CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 4 novembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8242
CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 4 novembre 2019 : RG n° 18/21575
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La cour relève que si le contrat de sous-traitance prévoit la possibilité du recours à des mesures de résolution amiable des conflits, qu'il s'agisse d'une démarche de médiation, de conciliation ou de procédure participative, IDI ne justifie d'aucune tentative en ce sens, ayant cessé toute relation avec son cocontractant à compter du 10 juin 2015. En ce qui concerne le recours à un arbitre ou une commission d'arbitrage, IDI ne justifie d'aucune proposition de désignation d'un arbitre, ni de la saisine préalable du juge d'appui. Ayant fait valoir la compétence du tribunal de commerce de Bobigny devant le premier juge, IDI a confirmé de fait sa renonciation à une solution amiable. C'est donc à juste titre que les premiers juges se sont déclarés compétents. Le jugement sera confirmé de ce chef. »
2/ « La cour relève que la société IDI ne justifie pas avoir respecté la clause contractuelle de préavis ni avoir informé le cocontractant GPM de sa volonté de mettre fin au cahier des charges. IDI a sciemment accepté un renouvellement tacite à la date du 15 février 2015 pour l'interrompre de façon définitive et soudaine le 10 juin 2015. L'auteur de la rupture étant tenu de respecter un préavis d'une certaine durée, c'est à juste titre que les premiers juges ont qualifié l'arrêt des commandes de rupture brutale et totale.
Par ailleurs, la société IDI n'a pas procédé au paiement de 266 factures sur une période s'étalant entre 2013 et 2015, liant leur règlement partiel au renouvellement de ses commandes et bénéficiant de ce fait de conditions abusives pour les délais de paiement au détriment de la société GPM.
Enfin, la production d'une facturation réglée au titre des années 2006 à 2015 constitue la preuve de l'existence d'une relation commerciale stable, suivie et habituelle entre les parties. De ce fait, IDI n'a pu ignorer la relation de dépendance économique dans laquelle GPM, société sous-traitante, a été placée et le déséquilibre significatif qui en a découlé pour GPM, à la fois pour son chiffre d'affaires et pour sa trésorerie, que les premiers juges ont qualifié à juste titre de préjudice. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 10
ARRÊT DU 4 NIOVEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/21575 (10 pages). N° Portalis 35L7- V B7C B6OUL. Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 septembre 2018 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016056143.
APPELANTE :
SARL IMPLANTS DIFFUSION INTERNATIONAL
[…], N° SIRET : XXX, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Armand BOUKRIS de la SELEURL CABINET BOUKRIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0274
INTIMÉE :
SAS GAUTHIER PRECISION MEDICALE - GPM
[…], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Nadia BOUZIDI FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515, Représentée par Maître Laurence MALKA, avocat au barreau de PARIS, toque : E2022
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Edouard LOOS, Président, Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère, Monsieur A Z Y, Conseiller qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur A Z Y dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La Sarl Implants Diffusion International (IDI) est une société spécialisée dans la fabrication et la distribution d'implants dentaires.
La Sas Gauthier Précision Médicale (GPM) est une société spécialisée dans la fabrication de pièces et de matériels de précision médicaux et dentaires.
Les deux sociétés ont conclu un cahier des charges de sous-traitance le 15 mars 2006, renouvelé le 27 janvier 2009, puis entièrement réécrit et signé le 17 avril 2013.
La société GPM a reproché à la société IDI des retards et des défauts de paiements tout au long des relations commerciales, dont 12 factures pour un total de 72.141 euros TTC, avec une mise en demeure de les payer le 15 mars 2016. Elle décrit une diminution progressive de ses commandes puis leur arrêt total le 10 juin 2015, sans préavis. La société GPM rejette toute malfaçon, invoquée selon elle tardivement en 2016, et reproche à son contradicteur un comportement dilatoire.
La société IDI indique que la société GPM a été à l'origine de malfaçons ayant entraîné des retours de pièces (tournevis et forets dentaires) de la part ses clients et justifiant l'arrêt des relations commerciales. Elle indique avoir subi un préjudice de 160.000 euros en 2014, puis de 178.889 euros en 2015, ayant justifié le non-paiement des factures. De plus, elle estime que le contrat est arrivé à échéance le 15 février 2015.
Par acte d'huissier du 21 septembre 2016, la société GPM a assigné la société IDI devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 4 septembre 2018, le tribunal de commerce de Paris, a :
- s'est déclaré compétent,
- condamné la société IDI à payer à la société GPM les factures impayées pour la somme de 72.141,97 euros, des pénalités de retard pour la somme de de 35.106,10 euros à parfaire, des indemnités forfaitaires de recouvrement pour la somme de 10.640 euros, une somme de 40.969 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales, une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- prononcé l'exécution provisoire et condamné la société IDI aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 77,84 euros dont 12,76 euros de TVA.
La société IDI a relevé appel de ce jugement par déclaration du 2 octobre 2018.
Il a été mis fin à l'exécution provisoire selon ordonnance en référé du premier président de la cour d'appel de Paris en date du 31 janvier 2019.
[*]
Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 juin 2019, la société Implants Diffusion International demande à la cour de :
Vu les articles 42 et 43, 46 et 76 du code de procédure civile,
Vu l'article L. 442-6 du code de commerce,
Vu les articles 1219, 1289, 1641 et suivants du code civil,
- recevoir la société IDI en ses demandes et réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau, se déclarer incompétent pour connaître de la présente action au profit d'un arbitre ou d'une commission arbitrale,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le tribunal de céans venait à se déclarer compétent,
- avant dire droit, désigner tel expert, qu'il plaira à la cour de nommer, lequel pourra se faire assister, si besoin est, par tout Homme de l'Art de son choix et aura pour mission de se rendre sur place, se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, constater les défectuosités alléguées portant sur les tournevis et forêts dentaires fournis par la société GPM, fournir au tribunal tous éléments techniques et de fait de nature à lui permettre de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer tous les préjudices subis,
- dire que l'expert pourra se faire assister d'un ou plusieurs sapiteurs, mettre à la charge de la société GPM la provision à valoir sur les frais d'expertise,
Sur le fond,
- constater que la société IDI a subi un préjudice financier évalué à la somme de 178.889 euros et condamner la société GPM à payer à la société IDI la somme de 178.889 euros,
- débouter la société GPM de ses demandes,
- juger que la société GPM n'est pas fondée à solliciter des pénalités de retard, une indemnité forfaitaire de recouvrement, ni une indemnité au titre d'une soi-disant rupture brutale des relations commerciales ou de pratiques commerciales déloyales et restrictives de concurrence,
- condamner la société GPM à payer à la société IDI la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile qui seront recouvrés par la Selas Cabinet Boukris.
[*]
Dans ses dernières conclusions signifiées le 28 juin 2019, la société intimée Gauthier Précision Médicale demande à la cour de :
Vu les articles L. 441-6, L. 442-6 et D. 441-5, l'annexe 4-2-1 (V) du code de commerce,
Vu les articles 146 et 514 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles 1134 alinéa 3, 1154 et 1382 anciens du code civil,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent, a condamné la société IDI au paiement des factures impayées pour la somme de 72.141,97 euros, des pénalités de retard pour la somme de 35.106,10 euros à parfaire, de la somme de 10.640 euros à titre d'indemnités forfaitaires de recouvrement, d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, a condamné IDI à réparer le préjudice engendré par la rupture brutale, totale et sans préavis des relations commerciales établies depuis 2003 par le paiement d'une somme de 40.969 euros en application des dispositions de l'article L. 442-6- I-5° du code de commerce, a ordonné l'exécution provisoire, a débouté la société IDI de ses demandes,
Y ajoutant :
- condamner la société IDI à réparer le préjudice engendré par la rupture brutale, totale et sans préavis des relations commerciales établies depuis 2003, en application des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, par le paiement d'une somme complémentaire de 22.867 euros, pour former avec celle de 40.969 euros le montant total de 63.836 euros,
Infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :
- condamner la société IDI à réparer le préjudice distinct subi par la société GPM du fait des pratiques commerciales déloyales et restrictives de concurrence imposées, d'une part, par le paiement d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, d'autre part par le calcul des pénalités de retard à compter du 61ème jour suivant l'émission des factures réglées avec retard depuis le 1er janvier 2013, ainsi que l'assortiment de la capitalisation aux dites pénalités de retard,
- condamner la société IDI au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Sur la compétence :
La société IDI fait valoir l'existence d'une stipulation au contrat de sous-traitance prévoyant une procédure de conciliation préalable. Elle précise que GPM s'est abstenue de solliciter un arbitre ou une commission d'arbitrage, ne pouvant de ce fait saisir une juridiction étatique. L'appelant indique avoir tenté un rapprochement amiable auprès de GPM et demande que la cour se déclare incompétente et renvoie les parties à mieux se pourvoir.
GPM soutient que la compétence du tribunal de commerce est déterminée par l'acte introductif d'instance fondé sur l'article L. 442-6 du code commerce. Dans ce cadre, les parties ont été convoquées devant un juge conciliateur le 3 novembre 2016. Toutefois IDI n'a pas fourni de justificatifs, provoquant l'échec de la mesure de conciliation, puis a conclu à la compétence du tribunal de commerce de Bobigny à l'audience du 6 mars 2017 tenue devant le tribunal de commerce de Paris. Les autres échanges ont confirmé la renonciation réciproque à l'application de la clause de conciliation préalable, outre la nature délictuelle du litige et la mauvaise foi d'IDI.
Ceci étant exposé,
Il résulte de l'article 1528 du code de procédure civile que les parties à un différend peuvent, à leur initiative tenter de le résoudre de façon amiable avec l'assistance d'un médiateur, d'un conciliateur de justice ou, dans le cadre d'une procédure participative, de leurs avocats, et de l'article 1452 du code de procédure civile qu'en l'absence d'accord des parties sur les modalités de désignation du ou des arbitres : 1° En cas d'arbitrage par un arbitre unique, si les parties ne s'accordent pas sur le choix de l'arbitre, celui-ci est désigné par la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, par le juge d'appui ; 2° En cas d'arbitrage par trois arbitres, chaque partie en choisit un et les deux arbitres ainsi choisis désignent le troisième ; (...) à défaut, le juge d'appui procède à cette désignation.
L'article 11 du contrat de sous-traitance du 15 février 2013 prévoit qu'en cas de différend, les parties s'engagent à rechercher une solution amiable aux litiges qui pourraient les opposer, notamment par le recours à un arbitre choisi d'un commun accord, ou à défaut par la désignation d'une commission d'arbitrage constituée par deux arbitres désignés séparément par chacune des parties et, au besoin, d'un tiers arbitre choisi par les deux premiers. Dans l'éventualité où un tel arrangement ne pourrait intervenir, le tribunal de commerce de Paris sera seul compétent.
La cour relève que si le contrat de sous-traitance prévoit la possibilité du recours à des mesures de résolution amiable des conflits, qu'il s'agisse d'une démarche de médiation, de conciliation ou de procédure participative, IDI ne justifie d'aucune tentative en ce sens, ayant cessé toute relation avec son cocontractant à compter du 10 juin 2015.
En ce qui concerne le recours à un arbitre ou une commission d'arbitrage, IDI ne justifie d'aucune proposition de désignation d'un arbitre, ni de la saisine préalable du juge d'appui.
Ayant fait valoir la compétence du tribunal de commerce de Bobigny devant le premier juge, IDI a confirmé de fait sa renonciation à une solution amiable.
C'est donc à juste titre que les premiers juges se sont déclarés compétents. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande d'expertise :
IDI demande à titre subsidiaire que soit désigné avant dire droit une expertise judiciaire, la provision à valoir étant à la charge de GPM. IDI indique avoir conservé les équipements retournés par ses clients et fait valoir que l'expertise permettra de constater les défectuosités et tous éléments techniques.
GPM rappelle que l'appelant a déjà sollicité une mesure d'expertise le 19 mars 2018 en dernière audience de mise en état devant les premiers juges. IDI ne justifie pas de l'impossibilité de démontrer les défectuosités alléguées, le préjudice et le lien de causalité.
Ceci étant exposé,
Les défectuosités alléguées sur les tournevis et forets dentaires ont été invoquées formellement par IDI en 2016, alors que les retards de paiement qui y seraient liés datent de 2013. IDI a fait établir à son initiative un rapport d'expert X le 2 octobre 2015, versé aux débats devant les premiers juges. IDI ne justifie pas la nécessité de compléter en 2019 ce rapport d'expert, alors qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve. La cour dispose d'éléments suffisants à ce stade du litige pour accueillir les prétentions des parties.
Il n'y a donc pas lieu à la désignation d'un expert. C'est à juste titre que les premiers juges n'ont pas fait droit à cette demande et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le préjudice financier de la société Implants Diffusion International :
IDI indique avoir reçu de nombreuses réclamations de la part de ses clients pour des pièces défectueuses et dangereuses (tournevis et forets dentaires) livrées par GPM. Selon elle, tous les forêts dentaires ont été fournis par GPM. IDI indique avoir mis en place un protocole de suivi afin de pallier les difficultés avec ses clients lui ayant occasionné un préjudice total de 178.889 euros dont elle demande le paiement par GTM.
GPM rappelle qu'entre 2010 et 2015, elle a fabriqué et fourni à IDI un total de 547.139 pièces, soit une moyenne de 100.000 pièces par an. Les retards de paiement n'ont cessé de se développer depuis 2010 pour atteindre un montant de 242.663 euros en 2012 puis de 91.269 euros en décembre 2015 et 72.141 euros TTC à ce jour. Les relances et mises en demeure depuis 2013 ont permis de réduire la dette accumulée. Il n'existe aucun litige portant sur le montant des factures adressées à IDI, sans lien réel avec de prétendues défectuosités qui n'ont été révélées qu'en mai 2017.
Ceci étant exposé,
Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa version alors applicable, que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, et de l'article 1641 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Alors qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, IDI ne dispose pas d'éléments probants au soutien de son préjudice et ne justifie pas de l'application des dispositions du cahier des charges en matière d'anomalies sur les produits livrés.
En effet, IDI produit deux documents décrivant des quantités vendues en 2014 qui n'ont pas de lien établi avec un préjudice. Le document « statistiques ventes des BL », édité le 12 janvier 2017, mentionne la vente de 400 forets coniques ou classiques pour un total de 36.289 euros HT et celui édité le 18 janvier 2017 fait état de la vente de 142 trousses Idcam pour un total de 49.600 euros HT.
Les défectuosités relevées par IDI sont étayées par sept documents datant de 2016 et 2017, alors que les relations commerciales avec GPM se sont arrêtées le 9 juin 2015. Quatre attestations anonymisées, datées de septembre et octobre 2016, contiennent quelques mots rédigés en portugais avec la même écriture manuscrite. Trois attestations de chirurgiens-dentistes en région parisienne, datées de mai 2017, indiquent que « plusieurs tournevis de prothèse » sont devenus inutilisables et ont été changés gracieusement par IDI.
En outre, le rapport d'expert X porte uniquement sur le contrôle de dix forets dentaires retournés, dont un seul provient avec certitude de la société GPM, et l'attestation de l'expert-comptable en date du 7 juin 2017 ne décrit pas le protocole de suivi administratif et financier allégué.
IDI ne dément pas que GPM lui a fourni 547.139 pièces entre 2010 et 2015, dont 46.711 forets et 31.144 tournevis, ce qui apporte un caractère relatif à ses observations, dont aucune n'a donné lieu à un contentieux particulier.
La cour relève qu'IDI n'a pas fait jouer la clause 6-2 du cahier des charges relative aux produits endommagés, selon laquelle GPM la dédommage en contrepartie de la justification du prix de revient industriel du produit défectueux.
Enfin, si IDI a disposé de la possibilité de procéder à un contrôle sur place des installations de GPM, comme le prévoit l'article 5 du cahier des charges, elle n'en justifie pas. IDI est également la seule responsable de la démonstration des preuves de fabrication des produits auprès des autorités de tutelle et des clients, comme le prévoit l'article 6 du cahier des charges.
Il en résulte que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté IDI de sa demande de condamner GPM à payer la somme de 178.889 euros au titre d'un préjudice financier. Le jugement sera de ce point de vue confirmé.
Sur les factures impayées, les pénalités de retard et l'indemnité forfaitaire de recouvrement :
IDI conteste l'application de pénalités et d'indemnités car elles ne sont pas visées dans les conditions générales de vente ainsi que leur taux d'intérêt. Les factures litigieuses n'ont pas été acquittées au regard du préjudice financier subi. Leur non-paiement a été justifié.
GPM fait valoir qu'IDI ne conteste pas les factures litigieuses d'un montant total de 72.141,97 euros TTC, ayant demandé leur compensation devant le premier juge. GPM rappelle avoir suivi un retard de paiement de la part d'IDI depuis le début de leur relation commerciale. L'article 8 du contrat prévoit le cas des défauts de paiement, alors que la loi du 4 août 2008 a prévu un règlement à 30 jours ou conventionnellement à 45 jours. En 2014, le chiffre d'affaires de GPM a été de 556.234 euros et celui d'IDI de 4.246.879 euros. La dette d'IDI vis-à-vis de GPM, représentant 161 500 euros, lui a permis de créer artificiellement une trésorerie à son détriment.
Ceci étant exposé,
Il résulte de l'article L. 441-6 du code de commerce, alors applicable, que « tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur qui en fait la demande. Elles comprennent : les conditions de vente ; le barème des prix unitaires ; les réductions de prix ; les conditions de règlement. Les conditions générales de vente constituent le socle unique de la négociation commerciale. Dans le cadre de cette négociation, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir avec un acheteur de conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l'obligation de communication prescrite au premier alinéa.
Sauf dispositions contraires ou convenues entre les parties, le délai de règlement est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises. Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture.
Les conditions de règlement doivent préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire sur justification. »
Selon l'article 8 du cahier des charges du 15 février 2013, « tout défaut de paiement à la date d'exigibilité confère à l'autre partie le droit de prononcer la résiliation du contrat, sans préjudice de dommages et intérêts, 15 jours après une mise en demeure à la partie défaillante qui serait restée sans effet (…). Suivant la loi du 04 aout 2008, les pénalités pour retard de paiement sont de 3 fois le taux d'intérêt légal. »
La cour relève que le montant de factures impayées, soit 72.141,97 euros TTC, certain, liquide et exigible, n'est pas contesté par IDI.
En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné IDI à verser la somme de 72.141,97 euros TTC. Le jugement sera confirmé de ce chef.
En ce qui concerne les pénalités de retard pour le non-paiement des factures, la cour relève que le cahier des charges du 15 février 2013 prévoit leur existence et celle d'un taux majoré. GPM justifie également avoir demandé leur règlement par courriers en recommandé adressés à IDI depuis le 30 mai 2013, alors qu'il est constant qu'elles sont exigibles de plein droit.
En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné IDI à verser la somme de 35.106,10 euros au titre des pénalités de retard. Le jugement sera confirmé de ce chef et modifié en ce qu'il conviendra de fixer une date de départ pour les intérêts exigibles, soit à compter du 61ème jour suivant l'émission des factures réglées avec retard depuis le 1er janvier 2013.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue à l'article D. 441-5 du code de commerce, elle est exigible de plein droit au même titre que le sont les pénalités de retard pour le non-paiement des factures.
En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné IDI à verser la somme de 10.640 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour les 266 factures réglées avec retard ou impayées. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l'indemnité au titre d'une rupture brutale des relations commerciales :
IDI fait valoir que GPM n'est pas recevable à se prévaloir des articles L. 442-6-I, 2° et 8° du code de commerce. Le cahier des charges était arrivé à échéance le 15 février 2015 et les quelques commandes supplémentaires passées postérieurement ne constituent pas une reconduction tacite. Les trois conditions cumulatives pour engager la responsabilité délictuelle de l'auteur d'un déséquilibre significatif des droits des obligations ne sont pas réunies, les deux sociétés n'étant pas des partenaires commerciaux, ni en état de dépendance économique. IDI, qui n'a jamais rien imposé, souhaite se prévaloir de l'exception d'inexécution en raison de son préjudice. IDI fait valoir que le préjudice réparable demandé par GPM n'est pas sérieux et que la demande de dommages t intérêts au titre des pratiques restrictives de concurrence devra être à nouveau rejetée.
GPM fait valoir de son côté qu'elle a subi une rupture brutale, partielle et sans préavis des relations commerciales à compter du 10 juin 2015, résultant d'une stratégie volontaire de la part d'IDI, l'ayant auparavant soumise à un déséquilibre significatif de commandes de - 29 % entre 2014 et 2015. A titre d'exemple, IDI a refusé de régler un solde débiteur de 137 181 euros en imposant une livraison complémentaire qui elle-même n'est pas réglée. Au terme de 13 années d'échanges commerciaux, sans ayant été destinataire de retour de marchandises ou de remarques, IDI a allégué mensongèrement des non conformités de produits pour ne pas avoir à régler les factures dues. GPM a connu des difficultés de trésorerie allant jusqu'à sept mois de situation débitrice en 2016.
Ceci étant exposé,
Il résulte de l'article L. 442-6-I du code de commerce, alors applicable, qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…)
4° d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ;
5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
En l'espèce, le cahier des charges du 15 février 2013 prévoit une durée d'exécution d'un an et la possibilité d'être reconduit de façon tacite pour une nouvelle période d'un an. Il peut se terminer « à n'importe quel moment, moyennant un préavis de 6 mois de la part de l'une ou l'autre des parties ».
La cour relève que la société IDI ne justifie pas avoir respecté la clause contractuelle de préavis ni avoir informé le cocontractant GPM de sa volonté de mettre fin au cahier des charges. IDI a sciemment accepté un renouvellement tacite à la date du 15 février 2015 pour l'interrompre de façon définitive et soudaine le 10 juin 2015. L'auteur de la rupture étant tenu de respecter un préavis d'une certaine durée, c'est à juste titre que les premiers juges ont qualifié l'arrêt des commandes de rupture brutale et totale.
Par ailleurs, la société IDI n'a pas procédé au paiement de 266 factures sur une période s'étalant entre 2013 et 2015, liant leur règlement partiel au renouvellement de ses commandes et bénéficiant de ce fait de conditions abusives pour les délais de paiement au détriment de la société GPM.
Enfin, la production d'une facturation réglée au titre des années 2006 à 2015 constitue la preuve de l'existence d'une relation commerciale stable, suivie et habituelle entre les parties. De ce fait, IDI n'a pu ignorer la relation de dépendance économique dans laquelle GPM, société sous-traitante, a été placée et le déséquilibre significatif qui en a découlé pour GPM, à la fois pour son chiffre d'affaires et pour sa trésorerie, que les premiers juges ont qualifié à juste titre de préjudice.
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice, la nouvelle période proposée par GPM, entre 2011 et 2015, ne correspond pas à celle qui devrait être établie pour connaître le gain manqué (marge bénéficiaire manquée) ou la perte de chance (manque à gagner probable). L'augmentation demandée de 22 867 euros par GPM, prenant en compte la déduction du prix de vente des coûts variables, doit être pondérée par la longue période de factures impayées et de retards de paiement acceptée tacitement par GPM qui n'a pas utilisé sa possibilité de résiliation.
En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu une perte de marge brute de 30 % du chiffre d'affaires et condamné IDI à verser la somme de 40 969 euros à titre de préjudice pour la rupture brutale des relations commerciales. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le préjudice distinct subi du fait des pratiques commerciales déloyales et restrictives de concurrence :
IDI demande que soit confirmé le jugement dont appel en ce qu'il a débouté GPM de sa demande de dommages et intérêts.
GPM fait valoir que le paiement de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts constitue une réparation pour le comportement déloyal de la société IDI. IDI a procédé depuis 2013 à la fabrication en interne des mêmes produits que ceux fournis par GPM tout en concluant un nouveau cahier des charges en 2013. IDI a opéré un chantage en 2015 pour bénéficier d'une nouvelle livraison. IDI a invoqué un litige qualitatif pour ne pas régler les factures restant dues.
Ceci étant exposé,
Il résulte de l'article 1382 du code civil, dans sa version alors applicable, que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La société GPM ne justifie pas de sa demande de réparation de ce chef. C'est à juste titre que les premiers juges l'en ont déboutée. Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il n'a pas fixé une date de départ pour les intérêts exigibles au titre des pénalités de retard ;
Statuant à nouveau de ce chef,
DIT que la société Implants Diffusion International devra payer à la société Gauthier Précision Médicale la somme de 35.106,10 euros au titre des pénalités de retard, assortis du paiement des intérêts au taux de trois fois le taux d'intérêt légal, à compter du 30 mai 2013 ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE la société Implants Diffusion International à payer à la société Gauthier Précision Médicale la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Implants Diffusion International aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS