CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 18 décembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8274
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 18 décembre 2019 : RG n° 17/07622 ; arrêt n° 618
Publication : Jurica
Extrait : « En l'espèce, la clause 9.1 figurant à l'article 9 des conditions générales de l'offre de prêt acceptée le 12 octobre 2011 par M. X. et Mme X. née Y. intitulé « Exigibilité anticipée - Défaillance » stipule que la totalité du prêt en principal, intérêts, frais et accessoires deviendra immédiatement et de plein droit exigible par anticipation, sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, sauf accord écrit de sa part, en cas de « fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'Emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du Prêteur ».
La clause litigieuse vise ainsi les renseignements relatifs à la solvabilité de l'emprunteur fournis à l'établissement prêteur qui sont indispensables à une juste appréciation de ses capacités de remboursement et à la prise de décision, par l'établissement prêteur, d'accorder ou non le prêt demandé.
Les cas de sa mise en œuvre de cette clause sont donc clairement délimités ainsi que ses modalités, la clause contestée ne laissant nullement croire à l'emprunteur qu'il ne pourrait recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance prononcée par l'établissement prêteur en application de celle-ci.
Dans ces conditions, la clause de déchéance du terme rapportée ci-dessus, pour fourniture de renseignements inexacts, laquelle, en ce qu'elle permet à l'une des parties au contrat d'en prononcer la résiliation à raison de l'inexactitude d'un renseignement fourni par l'emprunteur sur sa situation, lequel était déterminant de son consentement, n'est pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu L .212-1, au regard de l'obligation de bonne foi dans les relations contractuelles. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/07622. Arrêt n° 618 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7B-B3DAT. Décision déférée à la Cour : Arrêt du 27 janvier 2017 - Cour d'Appel de PARIS – R.G. n° 15/00663.
DEMANDEURS A L'OPPOSITION :
M. X.
[...] [...], Représenté par Me Alexis N., avocat au barreau de PARIS, toque : E1615
Mme. X. née Y.
[...][...]
Représenté par Maître Alexis N., avocat au barreau de PARIS, toque : E1615
DÉFENDERESSE A L'OPPOSITION :
SA CRÉDIT DU NORD
prise en la personne de ses représentants légaux [...] [...], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LILLE sous le n° XXX, Représentée par Maître Ali EL A., avocat au barreau de PARIS, toque : D0289
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 décembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Françoise CHANDELON, Présidente de chambre, Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, Mme Pascale LIEGEOIS, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI
ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Mme Françoise CHANDELON, Présidente de chambre et par M. Benoit PEREZ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par arrêt avant dire droit en date du 30 octobre 2019, auquel il convient de se référer pour l'exposé du litige, la cour a ordonné la réouverture des débats, sans révocation de l'ordonnance de clôture, et invité les parties à présenter leurs observations sur la seule question de l'application des dispositions de l'article 914 alinéa 1 ancien du code de procédure civile, soulevée d'office par la cour, concernant la recevabilité de la caducité de la déclaration d'appel du 8 janvier 2015 invoquée par les époux X. devant la cour et non devant le conseiller de la mise en état.
Par courrier du 8 novembre 2019, les époux X. ont indiqué que n'étant pas en mesure de justifier de la signification à la société Crédit du Nord du jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 22 décembre 2013, ils renonçaient à solliciter la caducité de la déclaration d'appel faite par la banque le 8 janvier 2015.
Par courrier du 27 novembre 2019, la société Crédit du Nord indique que seul le conseiller chargé de la mise en état aurait eu compétence pour prononcer la caducité de l'appel ou son irrecevabilité et qu'il convient de donner acte à M. X. et Mme Y. de ce qu'ils renoncent au moyen tiré de la caducité de l'appel contenu dans leurs dernières conclusions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande en paiement de la société Crédit du Nord :
En application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu l'article L. 212-1, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
La recommandation 04-03 de la Commission des clauses abusives relative aux contrats de prêts immobiliers publiée au BOCCRF du 30 septembre 2004 invoquée par les époux X. considère comme abusives les clauses qui autorisent la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues, notamment lorsque les renseignements et documents de toute nature fournis par l'emprunteur ne sont pas conformes à la réalité et en particulier lorsque les déclarations faites par l'emprunteur viennent à se révéler fausses ou inexactes, « dans la mesure où elles tendent à laisser penser que l'établissement de crédit dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, [...] , une inexactitude dans les déclarations de l'emprunteur et, qu'au surplus, elles laissent croire que le consommateur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance [... ] ».
En l'espèce, la clause 9.1 figurant à l'article 9 des conditions générales de l'offre de prêt acceptée le 12 octobre 2011 par M. X. et Mme X. née Y. intitulé « Exigibilité anticipée - Défaillance » stipule que la totalité du prêt en principal, intérêts, frais et accessoires deviendra immédiatement et de plein droit exigible par anticipation, sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, sauf accord écrit de sa part, en cas de « fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'Emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du Prêteur ».
La clause litigieuse vise ainsi les renseignements relatifs à la solvabilité de l'emprunteur fournis à l'établissement prêteur qui sont indispensables à une juste appréciation de ses capacités de remboursement et à la prise de décision, par l'établissement prêteur, d'accorder ou non le prêt demandé.
Les cas de sa mise en œuvre de cette clause sont donc clairement délimités ainsi que ses modalités, la clause contestée ne laissant nullement croire à l'emprunteur qu'il ne pourrait recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance prononcée par l'établissement prêteur en application de celle-ci.
Dans ces conditions, la clause de déchéance du terme rapportée ci-dessus, pour fourniture de renseignements inexacts, laquelle, en ce qu'elle permet à l'une des parties au contrat d'en prononcer la résiliation à raison de l'inexactitude d'un renseignement fourni par l'emprunteur sur sa situation, lequel était déterminant de son consentement, n'est pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu L .212-1, au regard de l'obligation de bonne foi dans les relations contractuelles.
En l'espèce, il résulte de l'arrêt rendu par cette cour le 29 janvier 2018, sur opposition des époux X., que ceux-ci ont été définitivement reconnus coupables, l'un comme l'autre, d'avoir trompé la société le Crédit du Nord en employant des manœuvres frauduleuses consistant à produire de faux bulletins de salaires et un faux avis d'imposition pour la déterminer à lui remettre la somme de 285.000 euros sous la forme d'un prêt immobilier consenti le 12 octobre 2011, de sorte que ni le caractère falsifié de ces documents ni l'intention frauduleuse imputée à M. X. et Mme X. née Y. ne peuvent désormais être remis en cause, le juge pénal ayant en outre retenu dans sa motivation que les époux X. qui avaient essuyé plusieurs refus opposés par d'autres établissements bancaires avaient nécessairement conscience que seule la réalisation de faux et leur production pourraient leur permettre d'obtenir le prêt sollicité, le recours à un courtier, M. B. « dont la probité pose également question » n'étant pas de nature à les exonérer de leur responsabilité, celui-ci « ayant agi avec leur accord, à partir de documents qu'ils lui avaient laissés et dans le but de leur obtenir un financement auquel ils n'avaient pu prétendre jusqu'à présent compte tenu de leur situation financière réelle. ».
Ainsi, M. X. et Mme X. née Y. soutiennent vainement que la falsification des bulletins de salaires, de l'avis d'imposition comme des relevés bancaires de la société BNP paribas ne peut leur être imputée et que leur responsabilité civile ne peut être engagée à ce titre alors que leur responsabilité pénale est d'ores et déjà retenue pour les mêmes faits.
Au surplus, ils ne contestent pas avoir signé la fiche de renseignements de solvabilité du 22 septembre 2009, dont ils ont certifié exact le contenu, laquelle fait état d'un revenu mensuel de M. X. de 3.600 euros comme ambulancier et de Mme X. de 2.100 euros comme fonctionnaire, compatibles avec la charge de remboursement du prêt de 1.772,48 euros par mois alors même que l'enquête pénale a démontré que les relevés du compte de dépôt de la BNP paribas produits à l'appui de leur demande de prêt justifiant de la perception de ces ressources sont des faux, les époux X. n'étant pas titulaires d'un compte joint auprès de cette banque, que Mme X. n'est pas employée par la direction des finances publiques de Paris comme le laissaient croire les mentions des virements figurant au crédit de ce compte et que l'avis d'impôt sur le revenu 2009 communiqué à la société Crédit du Nord faisant état pour monsieur d'un revenu annuel de 40.563 euros et pour madame d'un revenu annuel de 24.310 est également un faux.
Dès lors, il est établi que les documents et les déclarations des époux X. sur leurs revenus communiqués à la société Crédit du Nord et donc, sur leur capacité de remboursement du prêt sollicité sont des faux, alors même que de telles informations sont déterminantes pour la banque pour décider de l'octroi du prêt, que la société Crédit du Nord n'a d'ailleurs jamais été en mesure de connaître l'origine et le montant exact des revenus des époux X., l'enquête pénale ayant néanmoins établi que leurs capacités réelles de remboursement avaient conduit trois autres établissements bancaires à leur refuser auparavant le crédit sollicité.
De même, aucune faute n'est imputable à la société Crédit du Nord qui a été reconnue victime des faits d'escroquerie reprochés aux époux X., reçue en sa constitution de partie civile et s'est vue allouer la somme de 1.500 euros en réparation du préjudice moral que cette infraction lui a causé, sans qu'aucun partage de responsabilité ni aucune exonération de responsabilité ne soit retenue par le juge pénal au profit de M. X. et Mme X. née Y., la banque ne pouvant en tout état de cause se voir reprocher de ne pas avoir vérifié l'authenticité des documents remis pas ses clients alors que ceux-ci sont justement condamnés au pénal pour l'avoir volontairement trompée à l'aide de documents falsifiés.
Enfin, la banque a régulièrement prononcé la déchéance du terme du prêt et l'exigibilité immédiate des sommes restant dues le 25 mai 2012, conformément aux stipulations non équivoques de la clause litigieuse, qui ne prévoient ni mise en demeure préalable au prononcé de cette déchéance ni délai à accorder aux emprunteurs pour faire obstacle à ses effets, les courriers adressés aux époux X. leur exposant le motif de la rupture du contrat, laquelle n'est pas due à une défaillance de leur part tenant à un défaut de paiement mais à la fourniture de renseignements inexacts sur leur solvabilité, manquement pour lequel l'octroi d'un délai n'est pas, en tout état de cause, de nature à permettre une quelconque régularisation.
Le jugement entrepris est donc infirmé dans toutes ses dispositions.
Les époux X. ne contestent pas le montant du solde du prêt réclamé par la société le Crédit du Nord aux termes de son courrier de dénonciation du 25 mai 2012, soit la somme de 282.365,81 euros au titre du capital restant dû à cette date et la somme de de 19.765,60 euros au titre de l'indemnité contractuelle d'exigibilité anticipée.
Néanmoins, l'article 9.2 des conditions générales du prêt ne prévoit une indemnité égale à 7 % des sommes restant dues qu'en cas de défaillance de l'emprunteur laquelle s'entend par un non-paiement total ou partiel à la date convenue, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que la société Crédit du Nord ne justifie pas d'une créance à ce titre.
En revanche, cette même clause prévoit qu'en cas d'exigibilité anticipée du prêt les sommes restant dues en capital et intérêts échus produiront intérêts au taux contractuel.
Par conséquent, M. X. et Mme X. née Y. sont solidairement condamnés à payer à la société Crédit du Nord la somme de 282 365,81 euros avec intérêts au taux de 4,40 % par an à compter du 25 mai 2012.
La capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, est ordonnée en application de l'article 1154 du code civil devenu 1343-2.
Les époux X., qui succombent en appel, supporteront les dépens de première instance et d'appel ainsi que leurs frais irrépétibles.
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il est inéquitable de laisser à la charge de la société Crédit du Nord les frais non compris dans les dépens exposés en appel et il convient de condamner in solidum les époux X. à lui payer la somme de 3 500 euros à ce titre.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Reçoit l'opposition formée par M. X. et Mme X. née Y.,
Constate que M. Rudy N. et Mme X. née Y. renoncent à solliciter la caducité de la déclaration d'appel du 8 janvier 2015,
Met à néant l'arrêt rendu par cette cour le 27 janvier 2017,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne solidairement M. X. et Mme X. née Y. à payer à la société Crédit du Nord la somme de 282.365,81 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % par an à compter du 25 mai 2012,
Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,
Condamne in solidum M. X. et Mme X. née Y. aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne in solidum M. X. et Mme X. née Y. à payer à la société Crédit du Nord la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
- 6052 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Consommateur - Mauvaise foi
- 6623 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Nature des manquements