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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 23 janvier 2020

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 23 janvier 2020
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 3
Demande : 18/03571
Décision : 2020/27
Date : 23/01/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/02/2018
Numéro de la décision : 27
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8311

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 23 janvier 2020 : RG n° 18/03571 ; arrêt n° 2020/27 

Publication : Jurica

 

Extrait (motifs – arguments des appelants) : « Ils exposent que c'est avec une mauvaise foi insigne que l'intimée prétend que le mandat de représentation fiscale ne couvrirait pas la garantie auprès de l'administration fiscale du paiement de la CSG et de la RDS, et qu'elle n'était pas responsable des prélèvements sociaux, que par ailleurs l'article 2 du contrat de représentation fiscale, lui laissant le libre soin d'apprécier l'opportunité d'intervenir, d'engager ou de poursuivre un contentieux, qu'invoque la banque est une clause abusive au sens des dispositions des articles L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation, dont la sanction est la nullité, qu'enfin, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la responsabilité du mandataire, représentant fiscal accrédité, dure tant que dure son obligation vis-à-vis du Trésor Public, c'est-à-dire, et a minima, le temps de la prescription fiscale, à savoir en l'espèce jusqu'à fin décembre 2016. »

Extrait (motifs – arguments des appelants) : « Par ailleurs, ainsi que le rappellent les époux X.-Y., aux termes des contrats par eux signés, ils ont donné mandat à l'intimée de, notamment, « former une demande de dégrèvement ou restitution d'impôt et encaisser pour le compte du mandant tout remboursement d'impôt ou taxe, solliciter toute remise gracieuse de pénalité, mais dans la mesure seulement où le mandataire l'estimerait opportun, et sans qu'aucune obligation d'agir en cette matière ne lui incombe, le mandant conservant pleine capacité d'engager lui-même tous les recours qu'il souhaiterait intenter, à charge d'en tenir le mandataire informé. »

De cette mission telle que formulée, s'il ne résulte pas pour le mandataire l'obligation d'engager une action, il ressort en revanche qu'existe nécessairement à sa charge un devoir d'information de son mandant quant à notamment une possible demande de dégrèvement ou restitution d'impôt. Et cette obligation de la SA Monte Paschi Banque demeure tant que dure le contrat dont elle procède, le mandataire étant, en application des dispositions de l'article 1991 du code civil, tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en reste chargé. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-3

ARRÊT DU 23 JANVIER 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/03571. Arrêt n° 2020/27. N° Portalis DBVB-V-B7C-BCA2B. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 7 février 2018 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 2016F00401.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Jean-François J. de la SCP J. / W. ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Maître Didier V. de la SCP V. - B. - P., avocat au barreau de GRASSE,

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par Maître Jean-François J. de la SCP J. / W. ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Didier V. de la SCP V. - B. - P., avocat au barreau de GRASSE,

 

INTIMÉE :

SA MONTE PASCHI BANQUE

prise en la personne de son directeur et en sa qualité de représentant légal de Mr et Mme M., résidents fiscaux italiens, dont le siège social est sis [adresse], représentée et assistée de Maître Christophe P., avocat au barreau de NICE

 

COMPOSITION DE LA COUR :  L'affaire a été débattue le 15 octobre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme PETEL, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Madame Valérie GERARD, Président de chambre, Madame Françoise PETEL, Conseiller, Madame Anne DUBOIS, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2019 prorogé au 23 janvier 2020.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2020, Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M. X. et Mme Y., son épouse, domiciliés en Italie, étaient propriétaires d'un bien immobilier à  [ville A.], qu'ils ont vendu le 16 septembre 2013 moyennant le prix de 590.000 euros.

En leur qualité de non-résidents en France et conformément à la législation alors applicable, les époux X.-Y., pour réaliser cette vente, ont, le 10 septembre 2013, mandaté la SA Monte Paschi Banque en qualité de représentant fiscal accrédité pour procéder à la déclaration de plus-value de cession immobilière ainsi qu'à la liquidation auprès du Trésor Public du prélèvement dont ils étaient redevables à ce titre.

La déclaration de plus-value, signée par la SA Monte Paschi Banque en cette qualité de représentant fiscal, a fait apparaître un montant total à acquitter de 46.797 euros, dont 40.242 euros au titre des prélèvements sociaux.

D'un arrêt du Conseil d'État du 27 juillet 2015, faisant suite à un arrêt du 26 février 2015 de la Cour de Justice de l'Union Européenne, il résulte que les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d'un autre état membre de l'Union Européenne ne doivent pas être assujetties aux prélèvements sociaux qui contribuent au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale français qui ne bénéficient qu'aux seules personnes affiliées à ces régimes.

Par un communiqué de presse du 20 octobre 2015 précisé le 5 février 2016, le Ministère des Finances et des Comptes Publics a indiqué les conditions dans lesquelles les réclamations dont pouvaient faire l'objet les prélèvements sociaux effectués à tort devaient intervenir.

Ainsi, s'agissant des époux X.-Y., la déclaration de plus-value ayant été signée en septembre 2013, la demande de remboursement auprès des services fiscaux devait être effectuée au plus tard le 31 décembre 2015.

En l'absence de dépôt d'une réclamation dans le délai imparti, M. X. et Mme Y., par acte du 11 mai 2016, ont fait assigner la SA Monte Paschi Banque en responsabilité devant le tribunal de commerce de Nice.

Par jugement du 22 mars 2017, infirmé par arrêt sur contredit de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 septembre 2017, ce tribunal s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Grasse.

Puis, par jugement du 7 février 2018, le tribunal de commerce de Nice a :

- débouté M. X. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- débouté la SA Monte Paschi Banque de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. X. et Mme X. aux entiers dépens.

[*]

Suivant déclaration du 26 février 2018, M. X. et Mme Y. ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 20 juillet 2018, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les appelants demandent à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice en date du 7 février 2018 en ce qu'il les a déboutés purement et simplement de leurs demandes,

statuant à nouveau,

- dire que la Monte Paschi Banque a failli à ses obligations tant contractuelles que légales en sa qualité de mandataire professionnel, et notamment à son obligation d'information, mais aussi à son devoir de loyauté, de prudence et de diligence, en ne sollicitant pas de l'administration fiscale le remboursement des prélèvements sociaux pour un montant de 40.242 euros suite à la cession intervenue le 16 septembre 2013 de leur bien immobilier,

- constater en effet qu'aux termes de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne en date du 26 février 2015, et du Conseil d'État en date du 27 juillet 2015, ils étaient en droit d'obtenir le remboursement des prélèvements sociaux versés pour un montant de 40.242 euros, que la Monte Paschi Banque avait l'obligation, de par le contrat de représentation fiscale, de faire toute démarche auprès de l'administration fiscale en ce sens, et en tout état de cause d'informer ses clients de ce droit à remboursement, ce qu'elle a omis de faire,

- dire que l'article 2 alinéa 3 du contrat de représentation fiscale invoqué par la Monte Paschi Banque à l'appui de sa demande de non-responsabilité constitue une clause abusive au sens des dispositions des articles L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation,

- dire qu'il résulte des pièces produites aux débats qu'ils justifient de ce qu'ils ont été et sont régulièrement affiliés à un régime de sécurité sociale en Italie justifiant de ce qu'ils n'avaient pas à s'acquitter des contributions sociales (CSG et RDS) auprès de la France, et qu'ils remplissaient dans ces conditions, et comme indiqué ci-dessus, le droit d'obtenir le remboursement des prélèvements sociaux,

en conséquence,

- condamner la Monte Paschi Banque au paiement de la somme de 40.242 euros, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 avril 2016 conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil tel qu'issu de l'ordonnance du 10 février 2016, lesdits intérêts se capitalisant dans les termes et conditions de l'article 1343-2 du code civil tel qu'issu de l'ordonnance du 10 février 2016,

- condamner la Monte Paschi Banque au paiement d'une somme totale de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile correspondant tant à la procédure de première instance qu'à la procédure d'appel,

- condamner la Monte Paschi Banque aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Jean-François J., avocat.

[*]

Par conclusions notifiées et déposées le 14 mai 2018, auxquelles il convient de se reporter par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Monte Paschi Banque demande à la cour de :

- constater qu'aucune clause du mandat de représentation conclu avec les époux X. ne lui faisait obligation de solliciter de l'administration fiscale le remboursement des prélèvements sociaux indument acquittés par les époux X. pour un montant de 40.242 euros à raison de la plus-value immobilière réalisée en France le 16 septembre 2013,

- déclarer qu'elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles en ne sollicitant pas le remboursement des prélèvements sociaux indument acquittés par les époux X. pour un montant de 40.242 euros à raison de la plus-value immobilière réalisée en France le 16 septembre 2013,

- juger que le fait pour elle de n'avoir pas avisé les époux X. de la possibilité de solliciter le remboursement des prélèvements sociaux prétendument acquittés à tort à raison de la plus-value immobilière réalisée en France le 10 septembre 2013 ne constitue pas un manquement à son devoir de conseil et d'information,

- juger qu'elle a régulièrement souscrit aux obligations qui lui incombaient dans le cadre de son mandat de représentation fiscale,

- juger, en tout état de cause, que les époux X. n'établissent pas qu'ils satisfaisaient aux conditions d'application de la jurisprudence « De Ruyter » au moment de la cession de leur bien immobilier sis en France, à savoir :

- qu'ils résidaient effectivement dans un état membre de l'UE, dans un état partie à l'EE (hors Lichtenstein) ou en Suisse,

- qu'ils étaient effectivement affiliés à un régime de sécurité sociale dans leur état de résidence couvert par l'article 4 du règlement 1408/71, au titre duquel ils payaient des cotisations,

- déclarer que les époux X. n'établissent pas l'existence d'un préjudice actuel et certain,

- juger que l'action en responsabilité menée à son encontre est dénuée de fondement,

en conséquence :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice le 7 février 2018,

- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes et tendant à sa condamnation :

- au paiement, à leur profit, du montant des prélèvements sociaux indument acquittés à raison de la plus-value de cession immobilière réalisée en France le 16 septembre 2013, soit la somme de 40.242 euros,

- au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- aux entiers dépens,

en tout état de cause :

- condamner les époux X. au paiement de la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux X. aux entiers dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Les appelants font grief au tribunal de n'avoir analysé les obligations de la SA Monte Paschi Banque que vis-à-vis de l'administration fiscale, sans aucunement prendre en considération celles qu'elle avait envers eux en vertu du contrat de mandat signé entre les parties le 10 septembre 2013, lequel est régi par les dispositions des articles 1984 et suivants du code civil.

Rappelant que l'intimée est un mandataire professionnel, et qu'il s'agit d'un mandat à titre onéreux, M. X. et Mme Y. font notamment valoir que les obligations contractuelles du mandataire sont essentiellement constituées par le devoir de conseil, lequel comporte l'obligation d'informer et d'éclairer les parties, que le professionnel est par ailleurs tenu d'un devoir général de loyauté, de prudence et de diligence, qu'en l'espèce, la SA Monte Paschi Banque se devait, à tout le moins, de les informer de leurs droits à restitution des prélèvements sociaux, eu égard à l'arrêt rendu par la Cour de Justice de l'Union Européenne le 26 février 2015 et à l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 27 juillet 2015, avec la précision qu'ils disposaient d'un délai expirant le 31 décembre 2015 pour solliciter le remboursement des prélèvements sociaux indûment acquittés, que, ne l'ayant pas fait, l'intimée, qui a ainsi failli à ses obligations générales, a engagé sa responsabilité.

Les époux X.-Y. ajoutent que ces obligations légales se combinent avec les obligations contractuelles telles que résultant des deux contrats signés le 10 septembre 2013, l'un intitulé « mandat de représentation fiscale », l'autre « contrat de représentation fiscale », que, dans ces deux documents, il est clairement mentionné qu'ils mandatent la SA Monte Paschi Banque pour former une demande de dégrèvement, restitution ou remboursement d'impôt ou taxe en leur nom.

Ils exposent que c'est avec une mauvaise foi insigne que l'intimée prétend que le mandat de représentation fiscale ne couvrirait pas la garantie auprès de l'administration fiscale du paiement de la CSG et de la RDS, et qu'elle n'était pas responsable des prélèvements sociaux, que par ailleurs l'article 2 du contrat de représentation fiscale, lui laissant le libre soin d'apprécier l'opportunité d'intervenir, d'engager ou de poursuivre un contentieux, qu'invoque la banque est une clause abusive au sens des dispositions des articles L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation, dont la sanction est la nullité, qu'enfin, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la responsabilité du mandataire, représentant fiscal accrédité, dure tant que dure son obligation vis-à-vis du Trésor Public, c'est-à-dire, et a minima, le temps de la prescription fiscale, à savoir en l'espèce jusqu'à fin décembre 2016.

La SA Monte Paschi Banque réplique que les moyens soulevés par les appelants apparaissent manifestement dénués de fondement.

Elle soutient qu'elle n'a méconnu aucune des obligations qui lui incombaient en application du contrat de représentation fiscale conclu avec les époux X.-Y., dès lors qu'aucune clause ne prévoyait l'obligation pour elle de souscrire au nom et pour le compte de ses clients des réclamations et demandes de dégrèvement spontanées, qu'en outre, ses obligations contractuelles étaient circonscrites aux impôts, en ce compris les pénalités éventuelles, à l'exclusion des prélèvements sociaux.

L'intimée ajoute que les appelants ne sont, ni n'ont jamais été, ses clients, que le fait qu'elle soit une banque n'est pas de nature à alourdir ses obligations à leur égard et est sans incidence sur le présent litige qui ne concerne que son activité de représentation fiscale accréditée, qu'elle n'a commis aucun manquement susceptible d'engager sa responsabilité, alors d'ailleurs que les obligations de diligence, de loyauté, de conseil et d'information n'incombent au mandataire que dans le cadre de l'exécution de son mandat et non au-delà.

Elle précise qu'ainsi, c'est bien à l'égard du Trésor Public et de lui seul que le mandat se poursuit, jusqu'à l'expiration du délai de reprise, qu'enfin, l'obligation pour elle d'assister et/ou de représenter ses clients ne vaut que pour les procédures fiscales diligentées à leur encontre et fondées sur l'état du droit existant à la date du fait générateur de l'impôt de plus-value immobilière, à l'exclusion des procédures diligentées à la suite d'une modification ultérieure du droit, fût-elle rétroactive.

[*]

Sur ce, s'agissant de l'argumentation de la SA Monte Paschi Banque selon laquelle, de l'analyse combinée des textes et du contrat conclu entre elle et les époux X.-Y., il ressort que les prélèvements sociaux ne relèvent pas du mandat du représentant fiscal, elle ne peut qu'être écartée.

En effet, aux termes mêmes de l'engagement par elle signé en sa qualité de représentant fiscal le 10 septembre 2013 tel qu'il figure sur la déclaration de plus-value n° 2048-IMM-SD, l'intimée s'est engagée à acquitter en lieu et place des appelants « le prélèvement exigible au titre de la cession décrite ci-dessous, tant en vertu de la présente déclaration que d'un éventuel contrôle ultérieur, ainsi que l'amende qui pourrait être appliquée ».

Et ladite déclaration, à laquelle se réfèrent expressément les mandats de représentation fiscale souscrits par les vendeurs, vise un total à payer qui résulte tant du calcul des droits dus au titre de l'impôt sur le revenu que du calcul des droits dus au titre des prélèvements sociaux, et la distinction qu'entend opérer la SA Monte Paschi Banque n'a donc à cet égard pas lieu d'être.

Par ailleurs, ainsi que le rappellent les époux X.-Y., aux termes des contrats par eux signés, ils ont donné mandat à l'intimée de, notamment, « former une demande de dégrèvement ou restitution d'impôt et encaisser pour le compte du mandant tout remboursement d'impôt ou taxe, solliciter toute remise gracieuse de pénalité, mais dans la mesure seulement où le mandataire l'estimerait opportun, et sans qu'aucune obligation d'agir en cette matière ne lui incombe, le mandant conservant pleine capacité d'engager lui-même tous les recours qu'il souhaiterait intenter, à charge d'en tenir le mandataire informé. »

De cette mission telle que formulée, s'il ne résulte pas pour le mandataire l'obligation d'engager une action, il ressort en revanche qu'existe nécessairement à sa charge un devoir d'information de son mandant quant à notamment une possible demande de dégrèvement ou restitution d'impôt.

Et cette obligation de la SA Monte Paschi Banque demeure tant que dure le contrat dont elle procède, le mandataire étant, en application des dispositions de l'article 1991 du code civil, tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en reste chargé.

A cet égard, le contrat de représentation fiscale signé par les parties prévoit en son article « 8 - durée du mandat » : « L'engagement du mandataire envers l'Administration étant irrévocable jusqu'à expiration de tout recours de l'Administration Fiscale Française, le mandant ne pourra dénoncer le présent contrat et mettre fin au mandat du mandataire ou se libérer de l'une quelconque des obligations contractuelles mises à sa charge par le présent contrat avant l'expiration d'un délai de quatre ans et un mois à compter de la date de publication de l'acte de vente, cette durée étant de plein droit prorogée soit en cas de contestation élevée par la Direction générale des Finances Publiques, soit en cas de modification législative ou réglementaire ayant pour effet d'augmenter la durée de la prescription fiscale selon le droit français. »

Au regard de cette clause, si la durée du contrat est fixée en fonction de la prescription fiscale afin de garantir à l'administration française le règlement par le représentant fiscal du vendeur non-résident en France de toutes sommes qui pourraient être dues en vertu de la cession intervenue et notamment de possibles pénalités, il reste que le mandat liant les parties est, durant la période ainsi fixée, toujours en cours, et chacune d'elles demeure donc tenue de ses obligations envers son cocontractant, lequel n'est pas le Trésor Public.

Ainsi, sauf à contredire les termes mêmes du contrat, il ne saurait être considéré que celui-ci a pris fin avec la signature de l'acte de vente du bien immobilier à l'origine de la taxation en cause.

Et, si le mandataire reste tenu de procéder au paiement de toute somme qui pourrait, à ce titre, être réclamée, durant toute la période ci-dessus définie, par l'administration fiscale, à charge de remboursement par le mandant, il ne saurait se voir exonéré, pour cette même période, de son devoir d'information et de conseil envers ce dernier, alors d'ailleurs qu'il a contracté en qualité de professionnel moyennant rémunération.

En conséquence, le bien immobilier concerné ayant été vendu le 16 septembre 2013 et le mandat ayant donc expiré au plus tôt le 16 octobre 2017, il appartenait à la SA Monte Paschi Banque, qui en sa qualité de représentant fiscal accrédité ne pouvait en aucun cas les ignorer, de, à tout le moins, faire part aux appelants des dispositions résultant de l'arrêt du Conseil d'État du 27 juillet 2015, faisant suite à l'arrêt du 26 février 2015 de la Cour de Justice de l'Union Européenne, et du communiqué de presse du 20 octobre 2015, précisé le 5 février 2016, émanant du Ministère des Finances et des Comptes Publics, quant à une possible réclamation eu égard aux prélèvements sociaux effectués.

À ce sujet, l'intimée, qui ne prétend pas même avoir alors donné une quelconque information aux époux X.-Y., soutient, pour conclure à son absence de responsabilité, que ces derniers ne font état d'aucun préjudice certain ni actuel susceptible d'être indemnisé, dès lors qu'ils n'apportent pas la preuve qu'ils étaient, au moment de la cession immobilière litigieuse, effectivement affiliés au régime italien d'assurance sociale couvert par l'article 4 du règlement (CEE) n° 1408/71.

Elle fait ainsi valoir que ledit règlement ne vise pas les soins de santé, que le service sanitaire national qui bénéficie à tout citoyen italien couvre les soins de santé, à l'exclusion des autres risques de sécurité sociale, qu'il ne ressort d'aucune des attestations produites par les appelants qu'ils seraient effectivement affiliés à un régime de sécurité sociale en Italie au titre duquel ils verseraient des cotisations visées par le texte précité.

Mais, des pièces aux débats, il résulte notamment que, outre le fait que M. X. et Mme Y. sont l'un et l'autre inscrits au Service Sanitaire National Italien auprès de l'Agence Sanitaire Locale de Biella depuis le 24 septembre 1987, les époux sont titulaires d'une pension de vieillesse, le mari depuis le 1er juillet 2004 selon attestation de la Cassa Nazionale di Previdenza e Assistenza dei Dottori Commercialisti, et l'épouse depuis octobre 2005 selon déclaration de l'Istituto Nazionale Previdenza Sociale, le relevé des contributions versées audit Institut National de la Prévoyance Sociale par M. X. pour une activité notamment de collaboration entre 2008 et 2017 étant par ailleurs produit.

Au regard des différents éléments fournis, il apparaît que, domiciliés à [ville C.] en Italie et affiliés à un régime de sécurité sociale d'un autre État membre de l'union européenne, les appelants n'avaient pas lieu, en septembre 2013, d'être assujettis aux prélèvements sociaux qui contribuent au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale français qui ne bénéficient qu'aux seules personnes affiliées à ces régimes.

Toutefois, compte tenu des conditions posées par la Direction Générale des Finances Publiques, la réclamation dont pouvaient faire l'objet les prélèvements sociaux acquittés à raison de la plus-value immobilière réalisée le 16 septembre 2013 devait intervenir au plus tard le 31 décembre 2015.

À défaut d'avoir été avisés par leur mandataire des dispositions alors applicables à leur situation, les époux X.-Y. n'ont pas été en mesure de déposer leur demande de restitution dans le délai imparti, et ce faisant ont subi un préjudice dont le montant est celui des prélèvements dont ils n'ont pu obtenir le remboursement.

En conséquence, la SA Monte Paschi Banque, dont la responsabilité est ainsi engagée, est condamnée à payer à ses mandants, à titre de dommages-intérêts, la somme de 40.242 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, les dispositions de l'article 1231-6 du code civil relatives à l'intérêt moratoire n'étant pas applicables en l'espèce.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la SA Monte Paschi Banque à payer à M. X. et Mme Y. la somme de 40.242 euros,

La condamne à payer aux époux X.-Y. la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la SA Monte Paschi Banque aux dépens, ceux d'appel distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT