CASS. COM., 24 janvier 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 8057
CASS. COM., 24 janvier 2018 : pourvoi n° 16-19866 ; arrêt n° 50
Publication : Legifrance ; Bull. civ. IV, n° 7
Extrait : « Mais attendu qu’après avoir relevé que la pratique bancaire a développé, pour le dépôt d’espèces dans une boîte aux lettres ou une machine automatique, l’usage d’une enveloppe spécifique avec bordereau renseigné par le client et destinée à recevoir chèques ou espèces, puis relevé que la clause, mentionnée par la banque sur le bordereau, selon laquelle la remise de fonds par le truchement d’un guichet automatique ne donne lieu qu’à la délivrance d’un ticket mentionnant pour mémoire la somme prétendument remise et que le client ne peut prétendre établir la preuve du montant du dépôt par la simple production dudit ticket, le jugement retient que, sauf à être abusive, une telle clause ne saurait priver le client de la possibilité de faire la preuve du dépôt par tout autre moyen ; que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve produits que la juridiction de proximité a, par une décision motivée, retenu que la lettre du 13 mai 2014, dans laquelle la banque reconnaissait avoir retrouvé le double du bordereau de remise, valait commencement de preuve par écrit et que celui-ci était complété par des éléments extrinsèques de nature à prouver le dépôt d’espèces litigieux ; que le moyen n’est pas fondé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU24 JANVIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 16-19866. Arrêt n° 50.
DEMANDEUR à la cassation : Caisse régionale de crédit agricole Sud Rhône-Alpes
DÉFENDEUR à la cassation : Madame X.
M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président), président. SCP Bouzidi et Bouhanna, Maître Le Prado, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort (juridiction de proximité de Grenoble, 2 mai 2016), que, soutenant avoir déposé, le 20 février 2014, la somme de 600 euros en espèces, dans le guichet automatique de la société Caisse régionale de crédit agricole Sud Rhône-Alpes (la banque) selon le dispositif prévu à cet effet par cette dernière mais n’ayant pas obtenu que cette somme soit versée sur le compte ouvert à son nom dans les livres de la banque, Mme X. lui a demandé paiement de ladite somme et une autre à titre de dommages-intérêts ; que M. X. est intervenu volontairement à l’instance ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la banque fait grief au jugement de la condamner à payer à Mme X. la somme de 600 euros en principal et celle de 200 euros à titre de dommages-intérêts et de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ qu’il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation d’en rapporter la preuve ; qu’ayant relevé que la banque a pris soin de préciser, par clause mentionnée sur le bordereau lui-même, que la remise de fonds par le truchement d’un guichet automatique ne donne lieu qu’à la délivrance d’un ticket mentionnant pour mémoire la somme prétendument remise et que le client déposant ne peut établir la preuve du montant du dépôt par la simple production du ticket puis retenu qu’il convient d’appliquer les dispositions de l’article 1347 du code civil dès lors que dans son courrier du 13 mai 2014, la banque reconnaît avoir retrouvé le double du bordereau de remise, cette reconnaissance valant commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait allégué, la juridiction de proximité n’a pas tiré les conséquences légales s’évinçant de ses constatations dont il ressortait que la lettre du 13 mai 2014 ne valait pas commencement de preuve par écrit, dès lors que la banque reconnaissait avoir retrouvé le double du bordereau de remise dont le juge a par ailleurs relevé que la simple production de ce ticket ne valait pas preuve du dépôt, et elle a violé les articles 1315 et 1347 du code civil ;
2°/ que le commencement de preuve par écrit est tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué ; qu’il résulte de la lettre du 13 mai 2014 que la banque indiquait avoir « retrouvé le double du bordereau de versement » mais n’avoir « trouvé aucune trace de l’enveloppe contenant les fonds », relatant avoir fait intervenir la société en charge de la maintenance de l’automate afin de procéder à son démontage, les recherches entreprises étant restées infructueuses ; qu’en retenant que dans cette lettre la banque reconnaît avoir retrouvé le double du bordereau de remise, pour en déduire que cette reconnaissance vaut commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait allégué, c’est-à-dire, le dépôt de la somme litigieuse, quand il ressortait de cette lettre que si la banque indiquait avoir retrouvé le double du bordereau de remise, il n’y avait aucune trace de l’enveloppe spécifique au dépôt de deniers, ce qui excluait tout commencement de preuve par écrit, la juridiction de proximité qui se contente de relever l’indication dans cette lettre que la banque reconnaissait avoir retrouvé le double du bordereau de versement en occultant l’indication selon laquelle aucune trace de l’enveloppe contenant les fonds n’avait été retrouvée, a violé l’article 1134 du code civil ;
3°/ qu’ayant retenu que la lettre de la banque du 13 mai 2014 dans laquelle elle indiquait avoir retrouvé le double du bordereau de remise, lequel conventionnellement ne vaut pas preuve du montant du dépôt, valait commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait allégué, la juridiction de proximité qui ajoute que celui-ci est complété par des éléments extérieurs que sont les reçus émis par la Caisse d’épargne pour le retrait d’espèces et l’attestation de virement pour la banque, les opérations étant concomitantes, sans préciser en quoi de tels documents dont elle ne fait aucune analyse étaient de nature à compléter le commencement de preuve par écrit qu’elle retenait, la juridiction de proximité a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’après avoir relevé que la pratique bancaire a développé, pour le dépôt d’espèces dans une boîte aux lettres ou une machine automatique, l’usage d’une enveloppe spécifique avec bordereau renseigné par le client et destinée à recevoir chèques ou espèces, puis relevé que la clause, mentionnée par la banque sur le bordereau, selon laquelle la remise de fonds par le truchement d’un guichet automatique ne donne lieu qu’à la délivrance d’un ticket mentionnant pour mémoire la somme prétendument remise et que le client ne peut prétendre établir la preuve du montant du dépôt par la simple production dudit ticket, le jugement retient que, sauf à être abusive, une telle clause ne saurait priver le client de la possibilité de faire la preuve du dépôt par tout autre moyen ; que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve produits que la juridiction de proximité a, par une décision motivée, retenu que la lettre du 13 mai 2014, dans laquelle la banque reconnaissait avoir retrouvé le double du bordereau de remise, valait commencement de preuve par écrit et que celui-ci était complété par des éléments extrinsèques de nature à prouver le dépôt d’espèces litigieux ; que le moyen n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. et Mme X. la somme globale de 3.000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LE POURVOI REPROCHE AU JUGEMENT ATTAQUÉ D’AVOIR condamné la Caisse exposante à payer à Mme X. les sommes de 600 euros en principal, 200 euros à titre de dommages-intérêts, 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et rejeté ses demandes ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU’il y a lieu de noter que la requérante est cliente de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Sud-Rhône Alpes depuis plus de quarante ans ; que la relation, pour l’ouverture et la gestion d’un compte, d’une banque et de son client s’établit par la passation d’un contrat dit de dépôt imposé par l’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier et régi par les articles 1917 et suivants du code civil ; que la remise d’espèces par le titulaire d’un compte à son établissement bancaire pour le porter au crédit de celui-ci se fait par dépôt, soit personne au guichet, soit dans une boîte aux lettres, soit dans une machine automatique ; que la pratique bancaire a développé, pour ces deux derniers types de dépôt, l’usage d’une enveloppe spécifique avec bordereau renseigné par le client et destiné à recevoir chèques ou espèces, cette enveloppe étant, par définition, indispensable pour les dépôts en machine ou en boîte aux lettres ; qu’il y a lieu de constater que ce procédé transfère sur le client la tâche de vérification qui incombe normalement à la banque tout en ne reconnaissant comme preuve du dépôt le bordereau établi ; que Mme X. décrit les raisons et l’enchaînement des faits qui l’ont conduite à faire un dépôt d’espèces à sa banque ; qu’ainsi, le même jour, après un retrait desdites espèces à la Caisse d’Epargne, elle opérait le dépôt auprès du Crédit Agricole avant un virement par cette dernière banque à une agence de voyages ; qu’elle produit les documents étayant ses dires sous forme d’un reçu propre à chaque opération ; que, aux termes de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; que la banque prend soin de préciser, par clause mentionnée sur le bordereau lui-même, que la remise de fonds par le truchement d’un guichet automatique ne donne lieu qu’à la délivrance d’un ticket mentionnant pour mémoire la somme prétendument mise et que le client déposant ne peut prétendre établir la preuve du montant du dépôt par la simple production dudit ticket ; qu’une telle clause, sauf à être abusive, ne saurait néanmoins priver le client de la possibilité de faire la preuve du dépôt par tout autre moyen ; qu’il revient, en l’espèce, d’appliquer l’article 1347 du code civil, visant le commencement de preuve par écrit, dès lors que les conditions en sont réunies ; qu’en effet, dans son courrier du 13 mai 2014, la banque reconnaît avoir retrouvé le double du bordereau de remise ; que cette reconnaissance vaut commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait allégué ; que celui-ci est complété par les éléments extérieurs que sont les reçus émis par la Caisse d’Epargne pour le retrait d’espèces et l’attestation de virement pour le Crédit Agricole, les opérations étant toutes concomitantes ; que, des documents produits, il ressort que Mme X., qui a multiplié les recours pour faire savoir ses droits, a fait la preuve du dépôt d’espèces au guichet automatique du Crédit Agricole de son agence ; que la Caisse Régionale du Crédit Agricole Sud-Rhône Alpes est condamnée au versement de la somme de 600 euros à Mme X. ; que la demande de dommages et intérêts est recevable à hauteur de 200 euros ; que les prétentions du défendeur sont rejetées ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS D’UNE PART QU’il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation d’en rapporter la preuve ; qu’ayant relevé que la Caisse exposante a pris soin de préciser, par clause mentionnée sur le bordereau lui-même, que la remise de fonds par le truchement d’un guichet automatique ne donne lieu qu’à la délivrance d’un ticket mentionnant pour mémoire la somme prétendument remise et que le client déposant ne peut établir la preuve du montant du dépôt par la simple production du ticket puis retenu qu’il convient d’appliquer les dispositions de l’article 1347 du code civil dès lors que dans son courrier du 13 mai 2014, la banque reconnaît avoir retrouvé le double du bordereau de remise, cette reconnaissance valant commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait allégué, la juridiction de proximité n’a pas tiré les conséquences légales s’évinçant de ses constatations dont il ressortait que la lettre du 13 mai 2014 ne valait pas commencement de preuve par écrit, dès lors que la banque reconnaissait avoir retrouvé le double du bordereau de remise dont le juge a par ailleurs relevé que la simple production de ce ticket ne valait pas preuve du dépôt, et elle a violé les articles 1315 et 1347 du code civil ;
ALORS D’AUTRE PART QUE le commencement de preuve par écrit est tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué ; qu’il résulte de la lettre du 13 mai 2014 que la Caisse exposante indiquait avoir « retrouvé le double du bordereau de versement » mais n’avoir « trouvé aucune trace de l’enveloppe contenant les fonds », relatant avoir fait intervenir la société en charge de la maintenance de l’automate afin de procéder à son démontage, les recherches entreprises étant restées infructueuses ; qu’en retenant que dans cette lettre la banque reconnaît avoir retrouvé le double du bordereau de remise, pour en déduire que cette reconnaissance vaut commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait allégué, c’est-à-dire, le dépôt de la somme litigieuse, quand il ressortait de cette lettre que si la banque indiquait avoir retrouvé le double du bordereau de remise, il n’y avait aucune trace de l’enveloppe spécifique au dépôt de deniers, ce qui excluait tout commencement de preuve par écrit, la juridiction de proximité qui se contente de relever l’indication dans cette lettre que la Caisse exposante reconnaissait avoir retrouvé le double du bordereau de versement en occultant l’indication selon laquelle aucune trace de l’enveloppe contenant les fonds n’avait été retrouvée, a violé l’article 1134 du code civil.
ALORS ENFIN QU’ayant retenu que la lettre de la Caisse exposante du 13 mai 2014 dans laquelle elle indiquait avoir retrouvé le double du bordereau de remise, lequel conventionnellement ne vaut pas preuve du montant du dépôt, valait commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait allégué, la juridiction de proximité qui ajoute que celui-ci est complété par des éléments extérieurs que sont les reçus émis par la Caisse d’Epargne pour le retrait d’espèces et l’attestation de virement pour le Crédit Agricole, les opérations étant concomitantes, sans préciser en quoi de tels documents dont elle ne fait aucune analyse étaient de nature à compléter le commencement de preuve par écrit qu’elle retenait, la juridiction de proximité a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile.