CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 27 février 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8102
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 27 février 2019 : RG n° 17/02186 ; arrêt n° 2019/115
Publication : Jurica
Extrait (rappel des faits) : « Suivant offre acceptée le 1er février 2009, la société Union de crédit pour le bâtiment, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas personal finance, a consenti à M. X. et Mme Y. épouse X. un prêt immobilier d'un montant de 389.370,24 francs suisses (259.200 euros), d'une durée de 22 ans, destiné à financer l'acquisition d'un appartement à usage locatif situé à [ville S.], remboursable en euros à un taux d'intérêt initialement fixé à 4,70 % par an puis révisable sur la base de la moyenne mensuelle du taux SWAP francs suisses 5 ans. L'offre de prêt mentionne un taux effectif global (ci-après TEG) de 5,05 % par an et un taux de période mensuel de 0,42 %. Par acte d'huissier de justice en date du 11 juillet 2014, M. X. et Mme Y. épouse X. ont assigné la société BNP paribas personal finance devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement rendu le 16 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a : - déclaré irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes de nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel, de déchéance du droit aux intérêts de l'établissement prêteur et d'indemnisation formées par M. X. et Mme Y. épouse X. fondées sur une erreur affectant le taux effectif global ; - condamné M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens ; - condamné M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société BNP paribas personal finance la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire. »
Extraits (motifs) : 1/ « Alors que la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties, en application de l'article 954 du code de procédure civile, et qu'elle n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, force est de constater que M. X. et Mme Y. épouse X. ne demandent pas dans le dispositif de leurs dernières conclusions que la clause de monnaie de compte ou d'indexation du contrat Helvet immo soit réputée non écrite en raison de son caractère abusif pas plus qu'ils ne reprennent une telle demande en ce qui concerne la clause de frais de change sur laquelle portent pourtant les moyens développés dans leur discussion.
En effet, seul le caractère abusif de la clause d'intérêt conventionnel est mentionné dans le dispositif des conclusions des appelants et ce, au soutien d'une demande de nullité de ladite clause et non d'une demande tendant à la voir réputée non écrite.
Dans ces conditions, force est de constater qu'aucune demande tendant à voir réputée non écrite une clause du contrat Helvet immo n'est finalement soumise à la cour et que partant, la fin de non-recevoir tirée de la prescription d'une telle demande, soulevée par la société BNP paribas personal finance pour la voir déclarer irrecevable est sans objet.
Par ailleurs, les époux X. ne développant dans leur discussion aucun moyen de fait comme de droit sur le caractère abusif de la stipulation d'intérêt conventionnel du contrat litigieux comme sur la nullité qui en serait la conséquence, la demande qu'ils forment à ce titre est rejetée. »
2/ « Sur la recevabilité de la demande de nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel en raison de l'erreur affectant le TEG :
Aux termes de l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mars 2014, « le prêteur (ou le bailleur) qui ne respecte pas l'une des obligations prévues » à l'article L. 312-8 ancien, lequel renvoie, concernant le TEG, aux prescriptions de l'article L. 313-1 du même code dans son ancienne version, en définissant le contenu, « pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge ».
Ce texte spécial déroge nécessairement, pour les prêts immobiliers régis par la loi Scrivener, aux dispositions générales posées par l'article 1907 du code civil, lequel sanctionne par la nullité l'absence d'indication du taux d'intérêt dans un écrit et, par extension, d'un TEG dont l'irrégularité éventuelle est assimilée à une absence.
L'emprunteur ne saurait, sauf à vider de toute substance les dispositions d'ordre public des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, disposer d'une option entre nullité et déchéance, notamment en distinguant artificiellement l'offre en elle-même et le contrat résultant de son acceptation alors que la sanction de l'article L. 312-33 du code de la consommation vise le prêteur et non l'émetteur de l'offre.
Une telle option, privant le juge de la possibilité de prévoir une sanction proportionnée à la gravité de l'erreur ne participe pas à l'objectif recherché par le législateur, à savoir donner au TEG une fonction comparative, et à la poursuite, dans le cas d'une violation de ces prescriptions, d'une sanction dissuasive mais proportionnée.
En conséquence la demande principale tendant au prononcé de la nullité de la stipulation d'intérêts sur le fondement de l'article 1907 du code civil doit être déclarée irrecevable et le moyen tiré de la prescription de cette action est dès lors sans objet. »