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CA ANGERS (ch. A civ.), 10 septembre 2019

Nature : Décision
Titre : CA ANGERS (ch. A civ.), 10 septembre 2019
Pays : France
Juridiction : Angers (CA), 1re ch. A
Demande : 17/00373
Date : 10/09/2019
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/02/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8180

CA ANGERS (ch. A civ.), 10 septembre 2019 : RG n° 17/00373 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les conditions générales du contrat souscrit par M. X, dont celui-ci ne conteste pas qu'elles lui soient opposables prévoient : - une clause de révision de la cotisation (article 9-3) ainsi rédigée : « Si par suite d'aggravation de caractère technique général, l'Assureur est amené à modifier son tarif, les cotisations venant à échéance, postérieurement à cette modification, seront basées sur le nouveau tarif. La mention en est faite au Sociétaire. Le Sociétaire a alors le droit de résilier le contrat dans les quinze jours qui suivent celui où il a eu connaissance de la majoration. » - une clause de revalorisation indexation (article 10) qui stipule : « le montant de la cotisation initiale et des garanties est donné aux Conditions particulières. Le montant de cette cotisation et des garanties varie en fonction de la valeur de l'indice INSEE retenu comme valeur de référence. »

L'article 9-3 qui permet à l'assureur de modifier unilatéralement le prix à payer par le consommateur, ne saurait, par application des dispositions de l'article R. 132-1 devenu l'article R. 212-1 du code de la consommation, être qualifié de clause abusive, dès lors qu'il accorde à ce dernier la faculté de résilier le contrat après avoir été averti dans un délai raisonnable (article R. 132-2-1 devenu R. 212-4 du code de la consommation).

Si elle n'était pas tenue de justifier de « l'aggravation de caractère technique général », la société Areas dommages avait en revanche l'obligation contractuelle de porter à la connaissance de M. X, qu'elle procédait à une modification de tarif pour ce motif. Or, non seulement elle ne justifie pas l'avoir fait, puisqu'elle s'est bornée à lui envoyer des appels de cotisation sans autre mention, mais bien plus, elle n'a répondu aux interrogations de son assuré sur les raisons des augmentations constatées, formulées par courrier du 25 juillet 2013, réitéré le 5 août 2013, que le 8 janvier 2014, après avoir mis en œuvre la procédure de résiliation du contrat pour non-paiement des primes et alors que cette résiliation était acquise. Dans ces conditions, il apparaît que la société Areas dommages a manqué à ses obligations contractuelles et, plus généralement, à celle d'exécuter loyalement le contrat, de sorte que la résiliation de celui-ci est abusive. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE A CIVILE

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/00373. N° Portalis DBVP V B7B EB56. Jugement du 24 janvier 2017, Tribunal de Grande Instance d'ANGERS n° d'inscription au RG de première instance : 14/03539.

 

APPELANT :

Monsieur X.

 né le [date] à [ville], Représenté par Maître Lynda LEVEQUE, avocat au barreau d'ANGERS

 

INTIMÉE :

Compagnie d'assurances AREAS DOMMAGES

Représentée par Maître Philippe HUVEY de la SCP HUVEY PAYE, avocat au barreau d'ANGERS

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 21 mai 2019 à 14 H 00, Madame PORTMANN, Conseiller, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de : Madame ROEHRICH, Président de chambre, Madame PORTMANN, Conseiller, Madame COUTURIER, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

Greffier lors du prononcé : Madame LIVAJA

ARRÊT : contradictoire ; Prononcé publiquement le 10 septembre 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Monique ROEHRICH, Président de chambre et par Sylvie LIVAJA, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 28 mai 1993, Monsieur X, médecin libéral à [ville A.], a souscrit auprès d'une agence CMA, aux droits de laquelle se trouve désormais Areas dommages, un contrat d'assurance prévoyance accident incapacité outre frais de soins et autres à la suite d'accident ou d'hospitalisation.

Pour la période du 1er juin 2013 au 31 mai 2014, il a reçu un appel de cotisation d'un montant de 2.884 €.

Areas dommages lui a envoyé, le 16 juillet 2013, un courrier de mise en demeure d'avoir à payer cette somme dans un délai de 8 jours, faute de quoi il lui serait adressée une mise en demeure pour provoquer la résiliation du contrat.

Par une lettre du 25 juillet 2013, Monsieur X a demandé à l'assurance de lui expliquer les motifs de l'augmentation de ses cotisations.

En l'absence de paiement, la compagnie Areas dommages lui a envoyé, le 31 juillet 2013, une lettre recommandée visant expressément l'article L. 113-3 du code des assurances portant suspension des garanties et mentionnant qu'à défaut de paiement à l'issue du délai de 40 jours, le contrat serait résilié.

Le 5 août suivant, Monsieur X lui a adressé la somme de 2.622 € correspondant à la cotisation de l'année précédente tout en sollicitant des explications quant à l'augmentation de la prime.

Par correspondance du 8 janvier 2014, la compagnie Areas dommages a indiqué au conseil de Monsieur X que la tarification pouvait être modifiée suite à une aggravation du caractère technique général selon l'article 9.3 des conditions générales et qu'en outre, le montant des cotisations légales variait en fonction de la valeur de l'indice INSEE.

Elle a, par courrier du 31 mars 2014, refusé de rétablir le contrat de Monsieur X en invoquant sa résiliation, le fait que le produit n'était plus commercialisé et que la limite d'inscription était fixée à 60 ans.

Se prévalant d'une résiliation abusive et d'une exécution déloyale du contrat d'assurance, Monsieur X a, par acte d'huissier du 11 septembre 2014, fait assigner la compagnie Areas dommages devant le tribunal de grande instance d'Angers aux fins de la voir condamner à remettre le contrat en vigueur au 1er juin 2014, sous astreinte, voire dire que la cotisation due sera appelée sur la base de celle appelée en 2008 soit 1.724 €, d'obtenir la condamnation de son adversaire à lui rembourser la somme de 1.160 € indûment perçue pour la période du 1er juin 2008 au 31 mai 2014, subsidiairement de l'entendre condamnée à réparer son préjudice à hauteur de 20.000 €.

Par un jugement en date du 24 janvier 2017, ladite juridiction a débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la compagnie Areas dommages la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que l'aggravation de caractère technique général visé à l'article 9.3 des conditions n'était pas soumise à l'appréciation de l'assuré et n'avait pas à être justifiée. Il a également relevé que l'article 10 desdites conditions prévoyait l'application d'une indexation.

Il a en conséquence considéré qu'il n'était pas établi que la compagnie avait abusivement appelé des cotisations majorées et que la résiliation du contrat n'était pas fautive.

Monsieur X a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 21 février 2017.

Les deux parties ont conclu et l'ordonnance de clôture a été rendue le 17 avril 2019.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :

- du 28 avril 2017 pour M. X,

- du 27 juin 2017 pour Areas Dommages, qui peuvent se résumer comme suit.

Monsieur X demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et l'a condamné au paiement d'une indemnité de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens et, statuant à nouveau de :

- déclarer abusive et non écrite la clause 9.3 relative à la majoration des tarifs pour raison technique,

- déclarer non fondée et abusive la résiliation du contrat 438XXX garantissant l'invalidité et l'incapacité de travail,

- condamner Areas dommages à rembourser les cotisations indues soit la somme de 7.016,63 euros outre intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2014,

- condamner Areas dommages à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues,

- condamner Areas dommages à lui payer la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il prétend que l'article 9.3 prévoyant la révision de la cotisation par suite d'une aggravation de caractère technique général est abusive, que l'aggravation doit être justifiée par l'assureur et que l'assuré doit en être préalablement informé afin de pouvoir user de sa faculté de résilier le contrat.

Il fait valoir que l'augmentation des cotisations dues au titre de la garantie A n'a pas vocation à s'appliquer puisqu'il n'a pas souscrit à cette garantie.

Il considère donc que seule l'indexation des cotisations sur la base de l'indice INSEE pouvait être appliquée, de sorte que la cotisation pour l'année 2013-2014 devait s'élever à 1.280,17 euros.

Il en déduit qu'il n'y a eu aucun défaut de paiement puisqu'il a versé la somme de 2.622 € et que le contrat aurait dû se poursuivre.

Monsieur X prétend en conséquence que Areas dommages doit lui restituer les cotisations indûment perçues et répondre des fautes commises, liées à la résiliation abusive et à l'exécution déloyale du contrat d'assurance, soulignant qu'il a perdu une chance d'être couvert contre les risques maladie accident et invalidité jusqu'à son départ à la retraite à 67 ans et qu'il a dû payer des cotisations indues. Il fait valoir que la répétition de l'indu ne dérive pas du contrat d'assurance de sorte qu'elle n'est pas soumise aux prescriptions de l'article L. 114-1 du code des assurances.

[*]

La société Areas dommages poursuit la confirmation du jugement entrepris, le débouté de son adversaire et sa condamnation à lui payer une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, dont distraction au profit de son conseil.

Elle précise que contrairement à ce que soutient M. X, il importe de préciser qu'il a bénéficié d'un tarif spécial en tant que collaborateur, que celui-ci se renseignait de façon régulière sur l'étendue de ses garanties et qu'il avait discuté au mieux ses intérêts.

Elle soutient que les décisions de jurisprudence invoquées par son adversaire sont inapplicables dans la mesure où elles concernent des sociétés d'assurance sous forme commerciale alors qu'elle est une mutuelle d'assurance, de sorte qu'elle a la possibilité d'effectuer un ajustement des cotisations quand elles sont insuffisantes au regard du coût des sinistres et en tenant compte des frais de gestion.

Elle considère qu'elle était fondée à résilier le contrat, dans la mesure où elle n'avait pas à accepter un paiement partiel et que celui-ci était insuffisant pour éviter la poursuite de la procédure de résiliation.

Elle soutient que Monsieur X est irrecevable à invoquer la nullité du calcul du montant des cotisations, le contrat ayant été exécuté.

Enfin elle oppose la prescription biennale aux demandes de restitution de son adversaire.

Elle considère donc qu'elle n'a pas appelé des cotisations indues, ni résilié abusivement le contrat et que son adversaire a volontairement pris le risque de discuter le montant des cotisations qui lui étaient demandées et ce, en toute connaissance de cause.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les conditions générales du contrat souscrit par M. X, dont celui-ci ne conteste pas qu'elles lui soient opposables prévoient :

- une clause de révision de la cotisation (article 9-3) ainsi rédigée : « Si par suite d'aggravation de caractère technique général, l'Assureur est amené à modifier son tarif, les cotisations venant à échéance, postérieurement à cette modification, seront basées sur le nouveau tarif. La mention en est faite au Sociétaire.

Le Sociétaire a alors le droit de résilier le contrat dans les quinze jours qui suivent celui où il a eu connaissance de la majoration. »

- une clause de revalorisation indexation (article 10) qui stipule : « le montant de la cotisation initiale et des garanties est donné aux Conditions particulières.

Le montant de cette cotisation et des garanties varie en fonction de la valeur de l'indice INSEE retenu comme valeur de référence. »

L'article 9-3 qui permet à l'assureur de modifier unilatéralement le prix à payer par le consommateur, ne saurait, par application des dispositions de l'article R. 132-1 devenu l'article R. 212-1 du code de la consommation, être qualifié de clause abusive, dès lors qu'il accorde à ce dernier la faculté de résilier le contrat après avoir été averti dans un délai raisonnable (article R. 132-2-1 devenu R. 212-4 du code de la consommation).

Si elle n'était pas tenue de justifier de « l'aggravation de caractère technique général », la société Areas dommages avait en revanche l'obligation contractuelle de porter à la connaissance de M. X, qu'elle procédait à une modification de tarif pour ce motif.

Or, non seulement elle ne justifie pas l'avoir fait, puisqu'elle s'est bornée à lui envoyer des appels de cotisation sans autre mention, mais bien plus, elle n'a répondu aux interrogations de son assuré sur les raisons des augmentations constatées, formulées par courrier du 25 juillet 2013, réitéré le 5 août 2013, que le 8 janvier 2014, après avoir mis en œuvre la procédure de résiliation du contrat pour non-paiement des primes et alors que cette résiliation était acquise.

Dans ces conditions, il apparaît que la société Areas dommages a manqué à ses obligations contractuelles et, plus généralement, à celle d'exécuter loyalement le contrat, de sorte que la résiliation de celui-ci est abusive.

M. X ne sollicite plus qu'il soit remis en vigueur.

Il demande tout d'abord le remboursement des primes qu'il estime payées à tort et non atteintes par la prescription quinquennale, soit depuis le 11 septembre 2009.

L'action en répétition de l'indu, quelle que soit la source du paiement indu, se prescrit selon le délai de droit commun applicable, à défaut de disposition spéciale, aux quasi contrats.

La demande de M. X est donc recevable pour la période postérieure au 11 septembre 2009.

Elle est néanmoins mal fondée, dès lors qu'il n'est pas démontré que les augmentations auxquelles la compagnie d'assurance a procédé tant sur le motif d'une aggravation à caractère technique général que par application de la clause d'indexation (voir sa lettre du 8 janvier 2014), étaient injustifiées.

L'appelant sera donc débouté de ce chef.

En revanche, il apparaît que s'il avait été informé des raisons de l'augmentation de la cotisation 2013/2014 en temps utile, il aurait pu l'accepter et régulariser sa situation sans perdre le bénéfice du contrat à 62 ans et ce jusqu'à sa retraite, alors qu'à cet âge, il lui était difficile de trouver un nouvel assureur.

En outre, même s'il l'avait refusée, il aurait pu résilier par lui-même sans avoir à supporter une procédure de résiliation pour non-paiement des primes après vingt ans d'adhésion.

Le préjudice qu'il subit sera, au regard des éléments qui précèdent, évalué à 3.000 euros.

Infirmant le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions, il convient de condamner la société Areas Dommages à lui payer ladite somme à titre de dommages et intérêts.

Partie succombante, la compagnie d'assurance supportera les entiers dépens.

Il n'apparaît pas inéquitable de mettre à sa charge une somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par son adversaire.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Déclare la résiliation du contrat 438XXX souscrit par M. X abusive,

- Constate que M. X renonce à la poursuite dudit contrat,

- Condamne la société Areas Dommages à payer à M. X une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamne la société Areas Dommages aux dépens de première instance et d'appel,

- Condamne la société Areas Dommages à payer à M. X une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejette les demandes pour le surplus.

LE GREFFIER                    LE PRESIDENT

S. LIVAJA                            M. ROEHRICH