CASS. CIV. 2e, 12 décembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8259
CASS. CIV. 2e, 12 décembre 2019 : pourvoi n° 18-24263 ; arrêt n° 2139
Publication : Legifrance
Extraits (moyen) : « 3°) ALORS QU’en toute hypothèse, le juge est tenu de rechercher, au besoin d’office, si une clause conclue entre un professionnel et un consommateur n’est pas abusive en ce qu’elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’en jugeant licite la clause de la convention d’honoraire selon laquelle Mme X., client consommateur, s’engageait à verser à l’avocat un honoraire complémentaire égal, « au choix de la SCP [d’avocats] », « à 10 % des condamnations prononcées par la juridiction au profit du client [...] ou [à] l’indemnité allouée en application de l’article 700 NCPC », sans rechercher si cette option, dont le choix était abandonné à la discrétion de l’avocat, ne corrigeait pas, au seul profit de ce dernier, les effets de l’aléa qui devait affecter le montant de sa rémunération, en sorte que la clause litigieuse avait pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du client consommateur, le premier président de la cour d’appel a violé l’article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation. »
Extraits : 1/ « Aucun texte ou principe ne fait obstacle à ce que les parties conviennent librement de fixer l’honoraire de résultat au montant de l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; qu’il s’en déduit que le premier président a exactement décidé que la stipulation de la convention d’honoraires litigieuse, acceptée par les parties, n’était pas nulle ».
2/ « Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la troisième branche du moyen, annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 18-24263. Arrêt n° 2139.
DEMANDEUR à la cassation : Madame X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société AHF avocats - Maître J.
M. Pireyre (président), président. SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’ordonnance attaquée rendue par le premier président d’une cour d’appel (Caen, 11 septembre 2018), que Mme X. a confié à la société AHF avocats, représentée par M. J. (l’avocat), la défense de ses intérêts dans une procédure d’appel l’opposant à son employeur ; que le 3 novembre 2015, les parties ont signé une convention d’honoraires prévoyant, d’une part, un honoraire fixe de 1.500 euros HT, d’autre part, « en cas de succès un honoraire complémentaire hors taxe de résultat égal à 10 % des condamnations prononcées par la juridiction au profit du client, ou obtenues par transaction ou l’indemnité allouée en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, au choix de la SCP AHF avocats » ; que l’arrêt de la cour d’appel a alloué à Mme X. la somme de 12.085,01 euros en principal, outre celle de 1.750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; que Mme X. a contesté l’honoraire de résultat qui lui était réclamé et a saisi le bâtonnier de l’ordre, qui, par décision du 31 mai 2017, a fixé à la somme de 1.750 euros TTC le montant des honoraires dus à l’avocat ; que le 8 juin 2017, Mme X. a formé un recours contre cette décision ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la troisième branche du moyen, annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Et sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que Mme X. fait grief à l’ordonnance de rejeter l’exception de nullité de la stipulation de la convention d’honoraires soulevée par elle et, en conséquence, de confirmer la décision du bâtonnier du 31 mai 2017, alors, selon le moyen :
1°/ qu’est nulle la stipulation de la convention d’honoraires par laquelle l’avocat se fait consentir un honoraire complémentaire représentant la totalité des sommes allouées à son client au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ; qu’en retenant, pour fixer à la somme de 1.750 euros le montant de l’honoraire complémentaire dû à l’avocat, que la loi « n’interdit nullement d’asseoir un honoraire complémentaire sur la somme accordée en vertu de l’article 700 du code de procédure civile », quand cette indemnité, ayant pour objet de permettre au justiciable d’assurer sa défense et en particulier de payer l’honoraire de diligences de son avocat, doit bénéficier intégralement à celui pour lequel elle a été instituée, le premier président de la cour d’appel a violé les articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et 700 du code de procédure civile ;
2°/ que seule est licite la convention d’honoraires qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ; qu’en retenant, pour fixer à la somme de 1.750 euros le montant de l’honoraire complémentaire dû à l’avocat, que la loi « n’interdit nullement d’asseoir un honoraire complémentaire sur la somme accordée en vertu de l’article 700 du code de procédure civile », quand la condamnation au paiement des frais exposés par une partie et non compris dans les dépens, appréciée en seule équité et dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par la juridiction du fond, ne constitue pas un résultat obtenu par l’avocat sur lequel peut être assis un honoraire complémentaire, le premier président de la cour d’appel a violé les articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et 700 du code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’aucun texte ou principe ne fait obstacle à ce que les parties conviennent librement de fixer l’honoraire de résultat au montant de l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; qu’il s’en déduit que le premier président a exactement décidé que la stipulation de la convention d’honoraires litigieuse, acceptée par les parties, n’était pas nulle ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X. aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-neuf.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme X.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’ordonnance attaquée d’AVOIR rejeté l’exception de nullité de la stipulation de la convention d’honoraires soulevée par Mme X. et d’AVOIR, en conséquence, confirmé la décision du délégué du bâtonnier de l’ordre des avocats de Caen du 31 mai 2017 ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE l’article 10, alinéa 5, de la loi du 31 décembre 1971 dispose que toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite ; qu’est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ; que Mme X. a mandaté la SCP AHF avocats, représentée par Maître J., pour diligenter appel d’un jugement du conseil de prud’hommes d’Argentan dans une procédure l’opposant à son employeur ; qu’à cette fin, les parties ont signé une convention d’honoraires le 3 novembre 2015 prévoyant d’une part un honoraire fixe de euros HT et d’autre part un honoraire complémentaire libellé comme suit : « Il est expressément convenu qu’à la somme ci-dessus, s’ajoutera en cas de succès un honoraire complémentaire hors taxe de résultat égal à 10 % des condamnations prononcées par la juridiction au profit du client, ou obtenues par transaction ou l’indemnité allouée en application de l’article au titre de l’article 700 du code de procédure civile NCPC, au choix de la SCP AHF avocats » ; que Maître J. a obtenu devant la cour d’appel l’allocation au profit de sa cliente de la somme totale de 12.085,01 euros en principal outre celle de 1.750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; que Mme X. s’est acquittée de l’honoraire de diligence, soit 1.800 euros TTC ; que la discussion porte uniquement sur l’honoraire de résultat réclamé par l’avocat à hauteur de 2.100 euros TTC (1.750 euros HT), correspondant à l’indemnité allouée au titre des frais irrépétibles (outre la TVA) ; que Mme X. soulève l’illicéité et la nullité de la stipulation fondant cette facturation et demande de taxer la somme due à 10 % des condamnations prononcées à son profit, soit 1.450,20 euros ; qu’elle soutient que l’honoraire de résultat ne peut être fixé que sur la base du principal sollicité et obtenu en justice ; qu’or, ce faisant, elle ajoute une condition au texte qui n’interdit nullement d’asseoir un honoraire complémentaire sur la somme accordée en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ; que l’honoraire litigieux, stipulé comme étant lié au succès de l’action engagée et complémentaire à la rémunération des prestations effectuées, répond ainsi parfaitement aux exigences de l’article 10 précité ; que l’exception de nullité de la clause est donc rejetée ;
ET QUE Maître J. ayant librement choisi de percevoir l’indemnité article 700 CPC, qui lui est plus favorable, la question se pose de savoir si elle s’entend toutes taxes comprises ; que le délégué du bâtonnier a fait une lecture exacte des termes de la convention en considérant que l’honoraire complémentaire a été convenu « hors taxe » exclusivement pour l’honoraire de résultat égal à 10 % des condamnations prononcées ou obtenues par transaction ; que l’avocat étant soumis à la TVA, c’est donc à juste titre qu’il a fixé le montant de la rémunération restant due à la SCP AHF avocats à la somme de 1.458 euros HT, plus la TVA à 20 %, soit la somme de 1.750 euros TTC ; qu’il convient dès lors de confirmer la décision entreprise et de condamner Mme X. à payer à Maître J. une indemnité de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QU’est nulle la stipulation de la convention d’honoraires par laquelle l’avocat se fait consentir un honoraire complémentaire représentant la totalité des sommes allouées à son client au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ; qu’en retenant, pour fixer à la somme de 1.750 euros le montant de l’honoraire complémentaire dû à l’avocat, que la loi « n’interdit nullement d’asseoir un honoraire complémentaire sur la somme accordée en vertu de l’article 700 du code de procédure civile » (ordonnance, p. 2, antépénultième paragraphe), quand cette indemnité, ayant pour objet de permettre au justiciable d’assurer sa défense et en particulier de payer l’honoraire de diligences de son avocat, doit bénéficier intégralement à celui pour lequel elle a été instituée, le premier président de la cour d’appel a violé les articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et 700 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE seule est licite la convention d’honoraires qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ; qu’en retenant, pour fixer à la somme de 1.750 euros le montant de l’honoraire complémentaire dû à l’avocat, que la loi « n’interdit nullement d’asseoir un honoraire complémentaire sur la somme accordée en vertu de l’article 700 du code de procédure civile » (ordonnance, p. 2, antépénultième paragraphe), quand la condamnation au paiement des frais exposés par une partie et non compris dans les dépens, appréciée en seule équité et dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par la juridiction du fond, ne constitue pas un résultat obtenu par l’avocat sur lequel peut être assis un honoraire complémentaire, le premier président de la cour d’appel a violé les articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et 700 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU’en toute hypothèse, le juge est tenu de rechercher, au besoin d’office, si une clause conclue entre un professionnel et un consommateur n’est pas abusive en ce qu’elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’en jugeant licite la clause de la convention d’honoraire selon laquelle Mme X., client consommateur, s’engageait à verser à l’avocat un honoraire complémentaire égal, « au choix de la SCP [d’avocats] », « à 10 % des condamnations prononcées par la juridiction au profit du client [...] ou [à] l’indemnité allouée en application de l’article 700 NCPC », sans rechercher si cette option, dont le choix était abandonné à la discrétion de l’avocat, ne corrigeait pas, au seul profit de ce dernier, les effets de l’aléa qui devait affecter le montant de sa rémunération, en sorte que la clause litigieuse avait pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du client consommateur, le premier président de la cour d’appel a violé l’article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation.