CA PARIS (pôle 1 ch. 1), 21 mai 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8040
CA PARIS (pôle 1 ch. 1), 21 mai 2019 : RG n° 17/07210
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Sur la demande de sursis à statuer : MM. X. et Y. font valoir, d'une part, qu'ils ont fait délivrer le 15 juin 2017 à SIBV une assignation devant le tribunal de commerce de Nancy afin de voir prononcer l'annulation de la clause compromissoire sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce en raison du déséquilibre significatif qu'elle crée entre les parties, d'autre part que le ministre de l'Economie et des Finances a également assigné SIBV devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l'article L. 442-6 III du code de commerce pour voir constater la nullité de diverses clauses des contrats de franchise Subway, notamment la clause d'arbitrage, enjoindre à SIBV de cesser l'insertion de ces clauses et la condamner à payer une amende civile de 2.000.000 euros. Les appelants soutiennent que la cour doit surseoir à statuer jusqu'à ce que ces juridictions aient rendu leurs décisions dans la mesure où ils invoquent la nullité de la clause compromissoire.
Mais, en premier lieu, aux termes de l'article 1448 du code de procédure civile : « Lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ». La clause compromissoire du contrat de franchise prévoit que : « sauf stipulation contraire du présent Contrat, tout litige résultant du présent contrat sera exclusivement soumis à un arbitrage organisé conformément au Règlement d'Arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) et sous l'égide du Centre International de Résolution des Litiges (ICDR) ».
Le tribunal arbitral ayant été constitué le 7 juin 2016, l'action engagée par MM. X. et Y. le 15 juin 2017 devant le tribunal de commerce de Nancy aux fins d'annulation de cette clause ne peut exercer aucune influence sur l'appréciation de la compétence du tribunal arbitral.
La question de la validité de la clause compromissoire et, par conséquent, celle de la compétence de l'arbitre, ne peut être examinée a posteriori que par cette cour à l'occasion du contrôle de l'ordonnance d'exequatur de la sentence sur le fondement de l'article 1520, 1° du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de commerce de Nancy.
En second lieu, l'action exercée par le ministre de l'Économie et des Finances contre SIBV devant le tribunal de commerce de Paris en vertu de l'article L. 442-6 III du code de commerce tend à la cessation de certaines pratiques commerciales et au prononcé d'une amende civile. Tant par son objet, qui ne remet pas en cause en tant que tel la validité de la clause compromissoire mais seulement le choix de l'anglais comme langue d'arbitrage et le droit applicable que par son fondement de pur droit interne, cette instance est insusceptible d'exercer une influence sur le contrôle exercé en application de l'article 1520 du code de procédure civile à l'égard d'une sentence rendue à l'étranger. La demande de sursis à statuer sera rejetée. »
2/ « Sur le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral : MM. X. et Y. exposent que la clause compromissoire prévoit un arbitrage à New York, ce qui engendre des coûts procéduraux exorbitants alors que le franchisé ne parvient plus à payer ses redevances, que cette clause a donc pour effet de priver le franchisé de son droit d'agir en justice. Ils ajoutent que le contrat de franchise dans leur ensemble créent un déséquilibre significatif de la relation commerciale à l'avantage du franchiseur.
SIBV rétorque que MM. X. et Y., qui n'ont pas fait valoir ce moyen devant l'arbitre ne sont pas recevables à l'invoquer pour la première fois devant la cour. Sur le fond, elle fait valoir que le coût de l'arbitrage est modéré et qu'en ce qui concerne l'allégation de déséquilibre des contrats, à la supposer démontrée, elle serait sans effet sur la clause compromissoire en raison de l'autonomie de cette dernière.
En premier lieu, aux termes de l'article 1466 du code de procédure civile : « La partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir ».
Mais la renonciation d'une partie à soulever une irrégularité doit s'apprécier au vu de son comportement au cours de la procédure d'arbitrage. En l'espèce, MM. X. et Y. n'ont pris aucune part à l'instance arbitrale. Il ne saurait se déduire de leur défaillance qu'ils aient renoncé à invoquer l'incompétence du tribunal arbitral. Le moyen est donc recevable.
En deuxième lieu, le déséquilibre significatif de la relation commerciale, qui résulte, selon MM. X. et Y., de l'économie générale du contrat de franchise, à supposer qu'elle soit contraire à l'ordre public international, est sans effet sur la validité de la clause compromissoire du fait de l'autonomie de celle-ci par rapport au contrat qui la contient.
En troisième lieu, la procédure d'arbitrage a été engagée par SIBV, qui en a avancé les frais, et il est constant que son coût s'est élevé à 9 691 dollars US. D'une part, si MM. X. et Y. soutiennent qu'ils auraient dû débourser de 20.000 à 80.000 euros pour assurer leur défense, ils ne produisent aucun élément à l'appui de cette affirmation, ni aucun démenti à l'allégation de SIBV selon laquelle la procédure pouvait se dérouler par écrit sans déplacement de conseils, ce qui résulte du reste des propres énonciations de la sentence. D'autre part, les appelants ne produisent aucun élément sur leur situation financière à l'époque de l'arbitrage, c'est-à-dire, dans le courant de l'année 2016. Faute d'être étayé en fait, le moyen, en ce qu'il invoque la privation du droit d'accès au juge, ne peut être accueilli.
Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral doit être écarté. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 1 CHAMBRE 1
ARRÊT DU 21 MAI 2019