CASS. CIV. 3e, 7 novembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8170
CASS. CIV. 3e, 7 novembre 2019 : pourvoi n° 18-23259 ; arrêt n° 893
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Mais attendu, d’une part, qu’ayant relevé que la SCI avait pour objet social l’investissement et la gestion immobiliers, et notamment la mise en location d’immeubles dont elle avait fait l’acquisition, qu’elle était donc un professionnel de l’immobilier, mais que cette constatation ne suffisait pas à lui conférer la qualité de professionnel de la construction, qui seule serait de nature à la faire considérer comme étant intervenue à titre professionnel à l’occasion du contrat de maîtrise d’œuvre litigieux dès lors que le domaine de la construction faisait appel à des connaissances ainsi qu’à des compétences techniques spécifiques distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la SCI n’était intervenue au contrat litigieux qu’en qualité de maître de l’ouvrage non professionnel, de sorte qu’elle pouvait prétendre au bénéfice des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé que la clause litigieuse avait pour conséquence de garantir au maître d’œuvre, par le seul effet de la signature du contrat, le paiement des honoraires prévus pour sa prestation intégrale, et ce quel que fût le volume des travaux qu’il aurait effectivement réalisés, sans qu’il n’en résultât aucune contrepartie réelle pour le maître de l’ouvrage, qui, s’il pouvait mettre fin au contrat, serait néanmoins tenu de régler au maître d’œuvre des honoraires identiques à ceux dont il aurait été redevable si le contrat s’était poursuivi jusqu’à son terme, la cour d’appel a retenu à bon droit que cette clause constituait une clause abusive ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 7 NOVEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 18-23259. Arrêt n° 893.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société civile immobilière Pela
M. Chauvin (président), président. SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Dijon, 26 juin 2018), que, par contrat du 23 septembre 2013, la société civile immobilière Pela (la SCI) a confié à M. X., architecte, la maîtrise d’œuvre complète de la construction d’un bâtiment à usage professionnel, le contrat prévoyant que, même en cas d’abandon du projet, pour quelque raison que ce soit, les honoraires seraient dus et réglés en totalité au maître d’œuvre ; que, la SCI Pela ayant abandonné son projet, M. X. l’a assignée en paiement d’une somme correspondant à l’intégralité des honoraires prévus au contrat ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que M. X. fait grief à l’arrêt de déclarer abusive la clause insérée dans le contrat de maîtrise d’œuvre, d’en prononcer la nullité, de rejeter sa demande en paiement formée sur le fondement de cette clause et de limiter le montant de ses honoraires, alors, selon le moyen :
1°/ qu’est un professionnel toute personne morale qui agit à des fins professionnelles ; qu’en retenant que la SCI Pela n’avait pas conclu le contrat de maitrise d’œuvre en qualité de professionnelle, cependant qu’elle constatait elle-même que la SCI Pela « a[vait] pour objet social l’investissement et la gestion immobiliers, notamment la mise en location d’immeubles dont elle a fait l’acquisition », de sorte que la construction du bâtiment, en vue de laquelle était conclu le contrat de maîtrise d’œuvre, relevait de son activité professionnelle et poursuivait des fins professionnelles, la cour d’appel a violé l’article liminaire du code de la consommation, ensemble les articles L. 212-1 et L. 212-2 du même code ;
2°/ qu’est un professionnel toute personne morale qui agit à des fins professionnelles ; qu’en retenant, pour conclure que la SCI Pela avait conclu le contrat de maîtrise d’œuvre en qualité de non-professionnel, que le domaine de la construction faisait appel à des « connaissances ainsi qu’à des compétences techniques spécifiques qui sont radicalement distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière », quand seule importait la finalité professionnelle poursuivie par la SCI, la cour d’appel a violé l’article liminaire du code de la consommation, ensemble les articles L. 212-1 et L. 212-2 du même code ;
3°/ qu’en toute hypothèse, ne sont pas abusives les clauses qui ne visent qu’à assurer le caractère obligatoire du contrat ; qu’en retenant que la clause prévoyant que « même en cas d’abandon du projet, pour quelque raison que ce soit, les honoraires seront dus et réglés en totalité au maître d’œuvre », était abusive, quand une telle clause ne faisait que sanctionner l’inexécution du contrat par le maître de l’ouvrage, la cour d’appel a violé l’article L. 212-1 du code de la consommation ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, d’une part, qu’ayant relevé que la SCI avait pour objet social l’investissement et la gestion immobiliers, et notamment la mise en location d’immeubles dont elle avait fait l’acquisition, qu’elle était donc un professionnel de l’immobilier, mais que cette constatation ne suffisait pas à lui conférer la qualité de professionnel de la construction, qui seule serait de nature à la faire considérer comme étant intervenue à titre professionnel à l’occasion du contrat de maîtrise d’œuvre litigieux dès lors que le domaine de la construction faisait appel à des connaissances ainsi qu’à des compétences techniques spécifiques distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la SCI n’était intervenue au contrat litigieux qu’en qualité de maître de l’ouvrage non professionnel, de sorte qu’elle pouvait prétendre au bénéfice des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé que la clause litigieuse avait pour conséquence de garantir au maître d’œuvre, par le seul effet de la signature du contrat, le paiement des honoraires prévus pour sa prestation intégrale, et ce quel que fût le volume des travaux qu’il aurait effectivement réalisés, sans qu’il n’en résultât aucune contrepartie réelle pour le maître de l’ouvrage, qui, s’il pouvait mettre fin au contrat, serait néanmoins tenu de régler au maître d’œuvre des honoraires identiques à ceux dont il aurait été redevable si le contrat s’était poursuivi jusqu’à son terme, la cour d’appel a retenu à bon droit que cette clause constituait une clause abusive ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X. aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X. ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-neuf.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. B.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR déclaré abusive la clause insérée dans le contrat de maîtrise d’œuvre signé le 23 septembre 2013 entre M. X. et la SCI Pela prévoyant que « même en cas d’abandon du projet, pour quelque raison que ce soit, les honoraires seront dus et réglés en totalité au maître d’œuvre », d’AVOIR prononcé la nullité de cette clause, d’AVOIR rejeté la demande en paiement formé par M. X. sur le fondement de cette clause et d’AVOIR limité à 14 250 euros HT le montant des honoraires de M. X. ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que, dans les contrats entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que contrairement à ce que soutient M. X., l’application de cet article ne peut être écartée du seul fait que la SCI Pela n’est pas un consommateur mais une personne morale ; qu’il doit en effet être relevé que l’article L. 132-1 concerne non seulement les consommateurs, qualité que l’article liminaire du code de la consommation, entré en vigueur postérieurement à la survenue du litige entre les parties, réserve désormais expressément aux personnes physiques, mais également les non-professionnels, que ce même article liminaire définit comme désignant toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ; qu’il n’est pas contesté que la SCI Pela a pour objet social l’investissement et la gestion immobiliers, et notamment la mise en location d’immeubles dont elle a fait l’acquisition ; qu’elle est donc incontestablement un professionnel de l’immobilier ; que cette constatation ne suffit cependant pas à lui conférer la qualité de professionnel de la construction, qui seule serait de nature à la faire considérer comme étant intervenue à titre professionnel dans le cadre du contrat de maîtrise d’œuvre litigieux ; qu’il est en effet constant que le domaine de la construction fait appel à des connaissances ainsi qu’à des compétences techniques spécifiques qui sont radicalement distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière ; qu’il doit donc être retenu que la SCI Pela est intervenue au contrat litigieux ; qu’en qualité de maître de l’ouvrage non professionnel, de telle sorte qu’elle peut prétendre au bénéfice des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation ; que c’est vainement que M. X. considère que la clause contractuelle prévoyant que les honoraires lui seraient dus et réglés en totalité même en cas d’abandon du projet n’aurait pas pour effet de créer de déséquilibre significatif entre ses propres droits et obligations et ceux de la SCI Pela, au motif qu’elle serait la contrepartie de la liberté laissée au maître de l’ouvrage de mettre fin au contrat à tout moment ; qu’ainsi, cette clause a pour conséquence de garantir au maître d’œuvre, par le seul effet de la signature du contrat, le paiement des honoraires prévus pour sa prestation intégrale, et ce quel que soit le volume des travaux qu’il aura effectivement réalisés, sans qu’il en résulte aucune contrepartie réels pour le maître de l’ouvrage, qui, s’il peut certes mettre fin au contrat, sera néanmoins tenu de régler au maître d’œuvre des honoraires identiques à ceux dont il aurait été redevable si le contrat s’était poursuivi jusqu’à son terme ; qu’il convient en conséquence de déclarer cette clause abusive, et, en conséquence, d’en prononcer la nullité ; qu’il en résulte que la demande en paiement formée par M. X. sur le fondement de cette clause devra être rejetée ; que le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions ; que M. X. ne forme aucune demande subsidiaire pour le cas où la clause sur laquelle il fonde sa prétention serait annulée, mais la SCI Pela demande à la cour de fixer les honoraires dus au maître d’œuvre en fonction des justificatifs communiqués aux débats ; qu’à cet égard, il sera observé que chacune des parties verse son exemplaire du contrat de maîtrise d’œuvre ; que ce contrat comporte en première page un « tableau de composition des éléments de mission » détaillant de manière pré-imprimée les éléments de mission de chacune des 3 phases des travaux et mentionnant, en regard, le pourcentage cumulé que chacun de ces éléments représente dans l’avancement global de l’opération ; qu’or, il est indiqué de manière manuscrite, tant sur l’exemplaire produit par l’appelante que sur celui versé par l’intimé, que les éléments de mission des phases 1 et 2 sont achevés, ce qui correspond à l’exécution de 55 % des opérations ; que dès lors que ces mentions ont manifestement été apposées lors de la signature du contrat, ce dont il résulte que l’architecte avait débuté son intervention antérieurement à cette signature, et qu’il n’est pas justifié par l’intimé de prestations exécutées postérieurement, il doit être retenu que M. X. a réalisé 55 % des prestations contractuellement convenues, travail dont il est légitime qu’il soit rémunéré ; que les honoraires seront donc fixés à la somme de 19.250 E HT (55 % de 35.000 €), dont il convient de déduire la somme de 5.000€ HT versée à titre d’acompte, de telle sorte que le solde s’établit à 14.250 € HT, soit 17.100 € TTC ; que la SCI Pela supportera les dépens de première instance, et M. X. ceux d’appel ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QU’est un professionnel toute personne morale qui agit à des fins professionnelles ; qu’en retenant que la SCI Pela n’avait pas conclu le contrat de maitrise d’œuvre en qualité de professionnelle (arrêt, p. 3, antépén. et dernier al.), cependant qu’elle constatait elle-même que la SCI Pela « a[vait] pour objet social l’investissement et la gestion immobiliers, notamment la mise en location d’immeubles dont elle a fait l’acquisition » (arrêt, p. 3, antépén. al.), de sorte que la construction du bâtiment, en vue de laquelle était conclu le contrat de maîtrise d’œuvre, relevait de son activité professionnelle et poursuivait des fins professionnelles, la cour d’appel a violé l’article liminaire du code de la consommation, ensemble les articles L. 212-1 et L. 212-2 du même code ;
2°) ALORS QU’est un professionnel toute personne morale qui agit à des fins professionnelles ; qu’en retenant, pour conclure que la SCI Pela avait conclu le contrat de maîtrise d’œuvre en qualité de non-professionnel, que le domaine de la construction faisait appel à des « connaissances ainsi qu’à des compétences techniques spécifiques qui sont radicalement distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière » (arrêt, p. 3, antépén. et dernier al.), quand seule importait la finalité professionnelle poursuivie par la SCI, la cour d’appel a violé l’article liminaire du code de la consommation, ensemble les articles L. 212-1 et L. 212-2 du même code ;
3°) ALORS QU’en toute hypothèse, ne sont pas abusives les clauses qui ne visent qu’à assurer le caractère obligatoire du contrat ; qu’en retenant que la clause prévoyant que « même en cas d’abandon du projet, pour quelque raison que ce soit, les honoraires seront dus et réglés en totalité au maître d’œuvre », était abusive (arrêt, p. 3, dernier al. et suiv.), quand une telle clause ne faisait que sanctionner l’inexécution du contrat par le maître de l’ouvrage, la cour d’appel a violé l’article L. 212-1 du code de la consommation.