CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 19 décembre 2019

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 19 décembre 2019
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 19/01281
Date : 19/12/2019
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/12/2019
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8304

CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 19 décembre 2019 : RG n° 19/01281 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Antérieurement à la loi du 17 mars 2014 transposant en droit interne la directive européenne du 8 octobre 2008, relative à la consommation, en absence de définition légale de la notion de consommateur, il était admis que les dispositions protectrices du code de la consommation bénéficiaient aux personnes physiques et morales consommateurs ou non professionnels, pour les contrats de fournitures de biens ou de services n'ayant pas de rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant.

En l'espèce, M. X. agissant en qualité de gérant de la SARL Yuzu, a désigné par contrat de louage d'ouvrage du 13 décembre 2011 souscrit à son domicile, la société Expertises Galtier en qualité d'expert afin de procéder à l'évaluation de la perte d'exploitation ayant résulté d'un incendie survenu dans la nuit du 27 au 28 décembre 2010 dans les locaux du Secours Populaire voisins de ses locaux commerciaux.

L'engagement était pris au nom et pour le compte de la personne morale.

S'agissant de l'évaluation de sa perte d'exploitation afin de pouvoir fixer son préjudice en vue de l'exercice des recours en réparation de dommages, la SARL Yuzu ne peut alléguer avoir eu dans la négociation contractuelle menée par son gérant la position d'un non-professionnel, en ce qu'elle donnait mission à un expert d'apprécier, à partir de ses données comptables, le manque à gagner commercial résultant du sinistre subi, c'est à dire, l'analyse de ses chiffres d'affaires pour les années 2010, 2011, 2012, 2013, ce qui était directement en lien avec son activité professionnelle.

En conséquence, les dispositions protectrices du consommateur dans le cadre du démarchage à domicile et notamment l'obligation de l'informer de la possibilité de disposer d'un délai de rétractation de 7 jours à compter de la formation du contrat, délai en vigueur à la date de la signature de la convention susvisée, ne bénéficiaient pas à la SARL Yuzu et le moyen de nullité de la convention tiré du défaut de mentions relatives au droit à rétractation, soulevé par la SARL Yuzu, sera rejeté. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01281. N° Portalis DBVT-V-B7D-SGDS. Jugement (R.G. n° 2016010710) rendu le 4 octobre 2016 par le tribunal de commerce de Lille Métropole.

 

APPELANTE :

SARL Yuzu

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [adresse], [adresse], représentée et assistée par Maître François D., de la SCP François D.-Bernard F., avocat au barreau de Douai, ayant pour conseil Maître Bérengère L., avocat au barreau de Lille

 

INTIMÉE :

SA Expertises Galtier

ayant son siège social [adresse], [adresse], représentée par Maître Philippe T., avocat au barreau de Lille

 

DÉBATS à l'audience publique du 16 octobre 2019 tenue par Geneviève Créon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Stéphanie Hurtrel

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Véronique Renard, présidente de chambre, Anne Molina, conseiller, Geneviève Créon, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Renard, présidente et Stéphanie Hurtrel, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 septembre 2019

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Vu le jugement réputé contradictoire en date du 4 octobre 2016 du tribunal de commerce de Lille-Métropole qui a :

- condamné la Sarl Yuzu à payer à la SA Expertises Galtier la somme de 9.230,32 euros en principal ;

- les intérêts judiciaires à compter du 13 mai 2016, date de la mise en demeure ;

- la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la Sarl Yuzu aux entiers dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à hauteur de ces chefs nonobstant appel et sans caution ;

- débouté la SA Expertises Galtier du surplus de ses demandes ;

Vu l'appel de l'entier jugement interjeté par la SARL Yuzu par déclaration du 9 décembre 2016.

Vu la radiation de l'affaire prononcée le 23 novembre 2017 par le magistrat chargé de la mise en état.

[*]

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2018 par la SARL Yuzu ayant demandé à la cour d'appel de Douai la reprise de l'instance après radiation, et sollicitant de voir :

- infirmer le jugement dont appel ;

- prononcer la nullité du contrat de louage d'ouvrage en date du 13 décembre 2011 ;

- en tout état de cause, dire et juger la créance infondée dans son principe, infondée à l'égard de la Sarl Yuzu et indéterminable dans son montant ;

- à titre reconventionnel, condamner la société Expertises Galtier au paiement de la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700, ainsi qu'aux entiers frais et dépens ;

[*]

Vu les dernières conclusions en date du 27 avril 2017 de la société Expertises Galtier sollicitant de voir :

- confirmer le jugement du 4 octobre 2016 du tribunal de commerce de Lille Métropole ;

- condamner la Sarl Yuzu au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance ;

[*]

Vu l'ordonnance de clôture prise le 18 septembre 2019,

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé pour une meilleure compréhension du litige que la SARL Yuzu, locataire d'un immeuble et victime d'un incendie survenu dans la nuit du 27 au 28 décembre 2010 dans les locaux voisins du Secours Populaire, a désigné par contrat de louage d'ouvrage du 13 décembre 2011 la société Expertises Galtier en qualité d'expert afin de procéder à l'évaluation de la perte d'exploitation ayant résulté du sinistre.

A l'issue des opérations, la société Yuzu a refusé le règlement de la note d'honoraires de 9.230,32 euros que lui présentait l'expert.

Condamnée avec exécution provisoire par le tribunal de commerce de Lille Métropole à régler à la société Expertises Galtier ladite somme, la SARL Yuzu, ayant relevé appel, a fait l'objet, après radiation de l'affaire du rôle de la cour pour inexécution de la condamnation, d'une saisie attribution d'un montant de 12.163,75 euros au bénéfice de la société Expertises Galtier, et l'affaire a été réinscrite au rôle.

Au soutien de ses prétentions, la SARL Yuzu fait valoir que :

- le contrat du 13 décembre 2011 est nul pour avoir été signé par le gérant de la société à son domicile de [ville F.] ; il relève dès lors de la législation sur le démarchage, imposant la mention au contrat d'un droit de rétractation ;

- son assureur, la compagnie Allianz, a réglé directement à la société Expertises Galtier la somme de 15.581,39 euros en règlement de l'expertise à laquelle celle-ci a procédé sur mandat de l'assureur en évaluation des dommages directs et du préjudice d'exploitation, dès lors, il n'y a pas lieu de présenter une double facturation ;

- le montant de la créance est injustifié, l'assiette des honoraires étant le montant des dommages consécutifs au sinistre, et non pas le montant des dommages évalués par l'expert, or le montant de la perte d'exploitation n'a pas été encore judiciairement fixé, ce qui ne permet pas de fixer l'assiette de base des dommages.

La société Expertises Galtier oppose au soutien de sa demande en paiement que :

- la SARL Yuzu l'a désignée pour évaluer sa perte d'exploitation ; il était prévu un calcul de ses honoraires HT par tranches successives et cumulées sur le montant des dommages consécutifs au sinistre d'après le barème précisé sur la convention et actualisé au dernier indice connu au jour du sinistre par application de l'indice de la Fédération Française du Bâtiment (base 791,20 au 1er trimestre 2008) ;

- elle a, en application d'une première convention, évalué les dommages directs (bâtiments, matériels et marchandises), travaux qui ont donné lieu au paiement de ses honoraires directement par la société Allianz, assureur de la SARL Yuzu ; les honoraires d'expert au titre de l'évaluation de la perte d'exploitation n'étaient pas garantis par le contrat d'assurance souscrit par la société Yuzu auprès de la société Allianz ;

- elle a évalué la perte d'exploitation à 100.645,89 euros HT, évaluation qui a été ensuite exploitée dans le cadre d'une expertise judiciaire, les honoraires étaient fixés par la convention du 13 décembre 2011 ;

- la convention est un contrat de louage d'ouvrage comportant une obligation de moyen, en l'espèce évaluer la perte d'exploitation, et la mission a été remplie ; en conséquence, les honoraires étaient exigibles dès l'achèvement de celle-ci ;

- le co-contractant est la société Yuzu et les dispositions du code de la consommation ne lui sont pas applicables.

 

Sur la validité de la convention au regard du droit de la consommation :

Antérieurement à la loi du 17 mars 2014 transposant en droit interne la directive européenne du 8 octobre 2008, relative à la consommation, en absence de définition légale de la notion de consommateur, il était admis que les dispositions protectrices du code de la consommation bénéficiaient aux personnes physiques et morales consommateurs ou non professionnels, pour les contrats de fournitures de biens ou de services n'ayant pas de rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant.

En l'espèce, M. X. agissant en qualité de gérant de la SARL Yuzu, a désigné par contrat de louage d'ouvrage du 13 décembre 2011 souscrit à son domicile, la société Expertises Galtier en qualité d'expert afin de procéder à l'évaluation de la perte d'exploitation ayant résulté d'un incendie survenu dans la nuit du 27 au 28 décembre 2010 dans les locaux du Secours Populaire voisins de ses locaux commerciaux.

L'engagement était pris au nom et pour le compte de la personne morale.

S'agissant de l'évaluation de sa perte d'exploitation afin de pouvoir fixer son préjudice en vue de l'exercice des recours en réparation de dommages, la SARL Yuzu ne peut alléguer avoir eu dans la négociation contractuelle menée par son gérant la position d'un non-professionnel, en ce qu'elle donnait mission à un expert d'apprécier, à partir de ses données comptables, le manque à gagner commercial résultant du sinistre subi, c'est à dire, l'analyse de ses chiffres d'affaires pour les années 2010, 2011, 2012, 2013, ce qui était directement en lien avec son activité professionnelle.

En conséquence, les dispositions protectrices du consommateur dans le cadre du démarchage à domicile et notamment l'obligation de l'informer de la possibilité de disposer d'un délai de rétractation de 7 jours à compter de la formation du contrat, délai en vigueur à la date de la signature de la convention susvisée, ne bénéficiaient pas à la SARL Yuzu et le moyen de nullité de la convention tiré du défaut de mentions relatives au droit à rétractation, soulevé par la SARL Yuzu, sera rejeté.

 

Sur les obligations des parties :

À titre liminaire, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation.

En application de l'article 1134 code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

La société Expertises Galtier produit la convention du 13 décembre 2011 signée pour le compte de la SARL Yuzu par son gérant M. X., aux termes de laquelle cette dernière mandate le cabinet d'expertise aux fins d'évaluation « des dommages sur bâtiments, matériels, marchandises et pertes d'exploitation ».

La convention comporte un barème de calculs d'honoraires par tranches successives de montant des dommages consécutifs au sinistre.

La convention est datée et signée par les parties, et constitue un contrat synallagmatique de louage d'ouvrage définissant clairement les obligations réciproques, et qui engage les parties.

La société Expertises Galtier a procédé à l'évaluation de la perte d'exploitation subie par la SARL Yuzu entre le 1er janvier 2011 et le 30 septembre 2013, l'estimant à 72.895,64 euros de marge brute perdue sur la période, en opérant, à partir du chiffre d'affaires réalisé en 2010 par le show-room détruit, une projection de croissance, en utilisant le coefficient de croissance constaté entre 2010 et 2011 sur les commandes extérieures. Concernant l'évaluation d'un chiffre d'affaires non réalisé, il ne peut s'agir que d'une hypothèse faite à partir des critères les plus proches de la réalité économique de l'entreprise, et non de dommages constatés. La méthode de calcul employée par la société Expertises Galtier ne présente pas d'anomalies ou d'incohérences qui permettraient de tenir le montant obtenu comme irréaliste.

La société Expertises Galtier a ajouté à ce montant les loyers et charges dus par la SARL Yuzu à son bailleur, qui sont constitutifs d'une perte d'exploitation puisqu'il s'agit d'une charge exigible.

L'évaluation par la société Expertises Galtier des pertes totales d'exploitation de la SARL Yuzu, pour la période de janvier 2011 à septembre 2013, à 100.645,89 euros, constitue une exécution de sa mission d'expertise conforme à son obligation, qui n'est que de moyen s'agissant d'un contrat de louage d'ouvrage.

Les honoraires réclamés par la société Expertises Galtier ont été calculés conformément au barème contractuel.

Il ressort des courriels produits au dossier (pièce n° 6, société Expertises Galtier) que la SARL Yuzu a refusé au cabinet Galtier le paiement des 9 230 euros d'honoraires qui lui étaient réclamés au motif que 'le montant réclamé (lui) avait été directement payé par Allianz, ce qui était convenu dans le contrat d'assurance'. Le cabinet d'expertise lui a rappelé que les honoraires d'expert relatifs à l'évaluation du préjudice de perte d'exploitation n'étaient pas garantis par son contrat d'assurance et que seuls les honoraires sur le dommage direct d'un montant de 15.581,49 euros lui avaient en effet été directement réglés par la compagnie d'assurance Allianz, selon la délégation qu'elle lui avait consentie.

La société Yuzu ne produit pas sa police d'assurance avec la compagnie Allianz, pour démontrer que les préjudices résultant de ses pertes d'exploitation entraient dans le périmètre de celle-ci, et contredire les propos de la société Expertises Galtier.

En revanche, il ressort des termes même de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Lille du 13 mai 2016 qu'elle verse aux débats, que l'expert judiciaire qui avait été désigné en référé dans le cadre du litige en responsabilité civile l'opposant, parmi d'autres, au Secours Populaire Français et à la compagnie d'assurance Macif, a intégré à ses calculs d'évaluation du préjudice définitif de la SARL Yuzu le montant des honoraires dus à la société Expertises Galtier. En fondant dans l'assignation ses demandes d'indemnités en réparation de ses préjudices dans les termes fixés par l'expert judiciaire, et donc en intégrant cette somme à ses demandes, elle reconnaît implicitement en être redevable, et ne peut dès lors soutenir que son assureur les a réglées directement à la société Expertises Galtier.

Il ressort de ces éléments que la créance d'honoraires de la société Expertises Galtier à l'encontre de la SARL Yuzu est certaine et exigible, et qu'en conséquence le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole doit être intégralement confirmé.

 

Sur les indemnités de procédure et les dépens :

Le sens du présent arrêt commande de condamner la SARL Yuzu à payer à la société Expertises Galtier une indemnité procédurale de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais engagés en appel.

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la SARL Yuzu succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Rejette la demande d'annulation de la convention du 13 décembre 2011,

Confirme le jugement du 4 octobre 2016 du tribunal de commerce de Lille Métropole,

Y ajoutant,

Condamne la SARL Yuzu à payer à la société Expertises Galtier une indemnité procédurale de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel.

Rejette les demandes de la SARL Yuzu d'indemnités procédurales,

Condamne la SARL Yuzu aux dépens d'appel.

Le greffier                             La présidente

Stéphanie Hurtrel                 Véronique Renard