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CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 25 novembre 2019

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 25 novembre 2019
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch.
Demande : 18/00194
Date : 25/11/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/01/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8188

CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 25 novembre 2019 : RG n° 18/00194

Publication : Jurica

 

Extrait : « Dès lors que les époux X. ont choisi l'assurance habitation n° 3, ils bénéficient d'une garantie dite de rééquipement à neuf, sans vétusté. Au titre du mécanisme de l'indemnisation différée, il est stipulé, en page 21/56 des conditions générales, que lorsque le remplacement ou la réparation s'avère impossible, l'assureur verse, sur présentation des originaux de factures et des frais de réparation ou de remplacement engagés dans les deux ans qui suivent le sinistre, une indemnité correspondant à la valeur de remplacement ou de réparations à neuf du bien au jour du sinistre, dans la limite du montant de la facture de remplacement.

Les époux X. ne contestent pas les valeurs à neuf figurant au tableau du cabinet Polyexpert, au titre des biens mobiliers avec justificatifs (29.414 euros) et des biens mobiliers avec présomption d'existence (3355 euros), mais le principe même de l'application de cette clause dans le cas d'espèce. Or, dans le cadre d'une assurance de dommages à des biens mobiliers, les parties peuvent parfaitement convenir d'une clause dérogeant au principe de la libre disposition de l'indemnité allouée, en subordonnant le versement de l'indemnité différée correspondant à la valeur à neuf à la production d'une facture de remplacement des biens. En l'espèce, cette clause est parfaitement licite ainsi que le tribunal l'a retenu.

Il ne peut être davantage soutenu que ces stipulations constitueraient une clause abusive, instituant une limitation indirecte de garantie. Les époux X. rappellent que dans sa décision n° 85-04, la commission des clauses abusives a recommandé que soient éliminées, dans les contrats d'assurance multirisques habitation, celles qui ont pour effet : [points n° 16 à 18]. En l'espèce, les époux X. ne sont pas fondés à alléguer une définition imprécise de la notion de vétusté, dès lors que celle-ci est définie en page 7/56 des conditions générales comme la dépréciation du bien due à son usage ou à son vieillissement, que l'estimation de la valeur de remplacement et de la vétusté se réalise de gré à gré, et si nécessaire dans le cadre d'une expertise amiable. Les assurés sont en mesure de choisir leur propre expert, et en cas de contradiction entre les avis des deux experts, ceux-ci font appel à un troisième expert (tous trois réalisant l'estimation en commun et à la majorité des voix). Chaque partie conserve les frais et honoraires de son expert, et la moitié de ceux du troisième expert.

Il ne ressort nullement de l'examen des clauses pertinentes du contrat que le mécanisme de l'indemnisation en valeur à neuf ait pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, en créant une limitation indirecte de garantie. Au surplus, il sera relevé en l'espèce que les époux X. ont fait part de leur accord sur les évaluations faites dans le rapport J. en ce qui concerne les valeurs à neuf au jour du sinistre et n'ont formé qu'une contestation de principe sur le montant de l'indemnité différée (vétusté) sans produire la moindre estimation contraire, sur aucun des biens mobiliers concernés.

Les époux X. soutiennent enfin qu'il convient d'écarter l'obligation de produire des factures de remplacement, comme étant une clause d'application impossible. En l'espèce, il est constant qu'à la suite d'un choc septique, Mme X. a subi une très lourde intervention chirurgicale le 26 aout 2011, avec amputation du tiers moyen des deux jambes, du tiers inférieur de l'avant-bras droit, et de plusieurs doigts de la main gauche. Elle n'a donc aucune utilité à racheter une partie des objets mobiliers volés (chaussures et garde-robe).

Le tribunal a écarté à bon droit l'application des dispositions de l'article 1148 du code civil (ancien) concernant la force majeure. En effet, l'état d'invalidité de Mme X., survenu postérieurement à la conclusion du contrat, ne constitue pas un obstacle à l'accomplissement de ses obligations d'assurée, et ne peut générer pour elle une responsabilité contractuelle. Il ne prive pas le contrat de cause en ce qui concerne Mme X. dès lors que l'assureur offre le paiement de la valeur des objets volés au jour du sinistre, en tenant compte de leur vétusté. Il rend seulement sans intérêt économique l'application la clause de rééquipement à neuf, au titre d'une partie seulement des articles volés à Mme X., que celle-ci n'a d'ailleurs pas détaillée.

Toutefois, en pareille circonstance, il n'existe ni texte légal ou réglementaire, ni stipulation du conventionnelle autorisant l'assurée à percevoir le montant de l'indemnité totale, dite en rééquipement à neuf, sans produire en original les factures de remplacement, ainsi que prévu au contrat qui fait la loi des parties, en application de l'article 1134 du code civil.

Enfin, il n'est nullement justifié de l'impossibilité dans laquelle M. X. se serait trouvé de produire des factures de rachat de ses propres biens mobiliers. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/00194 - N° Portalis DBVJ V B7C KHAW. Rédacteur : Jean Pierre FRANCO, conseiller. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 décembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG n° 16/06961) suivant déclaration d'appel du 11 janvier 2018.

 

APPELANTE :

SA MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège social sis [adresse] et A. O. - [adresse], représentée par Maître Loïc CHAMPEAUX de la SCP MAATEIS, avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville] de nationalité Française demeurant [adresse]

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville] de nationalité Française demeurant [adresse]

représentés par Maître DECIMA substituant Maître Sophie BENAYOUN de la SELARL BENAYOUN DECIMA, avocats au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 octobre 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Jean Pierre FRANCO, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Béatrice PATRIE, président, Jean Pierre FRANCO, conseiller, Catherine BRISSET, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 20 juillet 2013, M. et Mme X. ont été victimes d'un vol avec effraction dans leur habitation principale de [ville P], portant sur des bijoux, meubles et objets personnels, et ils ont procédé le 22 juillet 2013 à une déclaration de sinistre auprès de la compagnie MMA auprès de laquelle ils avaient souscrit le 2 juin 2009 un contrat d'assurance dénommé Formule 3.

A l'issue d'une expertise amiable réalisée par le cabinet Polyexpert, ils ont refusé l'indemnisation proposée au titre des objets à haut risque de vol.

La compagnie MMA et les assurés ont tous deux saisi le juge des référés, et après jonction des instances, ce dernier a, par ordonnance en date du 2 février 2015, désigné M. A. en qualité d'expert afin d'évaluer tous les objets et biens mobiliers décrits dans la déclaration de sinistre, en rejetant la demande de provision.

Après dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 14 septembre 2015, les époux X. ont formé en référé une nouvelle demande de provision au titre des biens à risque de vol et des détériorations immobilières, mais celle-ci a été déclarée irrecevable en raison de l'autorité de chose jugée découlant de l'ordonnance du 2 février 2015.

Par acte en date du 30 juin 2016, les époux X. ont fait assigner la société MMA devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en homologation du rapport d'expertise judiciaire et indemnisation du sinistre au titre des biens à risques de vol, des autres biens mobiliers, et des détériorations immobilières, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 mai 2014.

Ils sollicitaient également paiement de dommages intérêts pour résistance abusive.

Par jugement en date du 14 décembre 2017, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Bordeaux a, pour l'essentiel :

- condamné la compagnie MMA à payer aux époux X. les sommes suivantes :

- 16299 euros après déduction de la provision de 8.500 euros, pour l'indemnisation des objets dits à hauts risques de vol, outre intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2015,

- 13.564,10 euros après déduction de la provision de 14.253,40 euros pour l'indemnisation des biens mobiliers autres que les objets dits à hauts risques de vol, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2015,

- 359 euros au titre de l'indemnisation des détériorations immobilières, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts par année entière,

- condamné l'assureur à payer aux époux X. la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le tribunal a considéré que la demande formée au titre de l'indemnisation des objets mobiliers à risques de vol était fondée au regard des conclusions du rapport d'expertise judiciaire et du rapport du cabinet Polyexpert.

Il a relevé en outre que la perte des objets ayant appartenu à Mme X. devait être indemnisée en valeur à neuf à hauteur de la somme de 17.368 euros, sans que les assurés aient à justifier de factures de rééquipement à neuf, compte tenu de l'état d'invalidité de Mme X.

[*]

Par déclaration en date du 11 janvier 2018, la compagnie d'assurances MMA a relevé appel de ce jugement en ses dispositions la condamnant à payer aux assurés des indemnités au titre de des objets à haut risque de vol, des biens mobiliers autres que ceux à haut risque de vol, et une somme de 3.000 euros à titre de dommages intérêts et celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 19 mars 2018, elle demande à la cour :

- de réformer le jugement,

Statuant à nouveau,

Sur les demandes relatives aux objets dits à risque de vol :

- de lui donner acte qu'elle a versé une provision de 8.500 euros,

- de limiter à la somme de 6.799 euros l'indemnisation des époux X. à ce titre,

- de réformer également le jugement en ce qu'il la condamne au paiement d'intérêts sur cette somme,

Sur les demandes relatives aux biens mobiliers autres que les objets à risque de vol :

- de constater la régularité et l'application de la clause subordonnant l'indemnisation du mobilier en valeur à neuf à la fourniture d'une facture de rachat,

- de lui donner acte qu'elle a déjà versé une provision de 14.253,40 euros,

- de dire qu'elle ne peut être condamnée au paiement d'une somme supérieure à 2.747 euros, correspondant au solde de l'indemnité au titre des biens mobiliers dits « avec présomption d'existence », au terme du rapport du cabinet Polyexpert,

- de réformer en conséquence le jugement, en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 13.564,10 euros, et ce en pure équité,

Sur les demandes relatives aux détériorations immobilières :

- de lui donner acte qu'elle entend payer la somme de 359 euros au titre du solde de l'indemnité exigible au titre des détériorations immobilières, sans intérêt,

- de rejeter la demande de dommages et intérêts au titre d'une résistance abusive,

- de condamner les époux X. au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que les époux X. n'ont pas rapporté la preuve de l'existence et de leur droit de propriété concernant certains des objets à hauts risques de vol.

Elle souligne par ailleurs que les clauses relatives à l'indemnisation des biens mobiliers en « rééquipement à neuf » est parfaitement licite et qu'elle n'a rien à verser à ce titre au-delà de la somme de 14.253,40 euros, dès lors que les époux X. n'ont pas produit de factures de rachat, et n'ont donc pas justifié du réemploi de l'indemnisation pour l'achat d'un bien équivalent.

[*]

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 18 juin 2018, les époux X. forment appel incident partiel en demandant à la cour :

- de confirmer le jugement, en ce qu'il a condamné la compagnie MMA à leur payer la somme de 16.299 euros après déduction de la provision de 8.500 euros au titre de l'indemnisation des objets dits à hauts risques de vol, outre intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2015, et en ce qu'il a déclaré inapplicable la clause subordonnant le règlement de l'indemnisation du mobilier en valeur à neuf à la fourniture d'une facture de rachat,

- de confirmer également le jugement en ce qu'il a condamné l'assureur à leur payer la somme de 359 euros au titre des détériorations immobilières après déduction de la provision versée, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et en ce qu'il a reconnu la résistance abusive de l'assureur, et condamné ce dernier à leur payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'infirmer le jugement pour le surplus, statuant à nouveau,

- de condamner l'assureur à leur payer la somme de 32.769 euros au titre de l'indemnité pour les biens autres que ceux à risques de vol soit 18.515,60 euros après déduction de la provision déjà versée, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2015,

- de porter à la somme de 5.000 euros la condamnation de l 'assureur au titre des dommages intérêts pour résistance abusive,

- de condamner l'assureur à leur payer la somme complémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Ils soulignent qu'aucune stipulation du contrat ne les obligeait à justifier selon des modalités particulières de l'existence de la propriété et de la valeur des bijoux, qu'au demeurant une telle clause serait abusive, et que l'expert mandaté par l'assureur a manifestement sous-évalué les bijoux volés, sans pouvoir fournir de référence pertinente de sorte que le vol des objets à risque de vol (d'une valeur totale de 24.799 euros) doit être indemnisé par une somme de 24.799 euros, par application du plafond de garantie, dont à déduire le montant de la provision versée.

Ils ajoutent que le mécanisme de l'indemnisation différée pour les biens mobiliers autres que les objets à risque de vol serait contraire au principe de la libre disposition des fonds, résultant de l'article L. 121-1 du code des assurances, de sorte que l'assureur ne peut les contraindre à présenter des factures de rachats des biens dérobés. Ils soulignent que cette clause n'est pas licite, car elle limiterait la garantie de manière indirecte et abusive, et qu'elle ne peut leur être opposée, compte tenu du très grave handicap subi par Mme X. à la suite d'une intervention chirurgicale, qui ne lui permet plus de se vêtir comme auparavant, ni de porter des chaussures, et qui constituerait donc un cas de force majeure. Ils soutiennent en outre que cette clause devrait être réputée non écrite, car elle priverait de toute substance l'obligation principale d'indemnisation mise à la charge de l'assureur.

[*]

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des faits de l'espèce, des prétentions et moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le présent litige est régi par les dispositions du code civil antérieures à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, compte tenu de la date de conclusion du contrat.

 

Sur l'indemnisation du vol des objets à risque de vol :

Dans le dernier état de ses écritures devant la cour, l'appelante ne critique pas le jugement en ce qu'il a évalué les bijoux volés à 29.800 euros conformément au rapport d'expertise judiciaire déposé le 14 octobre 2015 ni en ce qu'il a admis l'existence du bijou P., dont la facture d'achat avait été produite au débat devant le tribunal.

Elle soutient seulement que les assurés n'ont pas démontré l'existence de la bague solitaire monture or blanc sertie d'un diamant de 1,20 carats évaluée à 9.500 euros par M. C.

Ainsi que le soulignent à juste titre les époux X., il n'existe pas de clause contractuelle limitant les procédés de preuve que l'assuré est autorisé à utiliser pour établir l'existence ou la valeur des objets volés.

En page 22/56, des conditions générales, il est seulement stipulé (au paragraphe « Qui estime les dommages ») que l'évaluation est faite de gré à gré, en fonction des demandes formulées et des pièces justificatives fournies par l'assuré pour apprécier l'importance de son préjudice, et il est indiqué à cet égard (de manière non limitative) : factures d'achat, certificats de garanties, photographies, estimation par des professionnels, inventaire suite à succession, etc.

En réalité, il est constant que l'assuré peut faire la preuve du dommage par tous moyens.

En l'espèce, Mme X. a attesté le 25 janvier 2017 avoir offert à sa fille pour ses 18 ans un bijou de famille appartenant à sa mère, plus précisément un diamant solitaire d'une taille de 1,20 carats.

Dans son rapport d'expertise, le cabinet Polyexpert mandaté par l'assureur avait retenu pour ce bijou une valeur de 1.400 euros, avec présomption d'existence.

En page 4 du rapport d'expertise judiciaire, M. A. a indiqué « Il est à noter que M. I du cabinet Polyexpert nous a indiqué avoir eu entre les mains un justificatif de fabrication fourni par la maison PR., et ce concernant la bague solitaire de 1,20 carats, ainsi que pour la bague deux ors de 1,60 grs sertie de diamants, à l'occasion d'une visite de celui-ci à cet établissement. »

En effet, en pièce numéro 25, les époux X. produisent une estimation des établissements PR., joaillier à [ville B.], en date du 16 mars 2013 à l'ordre de Mme Z, concernant ces deux bijoux, et en particulier un solitaire or blanc quatre griffes pour 1,20 carats, alors évalué à 15.000 euros en valeur de remplacement.

Enfin, dans un dire en date du 6 octobre 2015, le conseil de la compagnie MMA n'avait nullement remis en cause l'existence même de ce solitaire, mais uniquement la qualité de la pierre.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a retenu l'existence de ce bijou et qu'il a condamné l'assureur à payer aux époux X. la somme de 16.299 euros, incluant celle de 9.500 euros au titre de la bague solitaire, dans la limite du plafond de garantie contractuelle (24.799 euros) et sous déduction de la provision de 8.500 euros déjà versée, avec intérêt au taux légal à compter du 14 octobre 2015.

 

Sur l'indemnisation des autres objets mobiliers :

Dès lors que les époux X. ont choisi l'assurance habitation n° 3, ils bénéficient d'une garantie dite de rééquipement à neuf, sans vétusté.

Au titre du mécanisme de l'indemnisation différée, il est stipulé, en page 21/56 des conditions générales, que lorsque le remplacement ou la réparation s'avère impossible, l'assureur verse, sur présentation des originaux de factures et des frais de réparation ou de remplacement engagés dans les deux ans qui suivent le sinistre, une indemnité correspondant à la valeur de remplacement ou de réparations à neuf du bien au jour du sinistre, dans la limite du montant de la facture de remplacement.

Les époux X. ne contestent pas les valeurs à neuf figurant au tableau du cabinet Polyexpert, au titre des biens mobiliers avec justificatifs (29.414 euros) et des biens mobiliers avec présomption d'existence (3355 euros), mais le principe même de l'application de cette clause dans le cas d'espèce.

Or, dans le cadre d'une assurance de dommages à des biens mobiliers, les parties peuvent parfaitement convenir d'une clause dérogeant au principe de la libre disposition de l'indemnité allouée, en subordonnant le versement de l'indemnité différée correspondant à la valeur à neuf à la production d'une facture de remplacement des biens.

En l'espèce, cette clause est parfaitement licite ainsi que le tribunal l'a retenu.

Il ne peut être davantage soutenu que ces stipulations constitueraient une clause abusive, instituant une limitation indirecte de garantie.

Les époux X. rappellent que dans sa décision n° 85-04, la commission des clauses abusives a recommandé que soient éliminées, dans les contrats d'assurance multirisques habitation, celles qui ont pour effet :

- point numéro 16 : d'inclure dans les définitions des termes principaux du contrat des restrictions équivalant à des exclusions indirectes de risque ou à des limitations indirectes de garantie ;

- point numéro 17 : de prévoir des limitations de garanties excessives telles que celles qui consistent, en cas de disparition de bijoux ou d'objets en métal précieux, à prévoir seulement le remboursement de la valeur de métal brut, ou à appliquer aux objets d'art un coefficient de vétusté calculé d'après leur ancienneté qui est précisément très souvent un élément de leur valeur ou enfin à aggraver l'abattement pour vétusté par rapport à sa valeur réelle.

- point numéro 18 : d'induire l'assuré en erreur sur l'étendue de la garantie en stipulant d'une part l'indemnisation en valeur à neuf et en donnant d'autre part une définition restrictive de la valeur à neuf qui laisse place à la prise en compte d'un coefficient de vétusté.

En l'espèce, les époux X. ne sont pas fondés à alléguer une définition imprécise de la notion de vétusté, dès lors que celle-ci est définie en page 7/56 des conditions générales comme la dépréciation du bien due à son usage ou à son vieillissement, que l'estimation de la valeur de remplacement et de la vétusté se réalise de gré à gré, et si nécessaire dans le cadre d'une expertise amiable. Les assurés sont en mesure de choisir leur propre expert, et en cas de contradiction entre les avis des deux experts, ceux-ci font appel à un troisième expert (tous trois réalisant l'estimation en commun et à la majorité des voix). Chaque partie conserve les frais et honoraires de son expert, et la moitié de ceux du troisième expert.

Il ne ressort nullement de l'examen des clauses pertinentes du contrat que le mécanisme de l'indemnisation en valeur à neuf ait pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, en créant une limitation indirecte de garantie.

Au surplus, il sera relevé en l'espèce que les époux X. ont fait part de leur accord sur les évaluations faites dans le rapport J. en ce qui concerne les valeurs à neuf au jour du sinistre et n'ont formé qu'une contestation de principe sur le montant de l'indemnité différée (vétusté) sans produire la moindre estimation contraire, sur aucun des biens mobiliers concernés.

Les époux X. soutiennent enfin qu'il convient d'écarter l'obligation de produire des factures de remplacement, comme étant une clause d'application impossible.

En l'espèce, il est constant qu'à la suite d'un choc septique, Mme X. a subi une très lourde intervention chirurgicale le 26 aout 2011, avec amputation du tiers moyen des deux jambes, du tiers inférieur de l'avant-bras droit, et de plusieurs doigts de la main gauche.

Elle n'a donc aucune utilité à racheter une partie des objets mobiliers volés (chaussures et garde-robe).

Le tribunal a écarté à bon droit l'application des dispositions de l'article 1148 du code civil (ancien) concernant la force majeure.

En effet, l'état d'invalidité de Mme X., survenu postérieurement à la conclusion du contrat, ne constitue pas un obstacle à l'accomplissement de ses obligations d'assurée, et ne peut générer pour elle une responsabilité contractuelle. Il ne prive pas le contrat de cause en ce qui concerne Mme X. dès lors que l'assureur offre le paiement de la valeur des objets volés au jour du sinistre, en tenant compte de leur vétusté.

Il rend seulement sans intérêt économique l'application la clause de rééquipement à neuf, au titre d'une partie seulement des articles volés à Mme X., que celle-ci n'a d'ailleurs pas détaillée.

Toutefois, en pareille circonstance, il n'existe ni texte légal ou réglementaire, ni stipulation du conventionnelle autorisant l'assurée à percevoir le montant de l'indemnité totale, dite en rééquipement à neuf, sans produire en original les factures de remplacement, ainsi que prévu au contrat qui fait la loi des parties, en application de l'article 1134 du code civil.

Enfin, il n'est nullement justifié de l'impossibilité dans laquelle M. X. se serait trouvé de produire des factures de rachat de ses propres biens mobiliers.

La compagnie MMA a donc rempli ses obligations en versant aux assurés une indemnité de 14.253,40 euros sur la base de l'estimation du cabinet Polyexpert au titre du mobilier avec justificatif.

Au stade des opérations d'expertise amiable, le cabinet Polyexpert avait mis à part, au titre des objets mobiliers avec présomption d'existence un certain nombre d'articles et objets (chaussures, costumes, bouteilles de champagne) pour un montant évalué de 2.747 euros.

Les factures d'achat ont été produites (pièce 17 des époux X.) et seule cette somme peut donner lieu à condamnation au profit des assurés. Le jugement sera infirmé en ce sens. Les intérêts de retard au taux légal doivent courir à compter du 30 juin 2016, date de l'assignation au fond (les factures d'achat ayant été communiquées à cette occasion en tant que pièces nouvelles au vu du bordereau de pièces).

 

Sur l'indemnisation des détériorations immobilières :

L'assureur a déjà versé aux époux X. une indemnité immédiate de 1.540 euros au titre des détériorations immobilières, sur la base du rapport d'expertise J.

Les assurés ont produit les factures et devis correspondant aux travaux prescrits par l'expert (pièce 18) et la compagnie ne conteste pas son obligation de verser le solde de l'indemnité, soit 359 euros.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'assureur à payer cette somme aux époux X., avec intérêt au taux légal à compter du jugement, ainsi que sollicité.

 

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

Il existe certes une différence considérable entre l'offre faite par l'assureur au titre de l'indemnisation des objets à risque de vol, sur la base du rapport d'expertise amiable J. (8.500 euros) et celle résultant de l'expertise judiciaire (29800 euros).

La compagnie n'a pas donné d'explication pertinente sur l'importance de cet écart, ni sur les références exactes de ventes sur le marché de l'occasion qui avaient conduit son expert à une telle évaluation.

Cependant, les assurés ne démontrent pas avoir subi de ce chef un préjudice distinct de celui qui est réparé par les intérêts moratoires au taux légal à compter du 14 octobre 2015.

En outre, le litige s'est noué de manière globale entre les parties, et portait également sur l'absence de production de certaines factures (qui n'ont été, de fait, communiquées qu'en cours de procédure) et sur l'application de la clause de rééquipement à neuf, pour laquelle l'assureur était fondé à résister aux demandes.

Les opérations d'expertise amiable n'ont pas connu de retard, puisque l'état de pertes a été dressé par les assurés le 3 octobre 2013, et que le rapport J. sur l'évaluation des dommages a été établi le 15 novembre 2013.

Un paiement de 22.616,40 euros a été adressé par MMA aux assurés le 29 novembre 2013.

En l'état du désaccord avec les époux X. sur les évaluations de certains postes de dommage et le montant des indemnités, l'assureur a expliqué sa position de manière circonstanciée dans plusieurs courriels (notamment le 27 décembre 2013, puis le 4 avril 2014) puis pris l'initiative d'assigner en référé afin d'obtenir l'organisation d'une expertise judiciaire, a sollicité la production de pièces précises et a formé une offre transactionnelle détaillée par courriel du 11 juin 2014 comportant notamment le versement d'un différé de 7759,80 euros sans facture.

Enfin, la position soutenue par l'assureur n'était pas manifestement infondée puisque le juge des référés a rejeté à deux reprises les demandes de provision des époux X., et qu'au terme de la présente procédure, la société MMA obtient en partie gain de cause.

La preuve d'une exécution déloyale du contrat d'assurance n'est pas démontrée. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de rejeter la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

 

Sur les demandes accessoires :

Il convient en équité de confirmer le jugement, en ce qu'il a condamné la compagnie MMA à payer aux époux X. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (l'engagement de la procédure étant justifié au titre de l'indemnisation des objets à risque de vol).

Les dépens d'appel seront mis à la charge de la compagnie MMA, qui succombe sur une partie importante du litige. En revanche, dès lors que l'assureur obtient partiellement gain de cause devant la cour, il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles d'appel.

Les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement, en ce qu'il a condamné la société MMA Iard à payer à M. et Mme X. les sommes suivantes :

- 16.299 euros, après déduction de la provision de 8.500 euros, au titre de l'indemnisation des objets dits à haut risque de vol, avec intérêt au taux légal à compter du 14 octobre 2015,

- 359 euros au titre de l'indemnisation des détériorations immobilières, avec intérêt au taux légal à compter du jugement,

- 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance,

Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts dus par année entière, par application de l'article 1154 du code civil (ancien),

Infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions, et statuant à nouveau,

Condamne la compagnie MMA Iard à payer à M. et Mme X. la somme de 2.747 euros, au titre de l'indemnisation des biens mobiliers autres que les objets dits à haut risque de vols, avec intérêt au taux légal à compter du 30 juin 2016,

Rejette la demande de M. et Mme Z en paiement de dommages intérêts pour résistance abusive,

Y ajoutant,

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne la société MMA Iard aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean Pierre FRANCO, conseiller, en remplacement légitime de Madame Béatrice PATRIE, président empêché, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,                           Le Conseiller,