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CA MONTPELLIER (ch. com.), 4 février 2020

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (ch. com.), 4 février 2020
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), ch. com.
Demande : 17/03508
Date : 4/02/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/06/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8341

CA MONTPELLIER (ch. com.), 4 février 2020 : RG n° 17/03508

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les règles investissant certaines juridictions commerciales spécialisées et la cour d'appel de Paris du contentieux né de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce sont d'ordre public et l'inobservation de ces règles doit être regardée comme une fin de non-recevoir, qui doit être relevée d'office par le juge ; le tribunal de commerce de Rodez ne pouvait dès lors, sans commettre un excès de pouvoir, écarter l'application de l'article L. 442-6 et juger qu'il était compétent pour connaître du litige, en considérant que la société Arcadie Sud-Ouest n'était pas un partenaire commercial mais un cocontractant et que le contrat, notamment l'article 11 des conditions générales, ne comportait pas d'obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; il appartenait à la société Arcadie Sud-Ouest de saisir directement la juridiction commerciale spécialisée si elle estimait que le contrat litigieux était de nature à engager la responsabilité délictuelle de la société Initial sur le fondement du I de l'article L. 442-6 2° du code de commerce, alors que le tribunal de commerce de Rodez n'était saisi que d'une demande tendant au paiement d'une indemnité de résiliation anticipée prévue contractuellement ; l'exception d'incompétence soulevée en vue du renvoi de l'entier litige devant le tribunal de commerce de Paris, dont l'examen impliquait de porter une appréciation sur l'applicabilité de ce texte à laquelle la juridiction saisie ne pouvait se livrer, devait ainsi être déclarée irrecevable en l'état ; le jugement entrepris doit en conséquence être complété de ce chef. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

CHAMBRE COMMERCIALE (ANCIENNEMENT DEUXIÈME CHAMBRE)

ARRÊT DU 4 FÉVRIER 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/03508. N° Portalis DBVK-V-B7B-NG5G/ Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 JUIN 2017, TRIBUNAL DE COMMERCE DE RODEZ : R.G n° 2016/163.

 

APPELANTE :

SA ARCADIE SUD-OUEST

[adresse], Représentée par Maître J. Lola, substituant Alexandre S. de la SARL S. ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉE :

SAS INITIAL

[adresse], Représentée par Maître Jacques-Henri A. de la SCP A. H., A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 19 novembre 2019

COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 DECEMBRE 2019, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de : Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller, Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvia TORRES

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Sylvia TORRES, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Salaisons de l'Adour, ayant pour activité la préparation industrielle de produits à base de viande, possédait deux établissements l'un à [ville L.], l'autre à [ville T.] ; elle a conclu avec la société Initial, le 26 février 2008, pour son site de [ville T.], un contrat multiservices n° 26-152 pour la location et l'entretien de vêtements professionnels (des blouses, des pantalons, des vestes et des combinaisons), moyennant un abonnement mensuel fixé à 750,93 euros hors-taxes, soit 899,31 euros TTC ; il est prévu à l'article 4.2 des conditions générales que le contrat de location entretien est conclu pour une durée de trois ans à compter de la date du dépôt effectif chez le client du stock initial d'articles et qu'il est renouvelable par tacite reconduction par périodes de durée égale à la période initiale, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties six mois au moins avant l'échéance par lettre recommandée avec accusé de réception.

Par courrier du 30 décembre 2008, la société Salaisons de l'Adour a demandé à la société Initial que les factures concernant le site de [ville T.] soient libellées, à compter du 1er janvier 2009, à l'ordre de la société Découpe de l'Adour.

Le 5 septembre 2013, la société Découpe de l'Adour a notifié à la société Initial, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sa décision de dénoncer le contrat à son terme, soit au 26 février 2014 ; la société Initial a accusé réception de cette lettre, le 9 septembre 2013, mais a prétendu que l'échéance du contrat se situait au 26 février 2017 eu égard à la durée du contrat conclu pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction par périodes d'égale durée et au préavis contractuel de six mois.

La société Découpe de l'Adour a été dissoute à compter du 29 octobre 2013 puis radiée à compter du 31 décembre 2013 du registre du commerce et des sociétés, ayant fait l'objet d'une transmission universelle de son patrimoine au profit de son associé unique, la société Arcadie Sud-Ouest.

Par courrier du 24 janvier 2014, la société Arcadie Sud-Ouest, se substituant à la société Découpe de l'Adour, a réfuté l'existence d'une tacite reconduction du contrat, se référant notamment à une transaction réalisée le 4 mars 2013 à l'occasion d'un précédent litige et aux termes de laquelle la société Initial avait renoncé à intenter toute action de quelque nature et devant quelque juridiction que ce soit, à l'encontre de toutes sociétés du groupe Arcadie, toutes les contestations entre les parties demeurant irrévocablement éteintes, la transmission et l'encaissement du chèque transactionnel réglant entre nous définitivement et sans réserve tout litige né ou à naître relatif à la conclusion, à l'exécution ou à la rupture du contrat litigieux ; elle faisait également valoir que le délai de préavis de six mois courait, suivant le contrat, à compter de la date de dépôt effectif du stock initial d'articles et que la preuve du respect du délai contractuel n'était pas rapportée par la société Initial.

À compter du 1er mai 2014, la société Arcadie Sud-Ouest n'a plus réglé les factures de redevances, ce qui a amené la société Initial à déposer une requête en injonction de payer auprès du président du tribunal de commerce de Rodez ; par ordonnance du 1er décembre 2015, celui-ci a fait injonction à la société Arcadie Sud-Ouest d'avoir à payer la somme de 2.607,74 euros, montant de trois factures (n° 7075276, 7129881 et 71 46 509) en date des 30 avril, 31 mai et 27 juin 2014 correspondant aux abonnements de mai et juin 2014 augmentés d'une indemnité forfaitaire en application de l'article L. 441-6 du code de commerce.

La société Arcadie Sud-Ouest a formé opposition, le 18 janvier 2016, à cette ordonnance, qui lui avait été signifiée le 23 décembre 2015 ; devant le tribunal, elle a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Rodez et a contesté devoir l'indemnité de résiliation, finalement réclamée par la société Initial en vertu de l'article 11 des conditions générales, égale à 70 % de la moyenne des factures d'abonnement multipliée par le nombre de mois restant à courir jusqu'à l'échéance du contrat.

Par jugement du 7 juin 2017 le tribunal de commerce de Rodez :

- s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige,

- a condamné la société Arcadie Sud-Ouest à payer à la société Initial la somme de 14.541,44 euros,

- a dit que ce montant ne sera pas porteur d'intérêts,

- a débouté la société Arcadie Sud-Ouest de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- a condamné cette société à payer à la société Initial la somme de 1.200 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile.

La société Arcadie Sud-Ouest a régulièrement relevé appel, le 23 juin 2017, de ce jugement.

[*]

En l'état de ses dernières conclusions, déposées le 9 janvier 2018 par le RPVA, elle demande à la cour, au visa notamment des articles 1134, 1165 et 1315 du code civil alors applicables, des articles L. 442-6 I et D. 442-3 du code de commerce, des articles 2044 et suivants du code civil et des articles 384, 122 et 32-1 du code de procédure civile, de :

A titre principal :

- réformer la décision entreprise en ce que le tribunal de commerce de Rodez s'est déclaré compétent et déclarer compétent le tribunal de commerce de Paris,

A titre subsidiaire, s'il était néanmoins statué :

- dire et juger irrecevable les demandes de la société Initial en ce que la concluante n'est ni partie, ni représentée, ni ayant-cause au contrat litigieux,

- dire et juger irrecevable les demandes de la société Initial en ce que la demande se heurte à une exception de transaction et au désistement d'action de la société Initial à son encontre,

Plus subsidiairement encore, s'il était néanmoins jugé que ces demandes étaient recevables :

- les déclarer infondées en ce que la société Initial ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du bien-fondé de sa créance, ni de ce que la concluante aurait commis la moindre faute à son égard,

- en tout état de cause, dire et juger que la preuve d'un préjudice en relation causale avec la prétendue faute n'est pas rapportée,

- dire et juger que la clause de résiliation n'est pas applicable aux faits de l'espèce et qu'en tout état de cause, il s'agit d'une clause illicite,

- écarter l'application de la clause de résiliation en ce qu'elle est invoquée de mauvaise foi,

À titre infiniment subsidiaire,

- qualifier de clause pénale la clause de résiliation, en modérer les effets et ramener la condamnation à l'euro symbolique,

- en conséquence, débouter la société Initial de l'intégralité de ses demandes,

A titre reconventionnel :

- prononcer la nullité du contrat litigieux,

- condamner la société Initial à restitution,

- ordonner une expertise avec mission de déterminer l'indemnité de restitution,

- lui allouer à titre provisionnel une somme de 15.000 euros,

- allouer, en tout état de cause, à la concluante une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :

- le contrat comporte une clause attributive de juridiction au profit du tribunal de commerce de Paris,

- le premier juge a également méconnu le caractère d'ordre public des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce en considérant, pour rejeter l'exception d'incompétence au profit de ce même tribunal de commerce, que l'existence d'un déséquilibre significatif dans les obligations résultant du contrat litigieux n'était pas caractérisée,

- le contractant de la société Initial est la société Salaisons de l'Adour et non la société Découpe de l'Adour, société aux droits de laquelle elle se trouve,

- une transaction réglant tout litige né ou à naître entre les parties est intervenue, matérialisée par un échange de courriers des 4 mars et 12 mars 2013, et le tribunal de commerce de Rodez, qui avait été saisi d'un litige pour de prétendues factures impayées, a rendu un jugement, le 19 mars 2013, constatant le désistement d'instance et d'action, ce dont il résulte que l'action de la société Initial est irrecevable,

- l'article 4. 2 des conditions générales dispose que la date du début effectif du contrat est celle du dépôt effectif chez le client du stock initial d'articles et la société Initial, qui n'établit pas la date du début effectif du contrat, ne peut affirmer péremptoirement que celui-ci aurait été renouvelé pour trois années supplémentaires,

- le préjudice lié à la rupture anticipée du contrat ne peut être égal au montant des prestations qui auraient dû être exécutées jusqu'au terme du contrat et l'article 11 des conditions générales, qu'invoque la société Initial, n'est pas applicable au litige puisqu'elle a simplement décidé de ne pas renouveler le contrat à son échéance,

- les parties se sont accordées pour une fin du contrat au 31 mars 2014, de sorte qu'en réclamant le paiement d'une indemnité de résiliation, après avoir émis des factures sans qu'aucune prestation n'ait été réalisée, la société Initial s'est prévalue de mauvaise foi de la clause de résiliation insérée au contrat,

- le contrat, qui soumet le cocontractant de la société Initial à l'obligation de payer un forfait convenu sans la moindre contrepartie de prestations et qui limite la responsabilité de celle-ci en cas de rupture unilatérale justifiée de la part du cocontractant, crée un déséquilibre économique significatif dans les droits et obligations des parties, qui justifie que la nullité du contrat soit prononcée avec pour conséquence la restitution du prix payé sur les années non prescrites, du moins pour la part supérieure au seul coût des prestations réalisées.

[*]

Formant appel incident, la société Initial, dont les dernières conclusions ont été déposées par le RPVA le 12 novembre 2019, sollicite de voir :

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rodez en date du 6 juin 2017 en ce qu'il a réduit le montant de l'indemnité de résiliation anticipée à la somme de 14.541,44 euros,

- le confirmer pour le surplus,

- débouter la société Arcadie Sud-Ouest de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- en conséquence, condamner la société Arcadie Sud-Ouest à lui payer la somme en principal de 29.085,89 euros et ce avec intérêts égal au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage (article L. 441-6 du code de commerce) à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Arcadie Sud-Ouest à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 novembre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS de la DÉCISION :

1 - La compétence du tribunal de commerce de Rodez pour connaître du litige :

L'article 13 des conditions générales du contrat litigieux dispose qu'en cas de contestation quelconque, notamment sur l'existence ou l'exécution du contrat, mais sans que cette indication soit limitative, attribution exclusive de compétence de juridiction est faite au tribunal de commerce de Paris ; dans le cas présent, la société Initial, dont le siège social est situé à Boulogne-Billancourt, dans le ressort du tribunal de commerce de Paris, tandis que la société Arcadie Sud-Ouest a son siège social à Rodez, a présenté une requête en injonction de payer auprès du président du tribunal de commerce de Rodez, sans solliciter, en application de l'article 1408 du code de procédure civile, qu'en cas d'opposition, l'affaire soit renvoyée devant le tribunal de commerce de Paris, juridiction qui aurait été compétente en vertu de la clause attributive insérée à l'article 13 des conditions générales ; la clause attributive de compétence, désignant le tribunal dans le ressort duquel est situé le siège de la société Initial, étant stipulée dans le seul intérêt de cette dernière, celle-ci avait dès lors la faculté d'y renoncer en saisissant, selon le droit commun, la juridiction du lieu où demeure la société Arcadie Sud-Ouest, débiteur poursuivi ; ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté l'exception d'incompétence fondée sur ce premier moyen.

Il résulte du I de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, (...) 2° de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; l'article D. 442-3 du code de commerce dispose que pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixées conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre et que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.

Les règles investissant certaines juridictions commerciales spécialisées et la cour d'appel de Paris du contentieux né de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce sont d'ordre public et l'inobservation de ces règles doit être regardée comme une fin de non-recevoir, qui doit être relevée d'office par le juge ; le tribunal de commerce de Rodez ne pouvait dès lors, sans commettre un excès de pouvoir, écarter l'application de l'article L. 442-6 et juger qu'il était compétent pour connaître du litige, en considérant que la société Arcadie Sud-Ouest n'était pas un partenaire commercial mais un cocontractant et que le contrat, notamment l'article 11 des conditions générales, ne comportait pas d'obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; il appartenait à la société Arcadie Sud-Ouest de saisir directement la juridiction commerciale spécialisée si elle estimait que le contrat litigieux était de nature à engager la responsabilité délictuelle de la société Initial sur le fondement du I de l'article L. 442-6 2° du code de commerce, alors que le tribunal de commerce de Rodez n'était saisi que d'une demande tendant au paiement d'une indemnité de résiliation anticipée prévue contractuellement ; l'exception d'incompétence soulevée en vue du renvoi de l'entier litige devant le tribunal de commerce de Paris, dont l'examen impliquait de porter une appréciation sur l'applicabilité de ce texte à laquelle la juridiction saisie ne pouvait se livrer, devait ainsi être déclarée irrecevable en l'état ; le jugement entrepris doit en conséquence être complété de ce chef.

 

2 - La recevabilité de la demande en paiement présentée par la société Initial :

La société Arcadie Sud-Ouest, venant aux droits de la société Découpe de l'Adour, ne peut sérieusement prétendre qu'elle n'est pas le contractant de la société Initial, n'étant intervenue que comme mandataire de la société Salaisons de l'Adour pour gérer ses contrats (sic) ; en effet, les factures relatives au site de [ville T.]ont été libellées, à compter du 1er janvier 2009, à l'ordre de la société Découpe de l'Adour et réglées par celle-ci et dans sa lettre du 5 septembre 2013, la société Découpe de l'Adour a notifié à la société Initial la dénonciation du contrat qui nous lie, lui précisant ainsi que notre collaboration prendra fin le 26 février 2014 ; il résulte de ces seuls éléments que le contrat conclu initialement par la société Salaisons de l'Adour a été repris par la société Découpe de l'Adour, qui se considérait bien comme le cocontractant de la société Initial lorsqu'elle a rompu le contrat par lettre du 5 septembre 2013, par l'effet d'une novation par changement de débiteur au sens de l'article 1271 2° du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, analyse implicitement mais nécessairement soutenue par la société intimée.

Pour soutenir l'existence d'une transaction intervenue entre les parties, rendant irrecevable la demande, la société Arcadie Sud-Ouest produit un jugement du tribunal de commerce de Rodez en date du 19 mars 2013 prenant acte du désistement d'instance et d'action de la société Initial à la suite de l'opposition, qu'elle avait formée, à une ordonnance du président du tribunal de commerce en date du 25 septembre 2012 lui enjoignant de payer la somme de 4.831,47 euros en principal, jugement précédé d'un courrier que son conseil avait adressé, le 25 février 2013, à un cabinet de recouvrement de créances Gexel intervenue pour la société Initial et de deux courriers adressés le 4 mars et le 12 mars 2013 au tribunal de commerce par le cabinet de recouvrement et le conseil de la société Arcadie Sud-Ouest faisant état de l'accord transactionnel intervenu et du désistement d'instance de la société Initial ; dans le courrier du 25 février 2013, le conseil de la société Arcadie Sud-Ouest, annonçant le règlement d'une somme de 2.750 euros à titre transactionnel, a indiqué à la juriste du cabinet de recouvrement que ce règlement a vocation à régler définitivement et sans réserve tout litige né ou à naître relatif à la conclusion, à l'exécution ou à la rupture du contrat litigieux, que la société Initial doit notamment s'engager à renoncer, compte tenu de la présente transaction, à intenter toute action de quelque nature et devant quelque juridiction que ce soit à l'encontre de la société ou de toute autre société du groupe ou leurs ayants causes et qu'à réception de l'accord, le chèque de règlement lui sera aussitôt transmis.

Le litige ayant abouti au jugement du 19 mars 2013 constatant l'extinction de l'instance est cependant relatif à un autre contrat multiservices n° 37.740 conclu le 15 février 2008 par la société Arcadie Sud-Ouest qui concerne un site différent de celui de Tarbes, situé à Saint-Viance (Corrèze) ; de plus, si dans le courrier du 25 février 2013 adressé par l'intermédiaire de son conseil, la société Arcadie Sud-Ouest, a demandé que la société Initial renonce, en contrepartie du règlement transactionnel de la somme de 2.750 euros, à intenter toute action de quelque nature et devant quelque juridiction que ce soit à l'encontre de la société, cette condition, outre le fait qu'elle n'a pas été expressément acceptée, ne peut concerner que le litige ayant fait l'objet de la transaction et ne saurait emporter, pour la société Initial, renonciation anticipée à intenter toute action en justice à l'encontre de la société Arcadie Sud-Ouest à l'occasion d'un différend commercial à venir, sachant que lorsque la transaction est intervenue, le contentieux né de la rupture du contrat n° 26.152 n'était pas encore né, qui procède de l'envoi de la lettre de résiliation du 5 septembre 2013 ; c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré la demande en paiement comme recevable.

 

3 - La demande principale en paiement de la somme de 29.085,89 euros :

En premier lieu, il doit être observé que la société Initial ne réclame plus le paiement des factures qu'elle a émises les 30 avril, 31 mai et 27 juin 2014 correspondant à des abonnements dus postérieurement à la résiliation du contrat, mais l'indemnité de résiliation prévue à l'article 11 des conditions générales.

Aux termes de cet article 11 des conditions générales intitulé « Résiliation anticipée du contrat-clause résolutoire » : « En cas de non-paiement d'une facture échue ou en cas d'infraction à l'une quelconque des clauses du présent contrat, la présente convention sera résiliée de plein droit, huit jours après mise en demeure adressée par le loueur par lettre recommandée avec accusé de réception, demeurée infructueuse.

Dans cette hypothèse, et sans préjudice de dommages-intérêts complémentaires, le client dont le contrat aurait été résilié, devra :

- payer une indemnité égale à 70 % de la moyenne des factures d'abonnement-service établies depuis les douze derniers mois multipliée par le nombre de semaines ou de mois restant à courir jusqu'à l'échéance du contrat,

- payer au loueur, le stock des articles personnalisés ou exclusivement affectés, conformément à la clause 12 du présent contrat,

- restituer au loueur les autres articles mis à sa disposition dans le délai d'une semaine ; à défaut, ils seront facturés au client comme s'ils avaient été perdus.

Le client qui procéderait à la résiliation unilatérale du contrat serait astreint aux mêmes pénalités et clause de compensation que celles prévues en cas de résiliation du contrat dans le présent article. »

Il résulte de cette disposition qu'en cas de résiliation unilatérale du contrat par le client, hors tout manquement de sa part à son obligation de payer les factures échues ou de se soumettre aux conditions d'exécution du contrat, celui-ci sera alors redevable d'une indemnité égale à 70 % de la moyenne des factures d'abonnement-service établies depuis les douze derniers mois multipliés par le nombre de semaines ou de mois restant à courir jusqu'à l'échéance du contrat, indemnité qui n'est alors que la contrepartie de la faculté, qui lui est offerte, de mettre fin au contrat avant le terme contractuel.

Dans le cas présent, la société Découpe de l'Adour, aux droits de laquelle se trouve la société Arcadie Sud-Ouest, a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 5 septembre 2013, notifié à la société Initial sa décision de dénoncer le contrat à son terme du 26 février 2014 ; si l'article 4. 2 des conditions générales du contrat conclu initialement le 26 février 2008 dispose que celui-ci est conclu pour une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction par périodes de même durée, à compter de la date de dépôt effectif chez le client du stock initial d'articles, la société Arcadie Sud-Ouest n'est pas fondée à prétendre que la date de mise à disposition du stock initial ne se trouve pas établie et qu'ainsi, la société Initial ne peut affirmer que le contrat a été renouvelé à compter du 26 février 2014 pour trois années supplémentaires ; il s'avère, en effet, que le contrat litigieux fait suite à un précédent contrat conclu le 29 octobre 2001 et que le stock de vêtements de travail avait été mis à la disposition de la société Salaisons de l'Adour à laquelle s'est, par la suite, substituée la société Découpe de l'Adour bien antérieurement à la conclusion du nouveau contrat, suivant divers bons dit « de mouvement » datés des 4 janvier 2002, 1er février 2002, 12 août 2005, 27 octobre 2005 et 26 janvier 2006 ; dès lors que le dépôt effectif du stock de vêtements avait déjà été effectué le 26 février 2008, date de signature du nouveau contrat, cette date doit être retenue comme étant celle de la prise d'effet du contrat ; il s'ensuit que le contrat, qui s'était renouvelée par tacite reconduction le 26 février 2011 pour une nouvelle période de trois ans, venait normalement à échéance le 26 février 2014 de sorte que la résiliation faite le 5 septembre 2013, moins de six mois avant la date d'échéance, ne respecte pas le préavis contractuel.

Faute de respect du préavis contractuel, la résiliation du contrat, dont la société Découpe de l'Adour a pris l'initiative, ne peut avoir d'effet qu'au 26 février 2017, soit à l'expiration du contrat renouvelé à compter du 26 février 2014, étant observé que dans son courrier du 24 janvier 2014, la société Arcadie Sud-Ouest, tout en maintenant sa demande de résiliation, a indiqué à la société Initial qu'elle tiendrait les vêtements à restituer à sa disposition à compter du 25 février suivant et qu'elle a cessé, à partir du 1er mai 2014, de régler les factures de redevances lui étant adressées.

La société Découpe de l'Adour aux droits de laquelle vient la société Arcadie Sud-Ouest a ainsi mis fin, de façon anticipée, au contrat liant les parties pour le 26 février 2014, alors que celui-ci s'était renouvelé à compter de cette date pour une nouvelle durée de trois ans ; la société Initial ne réclame pas le paiement du prix des prestations convenues jusqu'au terme du contrat, fixée au 26 février 2017, mais de l'indemnité prévue à l'article 11 des conditions générales destinée à réparer son préjudice consécutif à la rupture anticipée du contrat ; il n'est pas établi en quoi cette clause contractuelle aurait été mise en œuvre de mauvaise foi par la société Initial, alors que la lettre de résiliation du 5 septembre 2013 n'invoque aucun grief particulier à l'encontre de celle-ci et qu'il n'est pas davantage allégué de circonstances exceptionnelles, dont la société Découpe de l'Adour aurait pu se prévaloir, pour dénoncer avant terme le contrat ; rien ne permet, non plus, d'affirmer que les parties se seraient mises d'accord sur une fin du contrat au 31 mars 2014 et qu'en réclamant le paiement de l'indemnité de résiliation contractuelle, après avoir établi des factures hors toute prestation réalisée, la société Initial a agi de mauvaise foi, celle-ci n'ayant, en effet, jamais renoncé à se prévaloir de la clause insérée à l'article 11 des conditions générales.

Le montant de l'indemnité de résiliation, par rapport à la moyenne des douze dernières factures correspondant à la somme hors-taxes de 1.154,19 euros, n'est pas discuté par l'appelante qui s'élève, pour les 36 mois restant à courir jusqu'au terme du contrat, à la somme de : (1.154,19 euros x 36) x 70 % = 29.085,59 euros ; en outre, la clause de l'article 11 des conditions générales, prévoyant une indemnité en cas de résiliation unilatérale du contrat par le client ne peut être regardée comme une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction alors applicable, puisqu'elle n'a pas vocation à sanctionner l'inexécution par celui-ci du contrat mais l'exercice d'une faculté de résiliation anticipée ; il s'ensuit que l'indemnité convenue n'est pas réductible, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge.

 

 

4 - Les demandes reconventionnelles de la société Arcadie Sud-Ouest aux fins d'annulation du contrat et en restitution de l'indemnité transactionnelle :

Il a été indiqué plus haut que les règles investissant certaines juridictions commerciales spécialisées et la cour d'appel de Paris du contentieux né de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce sont d'ordre public et que l'inobservation de ces règles doit être regardée comme une fin de non-recevoir ; la société Arcadie Sud-Ouest ne saurait dès lors solliciter d'une juridiction non spécialisée l'annulation du contrat conclu le 26 février 2008 au motif que ce contrat, qui soumet le partenaire de la société Initial à l'obligation de payer un forfait convenu sans la moindre contrepartie de prestations et qui limite sa propre responsabilité même en cas de rupture unilatérale justifiée, crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties sur le fondement du I de l'article L. 442-6 2° ; il apparaît ainsi, indépendamment du point de savoir si l'existence d'un déséquilibre significatif au sens de ce texte peut être sanctionnée par la nullité de la stipulation contestée ou du contrat lui-même ou seulement par l'octroi de dommages et intérêts, que la demande présentée de ce chef ne peut qu'être déclarée irrecevable.

La société Arcadie Sud-Ouest sollicite également, en page 17 de ses conclusions d'appel, la restitution de la somme de 2750 euros, qu'elle a versée en mars 2013 à titre d'indemnité transactionnelle, mais cette prétention ne se trouve pas récapitulée dans le dispositif de ses conclusions, en sorte que la cour n'a pas à statuer sur celle-ci, conformément à l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile ; une telle prétention apparaît d'ailleurs infondée si l'on considère que cette indemnité a été versée à titre transactionnel en vue du règlement d'un litige déterminé, distinct de celui aujourd'hui pendant devant la cour.

Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que la société Arcadie Sud-Ouest doit être condamnée au paiement de la somme de 29.085,89 euros, montant de l'indemnité de résiliation prévue à l'article 11 des conditions générales du contrat, assortie à compter du présent arrêt des intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage ; le jugement entrepris doit dès lors être réformé en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité due à la somme de 14.541,44 euros sans intérêts.

 

5 - Les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Succombant sur son appel, la société Arcadie Sud-Ouest doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Initial la somme de 3.500 euros titre des frais non taxables que celle-ci a dus exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement du tribunal de commerce de Rodez en date du 6 juin 2017 en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité due à la somme de 14.541,44 euros sans intérêts et statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la SA Arcadie Sud-Ouest à payer à la SAS Initial la somme de 29.085,89 euros, montant de l'indemnité de résiliation prévue à l'article 11 des conditions générales du contrat, assortie à compter du présent arrêt des intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage,

Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,

Déclare irrecevable la demande de la société Arcadie Sud-Ouest aux fins d'annulation du contrat litigieux,

Rejette toutes autres demandes,

La condamne aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Initial la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,

Le greffier,                            Le président,

J.L.P.