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CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 24 avril 2019

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 24 avril 2019
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 18/28419
Date : 24/04/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/12/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8038

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 24 avril 2019 : RG n° 18/28419

Publication : Jurica

 

Extrait (rappel des faits) : « La société Noergie a pour activité la recherche, la conception, le développement et la commercialisation de produits alimentaires, ainsi que le conseil aux entreprises en matière agro-alimentaire. Elle a poursuivi l'activité de la société Bionovation qui a été dissoute et dont la cessation totale d'activité a eu lieu le 2 novembre 2010.

La société Union Laitière de la Venise Verte (ci-après dénommée « la société ULVV ») est une coopérative agricole spécialisée dans la fabrication de produits laitiers, provenant tant du lait de vache que du lait de chèvre.

Le 19 juillet 2007, un contrat a été signé entre les sociétés Bionovation et ULVV pour la fabrication de laits et préparations infantiles.

Le 2 janvier 2012, un contrat rédigé dans les mêmes termes que le contrat signé le 19 juillet 2007 a été signé entre les sociétés Noergie et ULVV. Aux termes de ce contrat, les parties se sont engagées dans le cadre d'une exclusivité réciproque concernant la gamme des laits infantiles issus de l'agriculture biologique.

Les sociétés Noergie et ULVV ont conclu cet accord pour une durée déterminée de deux ans renouvelable par tacite reconduction. Celui-ci prévoyait en outre, une possible dénonciation par l'une des parties par lettre recommandée avec accusé de réception 6 mois avant la date de son renouvellement.

Les produits concernés par le contrat ont été distribués par la société Lou Bio sous la marque Prémibio déposée auprès de l'INPI par la société Noergie. La société Lou Bio, en tant que distributeur grossiste, se fournissait directement auprès de la société ULVV. La société Noergie était donc rémunérée par les commissions reversées par la société Lou Bio.

Le 14 février 2018, la société Noergie a résilié le contrat la liant à la société Lou Bio, car elle souhaitait reprendre en direct la vente de ses produits aux distributeurs. »

Extrait (motifs) : « En l'espèce, le caractère établi de la relation, son ancienneté ainsi que l'auteur de la rupture ne font l'objet d'aucune contestation.

Il résulte des pièces du dossier que Monsieur X., qui détenait 72 % de la société Noergie et en assurait l'administration, a critiqué les bienfaits du lait de vaches sur Facebook début juin 2018. C'est ainsi que le 13 juin 2018, lors du bureau de la société ULVV, l'un des administrateurs, M. A., a demandé que soit présentée une vidéo Facebook dans laquelle Monsieur X. accusait le lait infantile à base de lait de vache d'engendrer d'importants risques pour la santé humaine. Il indiquait : « les laits infantiles à base de lait de vache sont impliqués dans un risque accru d'allergie et de maladies auto-immune comme par exemple la sclérose en plaques ou le diabète de type 1. Inversement on n'avait pas les mêmes risques avec les laits à base de soja ». Cette faute ne constitue pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat sans préavis, un préavis de sept mois ayant été octroyé à la société Noergie, ce qui atteste que la société ULVV n'avait pas apprécié cette faute comme grave.

La société ULVV ne peut davantage alléguer une situation de déséquilibre significatif dans leurs relations, ni un changement de circonstances imprévisible, relatifs à un taux de commissionnement disproportionné par rapport aux prestations de Noergie, pour s'exonérer de sa responsabilité.

Enfin, la transmission d'un projet de contrat par Noergie à ULVV ne pouvait laisser augurer la rupture à venir, la prévisibilité de la rupture ne pouvant, en toute hypothèse, suppléer l'octroi d'un préavis écrit.

La rupture a donc été brutale.

Compte tenu de la durée des relations commerciales entre les parties, de onze années et des circonstances, un préavis de dix mois aurait dû être octroyé à la société Noergie. Un préavis de sept mois ayant été accordé, il y a lieu d'évaluer le préjudice de la société Noergie à trois mois de marge sur coûts variables, soit 103'000 euros ((412'000/12) x 3), somme que la société ULVV sera condamnée à lui payer.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la société Noergie de cette demande.

En revanche, la société Noergie sera déboutée de ses autres demandes, au titre de la perte de chance de vendre ses produits en direct, ou de la perte de la marque Prémibio, seul étant réparé le préjudice né de la brutalité de la rupture. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 4

ARRÊT DU 24 AVRIL 2019