CA AIX-EN-PROVENCE (3e et 4e ch. réun.), 5 décembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8265
CA AIX-EN-PROVENCE (3e et 4e ch. réun.), 5 décembre 2019 : RG n° 17/07764 ; arrêt n° 2019/301
Publication : Jurica
Extrait : « C'est cependant à bon droit que le crédit immobilier de France développement conclut à la prescription de l'action en nullité de la stipulation des intérêts et à la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts.
Il résulte en effet des dispositions combinées des articles 1304 du code civil et L. 110-4 du code de commerce qui édictent une prescription de cinq ans, ainsi que de l'article L. 313-2 du code de la consommation prévoyant la mention du taux effectif global dans tout écrit constatant un contrat de prêt et de l'article L312-33 du code de la consommation sanctionnant le prêteur défaillant de la déchéance du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, que l'action en annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel ou en déchéance du droit aux intérêts se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur alléguée.
Le point de départ de la prescription est la date de la convention dans le cas où l'examen de son contenu permet de constater l'erreur ; la révélation de l'erreur n'est le point de départ du délai qu'à la condition de ne pas avoir été décelable. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
TROISIÈME ET QUATRIÈME CHAMBRES RÉUNIES
ARRÊT DU 5 DÉCEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/07764. Arrêt n° 2019/301. N° Portalis DBVB-V-B7B-BAND6. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 16 mars 2017 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 15/13764.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Benjamin A., avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉES :
CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
Venant aux droits de la Banque Patrimoine et Immobilier, Pris en la personne de son représentant légal en exercice, Dont le siège est sis [adresse], représentée par Maître Laurence A.-D., avocat au barreau de MARSEILLE
SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER
Dont le siège est sis [adresse], représentée par Maître Laurence A.-D. de l'AARPI ADSL, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 octobre 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller, et Mme Anne FARSSAC, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Laure BOURREL, Président, Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller, magistrat rapporteur, Mme Anne FARSSAC, Conseiller.
Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2019. Signé par Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller, par suite d'un empêchement du président et Madame Rime GHORZI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant offre du 8 septembre 2008 acceptée le 21 septembre 2008, la société banque patrimoine et immobilier (BPI) a consenti à monsieur X. un prêt de 715.000 euros, amortissable en 240 échéances destiné au financement d'un bien immobilier ; le taux effectif global énoncé s'élevait à 6,161 %.
La convention prévoit que l'assurance-vie souscrite le 13 août 2003 est nantie au profit de la banque patrimoine et immobilier.
Par acte du 18 novembre 2015, monsieur X. a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Marseille la société banque patrimoine et immobilier (BPI), en vue d'obtenir la déchéance des intérêts et la restitution des intérêts indûment perçus soit un montant déjà payé de 282.762,48 euros, outre le maintien de l'échéancier déduction faite des intérêts et indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient alors que le taux effectif global est erroné faute pour l'établissement financier d'avoir intégré dans son calcul les frais de contrat d'assurance-vie et invoque la nullité de la stipulation d'intérêts ainsi que la déchéance des intérêts.
Le tribunal, par jugement du 16 mars 2017, a notamment :
- déclaré irrecevables les demandes de monsieur X. dirigées contre la société BPI relativement au contrat de crédit en date du 21 septembre 2008
- condamné monsieur X. à verser à la société BPI la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné monsieur X. aux dépens.
Monsieur X. a régulièrement relevé appel, le 20 avril 2017, de ce jugement en vue de sa réformation.
Il demande à la cour, selon conclusions déposées le 22 août 2017 par RPVA, de :
Vu les articles anciens L. 132-1 du code de la consommation, L. 312-1 et suivants et L. 313-1 et suivants du code de la consommation ;
Vu l'article 1907 du code civil,
Vu les articles 700 et 696 du code de procédure civile,
- le recevoir en son appel ;
- réformer le jugement rendu le 16 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Marseille ;
En conséquence,
- dire et juger le TEG erroné ;
En conséquence,
- annuler le TEG en ce qu'il est faux ;
- dire et juger nulle la stipulation du taux d'intérêt conventionnel des contrats de la société crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société banque patrimoine et immobilier ;
- condamner le prêteur à restituer à monsieur X. des intérêts indûment perçus par la société crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société banque patrimoine immobilier soit un montant de 282.762,48 euros d'intérêts déjà payés sur la totalité des intérêts quel que soit le taux légal, comptes arrêtés au 5 septembre 2015, somme à parfaire ;
- ordonner la déchéance des intérêts pour le prêteur et la restitution à monsieur X. des intérêts indûment perçus par la société crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société banque patrimoine et immobilier soit un montant de 282.762,48 euros d'intérêts déjà payés sur la totalité des intérêts quelque soit le taux légal ; (en ce que cette déchéance est une peine civile) ; compte arrêté au 5 septembre 2015, somme à parfaire ;
- ordonner le maintien de l'échéancier déduction faite des intérêts ;
- débouter le crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société banque patrimoine et immobilier de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- réformer le jugement rendu le 16 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Marseille concernant la condamnation de monsieur X. à la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et aux dépens ;
- subsidiairement la réduire à de plus justes proportions ;
En tout état de cause,
- condamner la société crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société banque patrimoine et immobilier à payer au demandeur la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société banque patrimoine et immobilier aux entiers dépens.
Formant appel incident, la société crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société banque patrimoine et immobilier sollicite de voir, selon conclusions déposées par RPVA le 20 juillet 2017 :
A titre principal
Vu les articles 1304, 1907 et 1315 ancien, 1353 et suivants du code civil, L. 313-2 du code de la consommation,
- donner acte à la société crédit immobilier de France développement de sa venue aux droits de la banque patrimoine et immobilier ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille le 22 mars 2017 dans toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
si par impossible la cour devait infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de monsieur X.,
Vu les articles L. 313-1 et L. 312-8 du code de la consommation,
- statuer à nouveau ;
- dire et juger que monsieur X. ne rapporte pas la preuve du caractère erroné du TEG énoncé dans l'offre de prêt de la banque patrimoine et immobilier ;
En conséquence,
- débouter monsieur X. de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la banque patrimoine et immobilier ;
En tout état de cause,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner monsieur X. à payer à la société crédit immobilier de France développement la somme de 5.000 euros ;
- condamner monsieur X. en tous les dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 17 septembre 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1 - Sur l'intervention du crédit immobilier de France développement :
La société banque patrimoine et immobilier (BPI) a fait l'objet d'une radiation du registre du commerce et des sociétés le 26 mai 2017, par suite de sa fusion absorption par la société crédit immobilier de France développement, ainsi qu'il ressort de l'extrait K bis produit aux débats.
Il y a lieu de constater que la société crédit immobilier de France développement vient aux droits de la banque patrimoine et immobilier.
2 - Sur les demandes de monsieur X. :
Monsieur X. soutient que le taux effectif global est erroné ; il reproche à l'établissement financier une erreur, savoir le défaut d'intégration au calcul du TEG des frais liés au contrat d'assurance-vie ; il conclut à l'application cumulée des deux sanctions attachées à la détermination du taux effectif global :
- la nullité de la stipulation de taux d'intérêt conventionnel en vertu des articles 1907 du code civil et L. 313-2 du code de la consommation
- la déchéance des intérêts prévue par l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation,
et ce, avec toutes conséquences sur les restitutions et l'échéancier.
C'est cependant à bon droit que le crédit immobilier de France développement conclut à la prescription de l'action en nullité de la stipulation des intérêts et à la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts.
Il résulte en effet des dispositions combinées des articles 1304 du code civil et L. 110-4 du code de commerce qui édictent une prescription de cinq ans, ainsi que de l'article L. 313-2 du code de la consommation prévoyant la mention du taux effectif global dans tout écrit constatant un contrat de prêt et de l'article L312-33 du code de la consommation sanctionnant le prêteur défaillant de la déchéance du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, que l'action en annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel ou en déchéance du droit aux intérêts se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur alléguée.
Le point de départ de la prescription est la date de la convention dans le cas où l'examen de son contenu permet de constater l'erreur ; la révélation de l'erreur n'est le point de départ du délai qu'à la condition de ne pas avoir été décelable.
En l'occurrence, monsieur X. fait valoir que n'auraient pas été intégrés au calcul du TEG les frais liés au contrat d'assurance-vie ; or il ressort clairement en pages 3 et 4 de l'offre de crédit du 8 septembre 2008 acceptée le 21 septembre suivant, que le coût total du crédit dont le détail est précisé (nature et montant) ayant déterminé le TEG n'inclut aucun frais lié au contrat d'assurance-vie ; la simple lecture de l'acte permettait de s'apercevoir qu'aucun frais lié à la délégation ou au nantissement d'assurance-vie n'était intégré dans l'assiette de calcul du TEG, sans qu'aucun calcul ou compétences particulières en mathématiques financières ne soient nécessaires.
L'erreur invoquée était donc, dès 2008, parfaitement apparente et décelable par monsieur X. emprunteur, même si du fait de sa profession de footballeur il n'avait aucune compétence financière particulière.
Le point de départ de la prescription ne saurait dans ces conditions être le 1er décembre 2014, date du rapport d'expertise sollicitée par ce dernier, mais le 21 septembre 2008, date du prêt.
Il en résulte que l'action diligentée par monsieur X. plus de cinq ans après, est prescrite.
Le jugement sera donc confirmé sur l'irrecevabilité des demandes de l'intéressé relativement au contrat de crédit en date du 21 septembre 2008.
3 - Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Succombant sur son appel, monsieur X. doit être condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à la société crédit immobilier de France développement la somme de 2.500 euros au titre des frais non taxables que celle-ci a dû exposer en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera par ailleurs confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens, au regard de la solution du litige, aucune considération d'équité ne justifiant en particulier la réduction sollicitée subsidiairement au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Constate que la société crédit immobilier de France développement vient aux droits de la banque patrimoine et immobilier,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 16 mars 2017,
Rejette la demande de monsieur X. au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne monsieur X. aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société crédit immobilier de France développement la somme de 2.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT