CA BESANÇON (1re ch. civ. et com.), 7 janvier 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8295
CA BESANÇON (1re ch. civ. et com.), 7 janvier 2020 : RG n° 18/00919
Publication : Jurica
Extrait : « Mme X. soulève en appel, comme elle l'avait fait en première instance, le caractère erroné du TEG en se référant notamment au mode de calcul défini par l'article R.313-1 du code de la consommation et souligne que la cour de cassation considère qu'il est interdit d'utiliser l'année de 360 jours pour calculer les intérêts d'un emprunt, mais aussi que le TEG doit être calculé sur la base d'une année civile et non d'une année comptable, sous peine de voir substituer l'intérêt légal, qu'il s'agisse d'un crédit immobilier ou d'un crédit à la consommation, peu important qu'une clause contractuelle prévoie que les intérêts du prêt seront calculés sur la base d'une année de 360 jours, la sanction n'étant pas la déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels mais la nullité de la stipulation d'intérêts.
Le premier juge a considéré que, sans que l'emprunteur ait à démontrer une erreur du TEG, il convenait de sanctionner le calcul des intérêts conventionnels sur une durée de 360 jours désormais proscrite.
Néanmoins, selon une récente jurisprudence (Cass. civ. 1ère, 4 juillet 2019 n° 17-27.621), la seule utilisation de l'année lombarde ne suffit pas à sanctionner l'établissement bancaire dans la mesure où une telle méthode ne vient pas systématiquement au détriment des emprunteurs.
En outre, la haute juridiction a précisé dans un arrêt du 27 novembre 2019 (Cass. civ. 1ère, n°18-19.097) qu'en cas de calcul du taux conventionnel d'un prêt en se fondant, non pas sur l'année civile de 365 jours, mais sur une année théorique de 360 jours, l'emprunteur doit, pour obtenir l'annulation de la stipulation d'intérêts, démontrer que ceux-ci ont été calculés sur la base d'une année de 360 jours et que ce calcul a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation.
En l'espèce, Mme X. se borne à affirmer que le TEG prévu aux contrats de prêt qu'elle a souscrits a été appliqué de manière totalement erronée par le Crédit Agricole et que « les différences sur les sommes dues sont considérables ainsi que permettent de l'établir les annexes 3 et 6 du rapport de M. H., le trop-perçu d'intérêts cumulés étant au total de :
- 23.952,84 euros pour le prêt de 83.000 euros souscrit par Mme X.,
- 40.064,83 euros pour le prêt de 133 430 euros souscrit par Mme X. », précision faite que l'annexe 6 concerne le prêt de 133.430 euros du 25 mai 2009 au titre duquel l'action de Mme X. est prescrite.
Or, l'annexe 3 du rapport de M. H. qui met en exergue le trop-perçu d'intérêts cumulés de 23 952,84 euros s'avère être la reconstitution du tableau d'amortissement du prêt de 83.000 euros au taux légal, ce qui ne rend nullement compte du surcoût qu'aurait supporté Mme X. du fait d'un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours au lieu de 365 jours.
En outre, le rapport de M. H. - dont le Crédit Agricole conteste les calculs - n'est qu'un rapport d'expertise privée non contradictoire qui serait à lui seul insuffisant à démontrer que les intérêts conventionnels du prêt consenti le 20 septembre 2011, calculés sur la base d'une année de 360 jours, ont généré au détriment de Mme X. un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation.
Le jugement critiqué sera donc infirmé en ce qu'il a substitué le taux légal aux taux d'intérêt conventionnel du prêt immobilier du 20 septembre 2011. »
COUR D’APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
PREMIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 7 JANVIER 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/00919. N° Portalis DBVG-V-B7C-D6UM. Sur appel d'une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BESANCON, en date du 17 avril 2018 : R.G. n° 16/00888. Code affaire : 53A Prêt - Demande en nullité du contrat ou d'une clause du contrat.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT :
CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ
dont le siège est sis [adresse], Représenté par Maître Mohamed A. de la SELARL T. - A. -G.-C.-LE D., avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉE :
Madame X.
née le [date] à [ville] - de nationalité française, demeurant [adresse], Représentée par Maître Isabelle T. de la SCP B. - S. & T., avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.
ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER et A. CHIARADIA (magistrat rapporteur), Conseillers.
GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.
lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre
ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER, et A. CHIARADIA, Conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 19 novembre 2019 a été mise en délibéré au 7 janvier 2020. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et prétentions des parties :
Le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté (ci-après le Crédit Agricole) a consenti à Mme X. deux prêts immobiliers le 25 mai 2009, le premier d'un montant de 201.399,24 CHF soit 133.430 euros, outre intérêts au taux annuel de 1,73 %, le second d'un montant de 8.250 euros à taux zéro, pour le financement de l'acquisition de sa résidence principale sise à [ville 25], puis le 20 septembre 2011, un troisième prêt d'un montant initial de 99.956,91 CHF, soit la contre-valeur de 83.000 euros en vue de financer l'acquisition d'un bien immobilier situé à [ville E.].
Par exploit d'huissier délivré le 5 avril 2016, Mme X. a fait assigner le Crédit Agricole devant le tribunal de grande instance de Besançon en responsabilité contractuelle au titre d'un défaut de conseil, d'information et de mise en garde au vu de l'aspect risqué des prêts souscrits et en alléguant une erreur de TEG pour solliciter la nullité des intérêts conventionnels.
Suivant jugement rendu le 17 avril 2018, ce tribunal a :
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en manquement aux obligations d'information, de conseil et de mise en garde portant sur le crédit en devises souscrit le 25 mai 2009,
- déclaré « recevable l'action en manquement aux obligations d'information, de conseil et de mise en garde portant sur le crédit en devises souscrit le 20 septembre 2011 »,
- « dit que le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté a violé ses obligations contractuelles d'informations et de conseil à l'égard de Mme X. »,
- condamné le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à verser à Mme X. la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi par la perte de chance de pouvoir éviter une déconfiture financière et la procédure de surendettement,
- constaté que les prêts immobiliers souscrits les 3 juin 2009 et 20 septembre 2011 mentionnent que les intérêts conventionnels dus par l'emprunteur sont calculés selon une année de 360 jours, dite année lombarde,
- rappelé que le calcul par année lombarde est une clause abusive depuis la recommandation de la Commission des clauses abusives du 20 septembre 2005 et sanctionné depuis 2013 par la cour de cassation,
- substitué le taux légal aux taux d'intérêt conventionnels « des deux prêts immobiliers des 3 juin 2009 et 20 septembre 2011 »,
- condamné le Crédit Agricole à rembourser à Mme X. :
* « la somme de 20.407,82 euros au titre du trop-perçu des intérêts payés sur le prêt du 25 mai 2009 de 133.430 euros, arrêtée au 5 septembre 2017 »,
* « la somme de 10.744,84 euros au titre du trop-perçu des intérêts payés sur le prêt du 20 septembre 2011 de 83.000 euros, arrêtée au 5 septembre 2017 »,
- condamné Mme X. à payer au Crédit Agricole « la somme de 6.622 euros correspondant au solde du prêt de 2009 souscrit à taux zéro, non contesté »,
- condamné Mme X. à payer au Crédit Agricole « en deniers ou quittances, compte tenu du versement par Mme X. le 8 septembre 2017 de la somme de 179.000 euros, et de la substitution du taux légal aux taux conventionnels des prêt de 2009 et de 2011, le solde de ces deux prêts »,
- condamné le Crédit Agricole à payer à Mme X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
[*]
Le Crédit Agricole a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 22 mai 2018 et, aux termes de ses dernières conclusions transmises le 22 octobre 2019, il demande à la cour de :
- « confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en manquement des obligations d'information, de conseil et de mise en garde portant sur le crédit en devises souscrit le 25 mai 2009 et condamné Mme X. à payer au Crédit Agricole la somme de 6 622 euros correspondant au solde du prêt de 2009 souscrit à taux zéro, non contesté »,
« subsidiairement, débouter Mme X. de ses demandes au titre des prêts souscrits en 2009 » ;
- infirmant le jugement déféré, « déclarer irrecevable et prescrite l'action engagée par Mme X. concernant le prêt accepté par elle le 25 mai 2009 et relative au TEG et au prétendu calcul des intérêts selon la clause lombarde »,
- débouter Mme X. de l'intégralité de ses demandes à son encontre et de son appel incident,
- la condamner à lui payer :
* 4 851,62 euros, au titre du prêt n° 560XXX486 souscrit le 25 mai 2009,
* 102.535,58 euros, au titre du prêt n° 5604YYY76 souscrit le 20 septembre 2011,
- en tout état de cause, la condamner, tant en ce qui concerne la procédure de première instance qu'en ce qui concerne la procédure d'appel, à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL T. A. G. C. Le D., avocat aux offres de droit.
Selon écritures déposées le 22 octobre 2019, Mme X. demande à la cour de :
- débouter le Crédit Agricole de l'intégralité de ses demandes,
- avant dire droit, « enjoindre le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté de produire un décompte précis des sommes dues par Mme X. au titre des prêts souscrits en 2009 et 2011 tenant compte de l'intégralité des versements effectués avant et après imputation du prix de vente de 195.000 euros de la maison [ville E.],
- au fond, confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :
* déclaré « irrecevable comme prescrite l'action en manquement aux obligations d'information, de conseil et de mise en garde portant sur le crédit en devises souscrit le 25 mai 2009 »,
* condamné « le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à verser à Mme X. la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi par la perte de chance de pouvoir éviter une déconfiture financière et la procédure de surendettement »,
* laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,
- « déclarer recevable l'action en manquement aux obligations d'information, de conseil et de mise en garde portant sur le crédit en devises souscrit le 25 mai 2009 et tenir compte de ces fautes pour l'indemnisation du préjudice subi par Mme X. »,
- condamner le Crédit Agricole à lui verser la somme de 50.000 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir souscrit un crédit excédant manifestement ses capacités contributives et de nature à l'amener à une situation financière irrémédiablement compromise,
- condamner le Crédit Agricole à lui payer 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Coda, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 octobre 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Sur fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité civile pour manquement à l'obligation de mise en garde relative au prêt en devises souscrit en 2009 :
Comme l'a retenu le premier juge, le Crédit Agricole estime que, s'agissant de ce prêt, l'action de Mme X. est prescrite, compte tenu de la jurisprudence constante qui considère que le manquement à l'obligation d'information du professionnel du crédit s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter ou de ne pas avoir mieux contracté, l'action tendant à la sanction d'un tel manquement courant à compter de la date de conclusion du contrat, date à laquelle le créancier de l'obligation a eu connaissance de la perte de chance.
Pour s'y opposer Mme X. soutient qu'il n'y a pas lieu de retenir le 25 mai 2009, date de signature du premier contrat en devises, comme point de départ du délai de prescription, mais celle de la régularisation du second contrat de crédit en devises, soit le 20 septembre 2011, dans la mesure où, selon elle, les deux contrats de prêt formaient un ensemble indissociable et indivisible, le second prêt intégrant le premier.
Elle souligne que l'acte notarié d'acquisition du bien immobilier situé à [ville E.], établi le 10 octobre 2011, reprend les conditions de financement et prévoit l'inscription d'un privilège de prêteur de deniers en ce qui concerne le prêt du 20 septembre 2011 et d'hypothèques pour les deux prêts consentis en 2009.
Cependant, il s'avère que les deux prêts en devises de 2009 et 2011 ont pour objet le financement de deux biens immobiliers différents, que le prêt en devises de 2009 n'a pas été restructuré par le prêt, également souscrit en devises, de 2011, ce dernier n'étant pas constitutif d'un avenant au prêt de 2009, de sorte que les financements accordés par l'un et l'autre prêts sont distincts et que le défaut d'information allégué en ce qui concerne le prêt de 2009 ne peut avoir pour point de départ la date du prêt souscrit en 2011.
Par application de l'article 2224 du code civil, l'action en manquement de l'obligation de mise en garde relative au prêt en devises souscrit le 25 mai 2009 est en conséquence irrecevable comme prescrite, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.
Sur le manquement à l'obligation de mise en garde en ce qui concerne le prêt de 2011 :
Le premier juge a retenu le manquement de la banque compte tenu du risque inhérent au crédit en devises.
Le Crédit Agricole conteste l'appréciation « militante » de celui-ci. Il expose qu'il n'y avait, en l'espèce, pas de risque dû aux variations du taux de change franc suisse / euro, dans la mesure où Mme X., qui a souscrit un crédit en francs suisses, percevait également ses salaires dans cette monnaie. Une telle analyse est confirmée par les dispositions du nouvel article L. 313-64 du code de la consommation, issues de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, relatives aux prêts libellés dans une devise autre que l'euro qui énoncent que « les emprunteurs ne peuvent contracter de prêts libellés dans une devise autre que l'euro, remboursables en euros ou dans la devise concernée que s'ils déclarent percevoir principalement leurs revenus ou détenir un patrimoine dans cette devise au moment de la signature du contrat de prêt, excepté si le risque de change n'est pas supporté par l'emprunteur ».
Or, en l'espèce, il ressort de ses fiches de salaire de 2011 que Mme X. percevait effectivement ses revenus en francs suisses, et ce à hauteur, environ, de 4.500 CHF par mois et touchait un « 13ème salaire », de sorte que la souscription d'un prêt en francs suisses ne l'exposait pas à un risque spécifique et que la situation d'endettement qu'elle invoque ne découle pas de l'octroi de ce prêt, nonobstant un taux d'endettement supérieur à 33 % qui, bien qu'excessif en matière de prêt à la consommation, apparaît parfaitement acceptable en s'agissant d'un crédit immobilier.
D'ailleurs, les remboursements des prêts consentis par le Crédit Agricole ont été honorés sans incident de paiement jusqu'en 2015, les mensualités contractuellement prévues par le prêt en devise de 2011 étant de 448,93 CHF pour des revenus mensuels de l'ordre de 4.875 CHF, de sorte que les capacités contributives de Mme X. permettaient largement ces remboursements.
En outre, la capacité de remboursement de Mme X. telle que retenue en 2015 par la commission de surendettement des particuliers du Doubs, après déduction des charges courantes, s'élevait à 2 121 euros par mois, somme supérieure au montant des échéances des prêts contestés avant déchéance du terme d'un montant mensuel d'environ 1 300 euros.
Il apparaît, en conséquence, que les crédits consentis par le Crédit Agricole à Mme X. étaient conformes aux capacités financières de celle-ci et qu'il n'existait pas de risque d'endettement spécifique né de l'octroi du prêt en devises de 2011, de sorte que le Crédit Agricole n'était pas tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de Mme X..
Au surplus, il y a lieu d'observer que le Crédit Agricole s'était enquis des revenus de sa cliente avant de lui accorder les crédits querellés, qu'il résulte des propres écritures de Mme X. développées dans le cours de la procédure qu'elle a rencontré des difficultés financières à la suite d'ennuis de santé et que la tendance baissière du marché immobilier au cours des dernières années a pu avoir une incidence sur la valeur des biens financés par les prêts de 2009 et 2011 sans que faute puisse en être imputée au Crédit Agricole.
Dans ces conditions, il convient de débouter Mme X. de ses demandes fondées sur le manquement du Crédit Agricole à l'obligation de mise en garde au titre du prêt en devises de 2011, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a dit que le Crédit Agricole Mutuel a violé ses obligations contractuelles d'informations et de conseil et l'a condamné indemniser Mme X. « du préjudice subi par la perte de chance de pouvoir éviter une déconfiture financière et la procédure de surendettement ».
Sur la demande de Mme X. relative au TEG du contrat de prêt de 2009 :
Le Crédit Agricole estime que la demande est prescrite dans la mesure où Mme X. pouvait, dès 2009, se convaincre de l'irrégularité qu'elle invoque alors que, comme l'a retenu le premier juge, l'intimée soutient qu'elle n'a pu s'apercevoir de l'utilisation de l'année lombarde qu'à la lecture du rapport d'expertise privée de M. H. du 30 novembre 2015.
Cependant, l'utilisation de l'année de 360 jours étant clairement stipulée au contrat, Mme X. a, effectivement, pu s'apercevoir dès le 25 mai 2009, par la simple lecture de celui-ci, de l'irrégularité dont elle se prévaut dans le cadre de la présente instance introduite par exploit d'huissier délivré le 5 avril 2016.
Son action en nullité des intérêts conventionnels du contrat de prêt du 25 mai 2009 est donc irrecevable comme prescrite, le jugement attaqué étant infirmé sur ce point.
Sur la régularité du calcul du TEG dans le contrat du 20 septembre 2011 :
Mme X. soulève en appel, comme elle l'avait fait en première instance, le caractère erroné du TEG en se référant notamment au mode de calcul défini par l'article R.313-1 du code de la consommation et souligne que la cour de cassation considère qu'il est interdit d'utiliser l'année de 360 jours pour calculer les intérêts d'un emprunt, mais aussi que le TEG doit être calculé sur la base d'une année civile et non d'une année comptable, sous peine de voir substituer l'intérêt légal, qu'il s'agisse d'un crédit immobilier ou d'un crédit à la consommation, peu important qu'une clause contractuelle prévoie que les intérêts du prêt seront calculés sur la base d'une année de 360 jours, la sanction n'étant pas la déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels mais la nullité de la stipulation d'intérêts.
Le premier juge a considéré que, sans que l'emprunteur ait à démontrer une erreur du TEG, il convenait de sanctionner le calcul des intérêts conventionnels sur une durée de 360 jours désormais proscrite.
Néanmoins, selon une récente jurisprudence (Cass. civ. 1ère, 4 juillet 2019 n° 17-27.621), la seule utilisation de l'année lombarde ne suffit pas à sanctionner l'établissement bancaire dans la mesure où une telle méthode ne vient pas systématiquement au détriment des emprunteurs.
En outre, la haute juridiction a précisé dans un arrêt du 27 novembre 2019 (Cass. civ. 1ère, n°18-19.097) qu'en cas de calcul du taux conventionnel d'un prêt en se fondant, non pas sur l'année civile de 365 jours, mais sur une année théorique de 360 jours, l'emprunteur doit, pour obtenir l'annulation de la stipulation d'intérêts, démontrer que ceux-ci ont été calculés sur la base d'une année de 360 jours et que ce calcul a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation.
En l'espèce, Mme X. se borne à affirmer que le TEG prévu aux contrats de prêt qu'elle a souscrits a été appliqué de manière totalement erronée par le Crédit Agricole et que « les différences sur les sommes dues sont considérables ainsi que permettent de l'établir les annexes 3 et 6 du rapport de M. H., le trop-perçu d'intérêts cumulés étant au total de :
- 23.952,84 euros pour le prêt de 83.000 euros souscrit par Mme X.,
- 40.064,83 euros pour le prêt de 133 430 euros souscrit par Mme X. », précision faite que l'annexe 6 concerne le prêt de 133.430 euros du 25 mai 2009 au titre duquel l'action de Mme X. est prescrite.
Or, l'annexe 3 du rapport de M. H. qui met en exergue le trop-perçu d'intérêts cumulés de 23 952,84 euros s'avère être la reconstitution du tableau d'amortissement du prêt de 83.000 euros au taux légal, ce qui ne rend nullement compte du surcoût qu'aurait supporté Mme X. du fait d'un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours au lieu de 365 jours.
En outre, le rapport de M. H. - dont le Crédit Agricole conteste les calculs - n'est qu'un rapport d'expertise privée non contradictoire qui serait à lui seul insuffisant à démontrer que les intérêts conventionnels du prêt consenti le 20 septembre 2011, calculés sur la base d'une année de 360 jours, ont généré au détriment de Mme X. un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation.
Le jugement critiqué sera donc infirmé en ce qu'il a substitué le taux légal aux taux d'intérêt conventionnel du prêt immobilier du 20 septembre 2011.
Sur la demande en paiement du Crédit Agricole :
Par la production de ses pièces 25 à 28, le Crédit Agricole a communiqué ses décomptes de créance arrêtés au 30 novembre 2018 au titre des trois crédits consentis à Mme X., de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande avant dire droit de cette dernière, dans la mesure où le prix de vente de la maison [ville E.] apparaît avoir été imputé, le 8 septembre 2017, sur la créance de la banque au titre du prêt n° 560XXX486.
Au vu de ces décomptes actualisés, il y a lieu de condamner Mme X. à payer au Crédit Agricole les sommes suivantes :
- 4 851,62 euros, au titre du prêt n° 560XXX486 souscrit le 25 mai 2009,
- 102 535,58 euros, au titre du prêt n° 5604YYY76 souscrit le 20 septembre 2011.
Sur les demandes accessoires :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant la totalité des frais qu'il a dû engager pour défendre ses intérêts. Une somme de 1.500 euros lui sera donc allouée à ce titre, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant, Mme X. sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance étant, par ailleurs, infirmées tandis que celles non soumises à la critique des parties seront confirmées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Besançon en date du 17 avril 2018, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en manquement des obligations d'information, de conseil et de mise en garde portant sur le crédit en devises souscrit le 25 mai 2009 et condamné Mme X. à payer au Crédit Agricole la somme de 6.622 euros correspondant au solde du prêt de 2009 souscrit à taux zéro.
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare irrecevable comme prescrite l'action formée par Mme X. en nullité des intérêts conventionnels du contrat de prêt souscrit le 25 mai 2009.
Dit que le Crédit Agricole n'a pas manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde portant sur le crédit en devises souscrit le 20 septembre 2011.
Déboute Mme X. de sa demande indemnitaire au titre de la perte de chance invoquée.
Déboute Mme X. de sa demande en annulation des intérêts conventionnels du contrat de prêt souscrit le 20 septembre 2011.
Déboute Mme X. de sa demande tendant à voir, avant dire droit, enjoindre le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté de produire un décompte précis des sommes dues au titre des prêts souscrits en 2009 et 2011.
Condamne Mme X. à payer au Crédit Agricole les sommes suivantes :
- quatre mille huit cent cinquante-et-un euros soixante-deux centimes (4.851,62 euros), au titre du prêt n° 560XXX486 souscrit le 25 mai 2009,
- cent deux mille cinq cent trente-cinq euros cinquante-huit centimes (102.535,58 euros), au titre du prêt n°5604YYY76 souscrit le 20 septembre 2011.
Condamne Mme X. à payer au Crédit Agricole la somme de mille cinq cents euros (1.500 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme X. aux dépens de première instance et d'appel et accorde à la SELARL T. A. G. C. Le D. et à la SCP Coda, avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par Monsieur Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Madame Dominique Borowski, greffier.
Le greffier, le président de chambre