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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 12 octobre 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 12 octobre 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 16/18369
Date : 12/10/2018
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 8/09/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8061

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 12 octobre 2018 : RG n° 16/18369 

Publication : Jurica

 

Extrait : « que Mme X. n'établit aucun déséquilibre significatif du contrat au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce alors que les obligations des parties étaient clairement définies et qu'elle en a été parfaitement informée, d'autant plus que sa profession d'avocat peut laisser supposer sa compétence pour en saisir la portée ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/18369 (7 pages). N° Portalis 35L7-V-B7A-BZRXQ. Décision déférée à la Cour : Décision du 5 juillet 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - R.G. n° 15/13554.

 

APPELANTE :

SARL WEB I PRO

prise en la personne de ses représentants légaux, N° SIRET : XX (Versailles), assistée de Maître Aude B., avocat au barreau de PARIS, toque : D1029

 

INTIMÉE :

Madame X.

née le [date] à [ville], représentée par Maître Parya Z., avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 juillet 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle LIS SCHAAL, présidente de la chambre et Monsieur Gérard PICQUE, magistrat honoraire en charge de fonctions juridictionnelles. Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Michèle LIS SCHAAL, présidente de la chambre, Madame Françoise BEL, présidente de chambre, Monsieur Gérard PICQUE, magistrat honoraire en charge de fonctions juridictionnelles.

Greffier, lors des débats : Madame Saoussen HAKIRI.

ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Madame Michèle LIS SCHAAL, Présidente de la chambre et par Madame Saoussen HAKIRI, Greffière présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

Le 15 avril 2014, Mme X. a, pour les besoins de son d'activité d'avocate, conclu avec la société WEB IPRO un contrat de licence d'exploitation de site internet pour une durée de 48 mois moyennant un prix de 279 euros HT par mois (334,80 euros TTC). Mme X. s'est également acquittée d'une somme de 1.972,80 euros correspondant aux frais de charte graphique et aux frais de mise en ligne. Une vidéo de présentation de l'activité de Mme X. a également été réalisée à la demande de cette dernière pour un prix de 364,80 euros.

Les échéances de février et mars 2015 n'ont pas été réglées. Par courrier AR du 21 avril 2015, la société WEB IPRO a mis en demeure Mme X. de lui payer la somme de 1.000,40 euros TTC.

Par courrier du 5 mai 2015, Mme X. a indiqué à la société WEB IPRO qu'elle estimait avoir acquis le site internet en s'acquittant de la somme de 1.972,80 euros. Elle a également indiqué vouloir arrêter la prestation de référencement correspondant aux loyers mensuels.

Par assignation délivrée le 8 septembre 2015 à Mme X., la société WEB IPRO a saisi le Tribunal de grande instance de Paris :

- d'une demande principale visant à faire condamner Mme X. au paiement des sommes de 14.396,40 euros TTC au titre des mensualités restant à courir et de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- d'une demande subsidiaire visant à faire constater la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Mme X. et condamner cette dernière à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Par jugement rendu le 5 juillet 2016, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- prononcé la résiliation du contrat de licence d'exploitation de site internet signé entre la société WEB IPRO et Mme X. le 15 avril 2014, à compter du 21 avril 2015 ;

- condamné Mme X. à payer à la société WEB IPRO la somme de 5.500 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné Mme X. à verser à la société WEB IPRO la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme X. aux dépens.

Le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que Mme X. ne pouvait, par son courrier du 5 mai 2015, mettre fin au contrat avant le terme prévu de 48 mois. Les premiers juges ont d'ailleurs constaté que Mme X. avait commencé d'exécuter le contrat en payant les échéances de septembre 2014 à janvier 2015 et qu'elle ne pouvait donc soutenir n'avoir jamais voulu bénéficier des prestations contractuelles. Ils ont ensuite estimé que la demande de la société WEB IPRO consistant à obtenir le paiement des loyers restant à échoir ne correspondait pas à une demande d'exécution forcée mais à une exécution anticipée d'un contrat en cours. Ils ont donc rejeté la demande principale de la société WEB IPRO.

Le Tribunal de grande instance de Paris a en revanche estimé que, conformément aux stipulations contractuelles, le contrat avait été résilié à la date du 21 avril 2015. Les premiers juges ont accordé des dommages et intérêts à la société WEB IPRO calculés en fonction du gain manqué et du temps mobilisé par ses équipes technique et commerciale pour la création et le suivi du site internet de Mme X.

La société WEB IPRO a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration du 8 septembre 2016.

 

Prétentions des parties

Par ses conclusions signifiées par RPVA le 1er juin 2018, auxquelles il est fait référence pour plus amples exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société WEB IPRO sollicite de la Cour de :

- juger recevable et fondé l'appel interjeté par la société WEB IPRO

- rejeter les pièces produites aux débats par Mme X. puisqu'elles n'ont pas été communiquées à la société WEB IPRO avant l'expiration du délai imparti à celle-ci pour répondre à l'appel incident

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat aux torts de Mme X.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 5.500 euros les dommages et intérêts octroyés à la société WEB IPRO

- fixer à la somme de 20.000 euros les dommages et intérêts octroyés à la société WEB IPRO

- débouter Mme X. de toutes fins, demandes et conclusions contraires

- condamner Mme X. à s'acquitter entre les mains de la société WEB IPRO d'une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Mme X. aux entiers dépens

La société WEB IPRO rappelle que Mme X. a conclu, en toute connaissance de cause, un contrat à durée déterminée de 48 mois. Elle indique que Mme X. a accepté le prix des prestations et qu'elle ne peut donc désormais en contester le montant. Elle rappelle que le montant des échéances mensuelles correspondaient au coût des prestations des mises à jour et des prestations de référencement du site internet.

La société WEB IPRO soutient qu'elle a parfaitement exécuté ses obligations puisqu'elle a proposé différentes maquettes à Mme X., réaliser la vidéo et mis en ligne le site internet. Elle rappelle que Mme X. a choisi une maquette sans formuler aucune réserve. Concernant la prestation de référencement, elle indique n'être tenue que par une obligation de moyen. Or elle affirme avoir réalisé toutes les opérations permettant d'améliorer le positionnement du site internet de Mme X., telles que l'envoi d'un questionnaire professionnel, la réalisation d'un audit sémantique, la création d'une fiche « google adresse » et l'optimisation des textes afin qu'apparaissent les différents mots-clés. Elle prétend d'ailleurs que ces opérations ont été efficaces puisqu'en janvier 2015, le site de Mme X. était sixième sur 387.000 résultats. Elle rappelle en outre que l'amélioration du positionnement d'un site internet dépend en partie des démarches réalisées par le client. Or elle assure que Mme X., malgré les conseils qui lui avaient été donné, n'a jamais procéder à des actualisations de son site internet. Elle indique, contrairement aux allégations de Mme X., avoir intégré dans le site internet un module statistique lui permettant de constater l'évolution de son positionnement.

La société WEB IPRO soutient par conséquent que Mme X. a commis une faute en résiliant de manière unilatérale le contrat. Elle considère que son préjudice est composé :

- du gain manqué correspondant à la poursuite du contrat jusqu'à son terme contractuel : 10.332 euros. Elle précise que la marge d'une société de conseil est importante et que cette somme n'est donc pas excessive.

- des pénalités de retard pour les factures de février, mars et avril 2015 : 120 euros

- de la perte d'une possibilité d'être remarquée par de potentiels clients grâce aux coordonnées insérées sur le site de Mme X.

- d'un préjudice moral

Concernant les pièces produites par Mme X., la société WEB IPRO soutient qu'elles n'ont pas été produites aux débats en temps utile, c'est à dire avant l'expiration du délai imparti pour répondre à l'appel incident.

La société WEB IPRO soutient qu'aucun déséquilibre significatif n'est caractérisé en l'espèce puisque le contrat n'a pas été imposé à Mme X. et que les obligations des parties étaient clairement définies. En outre elle rappelle que le bailleur et le licencié ne sont pas des partenaires commerciaux. Elle estime enfin que Mme X. ne démontre pas la réalité des pratiques trompeuses et agressives dont elle se prévaut.

Par ses conclusions signifiées par RPVA le 12 juin 2018, auxquelles il est fait référence pour plus amples exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, Mme X. sollicite de la Cour de :

Vu l'article L. 442-6 du code de commerce

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation

Vu l'article L. 132-10 du code de la consommation

Vu l'article 1184 du code de la consommation

- recevoir l'appel incident

- infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris le 5 juillet 2016

- déclarer les pièces produites au soutien des intérêts de Mme X. recevables

- déclarer la demande de dommages et intérêts de la société WEB IPRO infondée

- subsidiairement, juger le contrat résolu depuis le 5 février 2015 aux torts de la société WEB IPRO

- débouter la société WEB IPRO de l'ensemble de ses demandes

- condamner la société WEB IPRO à payer à Mme X. la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la désorganisation de son activité et à son préjudice moral

- condamner la société WEB IPRO à payer à Mme X. la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance

Mme X. soutient que la société WEB IPRO n'a jamais justifié de sa prestation de référencement auprès d'un quelconque moteur de recherche, notamment en produisant un document permettant de constater l'évolution du positionnement de son site internet. Elle affirme que pendant les 8 mois de mise en ligne du site internet, son site internet est resté à la 8ème page des recherches Google. Elle rappelle que l'audit sémantique réalisé par la société WEB IPRO n'a fait l'objet d'aucune mise à jour et que seuls 2 mots-clés sur 15 sont référencés sur Google. Elle ajoute qu'aucun échange n'ont eu lieu afin de réaliser des ajustements périodiques et afin de lui dispenser des conseils pour améliorer son référencement. Elle affirme n'avoir jamais reçu les codes lui permettant d'accéder au module statistique. En l'absence d'une prestation effective de référencement, elle estime avoir été en droit de résilier le contrat.

Mme X. soutient que ses pièces ont été communiquées en temps utile puisqu'au moment de leur communication, aucune date de clôture n'était encore fixée.

Concernant les demandes de la société WEB IPRO, Mme X. soutient que la somme de 10.3332 euros HT est excessive. Elle rappelle en effet que sur la somme totale de 11.997 euros HT (43 x 279 euros), la société WEB IPRO ne peut réaliser 90% de marge. Elle considère également que la société WEB IPRO ne démontre pas en quoi elle a subi une perte de chance d'être remarquée. Elle rappelle en effet qu'elle n'avait aucune obligation de communiquer les coordonnées de la société WEB IPRO à ses clients.

Mme X. considère que l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce est applicable en l'espèce puisque le contrat exclue l'application des dispositions du code de la consommation. Elle soutient qu'il existe un déséquilibre significatif car qu'il n'existe aucun cahier des charges permettant de définir la prestation à réaliser, le traitement des parties dans les conditions et les effets de la résolution contractuelle sont asymétriques et que la société WEB IPRO bénéficie de plusieurs clauses exonératoires de responsabilité. Elle estime que le délai de 24 heures que lui a laissé la société WEB IPRO pour conclure le contrat constitue une pratique commerciale trompeuse et agressive.

Elle estime enfin avoir subi un préjudice résultant de la désorganisation causée par la mise en place d'un site internet qui ne répondait pas à ses attentes.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Considérant que les pièces communiquées par l'intimée avant l'ordonnance de clôture doivent être déclarées recevables, cette communication permettant un examen contradictoire par l'appelante,

Considérant que le 15 avril 2014, Mme X. a, pour les besoins de son activité d'avocate, conclu avec la société WEB IPRO un contrat de licence d'exploitation de site internet pour une durée de 48 mois moyennant un prix de 279 euros HT par mois (334,80 euros TTC),

que Mme X. s'est également acquittée d'une somme de 1.972,80 euros correspondant aux frais de charte graphique et aux frais de mise en ligne,

qu'une vidéo de présentation de l'activité de Mme X. a également été réalisée à la demande de cette dernière pour un prix de 364,80 euros,

que les échéances de février et mars 2015 n'ont pas été réglées,

que par courrier AR du 21 avril 2015, la société WEB IPRO a mis en demeure Mme X. de lui payer la somme de 1.000,40 euros TTC ;

Considérant que la société WEB IPRO soutient que Mme X. a commis une faute en résiliant unilatéralement le contrat alors qu'elle estime qu'elle a rempli ses obligations contractuelles et que Mme X. a été pleinement informée avant de contracter par la proposition de différentes maquettes et qu'elle a choisi une maquette sans formuler aucune réserve,

qu'elle rappelle qu'elle n'est tenue qu'à une obligation de moyen concernant la prestation de référencement,

que Mme X. réplique qu'en présence de manquements à ses obligations contractuelles (référencement non justifié, pas de positionnement du site internet...), elle était en droit de résilier unilatéralement le contrat,

mais considérant que Mme X. n'établit pas, alors qu'elle invoque l'exception d'inexécution pour justifier son non-paiement des échéances, les manquements contractuels dont elle fait état,

que la réception de la maquette a été faite sans réserves et qu'elle a réglé les échéances de septembre 2014 à janvier 2015,

que la société WEB IPRO justifie avoir réalisé toutes les opérations permettant d'améliorer le positionnement du site internet de Mme X., telles que l'envoi d'un questionnaire professionnel, la réalisation d'un audit sémantique, la création d'une fiche « google adresse » et l'optimisation des textes afin qu'apparaissent les différents mots-clés tels que « Fonds de commerce » et avoir intégré dans le site internet un module statistique lui permettant de constater l'évolution de son positionnement,

que Mme X. était parfaitement informée de la durée du contrat (48 mois), l'article 11 stipulant : « Le présent contrat est conclu pour la durée indivisible et irrévocable prévue aux conditions particulières. Le contrat est conclu sous condition résolutoire de la signature du procès-verbal de conformité dans les conditions définies à l'article 4.

A défaut de notification trois mois avant son terme d'une résiliation signalée par le prestataire ou le client, par lettre recommandée avec avis de réception, il se poursuivra par tacite reconduction pour des périodes successives d'un an sauf résiliation par l'une ou l'autre partie signifiées dans les formes précitées. »,

que l'information complémentaire indique : « la prestation mensuelle est fixe et non indexable pendant 48 mois.»

qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a fait une juste appréciation des faits de la cause en prononçant la résiliation du contrat de licence d'exploitation de site internet signé entre la société WEB IPRO et Mme X. le 15 avril 2014 à compter du 21 avril 2015 et en condamnant Mme X. à payer à la société WEB IPRO la somme de 5.500 euros à titre de dommages et intérêts, le surplus n'étant pas établi,

que Mme X. n'établit aucun déséquilibre significatif du contrat au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce alors que les obligations des parties étaient clairement définies et qu'elle en a été parfaitement informée, d'autant plus que sa profession d'avocat peut laisser supposer sa compétence pour en saisir la portée ;

Considérant que le débouté des demandes de Mme X. entraine celle de sa demande de dommages et intérêts ;

Considérant que l'équité impose de condamner Mme X. à la société WEB IPRO la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

DECLARE recevables les pièces communiquées par la partie intimée ;

DEBOUTE les parties de leurs plus amples prétentions ;

CONDAMNE Mme X. à payer à la société WEB IPRO la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

La CONDAMNE aux dépens.

Le greffier                 Le président