CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 15 mai 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8124
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 15 mai 2019 : RG n° 17/04806 ; arrêt n° 2019/248
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que monsieur Y. et madame X. arguant de ce que les intérêts conventionnels ont été déterminés sur la base d'une année lombarde, demandent, uniquement, que soit prononcée la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts ;
Considérant que la banque conclut à l'irrecevabilité d'une telle prétention au regard des dispositions de l'article L. 312-33 du code de la consommation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction alors en vigueur, le prêteur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues à l'article L. 312-8, lequel renvoie, concernant le taux effectif global, aux prescriptions de l'article L.313-1 du même code en définissant le contenu, pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge ;
Considérant qu'en vertu des prévisions impératives de l'article L. 312-8 du code de la consommation, les manquements aux obligations prévues par cet article sont sanctionnés par l'article L. 312-33 du code de la consommation, exclusivement applicables en raison du caractère d'ordre public des dites règles spécifiques édictées pour la protection du consommateur et qui l'emportent donc sur celles, plus générales posées par l'article 1907 du code civil, lequel sanctionne par la nullité l'absence de prescription d'un taux d'intérêt et, par extension d'un taux effectif global, dont l'irrégularité éventuelle est assimilée à une absence ;
Qu'il en résulte qu'en droit la seule sanction d'un taux effectif global erroné n'est pas la nullité de la clause de stipulation d'intérêts mais la déchéance du droit aux intérêts ;
Considérant que cette solution d'irrecevabilité de l'action en nullité retenue en matière de taux effectif global erroné doit l'être tout autant, dans le cas du recours à l'année « bancaire » ou « lombarde » de 360 jours comme base de calcul des intérêts conventionnels, puisque :
- il est de principe que le taux d'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou un non professionnel doit comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile,
- dans l'un et l'autre cas le résultat de la sanction est - le cas échéant, en ce qui concerne l'action en déchéance - l'application du taux légal en remplacement du taux contractuel,
- l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, qui s'applique en matière de calcul du taux effectif global, et qui dispose que : « c) L'écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d'années. Une année compte 365 jours, ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,41666 jours (c'est-à-dire 365/12), que l'année soit bissextile ou non. », pose une règle du calcul du taux effectif global répondant exactement à la préoccupation du législateur de protéger le consommateur d'une facturation d'intérêts dont il n'aurait pas été clairement informé, et fixe ainsi les rapports périodiques à retenir pour le calcul du taux effectif global, ce qui est également l'objet de la clause 30/360 pour ce qui concerne le calcul des intérêts conventionnels ;
Considérant surabondamment sur le fond, que pour débouter monsieur Y. et madame X. de leurs demandes le tribunal a, exactement en tous points, retenu ce qui suit :
« Sur la demande d'annulation des stipulations d'intérêts conventionnels des contrats de prêt
En application des dispositions des articles 1901, alinéa 2, du code civil, et L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, dans leur version applicable au présent litige, les intérêts d'un prêt consenti à un consommateur ou à non professionnel doivent être calculés au taux conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt sur la base de l'année civile.
Faute pour l'emprunteur de pouvoir valablement consentir à un calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année dite bancaire d'une durée de 360 jours, le prêteur est tenu de restituer les intérêts trop perçus résultant d'un tel calcul, sans qu'il y ait lieu à annulation de la stipulation d`intérêts conventionnels ou à la substitution du taux de l'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel régulièrement fixé par écrit.
Au cas particulier, dès lors que le calcul des intérêts conventionnels par application des clauses litigieuses, qui stipulent que « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours » aboutit, pour les intérêts calculés pour une période d'un mois entier, au même résultat que le calcul de ces intérêts, conforme au principe précédemment énoncé, effectué sur la base d'une année d'une durée de 365 jours et d'un mois dit « normalisé » d'une durée de (365/12) jours, aucune irrégularité ne résulte de l'application de cette clause s'agissant de l'ensemble des échéances du prêt calculées sur une durée d'un mois entier.
Les emprunteurs prétendent également que les intérêts intercalaires auraient été calculés sur la base d'une année d'une durée de 360 jours et contestent les calculs de la banque établissant que les intérêts intercalaires des deux prêts litigieux dus pour la période du 28 juin 2012 au 5 juillet 2012 ont été calculés sur la base d'une année civile en prétendant qu'il ne ressort pas des tableaux d'amortissement établis au 27 juin 2012 que les fonds empruntés aient été débloqués le 28 juin et dès lors, que les intérêts soient dus sur une période de sept jours.
Toutefois, il ressort des documents intitulés « versements du crédit n°9045453/1751 » et « versements du crédit n°9045454/1751 » que les fonds de ces deux prêts ont été débloqués le 28 juin 2012, étant relevé que les demandeurs ne justifient pas qu'ils aient été versés à une autre date et que par conséquent les intérêts sont dus sur une période de sept jours.
Il résulte dès lors des calculs de la banque, qui ne sont pas utilement contestés, que les intérêts intercalaires de ces deux prêts ont été calculés sur la base d'une année civile.
M. Y. et Mme Van X. seront déboutés de leur demande tendant à l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels des contrats de prêt. » ;
Considérant en effet comme de principe, tel que rappelé plus haut, que par application des dispositions combinées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 du code de la consommation, le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou un non professionnel doit comme le taux effectif global être calculé sur la base de l'année civile sous peine de se voir substituer l'intérêt légal ;
Qu'en l'espèce il n'est pas contesté que la clause prohibée figure noir sur blanc dans les « conditions particulières » de chacun des prêts ; que néanmoins, contrairement à ce que soutiennent monsieur Y. et madame X., la seule présence au contrat de la clause prohibée n'emporte pas nécessairement nullité de la stipulation d'intérêts, et le juge est pour le moins et en premier lieu avant d'en déterminer la sanction, tenu de vérifier si elle a été effectivement appliquée ou si à l'inverse les intérêts conventionnels n'ont pas été calculés sur la base d'une année civile, conformément aux textes précités ;
Qu'en premier lieu, si monsieur Y. et madame X. reprochent à la banque d'avoir calculé les intérêts conventionnels sur la base de l'année lombarde, au regard de la clause critiquée, calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année 365 jours, de sorte que le calcul effectué tel que défini par la clause litigieuse est conforme aux dispositions légales et réglementaires, d'autant qu'en l'espèce la banque démontre encore, par le tableau d'amortissement par l'application du taux d'intérêt à chaque période mensuelle de remboursement et par la conversion au taux journalier, que les intérêts conventionnels ont bien été calculés conformément aux exigences du droit positif, sur la base de l'année civile, ce que d'ailleurs a examiné le premier juge avant de valider le calcul de la banque ;
Qu'en second lieu, si le calcul des intérêts courus pendant un nombre de jours autre que trente, différera selon qu'il est rapporté à une année lombarde ou une année civile, en l'espèce il n'est pas démontré que monsieur Y. et madame VAN M. aient supporté des intérêts intercalaires calculés ainsi ; qu'en particulier ils ne font pas la démonstration de ce que la banque aurait débloqué les fonds à une autre date que celle avancée, cette preuve n'incombant pas à la banque mais à l'emprunteur ; qu'à cet égard l'absence de mention au tableau d'amortissement (qui selon la mention portée au bas est délivré à titre informatif et ne revêt aucun caractère contractuel) de la date de déblocage des fonds, n'est ni anormale ni déterminante d'une quelconque manière ;
Que par conséquent, monsieur Y. et madame X. qui en outre ne sauraient se prévaloir de pièces concernant un contrat de prêt d'un tiers, échouent à rapporter la preuve qui leur incombe ; qu'il n'y a donc pas lieu à infirmer le jugement critiqué ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 15 MAI 2019