CA VERSAILLES (12e ch.), 23 janvier 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8316
CA VERSAILLES (12e ch.), 23 janvier 2020 : RG n° 18/06435
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il résulte de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Il résulte de l'article D. 442-3 du même code, dans sa version applicable au présent litige, que pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre. La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. Il résulte enfin de l'article 12 du code de procédure civile que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
S'il est exact que la société Evolit fonde textuellement sa demande sur l'article L. 442-6 précité, il apparaît que ce texte n'est pas applicable, dès lors qu'il écarte la responsabilité pour rupture brutale de relation commerciale établie lorsque la rupture est liée à l'inexécution par l'une des parties de ses obligations, ce qui est le cas en l'espèce dès lors que la société Evolit ne conteste pas le défaut de règlement des redevances. La cour constate au surplus que le reproche adressé par la société Evolit au franchiseur tient au fait qu'en le mettant en demeure de régler sous huitaine, alors que le contrat prévoyait un délai d'un mois pour régler, le franchiseur n'aurait pas respecté un délai raisonnable, ce qui ressort dès lors de la simple application des dispositions contractuelles, et non pas de l'article L. 442-6 précité. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient dès lors d'apprécier le moyen tiré du défaut de respect d'un délai raisonnable pour la rupture du contrat sur le seul fondement des dispositions contractuelles, de sorte qu'il n'y a pas lieu de répondre à ce stade à l'irrecevabilité soulevée sur le fondement de l'article D. 442-3 précité. »
2/ « La demande tendant à dire que la clause figurant à l'article 8.2 est abusive sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce est irrecevable devant la présente cour qui ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de statuer sur ce point en application de l'article D. 442-3 précité. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
DOUZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 23 JANVIER 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/06435. N° Portalis DBV3-V-B7C-SUWA. Code nac : 59B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 21 juin 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE : R.G. n° 2017F00951.
LE VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE VINGT, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
SAS DYNAMIQUE HOTELS MANAGEMENT
[adresse], Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 18/06821 (Fond), Représentant : Maître Véronique B.-R. de la SCP B.-R.-DE C., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 19818, Représentant : Maître Stéphane B., Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SARL EVOLIT
[adresse], Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 18/06821 (Fond), Représentant : Maître Claude D. de l'AARPI DROITFIL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 49 par Me H.
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Thérèse ANDRIEU, Président, Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller, Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 31 mars 2015, la société Dynamique Hôtels Management (ci-après société DHM) qui exploite un réseau de franchise d'hôtels à l'enseigne Balladins a conclu un contrat de franchise avec la société Evolit pour un hôtel situé à proximité de [ville T.], à la [ville C.].
Par courrier du 1er mars 2017, la société DHM a prononcé la résiliation du contrat de franchise pour défaut de paiement des redevances malgré envoi d'une mise en demeure préalable, sollicitant paiement de la somme de 5.863,05 euros.
Par acte du 12 mai 2017, la société DHM a fait assigner la société Evolit en paiement d'une somme de 4.517,47 euros au titre des redevances impayées, outre 18.720 euros au titre de l'indemnité de rupture anticipée, et 15.000 euros au titre de l'utilisation des signes distinctifs Balladins, sollicitant en outre une interdiction d'utiliser ces signes distinctifs sous astreinte. Elle sollicitait en outre paiement de frais irrépétibles et de dépens.
Par jugement du 21 juin 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- dit la société DHM irrecevable en ses demandes, faute d'avoir justifié de ses diligences en vue de parvenir à une résolution amiable du conflit,
- débouté la société Evolit de sa demande en paiement de frais irrépétibles,
- condamné la société DHM aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 13 septembre 2018 par la société DHM et l'appel interjeté le 4 octobre 2018 par la société Evolit, et la jonction des instances.
Vu les dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2019 par lesquelles la société DHM demande à la cour de :
- réformer le jugement du 21 juin 2018 en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société appelante et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Et statuant à nouveau, constater que :
- la société Evolit reconnaît devoir des redevances à la société DHM et a donc commis une faute au sens de l'article 1147 du code civil (ancien),
- la société DHM a respecté les dispositions de l'article 8.1 du contrat de franchise au titre de la résiliation anticipée,
- La cour ne saurait apprécier l'argumentation adverse au titre de l'article L. 442-6 du Code de commerce mais demeure compétente au titre du droit commun,
En conséquence,
- Déclarer recevable l'action diligentée par la société DHM,
- Condamner la société Evolit à payer à la société DHM les sommes de :
* 4.517,47euros, outre les intérêts de retard au taux légal à compter du 3 juin 2016 au titre des redevances dues ;
* 18.720 euros, outre les intérêts de retard au taux légal à compter du 28 mars 2017 au titre de l'indemnité de rupture anticipée ;
* 15.000 euros, outre les intérêts de retard au taux légal à compter de la présente assignation au titre de l'utilisation des signes distinctifs Balladins,
- Enjoindre la société Evolit de communiquer le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par infraction à compter 21 décembre 2017 : l'accusé de réception du Dip Brit Hôtel, le contrat qui la lie audit réseau.
- Enjoindre la société Evolit de cesser d'utiliser les marques et signes distinctifs du réseau Balladins, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par infraction à compter du 8 ième jour de la présente assignation,
- Se déclarer incompétente au titre des demandes reconventionnelles de la société Evolit,
- Rejeter l'ensemble des demandes de la société Evolit et l'inviter à saisir le Tribunal de commerce de Paris au titre de ses demandes reconventionnelles,
- Condamner la société Evolit à régler à la Société DHM la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Evolit aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Vu les dernières conclusions notifiées le 21 novembre 2019 au terme desquelles la société Evolit prie la cour de :
- A titre principal,
- confirmer la décision rendue le 21 juin 2018 en ce qu'elle a déclaré irrecevables en ses demandes la société DHM.
- Pour le surplus, réformer le jugement en ce qu'il n'a pas statué sur les demandes reconventionnelles de la société Evolit ;
Statuant à nouveau,
- se déclarer compétente pour statuer sur les demandes de la société Evolit,
- constater la rupture abusive des relations contractuelles par la société DHM,
- constater que la clause de résiliation anticipée dont se prévaut la société DHM est une clause abusive,
- constater l'investissement spécifique effectué par la société Evolit,
En conséquence,
- condamner la société DHM à verser à la société Evolit la somme de 97.498 € au titre d'une indemnité pour rupture abusive des relations commerciales,
- condamner la société DHM à verser à la société Evolit la somme de 20.000 € au titre du manquement à l'équilibre des conventions en ce que son cocontractant lui a imposé une clause abusive visant l'indemnité de résiliation anticipée,
A titre subsidiaire,
- ordonner la compensation des sommes,
En tout état de cause,
- débouter la société DHM de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
- condamner la société DHM à verser à la société Evolit la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société DHM aux entiers dépens de l'instance.
[*]
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 novembre 2019, jour des plaidoiries (après rabat de la précédente ordonnance de clôture du 3 octobre 2019).
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1° Sur la régularité de l'assignation introductive d'instance :
Il résulte de l'article 56 du code de procédure civile que l'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice : 1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée; 2° L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ; 3° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ; 4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier. Elle comprend en outre l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé. Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
Il résulte en outre de l'article 114 du même code qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Au visa de l'article 56 précité, le premier juge a considéré qu'en l'absence de toute mention dans l'assignation des diligences entreprises aux fins de résolution amiable du litige, la société DHM était « irrecevable » en ses demandes.
La société Evolit conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Ainsi que le fait observer la société DHM, la précision requise par l'article 56 in fine ne fait pas partie des quatre cas sanctionnés de nullité de l'assignation, de sorte que l'indication des diligences entreprises pour la résolution amiable du litige n'est pas sanctionnée de nullité, l'article 127 du même code prévoyant expressément le cas où les parties n'auraient pas justifié de leurs diligences, indiquant que le juge peut alors proposer une mesure de conciliation ou de médiation.
Aucune nullité d'assignation n'est dès lors encourue, et il n'est justifié d'aucune irrecevabilité des demandes, de sorte que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
2° Sur la résiliation du contrat de franchise et ses conséquences :
La société DHM expose que, conformément aux dispositions contractuelles, elle a adressé successivement deux lettres recommandées à la société Evolit, la première du 25 janvier 2017 sollicitant paiement de la somme de 4.241,24 euros, et indiquant qu'à défaut de paiement le contrat se trouvera résilié de plein droit en application des dispositions contractuelles, la seconde du 1° mars 2017 constatant, à défaut de paiement des sommes visées dans le premier courrier, la résiliation du contrat en application de l'article 8. Elle sollicite dès lors le paiement de l'indemnité de rupture anticipée telle que figurant à l'article 8.2 du contrat, outre des dommages et intérêts. Elle fait en outre valoir que la cour n'a pas compétence pour statuer sur la demande reconventionnelle de la société Evolit fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce au motif d'une prétendue rupture abusive des relations contractuelles, de sorte que cette demande est irrecevable.
La société Evolit soutient pour sa part, sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, que la rupture du contrat est abusive, dès lors qu'elle est intervenue de manière brutale sans respect d'un délai raisonnable, alors même qu'elle avait effectué des propositions de règlement échelonné de sa dette, et qu'elle avait réglé une partie de celle-ci dans le délai d'un mois. Elle estime que la cour a pleinement compétence pour statuer sur sa demande reconventionnelle dès lors qu'elle présente un lien de connexité ou d'indivisibilité avec la demande principale.
2-1. Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce :
Il résulte de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
Il résulte de l'article D. 442-3 du même code, dans sa version applicable au présent litige, que pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre. La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.
Il résulte enfin de l'article 12 du code de procédure civile que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
S'il est exact que la société Evolit fonde textuellement sa demande sur l'article L. 442-6 précité, il apparaît que ce texte n'est pas applicable, dès lors qu'il écarte la responsabilité pour rupture brutale de relation commerciale établie lorsque la rupture est liée à l'inexécution par l'une des parties de ses obligations, ce qui est le cas en l'espèce dès lors que la société Evolit ne conteste pas le défaut de règlement des redevances.
La cour constate au surplus que le reproche adressé par la société Evolit au franchiseur tient au fait qu'en le mettant en demeure de régler sous huitaine, alors que le contrat prévoyait un délai d'un mois pour régler, le franchiseur n'aurait pas respecté un délai raisonnable, ce qui ressort dès lors de la simple application des dispositions contractuelles, et non pas de l'article L. 442-6 précité.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient dès lors d'apprécier le moyen tiré du défaut de respect d'un délai raisonnable pour la rupture du contrat sur le seul fondement des dispositions contractuelles, de sorte qu'il n'y a pas lieu de répondre à ce stade à l'irrecevabilité soulevée sur le fondement de l'article D. 442-3 précité.
2-2. Sur la résiliation du contrat :
Il résulte de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Il résulte en outre de l'article 8 du contrat de franchise que : « en cas de manquement dans l'exécution de l'une des obligations du présent contrat par le franchiseur ou le franchisé, la partie s'estimant lésée mettra en demeure l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception de remédier aux manquements constatés. Faute d'exécution dans le délai d'un mois, la résiliation du contrat sera acquise de plein droit par l'envoi d'une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception constatant la résiliation. Sont en particulier considérées comme infractions permettant la mise en œuvre de la condition résolutoire : le non-paiement de toutes sommes dues au franchiseur (…). »
La cour constate en premier lieu qu'avant même le courrier de la société DHM du 25 janvier 2017, cette société avait déjà adressé à la société Evolit trois rappels pour des factures impayées en mars, juin et novembre 2016.
S'il est exact que la mise en demeure du 25 janvier 2017 sollicite paiement de la somme de 4.241,24 euros « sous huitaine », indiquant qu'à défaut de paiement, le contrat « se trouvera résilié de plein droit à vos torts exclusifs », alors que l'article 8 du contrat prévoit une résiliation de plein droit pour un défaut d'exécution dans un délai d'un mois, force est toutefois de constater que la société DHM a bien attendu le délai contractuel d'un mois pour constater la résiliation, dès lors que son courrier n'a été adressé que le 1° mars 2017, laissant ainsi à la société Evolit un mois et 3 jours pour s'acquitter des sommes dues et non contestées.
La société Evolit fait état de règlements effectués les 1°, 6 et 8 mars 2017 pour un montant total de 2.270,19 euros. Force est toutefois de constater, d'une part que ces règlements sont intervenus postérieurement au délai d'un mois expirant le 25 février 2017, d'autre part qu'ils ne couvrent que partiellement la dette non contestée à hauteur de 4.241,24 euros, étant observé d'une part qu'en application de l'article 1244 du code civil, le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette, d'autre part que la société Evolit n'a pas saisi le juge pour obtenir des délais de paiement et solliciter la suspension de la clause résolutoire.
Les parties ont accepté l'ensemble des conditions contractuelles et notamment le délai d'un mois visé à l'article 8, de sorte que la société Evolit, qui était pleinement informée des conséquences d'une éventuelle inexécution dans ce délai, n'est pas fondée à soutenir que ce délai n'est pas raisonnable.
La rupture du contrat, prononcée par courrier du 1° mars 2017, est ainsi conforme aux dispositions contractuelles acceptées par la société Evolit, de sorte qu'elle est parfaitement régulière. Il convient dès lors de rejeter les demandes formées par la société Evolit sur le fondement d'une rupture abusive, et de constater la résiliation du contrat aux torts de la société Evolit.
2-3. Sur les conséquences de la résiliation du contrat :
La société DHM sollicite paiement, outre des redevances impayées, d'une indemnité de rupture anticipée et de dommages et intérêts au titre de l'utilisation des signes distinctifs de l'enseigne Balladins.
* Sur la demande en paiement des redevances arriérées :
La société DHM sollicite paiement de la somme de 4.517,47 euros au titre d'un solde de redevances arrêté au 16 mars 2017, outre intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2016.
La société Evolit soutient que les derniers décomptes versés aux débats par la société DHM ne font pas mention des versements qu'elle a effectués, sollicitant dès lors le débouté de la demande.
Les derniers décomptes versés aux débats, arrêtés au 16 mars 2017 (pièce numéro 13) font état d'une dette globale de 4.517,47 euros.
Contrairement à ce que soutient la société Evolit, ces décomptes mentionnent bien, à son crédit, les derniers règlements qu'elle a effectués, à savoir deux chèques de 400 euros. La cour observe pour le surplus que le chèque de 1.470,19 euros remis le 8 mars par la société Evolit se rapporte à des factures anciennes dont la société DHM ne sollicite plus paiement.
Il apparaît dès lors que la demande en paiement de la société DHM à hauteur de la somme de 4.517,47 euros est parfaitement fondée. La société Evolit sera donc condamnée au paiement de cette somme outre intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2017, date de la mise en demeure. Il est observé qu'il n'y a pas lieu de faire courir les intérêts à compter du 3 juin 2016, dès lors que la dette la plus ancienne ne remonte qu'à octobre 2016 ainsi qu'il ressort du décompte produit.
* Sur la demande en paiement de l'indemnité de rupture anticipée :
Il résulte de l'article 8.2 du contrat de franchise que : « en cas de rupture du contrat avant son échéance pour quelque cause que ce soit, l'indemnité due par le franchisé au franchiseur sera égale à deux années de redevances de franchise ».
En application de ces dispositions, la société DHM sollicite paiement d'une somme de 18.720 euros correspondant à 2 années de redevances de franchise (9.360 euros par an), rappelant que le contrat a été résilié plus de 36 mois avant son terme fixé en avril 2020. Elle soutient que la demande tendant à établir l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits des parties est irrecevable en ce qu'elle est fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce.
La société Evolit soutient, sur le fondement de ces dispositions, que la clause fixant l'indemnité de rupture est abusive en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties dès lors que le franchisé est toujours redevable de l'indemnité même si la rupture incombe au franchiseur. Elle sollicite donc le débouté de la demande formée par la société DHM.
La demande tendant à dire que la clause figurant à l'article 8.2 est abusive sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce est irrecevable devant la présente cour qui ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de statuer sur ce point en application de l'article D. 442-3 précité.
Les dispositions contractuelles tenant lieu de loi à ceux qui les ont faites, et faute pour la société Evolit d'établir le caractère abusif de la clause relative à l'indemnité de rupture, il convient d'en faire application et de condamner la société Evolit au paiement de la somme de 18.720 euros au titre de l'indemnité de rupture anticipée, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 12 mai 2017, étant observé que le courrier du 28 mars 2017 ne peut constituer le point de départ des intérêts, dès lors qu'il ne contient aucune sommation ni mise en demeure.
* Sur la demande indemnitaire au titre de l'utilisation des signes distinctifs Balladins :
Il résulte de l'article 9 du contrat de franchise que « à l'expiration du présent contrat, pour quelque cause que ce soit, le franchisé devra dans le délai d'un mois : a/cesser d'exploiter son établissement sous la franchise concédée et ne plus faire mention de son appartenance au réseau, b/restituer à ses frais tous les manuels et documents commerciaux qui lui ont été confiés, c/faire disparaître à ses frais l'enseigne et toute la signalétique Balladins de la façade extérieure et des locaux de l'établissement ainsi que tous panneaux de signalisation sur les voies d'accès à l'établissement. Dans le cas où l'ancien franchisé n'aurait pas fait disparaître l'ensemble de la signalétique Balladins, le franchiseur aurait le droit de les retirer ou de les faire retirer aux frais de l'ancien franchisé, sur simple requête auprès du Président du tribunal de commerce du siège social du franchiseur, (...) e/ modifier le nom de son hôtel dans tout annuaire, site internet, pages jaunes (...) ».
En l'espèce, la société DHM soutient que la société Evolit a continué d'utiliser l'enseigne Balladins sur internet après le délai d'un mois visé à l'article 9. Elle sollicite à ce titre paiement d'une somme de 15.000 euros au titre de la violation des dispositions contractuelles, et demande que la société Evolit soit condamnée à cesser d'utiliser les signes distinctifs du réseau Balladins sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par infraction constatée.
La société Evolit conteste avoir utilisé les signes distinctifs Balladins après la cessation du contrat, précisant avoir changé d'enseigne et avoir signé une nouvelle franchise avec la société Brit Hotel. Elle soutient que le constat réalisé par la société DHM n'est que la conséquence du référencement internet qui permet d'afficher des photos anciennes pouvant émaner de diverses sources et être mises en ligne par des sites divers, y compris par les réseaux sociaux, ajoutant qu'elle ne peut pas contrôler ces réseaux. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré que les photographies de l'hôtel aient été prises à l'expiration du délai d'un mois.
* * *
Dans son constat établi le 26 avril 2017, soit près de 2 mois après la résiliation du contrat, l'huissier constate qu'en tapant « balladins Troyes » sur le moteur de recherches Google, différents liens et sites apparaissent contenant les termes « Balladins Troyes ». Il constate en outre la présence d'une photo représentant le Brit Hotel, invitant à découvrir d'autres photos parmi lesquelles 4 d'entre elles portent encore la mention « Balladins ».
Les obligations à la charge du franchisé portent d'une part sur la disparition de toute la signalétique Balladins, d'autre part sur la modification du nom de l'hôtel dans tout annuaire, site internet, pages jaunes.
S'agissant de la signalétique, si l'huissier a constaté la présence de certaines photographies avec la signalétique « Balladins », cela ne suffit pas à démontrer que la signalétique elle-même était toujours présente au 26 avril 2017, dès lors que les photographies retrouvées pouvaient être anciennes, et qu'il est impossible d'empêcher notamment des particuliers de publier des photographies anciennes sur divers sites ou réseaux sociaux.
S'agissant du nom de l'hôtel, l'obligation à la charge du franchisé porte uniquement sur la modification du nom de l'hôtel sur les sites internet. Le moteur de recherches Google n'est pas un site internet, et le principe même de ce moteur de recherche est de trouver toutes les occurrences portant sur les mots clés, sans limitation de durée, de sorte que l'on ne peut éviter que le moteur de recherches retrouve les termes « Balladins Troyes » dès lors qu'un hôtel Balladins a bien existé durant une certaine période à proximité de la ville de Troyes.
L'huissier n'a effectué sa recherche que sur le moteur de recherche Google, sans ouvrir les différents sites qui sont apparus à l'écran, notamment : « tripadvisor, booking.com, pages jaunes, Kayak, votre hotel.com, réservit.com », de sorte que la cour ignore si sur ces sites, le nom de l'hôtel était toujours « Balladins », ou s'il avait bien été modifié comme cela est soutenu par la société Evolit.
La seule page internet ouverte par l'huissier est celle correspondant à : « une photo d'hôtel sous laquelle il est inscrit Brit Hotel Essentiel Troyes », ce qui confirme que, même si la recherche Google « Balladins Troyes » fournit des résultats, l'ouverture de la page du site internet comprend le nouveau nom de l'hôtel.
Il est ainsi établi que la société DHM ne rapporte pas la preuve d'une utilisation de l'enseigne Balladins sur un site internet postérieurement au délai d'un mois précité, et qu'elle ne démontre pas non plus l'utilisation de ses signes distinctifs postérieurement à ce délai, de sorte que sa demande indemnitaire sera rejetée, de même que sa demande visant à la cessation d'utilisation de ces signes sous astreinte.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société DHM visant à enjoindre à la société Evolit de communiquer le contrat qui la lie au réseau Brit Hotel et l'accusé de réception du DIP, ces pièces n'apparaissant pas utiles au présent litige.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Evolit qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir son droit.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 21 juin 2018,
Statuant à nouveau,
Dit que la société DHM est recevable en ses demandes,
Condamne la société Evolit à payer à la société DHM les sommes suivantes :
- 4.517,47 euros au titre des redevances impayées, outre intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2017, date de la mise en demeure,
- 18.720 euros au titre de l'indemnité de rupture anticipée, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 12 mai 2017,
Déclare irrecevable la demande formée par la société Evolit tendant à dire que la clause figurant à l'article 8.2 est abusive sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne la société Evolit aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,