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T. COM. TOULOUSE, 24 novembre 1993

Nature : Décision
Titre : T. COM. TOULOUSE, 24 novembre 1993
Pays : France
Juridiction : Toulouse (TCom)
Demande : 92/62
Date : 24/11/1993
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 8/12/1992
Décision antérieure : CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 30 octobre 1995
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 808

T. COM. TOULOUSE, 24 novembre 1993 : RG n° 92/62 (ou n° 93/62)

(sur appel CA Toulouse (2e ch. 1re sect.), 30 octobre 1995 : RG n° 23/94 ; arrêt n° 576)

 

Extrait : « Attendu qu'il ressort des débats et des pièces produites que Monsieur X. a acquis un matériel destiné à la fabrication de pâtes alimentaires dans le cadre de son activité ou pour l'extension de ladite activité. Que le contrat de crédit bail signé par ses soins précise en caractères très apparents et au recto du contrat : « la présente location porte sur un bien à usage professionnel et constitue une opération de crédit-bail régie par les dispositions de la loi n° 66-445 du 2 juillet 1966. » Que Monsieur X. ne pourra donc se prévaloir des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 pour obtenir la nullité de la vente. »

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE TOULOUSE

JUGEMENT DU 24 NOVEMBRE 1993

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 92/62 [N.B. : l’assignation est du 8 décembre 1992, cf. infra, mais le n° 62 est plus cohérent avec un enrôlement en janvier correspondant à un n° 93/62]. JUGEMENT DU 24 NOVEMBRE 1993, Prononcé en audience publique par Monsieur CATHALA, Président, assisté de M. PUJOL, Greffier, après débats en audience publique le 20 OCTOBRE 1993 devant MM : CATHALA, Président, COURTOIS et FRATANI, Juges, qui en ont délibéré et ont concouru au jugement, chacun suivant les droits et qualités qui lui sont attribués par la loi.

 

CAUSE D'ENTRE :

Monsieur X.

[adresse], Partie demanderesse, Représentée par Maître THEVENOT

 

CONTRE :

- SARL CEPS

[adresse], Partie défenderesse, Représentée par Maître BERL

- COMPAGNIE DU CRÉDIT UNIVERSEL

[adresse], Partie défenderesse, Représentée par le Cabinet DECKER ET ASSOCIES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Par exploit du 8 décembre 1992, enrôlé sous le numéro 62, du ministère de la SCP A. B. Huissiers de justice à [ville], Monsieur X. a assigné la SARL CEPS et la Cie du CRÉDIT UNIVERSEL et demande :

De dire et juger, en premier lieu que contrairement aux dispositions de l'article 1591 du Code Civil, le prix de vente des matériels cédés par la SARL CEPS, suivant bon de commande du 28 septembre 1991 et bon de livraison de 3 octobre 1991, est indéterminé.

En second lieu que ladite vente est soumise aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972, s'agissant d'une vente à domicile d'un matériel ne concernant pas directement son activité commerciale.

En conséquence, prononcer l'annulation de ladite vente.

Annuler également le contrat de financement souscrit auprès du CRÉDIT UNIVERSEL.

Condamner la SARL CEPS à lui rembourser la somme de 6.114 Francs versée à titre d'acompte.

Condamner le CRÉDIT UNIVERSEL à lui rembourser la totalité des échéances payées au jour du jugement à intervenir.

Condamner CEPS à lui payer une indemnité de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.

La condamner aux dépens.

Ordonner l'exécution provisoire.

L'affaire précitée, appelée pour la première fois le 5 janvier 1993, a fait l'objet de quatre renvois, pour échange des pièces et conclusions entre parties, et étant réputée en état, a été fixée pour être plaidée péremptoirement à l'audience du 23 juin 1993.

A fait l'objet de deux nouveaux renvois à la demande des parties.

 

À LA BARRE :

Monsieur X. :

Maintient les divers chefs de son assignation introductive d'instance.

Y ajoutant :

Ordonner la suspension du contrat de crédit jusqu'à la résolution du litige.

La SARL CEPS :

Débouter M. X. de sa demande en annulation de la vente.

Le condamner à lui payer une somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.

Le condamner aux dépens et ordonner l'exécution provisoire.

La COMPAGNIE du CRÉDIT UNIVERSEL :

Vu le contrat d'acquisition souscrit par M. X.

[minute page 3] Vu le contrat de financement prévoyant l'application des dispositions de la loi du 2 juillet 1966.

Constater qu'en toute hypothèse, ce matériel a été acquis dans un but professionnel et non à titre personnel.

En conséquence, exclure l'application des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage.

Débouter M. X. de sa demande d'annulation du contrat de vente et par voie de conséquence d'annulation du contrat de crédit.

Si, par impossible, le Tribunal devait accéder à la demande de M. X. :

Condamner la SARL CEPS à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, seul le vendeur étant responsable du conflit rencontré avec M. X.

Dans cette hypothèse, condamner M. X. et le fournisseur à réparer le préjudice subi du fait de la résiliation, en payant l'indemnité de résiliation prévue contractuellement.

Condamner M. X. à la somme de 5.000 Francs de dommages pour procédure abusive et injustifiée et celle de 3.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.

Le condamner aux dépens.

 

LES FAITS :

Le 28 août 1991, M. X. commande à CEPS « Un concept pâtes fraîches alimentaires ». Bon de commande N° 1218, prix HT : 49.000 Francs soit TTC : 58.114 Francs.

Financement prévu : « Par organisme de crédit en 48 mensualités de 1.200 Francs ».

Le 5 septembre 91, CEPS offre à M. X. une remise de 2.000 Francs s'il choisit de faire financer son acquisition par sa propre banque.

La livraison intervient le 3 octobre 91, bon de livraison signé sans réserve par M. X.

Précision apportée sur ledit bon : « Signé ce jour un dossier de leasing CRÉDIT UNIVERSEL en 60 mois. Montant HT 42.500. La TVA sera rendue au client dès financement du leasing, montant TVA 9.114 Francs. »

M. X. règle, par chèques, à CEPS la somme de 9.114 Francs. Le 4 octobre 91, CEPS adresse sa facture de 50.405 Francs TTC au CRÉDIT UNIVERSEL qui la réglera le 18 du même mois.

Le 6 novembre, le CRÉDIT UNIVERSEL rappelle à M. X. les conditions de la location, soit prix TTC 50.405 Francs, paiement en 60 mensualités de 1.229,87 Francs TTC, option rachat en fin de contrat : 3.034,27 Francs.

Le 23 novembre 91, M. X. réclamera à CEPS remboursement de la TVA, contractuellement prévu, la distribution de prospectus, de cartes de fidélité, et surtout la promesse qui lui avait été faite de prospecter des brasseries et restaurants.

Le 21 février 92, il renouvelle ses demandes son courrier précédent étant demeuré sans réponse.

La TVA, 9.114 Francs, lui est remboursée par CEPS le 3 avril 92.

Le 28 avril 92, son conseil JURIMUT interviendra auprès de CEPS rappelant que le contrat du 28 août 91 est soumis à la loi du 22 décembre 1972, le type d'appareil acheté étant sans rapport avec l'activité professionnelle de M. X.

Le 2 décembre 92 M. X. assignera devant le Tribunal de céans.

[minute page 4]

MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES :

Monsieur X. :

La vente doit être annulée car le prix est indéterminé.

Le bon de commande stipulant « prix HT 49.000 Francs TTC 58.114 Francs, financement par organisme de crédit en 48 mensualités de 1.200 Francs », le bon de livraison stipulant : « prix 42.500 Francs HT, signé ce jour dossier de leasing Crédit Universel en 60 mois ».

L'indétermination du prix est contraire aux dispositions de l'article 1591 du Code Civil.

Le contrat de vente doit donc être considéré nul et non avenu, d'autant que les modalités de paiement prévues au bon de commande n'ont pas été respectées.

Le financement devait être payé en 48 mensualités de 1.200 Francs, alors que le contrat du Crédit Universel, proposé par CEPS, prévoit un remboursement en 60 mensualités de 1.229,87 Francs.

Il n'y a pas eu novation, la discordance entre le bon de commande et le bon de livraison ne signifie en aucun cas qu'il y ait eu novation, elle ne montre qu'une modification du montant de l'obligation de M. X.

Par ailleurs, la vente est contraire aux dispositions de la loi du 22 décembre 72 concernant les ventes à domicile.

Le bon de commande ne comportait aucunes des clauses prescrites à peine de nullité par ces dispositions législatives.

En outre, bien que M. X. soit commerçant, la loi du 22 décembre 72 lui est applicable, l'article 8-E indiquant que seules les ventes de biens ayant un rapport direct avec l'activité exercée ne sont pas soumises aux dispositions des articles 1 à 5.

Une machine à fabriquer les pâtes fraîches n'a pas de relation directe avec la profession de boulanger pâtissier.

M. X. s'est trouvé dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur et la loi du 22 décembre 72 lui est donc applicable.

Le contrat de vente devant être annulé, le contrat de crédit devra l'être également, CEPS s'étant comporté comme le mandataire du Crédit Universel et avait un intérêt financier dans la conclusion du contrat de financement.

La vente doit être annulée du fait du non respect par le vendeur de ses engagements contractuels.

Le contrat de vente prévoyait que CEPS s'engageait à effectuer des opérations de prospection au profit de M. X., ces obligations n'ont pas été respectées, et le contrat doit être résolu en application de l'article 1184 du Code Civil.

La SARL CEPS :

Qu'entre la commande et la livraison des modifications étaient convenues entre les parties.

M. X., souhaitant procéder à l'opération de crédit-bail par un organisme de son choix, portait sur le bon de livraison la mention « signé ce jour un dossier de leasing Crédit Universel en 60 mois, montant HT 42.500 francs ».

Après avoir utilisé le matériel livré pendant 18 mois, à son entière satisfaction, il tente d'obtenir la nullité de la vente.

Il y a eu novations des accords initiaux par la signature de nouveaux documents contractuels entre l'organisme de crédit et M. X. qui fixe l'objet du contrat et la nature des prestations fournies que M. X. se garde bien de produire aux débats.

[minute page 5] Que le prix ramené à 42.500 Francs tient compte de ces novations. On ne peut donc se référer au bon de commande pour prétendre que le prix est indéterminé.

Le nouveau prix est bien déterminé et résulte des nouveaux accords auxquels M. X. a expressément consenti.

C'est à tort qu'il soutient que la vente serait nulle par application des dispositions de la loi du 22 décembre 72, l'article 8 définit clairement le champ d'application de cette loi.

La vente portant sur un matériel à fabriquer des pâtes fraîches entre dans l'activité alimentaire de M. X. qui est boulanger pâtissier.

Il n'a pas acquis la machine pour ses besoins privés, mais pour ceux de son commerce, et à cet égard la jurisprudence de la Cour de Cassation est formelle.

Elle a décidé, dans un arrêt du 23 juin 87, que les dispositions de la loi du 23 juin 87 [N.B. conforme à la minute], dont le champ d'application est identique à celui de la loi du 22 décembre 72, ne s'appliquent pas dès lors qu'un professionnel a agi pour les besoins de son commerce, fut-ce en vue d'en étendre les formes d'activité.

Enfin concernant ses réclamations sur les fournitures incomplètes, il convient de souligner que l'objet même des engagements a été modifié, puisque des prestations au profit de M. X. ont été supprimées, ce qui entre autre justifie la diminution du prix.

La COMPAGNIE DU CRÉDIT UNIVERSEL :

Le contrat de crédit, en date du 3 octobre 1991, spécifie qu'il s'agit d'un bien à usage professionnel et constituant une opération de crédit-bail régie par les dispositions de la loi du 2 juillet 1966.

M. X. va régler ponctuellement les échéances en cours.

Ce n'est qu'un an plus tard qu'il entend obtenir la nullité de la vente aux motifs qu'elle serait soumise aux dispositions de la loi du 22 décembre 72 sur le démarchage.

Il est curieux qu'il ait attendu tout ce temps alors qu'il a bénéficié du matériel durant ce laps de temps.

Tout aussi curieux le fait qu'il sollicite l'application de la loi du 22 décembre 72, invoquant une prétendue indétermination du prix, alors que les mentions sont parfaitement claires sur les divers contrats et qu'il exerce la profession de boulanger pâtissier.

L'acquisition pour ses besoins professionnels est manifeste, il l'a d'ailleurs spécifié dans sa correspondance du 23 novembre 91 adressée à CEPS.

Par ailleurs la résolution de la vente ne peut, selon trois arrêts de la Cour de Cassation de novembre 90, entraîner la résiliation du contrat de crédit bail sous réserve de dispositions contractuelles spécifiques.

CEPS seul responsable du litige doit, si besoin en est, relever et garantir le CRÉDIT UNIVERSEL de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu qu'il ressort des débats et des pièces produites que Monsieur X. a acquis un matériel destiné à la fabrication de pâtes alimentaires dans le cadre de son activité ou pour l'extension de ladite activité.

[minute page 6] Que le contrat de crédit bail signé par ses soins précise en caractères très apparents et au recto du contrat : « la présente location porte sur un bien à usage professionnel et constitue une opération de crédit-bail régie par les dispositions de la loi n° 66-445 du 2 juillet 1966. »

Que Monsieur X. ne pourra donc se prévaloir des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 pour obtenir la nullité de la vente.

Attendu qu'il se prévaut de l'indétermination du prix contrevenant aux dispositions de l'article 1591 du Code Civil.

Qu'il convient de constater qu'en effet, si le bon de commande du 28 août 91 mentionne un prix HT de 49.000 francs, le bon de livraison fait apparaître celui de 42.500, ainsi d'ailleurs que le contrat de crédit bail.

Que cette différence peut sembler être favorable à Monsieur X.

Attendu, qu'entre la date de la commande et celle de la livraison, une novation s'est opérée dans la mesure où il ressort du courrier du 5 septembre 91, adressé par CEPS à X., que ce dernier a entendu choisir lui-même l'organisme destiné à financer son acquisition, qu’en fonction de ce choix CEPS lui consentait une remise de 2.000 Francs sur le prix HT du matériel.

Que de surcroît Monsieur X. a apposé sur le bon de livraison la mention : « Signé ce jour un dossier de leasing Crédit Universel en 60 mois. Montant HT 42.500 Francs ».

Qu'il ne peut de ce fait soutenir que CEPS s'est comporté en mandataire de l'organisme de crédit.

Que dans son assignation du 3 décembre 1992, Monsieur X. demande que soit condamnée la SARL CEPS à lui rembourser l'acompte versé à la commande.

Que force est de constater que cet acompte lui a été remboursé le 3 avril 92.

Que concernant les réclamations de Monsieur X. sur le non respect des engagements de prospection par la CEPS à son profit, il convient de retenir les explications de cette société qui indique que la diminution du prix a été consentie, entre autre, par suite de la diminution des prestations prévues.

Attendu que Monsieur X. a pris livraison du matériel en date du 3 octobre 91, qu'il ne s'est jamais plaint de son fonctionnement.

Qu'il aura attendu le 3 décembre 1992, soit 14 mois, pour voir prononcer la nullité de la vente, sur des motifs non fondés.

Qu'il convient donc de le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions prises tant à l'encontre de CEPS que du CRÉDIT UNIVERSEL.

[minute page 7] Attendu que la Compagnie du CRÉDIT UNIVERSEL sollicite l'octroi de dommages et intérêts sans justifier du préjudice qu'elle dit avoir subi, elle sera déboutée de ce chef de demande.

Que les défendeurs ont du engager dans l'instance des frais irrépétibles qu'il ne serait pas équitable de laisser à leur charge, Monsieur X. devra payer au titre de l'article 700 du NCPC :

- à la SARL CEPS la somme de 3.000 Francs.

- à la Compagnie du CRÉDIT UNIVERSEL la somme de 3.000 Francs.

Attendu que la CEPS sollicite l'exécution provisoire, que s'agissant de condamnation au titre de l'article 700, la demande ne sera pas retenue.

Attendu que la partie qui succombe est passible des dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal jugeant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, après en avoir délibéré :

Déboute Monsieur X. de toutes ses demandes, fins et conclusions prises tant à l'encontre de la SARL CEPS qu'à celle de la Compagnie du CRÉDIT UNIVERSEL.

Déboute cette dernière de sa demande de dommages et intérêts.

Condamne Monsieur X. à payer au titre de l'article 700 du NCPC :

- à la SARL CEPS la somme de 3.000 Francs.

- à la Compagnie du CRÉDIT UNIVERSEL la somme de 3.000 Francs.

Le condamne aux dépens.

Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire.

LE GREFFIER                        LE PRÉSIDENT