CASS. COM., 20 novembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8247
CASS. COM., 20 novembre 2019 : pourvoi n° 18-13249 ; arrêt n° 842
Publication : Legifrance
Extrait : « Vu l’article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, et l’article D. 442-3 du même code, ensemble l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire ; […] ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que, pour s’opposer aux demandes de la société CPF, la société Sajdis contestait, au regard des dispositions de l’article L. 442-6, I du code de commerce, la validité de plusieurs clauses du contrat de location-gérance, et notamment de celle relative aux conditions de reprise du stock, la cour d’appel, qui a confié à un huissier de justice mission de procéder à l’inventaire du stock et de permettre la reprise de marchandises par la société CPF dans les conditions prévues par la clause précisément contestée par la société Sajdis, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 18-13249. Arrêt n° 842.
DEMANDEUR à la cassation : Société X. O. de ce qu’elle reprend l’instance en qualité de liquidateur judiciaire de la Société Sajdis
DÉFENDEUR à la cassation : Société Carrefour proximité France
Mme Mouillard (président), président. SCP Gatineau et Fattaccini, SCP L. Poulet-Odent, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte à la société X. O. de ce qu’elle reprend l’instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sajdis ;
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, et l’article D. 442-3 du même code, ensemble l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon les arrêts attaqués, rendus en matière de référé, que la société Sajdis était propriétaire d’un fonds de commerce d’alimentation générale, qu’elle exploitait sous l’enseigne Shopi à Reuilly (Indre) par l’effet d’un contrat de franchise conclu en 2002 avec une entité aux droits de laquelle est venue la société Carrefour proximité France (la société CPF) ; qu’après avoir acquis le fonds en 2014, cette dernière l’a donné en location-gérance à la société Sajdis avant de le résilier, le 23 mai 2016, avec effet du 31 août suivant ; que par un premier jugement du 31 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a retenu que la durée du préavis aurait dû être fixée à treize mois, pour expirer le 30 juin 2017, et a invité les parties à rechercher, de bonne foi, un accord sur la poursuite de la relation et les mesures de nature à faciliter le rétablissement de la société Sajdis ; que, par un second jugement du 20 février 2017, le même tribunal a constaté l’accord des parties pour fixer la fin du préavis de rupture au 30 juin 2017 ; que la société CPF ayant assigné la société Sajdis devant le juge des référés du tribunal de commerce de Châteauroux afin de voir ordonner la libération par celle-ci des lieux à la date convenue et, à défaut d’exécution, son expulsion, ainsi que de voir désigner un huissier de justice pour réaliser un inventaire du stock des marchandises, la société Sajdis a invoqué la nullité des clauses de non-concurrence, de non-affiliation et de reprise du stock stipulées aux contrats de franchise et de location-gérance, constitutives, selon elle, d’un déséquilibre significatif, au sens de l’article L. 442-6, I du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, et demandé le renvoi de l’affaire devant le tribunal de commerce de Paris, juridiction spécialement désignée par l’article D. 442-3 du même code pour statuer sur un tel litige, ou, subsidiairement, le prononcé d’un sursis à statuer dans l’attente de la décision de ce tribunal, qu’elle avait saisi en annulation de la cession du fonds de commerce ; que par le premier arrêt attaqué, la cour d’appel a déclaré irrecevables les demandes de la société Sajdis fondées sur l’article L. 442-6, I du code de commerce, rejeté ses demandes de sursis à statuer et de délai de grâce et confirmé l’ordonnance entreprise, sauf en ses dispositions relatives à la mission confiée à l’huissier de justice, qu’elle a fixées ; que par le second arrêt attaqué, elle a remplacé, à sa demande, l’huissier de justice précédemment désigné et rectifié son précédent arrêt en ce qui concerne la mission confiée à celui-ci ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, pour confirmer l’ordonnance de référé et déclarer irrecevables les demandes de la société Sajdis fondées sur l’article L. 442-6, I du code de commerce, rejeter sa demande de sursis à statuer, confirmer la décision prononçant l’expulsion sous astreinte de celle-ci, à compter du 31 août 2017, et fixer la mission de l’huissier de justice chargé de procéder à un inventaire du stock, l’arrêt du 21 décembre 2017, rectifié par celui du 1er février 2018, retient que le litige relatif à la rupture des relations commerciales des parties a été réglé par les deux décisions définitives rendues par le tribunal de commerce de Paris ; qu’il relève qu’à l’issue du préavis dont le terme correspond à celui fixé par ce tribunal, la société Sajdis ne pouvait se maintenir dans les lieux, que les demandes soumises au juge des référés par la société CPF ont pour principal objet d’obtenir la libération des lieux et la restitution du fonds sur lequel la société Sajdis ne dispose plus de droits depuis le 1er juillet 2017 ; qu’il en déduit que, même si les contestations élevées par la société Sajdis, portant sur la validité des clauses de non-concurrence ou de reprise des stocks, devaient être déclarées irrecevables puisque fondées sur les articles L. 442-6, I du code du commerce, elles n’étaient pas de nature à interdire au juge des référés de statuer, conformément à l’article 873 du code de procédure civile, sur une demande tendant à faire cesser un trouble manifestement illicite, dont elles ne sont pas indissociables ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que, pour s’opposer aux demandes de la société CPF, la société Sajdis contestait, au regard des dispositions de l’article L. 442-6, I du code de commerce, la validité de plusieurs clauses du contrat de location-gérance, et notamment de celle relative aux conditions de reprise du stock, la cour d’appel, qui a confié à un huissier de justice mission de procéder à l’inventaire du stock et de permettre la reprise de marchandises par la société CPF dans les conditions prévues par la clause précisément contestée par la société Sajdis, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevable l’appel de la société Sajdis, l’arrêt rendu le 21 décembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Bourges et, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 1er février 2018, entre les mêmes parties, par la même cour d’appel ; remet, en conséquence, sur les autres points faisant l’objet de la cassation, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans ;
Condamne la société Carrefour proximité France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société X. O., en qualité de liquidateur de la société Sajdis, la somme de 3.000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassé et cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société X. O., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sajdis.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief au premier arrêt attaqué (CA Bourges, 21 décembre 2017, RG n°17/01134), rectifié par le second arrêt attaqué (CA Bourges, 1er février 2018, RG n°17/01785), d’AVOIR déclaré irrecevables les demandes formées par la société Sajdis et fondées sur l’article L. 442-6 I du code de commerce, d’AVOIR débouté la société Sajdis de sa demandes en sursis à statuer et d’AVOIR confirmé l’ordonnance ayant ordonné la libération des lieux sous astreinte au 31 août 2017 et ordonné l’expulsion de la société Sajdis à cette date, avec autorisation de solliciter le concours de la force publique et désignation d’un huissier de justice,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS PROPRES QUE la SARL Sajdis reproche au juge des référés d’avoir excédé ses pouvoirs en statuant sur un litige portant sur l’exécution d’une décision rendue par une juridiction spécialisée ceci alors même qu’elle avait formé des demandes fondées sur l’article L 442-6-I-5 ° du code du commerce dont en l’espèce, seuls le tribunal de commerce et la cour d’appel de Paris peuvent connaître conformément aux dispositions de l’article D. 442-3 du code du commerce ; que dans les motifs de l’ordonnance déférée, le premier juge indique laconiquement écarter les moyens et demandes reconventionnelles présentés par la SARL Sajdis en raison de leur caractère dilatoire ; que par application de l’article D. 442-3 du code du commerce, seul un nombre restreint de juridictions peut connaître de demandes fondées sur les articles L. 442-6-I du Code du commerce et la cour de Paris des appels formés contre leurs décisions ; que si une autre juridiction en est saisie, elle doit constater leur irrecevabilité s’agissant d’un moyen d’ordre public tiré de l’absence de pouvoir juridictionnel et statuer sur le surplus à moins que ces demandes présentent un tel lien de connexité qu’elles doivent être jugées ensemble ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; que le litige relatif à la rupture des relations commerciales des parties a été réglé par deux décisions définitives rendues par le Tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l’article L. 442-6-I-5° du code du commerce ; que par jugement du 31 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a considéré que le délai initial du préavis était trop bref au regard de la durée des relations commerciales des parties ; qu’il en a fixé le terme au 30 juin 2017, invité les parties à se rapprocher et trouver un accord sur les conditions dans lesquelles la Sajdis libérerait les lieux et cesserait son activité ; qu’il a également souligné l’absence de demande en réparation du préjudice par la Sajdis et invité les parties à conclure le cas échéant sur ce point ; que dans la prolongation de cette décision, les parties sont parvenues à un accord ; qu’en revanche, elles s’opposaient toujours sur l’interprétation d’un courrier en date du 29 septembre 2014 valant avenant à la cession du fonds qui selon la Sajdis imposait à la SAS Carrefour Proximité France de lui présenter des fonds de commerce durant quatre ans ; que la décision homologuant l’accord par lequel la Sajdis admettait qu’elle ne pouvait se maintenir dans les lieux et exploiter le fonds de commerce au-delà du 30 juin 2017, a tranché ce contentieux puisque le tribunal de commerce de Paris a considéré que la SAS Carrefour Proximité France n’avait pas cette obligation ; qu’à l’issue du préavis dont le terme correspond à celui fixé par le tribunal de commerce, la SARL Sajdis ne pouvait donc se maintenir dans les lieux et devait procéder aux différentes opérations fixées par les contrats de franchise, d’approvisionnement et de location gérance qu’elle n’avait pas discutées ou réservées ; que les demandes soumises au juge des référés par la SAS Carrefour ont pour principal objet d’obtenir la libération des lieux et la restitution du fonds sur lequel la SARL Sajdis ne dispose plus de droits depuis le 1er juillet 2017 ; que si la Sajdis soutient que le préavis n’a pas été exécuté de bonne foi par la SAS Carrefour Proximité France à laquelle elle reproche de n’avoir rien fait pour faciliter son rétablissement et notamment de ne pas lui avoir proposé d’autres fonds de commerce à acquérir et d’avoir trompé la religion du tribunal de commerce de Paris en lui dissimulant un courrier fixant les conditions auxquelles son gérant acceptait de céder le fonds, cette argumentation se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée aux deux décisions précédemment rappelées ; qu’il s’en suit que les contestations élevées par le SARL Sajdis ne sont pas de nature à interdire au juge des référés de statuer conformément à l’article 873 du Code de procédure civile sur une demande tendant à faire cesser un trouble manifestement illicite d’autant que le domaine de compétence reconnu aux juridictions spécialisées par l’article L. 442-6-I du Code du commerce s’interprète strictement en raison de son caractère dérogatoire au droit commun ; que si les contestations élevées par la SARL Sajdis sur la validité des clauses de non concurrence ou de reprise des stocks devaient être déclarées irrecevables puisque fondées sur les articles L. 442-6-I du Code du commerce, il revenait bien au juge des référés de statuer sur les demandes de la SAS Carrefour Proximité France car elles ne forment pas un tout indissociable et que c’est donc sans excéder ses pouvoirs qu’il les a examinées ; que de même, l’introduction au demeurant tardive d’une procédure en annulation de la cession du fonds de commerce ne justifiait pas davantage de surseoir à statuer,
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE les parties se sont mises d’accord sur une exécution du contrat de location gérance jusqu’au 30 juin 2017 ainsi que sur une réduction partielle de la créance du fournisseur CSF ; que par jugement en date du 20 février 2017, le tribunal de commerce de Paris a constaté l’accord et notamment celui concernant le préavis en « constat[ant] que le préavis convenu s’exécutera par un maintien dans les lieux et expirera le 30 juin 2017 » ; que ce jugement est devenu définitif, faute de recours de la part des parties ; que le juge des référés n’a d’autre alternative que de prendre acte de cette décision définitive ; que le juge des référés est saisi afin de voir appliquer l’accord des parties, dûment constaté par décision judiciaire devenue définitive ; que la société Sajdis refait l’historique de sa relation avec Carrefour et souligne les pratiques de cette dernière, pratiques que la société Sajdis juge restrictives et violant la liberté d’entreprendre ; que Sajdis estime que les droits et obligations des parties sont clairement déséquilibrées ; que ces demandes reconventionnelles doivent entraîner l’incompétence rationae materiae du juge des référés ; que le juge des référés prend acte de ces demandes reconventionnelles mais juge qu’elles auraient dû faire depuis longtemps l’objet d’une procédure au fond ; que le juge des référés écartera ces demandes reconventionnelles qu’il estimera comme étant dilatoires ; que par ailleurs, Sajdis a introduit une instance parallèle tendant à remettre en cause la propriété du fonds de commerce ; que l’instance a été enrôlée il y a très peu de temps et fut évoquée le 7 juin 2017 pour la première fois ; que le juge des référés ne s’estimera pas lié à cette procédure au fond faite manifestement pour les besoins de la cause et ne prononcera pas un sursis à statuer ; que le juge des référés prend acte de tous les arguments de la société Sajdis mais que l’ensemble de ces arguments ne peuvent remettre en cause l’accord des parties dûment constaté par un jugement devenu définitif faute de recours ; que le juge des référés est le juge de l’évidence et se doit de prendre acte dudit accord constaté judiciairement,
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1/ ALORS QU’une juridiction saisie d’une demande relevant de sa compétence ne peut statuer sans que les moyens de défense opposés à cette demande aient été examinés au préalable par la juridiction ayant compétence exclusive pour en connaître ; qu’en l’espèce, pour s’opposer à la demande en expulsion formée devant le juge des référés par la société Carrefour Proximité France, la société Sajdis avait opposé le moyen de défense tiré de ce que l’article L. 442-6 du code de commerce avait été méconnu, la société Carrefour Proximité France n’ayant pas exécuté le préavis fixé jusqu’au 30 juin 2017 dans des conditions permettant de faciliter le rétablissement de la société Sajdis ; qu’en jugeant qu’une telle contestation n’était pas de nature à l’empêcher de se prononcer sur la demande d’expulsion, quand elle ne pouvait statuer sans que le tribunal de commerce de Paris, seul compétent pour ce faire, se soit préalablement prononcé sur le moyen de défense tiré de l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce, la cour d’appel a violé l’article 49 du code de procédure civile, ensemble l’article D. 442-3 du code de commerce.
2/ ALORS QUE l’autorité de la chose jugée a lieu à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu’en l’espèce, le dispositif du jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 octobre 2016 avait imposé aux parties la recherche d’un accord portant sur des « mesures de nature à faciliter le rétablissement de la société [Sajdis] », le dispositif du jugement du même tribunal du 20 février 2017 s’étant borné à préciser que, selon l’accord trouvé, le préavis expirerait le 30 juin 2017, et à débouter la société Sajdis de sa demande visant à ce qu’il soit ordonné à la société Carrefour Proximité France de lui présenter un fonds de commerce qu’elle serait susceptible de racheter ; que ces deux décisions n’avaient pas tranché la contestation tirée du défaut de respect, par la société Carrefour Proximité France, de son obligation d’exécuter le préavis dans des conditions permettant de faciliter le rétablissement de la société Sajdis ; qu’en jugeant pourtant que l’autorité de la chose jugée attachée à ces deux décisions pouvait être opposée à la contestation de la société Sajdis, la cour d’appel a violé les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile.
3/ ALORS QUE seule constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ; qu’en l’espèce, les conclusions de la société Sajdis n’avaient formulé aucune demande visant à obtenir un autre avantage que le rejet des prétentions de la société Carrefour Proximité France, qualifiant expressément les contestations soulevées sur le fondement de l’article L. 442-6 du code de commerce de moyens de défense ; qu’en analysant pourtant ces contestations fondées sur l’article L. 442-6 du code de commerce comme des demandes reconventionnelles, la cour d’appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l’article 64 du même code, par fausse application.
4/ ALORS QU’une juridiction saisie d’une demande relevant de sa compétence ne peut statuer sans que les moyens de défense opposés à cette demande aient été examinés au préalable par la juridiction ayant compétence exclusive pour en connaître ; qu’en l’espèce, pour s’opposer à la demande en expulsion formée devant le juge des référés par la société Carrefour Proximité France, la société Sajdis avait opposé le moyen de défense tiré de ce que le contrat de location gérance, dont l’application était demandée lors de l’expulsion, comportait des clauses déséquilibrées au sens de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce ; qu’en jugeant une telle demande irrecevable, quand elle devait attendre que le tribunal de commerce de Paris, seul compétent pour statuer sur la question, se soit préalablement prononcé sur ce moyen de défense, la cour d’appel a violé l’article 49 du code de procédure civile, ensemble l’article D. 442-3 du code de commerce.
5/ ALORS QUE la cour d’appel, faisant droit à la demande de la société Carrefour Proximité France, a confirmé l’ordonnance entreprise ayant ordonné le respect des obligations mises à la charge du locataire gérant par le contrat du 29 septembre 2014 et a désigné un huissier chargé de veiller au respect de ce contrat à l’occasion du départ des lieux, notamment en matière de reprise des stocks ; qu’en jugeant pourtant que l’argumentation portant sur le caractère déséquilibré de certaines clauses de ce contrat, notamment celle relative aux conditions de reprise des stocks, ne formait pas un tout indissociable avec le litige qui lui était soumis par la société Carrefour Proximité France, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l’article D. 442-3 du code de commerce.
6/ ALORS QUE le juge ne peut pas statuer par un motif inopérant ; qu’en relevant, par motif éventuellement adopté, le caractère tardif et donc dilatoire de l’argumentation de l’exposante fondée sur l’article L. 442-6 du code de commerce, motif impropre à justifier que cette argumentation soit écartée en l’absence de toute prescription, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief au premier arrêt attaqué (CA Bourges, 21 décembre 2017, RG n°17/01134) d’AVOIR confirmé l’ordonnance ayant ordonné la libération des lieux sous astreinte au 31 août 2017 et ordonné l’expulsion de la société Sajdis à cette date, avec autorisation de solliciter le concours de la force publique et désignation d’un huissier de justice,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS PROPRES QUE le maintien dans les lieux d’un occupant dépourvu de droit et de titre constitue bien un trouble illicite au sens de l’article 873 du code du commerce autorisant de prescrire les mesures conservatoire ou de remise en état qui s’imposent afin de le faire cesser ; qu’en l’espèce, à la date de l’assignation, le préavis prévu par l’accord homologué avait expiré et la SARL Sajdis ne disposait plus d’aucun titre pour exploiter le fonds ou se maintenir dans les murs ; qu’elle était donc devenue occupant sans droit ni titre ; que les contestations relatives à la propriété du fonds ne sont pas en l’espèce de nature à remettre en cause cette situation étant rappelé que les mesures prévues par le texte sus visé peuvent être prescrites même en présence d’une contestation sérieuse ; que dans ces conditions, c’est à bon escient que le premier juge a décidé d’ordonner la libération des lieux et à défaut l’expulsion ainsi que la désignation d’un huissier,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Sajdis a introduit une instance parallèle tendant à remettre en cause la propriété du fonds de commerce ; que l’instance a été enrôlée il y a très peu de temps et fut évoquée le 7 juin 2017 pour la première fois ; que le juge des référés ne s’estimera pas lié à cette procédure au fond faite manifestement pour les besoins de la cause et ne prononcera pas un sursis à statuer ; que le juge des référés prend acte de tous les arguments de la société Sajdis mais que l’ensemble de ces arguments ne peuvent remettre en cause l’accord des parties dûment constaté par un jugement devenu définitif faute de recours ; que le juge des référés est le juge de l’évidence et se doit de prendre acte dudit accord constaté judiciairement,
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE si l’existence d’une contestation sérieuse n’interdit pas au juge des référés de prendre les mesures prévues par l’article 873 du code de procédure civile, le juge doit apprécier le caractère manifestement illicite du trouble causé ; qu’en ordonnant dès lors l’expulsion de la société Sajdis à compter du 31 août 2017, en énonçant que cette société était occupante sans droit ni titre des lieux, sans caractériser plus avant que la société Carrefour Proximité France était bien propriétaire du fonds et que la société Sajdis n’avait pas recouvré cette propriété à cette date, ce qui était contesté, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 873 du code de procédure civile.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief au second arrêt attaqué (CA Bourges, 1er février 2018, RG n°17/01785) d’AVOIR dit régulière la procédure suivie par la société Carrefour Proximité France et d’AVOIR désigné un nouvel huissier en remplacement de celui désigné par l’arrêt du 21 décembre 2017,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE selon l’article 488 du code de procédure civile, « L’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles » ; qu’il résulte de ce texte, applicable indifféremment devant le juge des référés de première instance comme devant la cour d’appel, que cette dernière juridiction est seule compétente pour modifier ou rapporter, en cas de circonstances nouvelles, l’arrêt précédemment rendu sur l’appel d’une ordonnance de référé ; que la cour ne pouvant statuer que selon les règles de comparution applicables à l’instance ayant abouti à l’arrêt précédemment prononcé, sont donc applicables les règles de la représentation obligatoire ; que s’il est exact que l’assignation délivrée rappelle à la Sarl Sajdis qu’elle devra se présenter ou se faire représenter par un avocat, force est néanmoins de constater que la Sarl Sajdis a opté pour ce dernier mode de comparution, que son avocat a été en mesure de déposer des conclusions au soutien de ses intérêts et que l’irrégularité dont elle se plaint ne lui fait donc pas grief ; sur les modalités de saisine, qu’il doit d’abord être relevé que la cour est généralement saisie par une déclaration d’appel et qu’aucun texte n’énonce de modalités particulières dans le cas où la cour est appelée à statuer, en application de l’article 488 précité, sur une modification d’une décision de référé précédemment rendue par elle ; qu’en l’absence de texte particulier, la société Carrefour Proximité France a saisi la cour au moyen d’une assignation pour une date déterminée, ce qui correspond généralement au mode de saisine de la juridiction de référé ; qu’à l’audience du 9 janvier 2018, à laquelle l’affaire a été appelée, le président, constatant que l’affaire n’était pas en état, le défendeur n’ayant pas eu le temps de conclure, a renvoyé son examen à l’audience du 16 janvier suivant en précisant aux parties que compte tenu de l’objet de la demande, elle serait retenue à cette date ; que la Sarl Sajdis a pris le temps de conclure longuement sur les modalités de comparution et de saisine de la cour et de mettre à profit cette saisine pour présenter une demande de modification de la décision qui aurait statué ultra petita, sollicitant néanmoins le renvoi à une audience ultérieure pour conclure sur l’existence de circonstances nouvelles, dont la complexité, s’agissant d’un simple remplacement de l’huissier chargé d’exécuter la décision, n’est cependant pas telle qu’elle nécessite un plus ample délai ; qu’en conséquence, la Sarl Sajdis ayant bénéficié d’un délai suffisant pour conclure de manière complète, le non-respect d’une modalité procédurale qu’aucun texte n’énonce ne lui cause pas grief, en sorte que sa demande de nullité de la procédure suivie doit être rejetée ; sur le fond, qu’il est produit par la société Carrefour Proximité France une lettre du 21 décembre 2017 par laquelle Maître K. lui a fait savoir que suite à des opérations de tentative d’exécution de l’ordonnance de référé les 27 et 28 novembre 2017, la Sarl Sajdis avait diligenté une action afin d’engager sa responsabilité civile professionnelle et adressé à sa chambre interdépartementale un courrier pour faire état de ses craintes relativement à un manque d’indépendance de sa part dans la poursuite des opérations d’expulsion ; qu’elle produit également l’assignation du 12 décembre 2017 délivrée à cet huissier aux fins de voir constater qu’en procédant à des opérations d’expulsion en violation des dispositions de l’ordonnance rendue le 5 juillet 2017, il a commis une faute qui lui a causé un préjudice en réparation duquel il est sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 95 000 euros ; qu’en cet état, il est donc justifié de circonstances nouvelles qui commandent de désigner, en lieu et place de Maître K. qui se trouve empêché d’accomplir sereinement la mission qui lui a été confiée, la Selarl H. C. C., huissiers de justice associés à [ville C.],
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1/ ALORS QUE la cassation à intervenir de l’arrêt en date 21 décembre 2017, sur le fondement des moyens précédents, entraînera par voie de conséquence la cassation de l’arrêt attaqué par le présent moyen, qui en est la suite, par application de l’article 625 du code de procédure civile.
2/ ALORS QU’aucun texte ne prévoit que la cour d’appel puisse être saisie par voie d’assignation à jour fixe, en matière de référé, afin de modifier ou de rapporter sa décision en cas de circonstance nouvelle ; qu’en ouvrant pourtant à la société Carrefour Proximité France une telle voie de recours non autorisée par les textes, la cour d’appel a violé l’article 488 du code de procédure civile par fausse application, ensemble l’article 125 du même code.