2018 n'a été produit ;
Attendu qu'ainsi la requérante ne justifie aucunement de ce que sa situation actuelle serait gravement obérée ou dans une difficulté telle, qu'elle ne pourrait faire face à l'exécution du jugement de première instance, alors qu'elle ne fait état d'aucun emprunt grevant son passif et d'aucune impossibilité à satisfaire à sa condamnation au besoin par l'intermédiaire d'un prêt bancaire ;
Attendu que dès lors la preuve de conséquences manifestement excessives au sens de l'article 524 du code de procédure civile n'est pas rapportée ; qu'il y a lieu de débouter la SARL L'ESCALE DES DÉLICES de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 17 DÉCEMBRE 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. 18/00227. N° Portalis DBVX-V-B7C-MBNX.
DEMANDERESSE :
SARL L 'ESCALE DES DELICES
Représentée par Maître T. substituant Maître B., avocat au barreau de LYON (Toque 124)
DÉFENDERESSE :
SAS LOCAM
non comparante
Audience de plaidoiries du 3 décembre 2018
DÉBATS : audience publique du 3 décembre 2018 tenue par Catherine ROSNEL, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 5 janvier 2018, assistée de Sylvie NICOT, Greffier.
ORDONNANCE : réputée contradictoire, prononcée publiquement le 17 décembre 2018 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; signée par Catherine ROSNEL, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'assignation en référé délivrée le 16 novembre 2018 par la société L'ESCALE DES DÉLICES à la société LOCAM, afin d'obtenir du premier président de la Cour d'appel de LYON la suspension de l'exécution provisoire ordonnée par le jugement du Tribunal de commerce de SAINT-ETIENNE du du 13 juillet 2018, qui :
- a rejeté les demandes de la société L'ESCALE DES DÉLICES fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce,
- s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige,
- a rejeté les griefs de la société L'ESCALE DES DÉLICES à l'encontre de la société LOCAM,
- a dit que l'indemnité de résiliation est une clause pénale dont le caractère excessif n'est pas démontré,
- a condamné la société L'ESCALE DES DÉLICES à payer à la société LOCAM la somme de 21.582,72 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2015 et la somme de 1 euro au titre de la clause pénale stricto sensu de 10%,
- a débouté la société L'ESCALE DES DÉLICES de sa demande de délais de paiement,
- a débouté la société L'ESCALE DES DÉLICES de toutes ses demandes,
- a condamné la société L'ESCALE DES DÉLICES à payer à la société LOCAM la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 70,20 euros, sont à la charge de la société L'ESCALE DES DÉLICES,
- a ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Vu l'appel du jugement interjeté par la société L'ESCALE DES DÉLICES le 11 septembre 2018 ;
Vu les moyens et prétentions de la SARL L'ESCALE DES DÉLICES qui expose :
- que suivant acte sous seing privé en date du 1er septembre 2015, la société LOCAM, bailleur, la société L'ESCALE DES DÉLICES, locataire et la société ESPRIT SUSHI, fournisseur, ont conclu un contrat de location portant sur une machine à sushi,
- que cette location a été consentie moyennant le paiement de 48 loyers d'un montant mensuel de 374,70 euros HT, soit 449,64 euros TTC, à compter du 30 septembre 2015, pour se terminer le 30 août 2019,
- qu'à la suite de la livraison du matériel intervenue le 1er septembre 2015, la société L'ESCALE DES DÉLICES a constaté que le matériel ne correspondait pas à ses attentes,
- que la société n'a jamais utilisé la machine et n'a, par conséquent, jamais réglé les loyers à la société LOCAM,
- que par lettre recommandée en date du 21 décembre 2015, la société LOCAM a mis en demeure la société L'ESCALE DES DÉLICES de régler sous huitaine la somme de 1.954,28 euros équivalant à diverses sommes,
- qu'il était précisé dans cette même lettre, qu'à défaut de paiement dans le délai indiqué, le contrat de location serait résilié de plein droit, et la créance immédiatement exigible en totalité,
- que suivant exploit en date du 27 janvier 2016, la société LOCAM a assigné la société L'ESCALE DES DÉLICES devant la juridiction de SAINT-ÉTIENNE, et a sollicité le paiement d'une somme globale de 23.741 euros équivalant à plusieurs sommes,
- que le Tribunal de commerce de SAINT-ÉTIENNE a statué comme il a été rappelé précédemment,
- que la société L'ESCALE DES DÉLICES a dès lors interjeté appel de cette décision et sollicite la suspension de l'exécution provisoire de ladite décision devant le premier président de la Cour d'appel de LYON,
- que la société requérante se fonde sur l'existence de moyens sérieux pour obtenir l'infirmation de la décision entreprise,
- que la demanderesse sollicite, à titre reconventionnel et à titre principal, la nullité du contrat sur le fondement de l'article 442-6 du Code de commerce relatif au déséquilibre significatif du contrat entre partenaires commerciaux,
- que ce déséquilibre peut être caractérisé par la disproportion manifeste entre les obligations des parties, que tel est le cas, en l'espèce, puisqu'aucune obligation ni charge n'est imposée à la société LOCAM et que de telles obligations sont à la charge du locataire, comme les articles des conditions générales de location régissant les causes et modalités de résiliation du contrat qui sont au seul bénéfice de la société LOCAM,
- que les sanctions prévues au contrat, et au seul bénéfice de la société LOCAM, sont manifestement excessives,
- que l'exécution du jugement, en outre, entraînerait des conséquences manifestement excessives,
- qu'en vertu des dispositions de l'article 524, le paiement des sommes dues, d'un montant d'au moins 21.582,72 euros entraînerait des conséquences manifestement excessives pour la société L'ESCALE DES DÉLICES au regard de sa santé financière fragile,
- que la société requérante emploie deux salariés,
- que la pérennité de ces emplois serait gravement menacée en cas d'exécution,
- qu'il convient, dès lors, de suspendre l'exécution provisoire du jugement de première instance, et que chaque partie conservera la charge des dépens.
Vu les moyens et prétentions de la SAS LOCAM qui réplique :
- que les longs développements consacrés par la demanderesse dans son assignation à ses arguments de fond contre la décision rendue sont dénués de pertinence dans le cadre de la présente saisine,
- que le jugement querellé s'avère densément motivé,
- que les bilans comptables des deux derniers exercices annuels que verse la SARL L'ESCALE DES DÉLICES n'attestent en rien que l'exécution de sa condamnation aurait des conséquences manifestement excessives,
- que sur les six derniers exercices, un seul présente un résultat légèrement déficitaire s'élevant à 7.901 euros,
- que les cinq autres, dont le dernier pour l'année 2017, sont tous positifs tandis que son chiffre d'affaires a progressé de 39 % entre 2016 et 2017,
- que sa trésorerie s'avère également continuellement positive, à savoir 13.067 euros de disponible en fin d'exercice 2017,
- qu'il convient de prendre en considération l'ancienneté de la créance de la concluante, laquelle date de 2015, ainsi que la part de TVA récupérable par la SARL L'ESCALE DES DÉLICES sur le montant de sa dette,
- qu'il y a lieu de débouter la requérante de sa demande,
- que la société LOCAM est fondée à solliciter le paiement d'une indemnité de 1.250 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
Entendus à l'audience du 3 décembre 2018 :
- le conseil de la société requérante qui indique que les bilans 2016 et 2017 font état de chiffres inquiétants et de faibles bénéfices ; que les conséquences seraient dramatiques si l'exécution provisoire n'était pas suspendue ; que la société emploie deux salariés ; qu'il existe des moyens sérieux pour l'infirmation du jugement de première instance ; que la société ne produit aucune pièce pour l'année 2018,
- la société LOCAM a adressé son dossier par courrier et ne comparait pas.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS ET DÉCISION :
Attendu qu'il convient à titre liminaire de relever que la société LOCAM ne comparaît pas à l'audience et n'a pas été dispensée de comparaître ; que la procédure étant orale il y a lieu de considérer qu'elle est non comparante ses conclusions écrites ne pouvant se substituer à sa comparution ;
Attendu toutefois qu'il y a lieu de statuer conformément à l'article 472 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en vertu de l'article 515 du Code de procédure civile : « Hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. » ;
Attendu, qu'en l'espèce, le Tribunal de commerce de SAINT-ÉTIENNE a ordonné l'exécution provisoire du jugement du 13 juillet 2018 ;
Attendu qu'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire est subordonnée à l'existence d'un appel ; qu'en l'espèce, un appel du jugement précité a bien été enregistré le 11 septembre 2018 ;
Attendu que s'agissant de l'application de l'article 524 du Code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est ordonnée, le premier président peut l'arrêter lorsque deux conditions alternatives sont remplies : « si elle est interdite par la loi » ou « si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives » ;
Attendu, qu'en l'espèce, le requérant ne soutient pas que l'exécution provisoire était interdite par la loi, mais fait valoir l'existence de moyens sérieux pour obtenir l'infirmation de la décision entreprise et se prévaut de conséquences manifestement excessives ;
Attendu qu'il n'appartient pas au premier président de se déterminer en vérifiant le bien-fondé de la décision frappée d'appel et par suite les risques d'infirmation ; que dès lors l'existence de moyens sérieux pour obtenir l'infirmation de la décision entreprise est indifférente lorsque la demande se fonde sur l'article 524 du code de procédure civile seule la Cour d'appel statuant au fond ayant qualité pour en apprécier les mérites ;
Attendu que s'agissant du risque de conséquences manifestement excessives qu'entraînerait l'exécution du jugement de première instance, élément que le premier président doit tirer de la seule situation économique du débiteur ou de celle du créancier lorsqu'il est invoqué un risque de non restitution des sommes allouées, il convient de relever que la société l'ESCALE DES DÉLICES se fonde, plus précisément, sur le risque d'atteinte irréversible à son activité professionnelle, au motif que le paiement de la somme de 21.581,72 euros à laquelle elle est condamnée, entraînerait des conséquences manifestement excessives, eu égard à sa santé financière fragile ;
Attendu que celles-ci s'entendent de conséquences pratiquement irréversibles de nature à mettre en péril son existence même et non de simples difficultés passagères ;
Attendu que la charge de la preuve incombe à la requérante qui ne produit que ses comptes annuels pour les années 2016 et 2017, mais ne fournit aucune pièce quant à sa situation financière pour l'année 2018, que si l'exercice 2016 présente un résultat déficitaire de 7.910 euros, celui de 2017 présente un résultat bénéficiaire de 481 euros ; que le chiffre d'affaires de la société, sur la même période, a augmenté, passant de 120.332 euros en 2016 pour atteindre 168.410 euros en 2017, que de la même manière, aucun élément quant au chiffre d'affaires pour l'année 2018 n'a été produit ;
Attendu qu'ainsi la requérante ne justifie aucunement de ce que sa situation actuelle serait gravement obérée ou dans une difficulté telle, qu'elle ne pourrait faire face à l'exécution du jugement de première instance, alors qu'elle ne fait état d'aucun emprunt grevant son passif et d'aucune impossibilité à satisfaire à sa condamnation au besoin par l'intermédiaire d'un prêt bancaire ;
Attendu que dès lors la preuve de conséquences manifestement excessives au sens de l'article 524 du code de procédure civile n'est pas rapportée ; qu'il y a lieu de débouter la SARL L'ESCALE DES DÉLICES de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande formée par la SAS LOCAM au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, celle-ci étant irrecevable ;
Attendu que la SARL L'ESCALE DES DÉLICES supportera les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par décision réputée contradictoire
En la forme
Déclarons la SARL L'ESCALE DES DÉLICES recevable en son recours ;
Au fond
Constatons que la société LOCAM ne comparait pas, n'est pas représentée et n'est pas dispensée de comparaître ;
Constatons que la SARL L'ESCALE DES DÉLICES ne justifie pas de conséquences manifestement excessives ;
La déboutons de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du Tribunal de commerce de SAINT-ETIENNE du du 13 juillet 2018 ;
Déclarons la SAS LOCAM irrecevable en sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamnons la SARL L'ESCALE DES DÉLICES aux dépens du référé.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE