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CA DIJON (1re ch. civ.), 8 octobre 2019

Nature : Décision
Titre : CA DIJON (1re ch. civ.), 8 octobre 2019
Pays : France
Juridiction : Dijon (CA), 1re ch.
Demande : 18/00405
Date : 8/10/2019
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/03/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8192

CA DIJON (1re ch. civ.), 8 octobre 2019 : RG n° 18/00405 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que, contrairement à ce qu'affirme la compagnie d'assurance, la cour est saisie du moyen tiré du caractère abusif de cette clause, la clause abusive n'étant pas nulle mais réputée non écrite comme le prévoit l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Qu'ainsi que l'a exactement rappelé le tribunal, il résulte de ces dispositions légales que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la clause litigieuse ne figurant pas dans la liste des clauses présumées abusives listées par les articles R 132-1 et R 132-2 du code de la consommation ; Que le caractère abusif d'une clause s'appréciant en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, le premier juge a justement considéré que, l'assureur étant tenu au paiement des indemnités dans les trente jours de l'accord amiable ou de la décision définitive, en application de l'article 13 du contrat, la clause imposant à l'assuré un délai de deux ans à compter du sinistre pour réparer ou reconstruire l'immeuble sinistré ne créait pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de l'assuré et de l'assureur, étant observé que l'exécution de la condition de réalisation des travaux dans le délai contractuel ne dépendait pas de la seule volonté de l'assureur ;

Attendu qu'il est constant que les parties se sont accordées sur un montant d'indemnisation de 612.122 € aux termes d'une lettre d'acceptation signée le 26 juillet 2012, dont une indemnité immédiate fixée à 228.522 € a été réglée aux assurés le 29 août 2012 ; Que l'indemnité totale versée aux époux Y s'est élevée in fine à 475.560,11 €, ce qui porte à 247.038,11 € le montant de l'indemnité différée ;

Attendu que l'article 11.4 définit les conditions d'attribution de l'indemnité complémentaire et fixe donc les conditions de la garantie de l'assureur ; Qu'il ressort des pièces du dossier, qu'à la date du 4 novembre 2013, les époux Y justifiaient d'un coût de reconstruction de l'immeuble s'élevant à 240.767,57 € ; Que l'indemnité complémentaire versée par la compagnie d'assurance est donc conforme aux conditions contractuelles de garantie ;

Attendu que les pièces produites par les appelants ne démontrent pas qu'ils ont été placés dans l'impossibilité de respecter le délai imparti pour justifier de la reconstruction de leur immeuble sinistré, alors qu'une indemnité de 228.522 € leur a été versée le 29 août 2012, 9 mois après le sinistre, qui leur permettait de financer le début des travaux à compter de cette date ; Que leur demande de permis de construire a d'ailleurs été déposée le 5 septembre 2012, incluant une surface de plancher créée de 31 m² ; Qu'il ne ressort pas des éléments du dossier que la durée prévisionnelle des travaux excédait une année et les courriers échangés révèlent au contraire que le retard pris dans la démolition de l'immeuble et sa reconstruction a été imputable aux entreprises mandatées par les époux Y et à l'architecte ; Qu'il ne peut donc être considéré que la garantie contractuelle était privée de sa substance et la compagnie d'assurance était fondée à se prévaloir de l'expiration du délai de deux pour s'opposer au versement d'un complément d'indemnité ; Que le jugement entrepris mérite donc d'être confirmé en ce qu'il a débouté les époux Y de leur demande en paiement du solde de l'indemnité complémentaire d'assurance « valeur à neuf » ;

Attendu, qu'à titre subsidiaire, Monsieur et Madame Y reprochent à la compagnie d'assurance d'avoir exécuté le contrat de manière déloyale, faisant valoir qu'elle connaissait l'article 11.4 du contrat instaurant le délai de deux ans pour reconstruire et que la garantie valeur à neuf qui leur a été proposée lors de la souscription de l'assurance était inadaptée au risque assuré, s'agissant d'une grande maison qu'il était impossible de reconstruire en deux ans, et que, d'autre part, elle a fait trainer les choses une fois le risque réalisé puisqu'elle n'a versé l'indemnité immédiate que 9 mois après le sinistre et qu'elle a mis 5 mois pour répondre à leur demande de report du terme de deux ans, attendant que le délai soit expiré pour répondre ; Qu'ils considèrent que c'est ce comportement déloyal qui est à l'origine de leur indemnisation partielle ;

Attendu que la société Assurances du Crédit Mutuel IARD conteste avoir commis la moindre faute, faisant valoir qu'elle a réglé l'indemnité immédiate un mois après l'établissement du chiffrage des dommages par l'expert des assurés auxquels il appartenait de lui remettre un état des pertes qui est une condition sine qua non du paiement des indemnités ; Qu'elle estime avoir été normalement diligente et ajoute que le délai contractuel permettait largement la reconstruction de la maison, s'agissant d'un délai usuellement pratiqué par les assureurs ; Qu'elle souligne que le projet de reconstruction des époux Y dépassait largement ce qui existait avant l'incendie, que l'autorisation de démolition n'a été délivrée que le 30 octobre 2012 car le dossier n'était pas complet, ce qui ne lui est pas imputable, et que les travaux de démolition n'ont débuté que le 21 décembre 2012 alors que les travaux de terrassement et de pose des fondations n'ont été réalisés qu'au mois de mai 2013, ce qui ne relève pas de son fait ;

Et attendu que les appelants ne démontrent pas en quoi la garantie valeur à neuf qu'ils ont souscrite n'était pas adaptée au risque assuré, les pièces qu'ils produisent n'établissant pas que la reconstruction de l'immeuble assuré était impossible dans le délai contractuellement prévu ; Qu'il n'est pas davantage prouvé que le non-respect par les appelants de ce délai est imputable au comportement de l'assureur qui a versé l'indemnité immédiate dès qu'il a été en possession du tableau indemnitaire établi par l'expert des assurés, reçu le 7 août 2012 ; Qu'enfin, le retard pris par l'assureur pour répondre à la demande de report du terme des deux ans n'est pas à l'origine du préjudice des assurés, ces derniers ayant formulé leur demande moins de quinze jours avant l'expiration du délai de deux ans ; Que la décision déférée mérite ainsi d'être également confirmée en ce qu'elle a débouté les époux X. de leur demande de dommages intérêts ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DIJON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 8 OCTOBRE 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/00405. N° Portalis DBVF V B7C E7M5. Décision déférée à la Cour : jugement du 22 février 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Chaumont - RG : 15/01161.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville],

Madame Y. épouse X

née le [date] à [ville],

Assistés de Maître Edith COLOMB, substituée à l'audience, avocat au barreau de LYON, plaidant, et représentés par Maître Jean Vianney GUIGUE de l a SCP ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE, postulant, vestiaire : 38

 

INTIMÉE :

SA ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL – IARD

immatriculée au RCS de Strasbourg sous le n° XX, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social , [...], Assistée de Maître Didier Sardin, avocat au barreau de LYON, substitué à l'audience par Maître Thellyère, plaidant, et représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 126

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 11 juin 2019 en audience publique devant la cour composée de :  Michel PETIT, Président de chambre, président,  Michel WACHTER, Conseiller,  Sophie DUMURGIER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du président, qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 8 octobre 2019,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Michel PETIT, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur et Madame X. sont propriétaires d'une maison d'habitation située [adresse], assurée auprès des Assurances du Crédit Mutuel IARD (ACM IARD).

Le 4 novembre 2011, un incendie a détruit leur maison.

Les époux Y ont déclaré le sinistre à leur assureur qui a diligenté une mesure d'expertise amiable pour évaluer leurs préjudices, les assurés bénéficiant d'une garantie valeur à neuf.

Aux termes d'une lettre d'acceptation signée le 26 juillet 2012 par Monsieur Y, le total des dommages a été évalué à 612.122 €, dont 228.745 € d'indemnité immédiate et 383.600 € d'indemnité différée au titre du coût de la reconstruction du bien, versée sur présentation de factures, dans les deux ans du sinistre.

Après versement de l'indemnité immédiate le 29 août 2012, les époux Y ont mis en œuvre la reconstruction de la maison et il leur est apparu qu'il serait impossible de reconstruire l'immeuble dans le délai de deux ans.

Par courrier du 22 octobre 2013, la société d'expertise Galtier qui avait assisté les époux Y durant les opérations d'expertise a sollicité un délai supplémentaire auprès de la compagnie d'assurance, qui leur a opposé un refus par lettre du 13 mars 2014 et les a informés que la garantie valeur à neuf était forclose.

La compagnie d'assurance indiquait toutefois aux époux Y qu'ils pourraient bénéficier de l'indemnité correspondant à la différence entre l'indemnité immédiate versée plafonnée à la valeur de vente du bien sinistré (135.000 €) et sa valeur de reconstruction vétusté déduite (326.352 €) en fonction des justificatifs de reconstruction produits avant le 4 novembre 2013.

Par courrier du 10 avril 2014, la compagnie ACM IARD informait ainsi les époux Y qu'elle leur versait une somme de 34.526,81 € correspondant à cette différence, puis le 17 avril 2014, indiquait faire un geste commercial et leur verser la somme de 85.584,43 €.

Estimant que le solde en leur faveur de l'indemnité différée s'élève à 136.542 €, les époux Y ont assigné la société Assurances du Crédit Mutuel IARD devant le Tribunal de grande instance de Chaumont, par acte du 23 octobre 2015, au visa des articles 1134 et suivants et 1147 et suivants du code civil, aux fins de la voir condamner à leur verser l'indemnité différée de 136.542 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2014, à les indemniser du préjudice résultant du retard dans le paiement et à leur verser une somme de 5.000 € au titre de leurs frais de procédure non compris dans les dépens, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Au terme de leurs dernières écritures saisissant le tribunal, les demandeurs ont sollicité de la juridiction, à titre principal, qu'elle déclare la clause 11.4 « valeur à neuf » abusive, qu'elle condamne la compagnie les Assurances du Crédit Mutuel IARD à leur régler la somme de 136.542 € outre intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2014, à titre subsidiaire, qu'elle constate le comportement déloyal d'ACM IARD et, en conséquence, qu'elle la condamne à les indemniser de leur entier préjudice, soit de la somme de 136.542 €, et, en tout état de cause, qu'elle la condamne à leur régler la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Ils arguaient du caractère abusif de la clause insérée à l'article 11 du contrat d'assurance selon laquelle l'indemnité différée n'est versée que si les bâtiments sont réparés ou reconstruits dans un délai de deux ans à compter du sinistre au motif que l'assureur n'a aucune obligation de verser l'indemnité immédiate dans un quelconque délai et que la clause crée ainsi un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations de l'assuré et de l'assureur.

Ils faisaient valoir que la reconstruction dans le délai de deux ans n'avait pas été possible du fait du comportement déloyal de l'assureur qui n'avait versé l'indemnité immédiate que neuf mois après le sinistre, de sorte qu'ils n'avaient pas été en capacité d'engager les travaux.

Ils considéraient que la clause prévoyant que la reconstruction devait intervenir dans un délai de deux ans était un postulat inadapté au risque assuré, au regard de la superficie de leur maison et de l'impossibilité de conserver les murs périphériques.

L'assureur s'est opposé à ces demandes en arguant des dispositions des articles 1134 et 1135 du code civil et il a demandé au tribunal de constater que les époux Y n'ont pas justifié par des factures de travaux et de remplacement de mobiliers produites dans le délai de deux ans les sommes complémentaires qu'ils réclament, de juger que la garantie valeur à neuf subordonnée à la justification de la reconstruction dans le délai de deux ans n'est pas abusive et de constater qu'il a déjà indemnisé les demandeurs au-delà de ce qui était contractuellement dû.

Il sollicitait l'allocation d'une indemnité de procédure de 3.000 €.

Il a fait valoir que l'indemnité versée au titre des dommages immobiliers s'est élevée au totale à 326.352 € comprenant le complément de 85.584,43 € versé à titre commercial et que l'indemnité due au titre de la garantie valeur à neuf n'a pas pu être versée en l'absence de production par les assurés de l'ensemble des justificatifs de la reconstruction dans les deux années suivant le sinistre, considérant que la durée des travaux était due à un choix personnel des époux Y qui ont préféré raser les murs pour reconstruire différemment, sans s'assurer que les délais de reconstruction seraient tenus.

Il a soutenu qu'il appartenait aux demandeurs de démontrer que la clause contractuelle était abusive, et que, dans un tel cas, ce serait la totalité de la clause relative à la garantie valeur à neuf qui devrait être réputée non écrite, privant de fondement leur demande.

Il a enfin relevé que la demande de permis de construire avait été réceptionnée par l'administration le 5 septembre 2012 et que l'arrêté autorisant la démolition avait été délivré le 23 octobre 2012, les travaux de démolition étant effectués bien plus tard.

Par jugement du 22 février 2018, le tribunal de grande instance de Chaumont a :

Vu les articles L. 132-1, R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation applicables au litige,

Vu l'article 1147 du code civil applicable au litige,

- débouté les époux Y de l'intégralité de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à condamnations au titre de l'article 700 du code dc procédure civile,

- condamné Monsieur X. et Madame Y. épouse X. aux dépens.

Pour apprécier le caractère abusif de la clause relative à la valeur à neuf des conditions générales de la police d'habitation souscrite par Monsieur Y, le tribunal a recherché, en se référant, au moment de sa conclusion, à toutes les autres clauses du contrat, si cette clause, qui n'entrait ni dans la liste de l'article R. 132-1 ni dans celle de l'article R. 132- 2 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige, créait un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations de l'assuré et de l'assureur.

Il a relevé que l'article 13 des conditions générales de la police stipulait que le paiement des indemnités devait être effectué dans les 30 jours soit de l'accord amiable soit de la décision judiciaire définitive et que l'assureur avait donc l'obligation de verser l'indemnité immédiate dans un certain délai, et il en a déduit que la clause litigieuse ne créait aucun déséquilibre manifeste entre les droits et obligations de l'assuré et de l'assureur.

Sur la responsabilité de l'assureur, les premiers juges ont retenu que l'impossibilité de conserver les murs périphériques n'était pas démontrée, qu'entre le 17 novembre 2011 et le 21 juin 2012, les assurés avaient perçu une somme totale de 55.000 € à titre d'acompte sur l'indemnité immédiate, qu'ils avaient accepté, le 26 juillet 2012, la proposition d'indemnité formulée par l'assureur, déterminée par expertise, pour un montant total de 612.122 €, dont 228.522 € au titre de l'indemnité immédiate et 383.600 € au titre de l'indemnité différée, et que, dès le 29 août 2012, l'assureur avait proposé de leur verser la somme de 86.923,12 € correspondant, après versement direct des sommes de 64.194,55 € et 22.580,44 € à la Caisse de Crédit Mutuel de Langres, créancier privilégié, au solde de l'indemnité immédiate, et qu'il leur avait rappelé que le versement de l'indemnité différée était subordonné à la reconstruction de l'immeuble dans les deux années suivant le sinistre, sur son emplacement initial, à l'absence de modifications importantes à sa destination initiale et à la présentation des originaux de mémoires ou factures justifiant la reconstruction.

Ils ont relevé que le projet de reconstruction des époux Y comprenait une extension de la serre, un aménagement de la terrasse, ainsi qu'une véranda, financés au moyen d'un prêt, ce qui pouvait être à l'origine d'un allongement de la durée des travaux strictement nécessaires à la reconstruction du bien, la demande de permis de construire n'ayant été déposée que le 4 septembre 2012 et les travaux n'ayant démarré qu'au mois de mai 2013.

Ils ont enfin constaté que la demande de prorogation du délai de deux ans n'avait été formulée que le 22 octobre 2013, soit 13 jours avant l'expiration du délai, pour considérer que les époux Y n'apportaient pas la preuve d'une faute contractuelle de l'assureur en lien avec l'absence de reconstruction de l'immeuble dans le délai de deux ans.

Ils ont par ailleurs estimé que les demandeurs ne justifiaient pas que les conditions de la garantie valeur à neuf étaient réunies.

[*]

Monsieur et Madame X. ont régulièrement relevé appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe le 22 mars 2018.

Dans leurs écritures notifiées le 22 juin 2018, les appelants demandent à la Cour, au visa des articles 9 de l 'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, 1134 anciens et suivants du code civil, 1147 anciens et suivants du code civil, 1103, 1104 et suivants nouveaux du code civil, et de l'article L132-1 du code de la consommation, de :

- réformer en tout point le jugement entrepris,

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

- condamner la compagnie d'assurance Les Assurances du Crédit Mutuel IARD Dommages à leur régler la somme de 136.542 € outre intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2014,

A titre subsidiaire,

- constater le comportement déloyal des Assurances du Crédit Mutuel IARD Dommages,

En conséquence, en application des articles 1134 et 1147 anciens du code civil,

- condamner les Assurances du Crédit Mutuel IARD Dommages à indemniser l'entier préjudice qu'ils ont subi du fait de son comportement, soit à la somme de 136.542 €,

A titre encore plus subsidiaire,

En application de l'article 1382 du code civil pris dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016,

- condamner les Assurances du Crédit Mutuel IARD Dommages à indemniser l'entier préjudice qu'ils ont subi du fait de son comportement, soit à la somme de 136.542 €,

En tout état de cause,

- condamner les Assurances du Crédit Mutuel IARD Dommages à leur régler la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

Par écritures notifiées le 6 août 2018, la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD demande à la Cour, au visa des articles 1134 et 1315 du code civil, de :

- constater que les époux Y n'ont pas justifié par des factures de travaux et de remplacement de mobiliers produites dans le délai de deux ans les sommes complémentaires qu'ils réclament,

- constater qu'elle a déjà indemnisé les époux Y au-delà de ce qui était contractuellement dû,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux Y de l'intégralité de leurs demandes, Y ajoutant,

- condamner les époux Y à lui payer la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux Y aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- dire et juger qu'en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir, les sommes relevant du droit proportionnel prévu par l'article A 444-32 du code de commerce seront mises à la charge des époux Y et s'ajouteront aux condamnations prononcées.

[*]

La clôture de la procédure a été prononcée le 11 avril 2019.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Attendu, qu'à titre principal, les appelants sollicitent la condamnation de leur assureur à leur régler le solde de l'indemnité différée en exécution des dispositions contractuelles, rappelant qu'un accord a été trouvé sur un montant total d'indemnité de 612.122 €, que la compagnie d'assurance leur a versé une indemnité immédiate de 228.522 € le 29 août 2012, soit 9 mois après le sinistre, et que l'indemnité différée était convenue à hauteur de 383.600 € et n'a été versée qu'à hauteur de 247.058 € ;

Qu'ils maintiennent que la clause du contrat qui prévoit le délai dans lequel la reconstruction doit intervenir crée un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations de l'assuré et de l'assureur, ce qui la rend abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, cette clause prévoyant un engagement ferme du consommateur alors que l'assureur n'a aucune obligation de verser l'indemnité immédiate dans un quelconque délai et que c'est cette indemnité qui va permettre le démarrage des travaux de reconstruction ;

Qu'ils prétendent s'être trouvés dans l'impossibilité absolue de reconstruire dans le délai de deux ans en faisant valoir qu'ils ont communiqué à l'assureur l'ensemble des factures de reconstruction de l'immeuble et qu'il faut faire une distinction entre la date d'émission des factures et celle de réalisation des travaux, et en précisant que la reconstruction dans le délai de deux ans n'a pas été possible non pas en raison de leur mauvaise volonté mais en raison du comportement déloyal de l'assureur qui n'a versé l'indemnité immédiate que neuf mois après la réalisation du sinistre, ce qui ne leur a pas permis d'engager les travaux avant, et qui a mis plus de six mois pour prendre position sur leur demande de report de délai ;

Qu'ils affirment que, dans un tel cas, la cour de cassation considère que l'assuré doit bénéficier du versement de la totalité de l'indemnité, la condition de la reconstruction persistant, en étant amputée de son délai ;

Que, s'agissant des modalités de la reconstruction, ils soutiennent qu'ils n'ont trouvé aucune entreprise acceptant de reconstruire la maison sur les murs périphériques subsistants car c'était techniquement impossible, que leur ancienne maison avait une superficie au sol de 280 m² et que la nouvelle n'est pas plus grande ;

Attendu que l'intimée relève que les époux Y ne sollicitent plus la nullité de la clause qu'ils considèrent comme abusive et estime que la seule question qui se pose est de savoir si elle a fait une bonne application du contrat ;

Qu'elle se réfère à l'article 11-4 du contrat qui subordonne l'application de la garantie valeur à neuf à la condition que les bâtiments soient réparés ou reconstruits dans les deux ans suivant le sinistre, sur leur emplacement initial et qui prévoit que le versement de l'indemnité différée est subordonné aux conditions que l'assuré n'effectue pas de modification importante à la destination initiale des bâtiments et qu'il présente des originaux de mémoires ou factures pour justifier les dépenses effectuées pour la réparation ou la reconstruction des bâtiments ou le remplacement des biens mobiliers ;

Qu'elle considère que les époux Y n'apportent pas la preuve de l'existence de factures attestant de l'exécution des travaux dans le délai de deux ans après l'incendie alors que les conditions de la garantie valeur à neuf leur ont été rappelées à plusieurs reprises et que la somme à justifier était mentionnée dans le récapitulatif des dommages établi par l'expert des assurés, en précisant que le montant des travaux justifiés avant le 4 novembre 2013 était inférieur à l'indemnité versée à cette date au titre des dommages immobiliers ;

Qu'elle en déduit que les conditions du versement de la garantie valeur à neuf ne sont pas réunies ;

[*]

Attendu qu'il résulte des conditions générales du contrat d'assurance habitation liant les parties, et notamment de la clause relative à l'estimation des biens valeur à neuf (article 11.4), que :

« a) Pour les bâtiments

Si les bâtiments sont réparés ou reconstruits dans les deux années qui suivent le sinistre, sur leur emplacement initial (sauf impossibilité absolue), il vous sera versé une deuxième indemnité égale au montant de la vétusté dans une limite du pourcentage de la valeur de reconstruction à neuf, précisé aux conditions particulières, sans toutefois pouvoir dépasser 25 % pour les bâtiments à usage de dépendance garage.

Au cas où la première indemnité a été plafonnée à la valeur de vente des bâtiments, cette deuxième indemnité sera majorée du complément entre la valeur vétusté déduite et la valeur de vente.

b) Pour les biens mobiliers

Si les biens mobiliers sont remplacés dans les deux années qui suivent le sinistre, il vous sera versé une deuxième indemnité égale au montant de la vétusté appliquée initialement, dans la limite du pourcentage de valeur de remplacement à neuf, précisé aux conditions particulières, sans toutefois pouvoir dépasser 25 % pour les biens renfermés dans des bâtiments à usage de dépendance garage.

Le versement de cette deuxième indemnité est subordonné aux conditions suivantes :

- vous ne devez pas effectuer de modifications importantes à la destination initiale des bâtiments sinistrés,

- vous devez présenter deux originaux de mémoires ou factures pour justifier les dépenses effectuées pour la réparation ou la reconstruction des bâtiments, ou le remplacement des biens mobiliers.

La valeur de reconstruction à neuf des bâtiments ou la valeur de remplacement à neuf des biens mobiliers, prise en compte pour le calcul de la deuxième indemnité, ne pourra en aucun cas excéder le montant des factures de reconstruction ou de remplacement » ;

Attendu que, contrairement à ce qu'affirme la compagnie d'assurance, la cour est saisie du moyen tiré du caractère abusif de cette clause, la clause abusive n'étant pas nulle mais réputée non écrite comme le prévoit l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Qu'ainsi que l'a exactement rappelé le tribunal, il résulte de ces dispositions légales que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la clause litigieuse ne figurant pas dans la liste des clauses présumées abusives listées par les articles R 132-1 et R 132-2 du code de la consommation ;

Que le caractère abusif d'une clause s'appréciant en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, le premier juge a justement considéré que, l'assureur étant tenu au paiement des indemnités dans les trente jours de l'accord amiable ou de la décision définitive, en application de l'article 13 du contrat, la clause imposant à l'assuré un délai de deux ans à compter du sinistre pour réparer ou reconstruire l'immeuble sinistré ne créait pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de l'assuré et de l'assureur, étant observé que l'exécution de la condition de réalisation des travaux dans le délai contractuel ne dépendait pas de la seule volonté de l'assureur ;

Attendu qu'il est constant que les parties se sont accordées sur un montant d'indemnisation de 612.122 € aux termes d'une lettre d'acceptation signée le 26 juillet 2012, dont une indemnité immédiate fixée à 228.522 € a été réglée aux assurés le 29 août 2012 ;

Que l'indemnité totale versée aux époux Y s'est élevée in fine à 475.560,11 €, ce qui porte à 247.038,11 € le montant de l'indemnité différée ;

Attendu que l'article 11.4 définit les conditions d'attribution de l'indemnité complémentaire et fixe donc les conditions de la garantie de l'assureur ;

Qu'il ressort des pièces du dossier, qu'à la date du 4 novembre 2013, les époux Y justifiaient d'un coût de reconstruction de l'immeuble s'élevant à 240.767,57 € ;

Que l'indemnité complémentaire versée par la compagnie d'assurance est donc conforme aux conditions contractuelles de garantie ;

Attendu que les pièces produites par les appelants ne démontrent pas qu'ils ont été placés dans l'impossibilité de respecter le délai imparti pour justifier de la reconstruction de leur immeuble sinistré, alors qu'une indemnité de 228.522 € leur a été versée le 29 août 2012, 9 mois après le sinistre, qui leur permettait de financer le début des travaux à compter de cette date ;

Que leur demande de permis de construire a d'ailleurs été déposée le 5 septembre 2012, incluant une surface de plancher créée de 31 m² ;

Qu'il ne ressort pas des éléments du dossier que la durée prévisionnelle des travaux excédait une année et les courriers échangés révèlent au contraire que le retard pris dans la démolition de l'immeuble et sa reconstruction a été imputable aux entreprises mandatées par les époux Y et à l'architecte ;

Qu'il ne peut donc être considéré que la garantie contractuelle était privée de sa substance et la compagnie d'assurance était fondée à se prévaloir de l'expiration du délai de deux pour s'opposer au versement d'un complément d'indemnité ;

Que le jugement entrepris mérite donc d'être confirmé en ce qu'il a débouté les époux Y de leur demande en paiement du solde de l'indemnité complémentaire d'assurance « valeur à neuf » ;

Attendu, qu'à titre subsidiaire, Monsieur et Madame Y reprochent à la compagnie d'assurance d'avoir exécuté le contrat de manière déloyale, faisant valoir qu'elle connaissait l'article 11.4 du contrat instaurant le délai de deux ans pour reconstruire et que la garantie valeur à neuf qui leur a été proposée lors de la souscription de l'assurance était inadaptée au risque assuré, s'agissant d'une grande maison qu'il était impossible de reconstruire en deux ans, et que, d'autre part, elle a fait trainer les choses une fois le risque réalisé puisqu'elle n'a versé l'indemnité immédiate que 9 mois après le sinistre et qu'elle a mis 5 mois pour répondre à leur demande de report du terme de deux ans, attendant que le délai soit expiré pour répondre ;

Qu'ils considèrent que c'est ce comportement déloyal qui est à l'origine de leur indemnisation partielle ;

Attendu que la société Assurances du Crédit Mutuel IARD conteste avoir commis la moindre faute, faisant valoir qu'elle a réglé l'indemnité immédiate un mois après l'établissement du chiffrage des dommages par l'expert des assurés auxquels il appartenait de lui remettre un état des pertes qui est une condition sine qua non du paiement des indemnités ;

Qu'elle estime avoir été normalement diligente et ajoute que le délai contractuel permettait largement la reconstruction de la maison, s'agissant d'un délai usuellement pratiqué par les assureurs ;

Qu'elle souligne que le projet de reconstruction des époux Y dépassait largement ce qui existait avant l'incendie, que l'autorisation de démolition n'a été délivrée que le 30 octobre 2012 car le dossier n'était pas complet, ce qui ne lui est pas imputable, et que les travaux de démolition n'ont débuté que le 21 décembre 2012 alors que les travaux de terrassement et de pose des fondations n'ont été réalisés qu'au mois de mai 2013, ce qui ne relève pas de son fait ;

Et attendu que les appelants ne démontrent pas en quoi la garantie valeur à neuf qu'ils ont souscrite n'était pas adaptée au risque assuré, les pièces qu'ils produisent n'établissant pas que la reconstruction de l'immeuble assuré était impossible dans le délai contractuellement prévu ;

Qu'il n'est pas davantage prouvé que le non-respect par les appelants de ce délai est imputable au comportement de l'assureur qui a versé l'indemnité immédiate dès qu'il a été en possession du tableau indemnitaire établi par l'expert des assurés, reçu le 7 août 2012 ;

Qu'enfin, le retard pris par l'assureur pour répondre à la demande de report du terme des deux ans n'est pas à l'origine du préjudice des assurés, ces derniers ayant formulé leur demande moins de quinze jours avant l'expiration du délai de deux ans ;

Que la décision déférée mérite ainsi d'être également confirmée en ce qu'elle a débouté les époux X. de leur demande de dommages intérêts ;

Attendu que les appelants qui succombent seront condamnés aux dépens d'appel ;

Qu'il n'est pas inéquitable de mettre à leur charge une partie des frais de procédure non compris dans les dépens exposés par l'intimée ;

Qu'ils seront ainsi condamnés à lui payer la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Déclare Monsieur et Madame B Y recevables en leur appel ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 22 février 2018 par le tribunal de grande instance de Chaumont,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur et Madame Y à payer à la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur et Madame Y aux dépens d'appel.

Le Greffier,                           Le Président,