CASS. CIV. 2e, 14 novembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8231
CASS. CIV. 2e, 14 novembre 2019 : pourvoi n° 18-21917 ; arrêt n° 1976
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Vu l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution ; Attendu qu’il résulte de ce texte que les contestations et demandes incidentes soulevées après l’audience d’orientation ne sont recevables que si elles portent sur des actes de la procédure de saisie immobilière postérieurs à cette audience ou si, nées de circonstances postérieures à celle-ci, elles sont de nature à interdire la poursuite de la saisie ; que cette règle s’impose à toutes les parties appelées à l’audience d’orientation ; […]
Qu’en statuant ainsi, alors que le moyen tiré de la qualité de professionnel du débiteur saisi et, par voie de conséquence, de l’application de la prescription quinquennale, avait été soulevé pour la première fois en cause d’appel, de sorte qu’elle devait prononcer d’office son irrecevabilité, peu important que ce moyen ait été soulevé par le créancier en réponse à une fin de non-recevoir soulevée par le débiteur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 18-21917. Arrêt n° 1976.
DEMANDEUR à la cassation : Société Banque populaire du Nord
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X.
M. Pireyre (président), président. SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution ;
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’il résulte de ce texte que les contestations et demandes incidentes soulevées après l’audience d’orientation ne sont recevables que si elles portent sur des actes de la procédure de saisie immobilière postérieurs à cette audience ou si, nées de circonstances postérieures à celle-ci, elles sont de nature à interdire la poursuite de la saisie ; que cette règle s’impose à toutes les parties appelées à l’audience d’orientation ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 10 novembre 2015, sur le fondement de deux prêts notariés du 30 septembre 2005 consentis à M. X., la société Banque populaire du Nord (la banque) a fait délivrer à ce dernier deux commandements de payer valant saisie immobilière et l’a fait assigner à comparaître à l’audience d’orientation d’un juge de l’exécution ; que M. X. a fait assigner la banque à fin de voir juger que les commandements de payer étaient prescrits faute d’avoir été délivrés dans le délai de deux ans prévu à l’article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation ; que ces deux procédures ayant été jointes, le juge de l’exécution a constaté la prescription des créances et prononcé l’annulation des commandements ; que la banque a interjeté appel de ce jugement ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour infirmer le jugement en ce qu’il a constaté que la créance figurant dans l’acte notarié était prescrite et annulé les deux commandements, l’arrêt retient que le moyen tiré de la qualité de professionnel de M. X. et de l’application en conséquence de la prescription quinquennale qui est opposée par le créancier poursuivant à la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale soulevée par M. X., débiteur saisi, n’est pas assimilable à une contestation ou une demande incidente et n’entre donc pas dans les prévisions de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution et que ce moyen ne constitue pas non plus une demande nouvelle du créancier poursuivant mais un moyen nouveau de défense qui tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge en ce qu’il vise à contester la fin de non-recevoir soulevée par M. X. et à établir que la prescription n’est pas encourue afin de poursuivre son action en recouvrement sur le fondement des commandements aux fins de saisie immobilière ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en statuant ainsi, alors que le moyen tiré de la qualité de professionnel du débiteur saisi et, par voie de conséquence, de l’application de la prescription quinquennale, avait été soulevé pour la première fois en cause d’appel, de sorte qu’elle devait prononcer d’office son irrecevabilité, peu important que ce moyen ait été soulevé par le créancier en réponse à une fin de non-recevoir soulevée par le débiteur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait de statuer sur l’autre grief du pourvoi : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 juin 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
Dit que la Banque populaire du Nord est irrecevable en sa demande tendant à voir déclarer que M. X. n’a pas contracté le prêt en qualité de consommateur et à voir constater, par voie de conséquence, que la prescription de l’action n’est pas biennale mais quinquennale ;
Confirme le jugement du 21 juillet 2016 rendu par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Valenciennes ;
Condamne la Banque populaire du Nord aux dépens ;
Dit que les dépens afférents aux instances devant les juges du fond seront supportés par la Banque populaire du Nord ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette ses demandes formées tant devant les juges du fond que devant la Cour de cassation et la condamne à payer à M. X. la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. X.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LE POURVOI REPROCHE A L’ARRÊT ATTAQUÉ D’AVOIR infirmé le jugement et, statuant à nouveau, débouté l’exposant de ses demandes, fixé les créances de la banque, ordonné la vente aux enchères publiques des biens immobiliers saisis sur la mise à prix fixée au cahier des conditions de vente et dit qu’il appartient à la SA Banque populaire du Nord de saisir le juge de l’exécution pour la fixation de la date d’adjudication et la poursuite de sa procédure de saisie immobilière,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE par actes notariés en date du 30 septembre 2005, la Banque populaire du Nord a consenti à M. X. deux prêts immobiliers : un prêt (prêt n° [...]) d’un montant de 120 000 euros, d’une durée de 240 mois, au taux d’intérêt de 4,50 % l’an et au taux effectif global de 4,511700 % l’an, remboursable en 240 échéances mensuelles de 759,18 euros, destiné à financer “l’achat et les travaux d’une maison, [...], lot n° 6. Résidence principale de tiers locataire”, un prêt (prêt n° [...]) d’un montant de 120 000 euros, d’une durée de 240 mois, au taux d’intérêt de 4,50 % l’an et au taux effectif global de 4,523410 % l’an, remboursables en 240 échéances mensuelles de 759,18 euros, destiné à financer “l’achat et les travaux dans un appartement ancien, [...]. Résidence principale de tiers locataire” ; que les échéances des deux prêts étant impayées à compter du 30 octobre 2010, la Banque populaire du Nord a prononcé la déchéance du terme pour les deux prêts par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée le 5 janvier 2011 à M. X. ; qu’après la délivrance du 10 septembre 2015 de deux commandements de payer valant saisie immobilière pour obtenir le paiement des sommes dues en vertu des deux actes notariés de prêt exécutoires du 30 septembre 2005, la Banque populaire du Nord a fait assigner le 26 novembre 2015 M. X. à comparaître à l’audience d’orientation du juge de l’exécution devant lequel M. X. a invoqué la prescription de l’action en recouvrement de la banque ; que le juge de l’exécution a accueilli cette fin de non-recevoir soulevée par M. X. sur le fondement de l’article L 137-2 ancien du code de la consommation ; qu’en cause d’appel, la Banque populaire du Nord, créancier poursuivant, sollicite de dire que M. X. n’a pas contracté le prêt en qualité de consommateur et de constater en conséquence que la prescription de l’action n’est pas biennale mais quinquennale et qu’elle n’est pas encourue ; que le moyen tiré de la qualité de professionnel de M. X. et de l’application en conséquence de la prescription quinquennale, qui est opposée par le créancier poursuivant à la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. X., débiteur saisi, n’est pas assimilable à une contestation ou une demande incidente et n’entre donc pas dans les prévisions de l’article R 311-5 du code des procédures civiles d’exécution ; que ce moyen ne constitue pas non plus une demande nouvelle du créancier poursuivant mais un moyen nouveau de défense qui tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge en ce qu’il vise à contester la fin de non-recevoir soulevée par M. X. et à établir que la prescription n’est pas encourue, afin de poursuivre son action en recouvrement sur le fondement des commandements aux fins de saisie immobilière objet de son assignation à comparaître ; que ce moyen est donc recevable ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, selon l’article R 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, aucun moyen de fait ou de droit ne peut être formulé pour la première fois devant la cour d’appel après l’audience d’orientation à moins que la contestation porte sur les actes de procédure postérieurs à cette audience ; qu’en décidant que le moyen tiré de la qualité de professionnel de M. X. et de l’application en conséquence de la prescription quinquennale, qui est opposée par le créancier poursuivant à la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. X., débiteur saisi, n’est pas assimilable à une contestation ou une demande incidente et n’entre donc pas dans les prévisions de l’article R 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LE POURVOI REPROCHE A L’ARRÊT ATTAQUÉ D’AVOIR infirmé le jugement et, statuant à nouveau, débouté l’exposant de ses demandes, fixé les créances de la banque, ordonné la vente aux enchères publiques des biens immobiliers saisis, sur la mise à prix fixée au cahier des conditions de vente et dit qu’il appartient à la SA Banque populaire du Nord de saisir le juge de l’exécution pour la fixation de la date d’adjudication et la poursuite de sa procédure de saisie immobilière,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE l’article L 137-2 ancien du code de la consommation (devenu article L 218-2 du code de la consommation), applicable aux crédits immobiliers, concerne uniquement l’action des professionnels pour les besoins ou les services fournis aux consommateurs qui au sens du code de la consommation sont toutes personnes physiques qui agissent à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de leur activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; qu’en l’espèce, il ressort de l’extrait K bis en date du 21 décembre 2016 produit par M. X. en cause d’appel que ce dernier exerce une activité de « loueur en meublé professionnel » qui a commencé le 31 décembre 2004 et pour laquelle il s’est fait immatriculer au registre du commerce et des sociétés le 11 juillet 2005 ; qu’il ressort par ailleurs des actes notariés de prêt en date du 30 septembre 2005 qui servent de fondement aux poursuites que les prêts litigieux ont pour objet le financement de l’acquisition de deux lots dans un même ensemble immobilier aux fins de résidence principale de tiers locataires (cf. page 3 de la copie exécutoire de chacun des actes notariés du 30 septembre 2005) ;
qu’au regard de l’inscription de M. X. au registre du commerce et des sociétés le 11 juillet 2005 pour l’exercice d’une activité de loueur en meublé professionnel et de la date de souscription des prêts litigieux (30 septembre 2005) et de leur objet (acquisition de deux appartements destinés à usage de résidence principale de tiers locataires), il apparaît indéniablement que les prêts litigieux qui ont été souscrits par M. X. afin d’acquérir deux lots dans un ensemble immobilier destinés à la location s’inscrivent dans le cadre de son activité professionnelle de loueur en meublé professionnel ; qu’il en résulte que les prêts litigieux étant destinés à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, ne sont pas soumis à la prescription biennale de l’article L. 137-2 ancien du code de la consommation applicable aux seuls consommateurs, mais à la prescription quinquennale et que les commandements aux fins de saisie immobilière ayant été délivrés le 10 septembre 2015, soit moins de cinq ans après la déchéance du terme des prêts régulièrement prononcée le 5 janvier 2011 qui fait courir le délai de prescription quinquennale (et même de surcroît moins de cinq ans après les premières échéances impayées du 30 octobre 2010), l’action en recouvrement de la Banque populaire du Nord, créancier poursuivant, n’est pas prescrite ; que le jugement sera donc infirmé et en toutes ses dispositions
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE l’exposant faisait valoir qu’il avait pour activité professionnelle celle d’architecte-paysagiste depuis 27 ans et que s’il a été immatriculé juste avant l’octroi des prêts litigieux en tant que loueur meublé, c’est seulement afin d’optimisation fiscale lors de l’acquisition des biens financés à l’aide de prêts octroyés par la banque, laquelle lui avait présenté ces deux produits et le montage réalisé ; qu’en relevant qu’il ressort de l’extrait K bis en date du 21 décembre 2016 produit par M. X. en cause d’appel que ce dernier exerce une activité de « loueur en meublé professionnel » qui a commencé le 31 décembre 2004 et pour laquelle il s’est fait immatriculer au registre du commerce et des sociétés le 11 juillet 2005, qu’il ressort des actes notariés de prêt en date du 30 septembre 2005 qui servent de fondement aux poursuites que les prêts litigieux ont pour objet le financement de l’acquisition de deux lots dans un même ensemble immobilier aux fins de résidence principale de tiers locataires (cf. page 3 de la copie exécutoire de chacun des actes notariés du 30 septembre 2005), pour en déduire qu’au regard de l’inscription de M. X. au registre du commerce et des sociétés le 11 juillet 2005 pour l’exercice d’une activité de loueur en meublé professionnel et de la date de souscription des prêts litigieux (30 septembre 2005) et de leur objet (acquisition de deux appartements destinés à usage de résidence principale de tiers locataires), il apparaît indéniablement que les prêts litigieux qui ont été souscrits par M. X. afin d’acquérir deux lots dans un ensemble immobilier destinés à la location s’inscrivent dans le cadre de son activité professionnelle de loueur en meublé professionnel, qu’il en résulte que les prêts litigieux étant destinés à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, ne sont pas soumis à la prescription biennale de l’article L. 137-2 ancien du code de la consommation applicable aux seuls consommateurs, mais à la prescription quinquennale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si une telle immatriculation qui n’avait d’autre objet qu’une optimisation fiscale n’était pas de nature à exclure la qualification d’activité professionnelle accessoire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 137-2, devenu l’article L. 218-2 du code de la consommation.