CASS. COM., 23 janvier 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8380
CASS. COM., 23 janvier 2019 : pourvoi n° 17-16973 ; arrêt n° 44
Publication : Legifrance
Extrait : « Vu les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, ensemble l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire ; […] Qu’en statuant ainsi, alors que saisie de l’appel d’un jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre, juridiction située sur son ressort, qui n’était pas saisi de demandes fondées sur l’article L. 442-6 du code de commerce et n’avait pas statué sur le fondement de ce texte, il lui appartenait de déclarer l’appel recevable et de statuer, dans les limites de son propre pouvoir juridictionnel, sur les demandes formées devant elle, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 23 JANVIER 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 17-16973. Arrêt n° 44.
DEMANDEUR à la cassation : Société Phil et Dom
DÉFENDEUR à la cassation : Société Smartbox Experience Limited
Mme Mouillard (président), président. SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, ensemble l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Phil et Dom, qui exploite un hôtel à [ville T.], a conclu, le 6 mai 2009, un contrat de partenariat avec la société Smartbox Experience Limited (la société Smartbox), spécialisée dans la commercialisation de coffrets cadeaux ; que reprochant à cette société de ne pas respecter ses engagements contractuels, la société Phil et Dom l’a assignée en paiement de dommages-intérêts devant le tribunal de commerce de Nanterre ; que devant la cour d’appel de Versailles, elle a formé des demandes de dommages-intérêts, d’une part, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, d’autre part, sur le fondement de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour déclarer irrecevable l’appel formé par la société Phil et Dom, l’arrêt énonce qu’il résulte des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce que seule la cour d’appel de Paris est compétente pour connaître des décisions rendues par les juridictions commerciales habilitées à trancher les litiges se rapportant à l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce ; qu’il retient que les demandes formées par la société Phil et Dom en appel, fondées sur l’application de cet article, sont d’évidence virtuellement comprises dans celles fondées sur un prétendu manquement contractuel de la société Smartbox et qu’il s’infère de cette constatation que seule la cour d’appel de Paris se trouve investie du pouvoir de statuer sur l’appel formé contre la décision entreprise ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en statuant ainsi, alors que saisie de l’appel d’un jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre, juridiction située sur son ressort, qui n’était pas saisi de demandes fondées sur l’article L. 442-6 du code de commerce et n’avait pas statué sur le fondement de ce texte, il lui appartenait de déclarer l’appel recevable et de statuer, dans les limites de son propre pouvoir juridictionnel, sur les demandes formées devant elle, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 octobre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Smartbox Experience Limited aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-neuf.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Phil et Dom
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevable l’appel formé par la société Phil & Dom et de l’avoir condamnée à verser à la société Smarbox experience limited la somme de 700 euros pour appel abusif ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « Sur le mérite de la fin de non-recevoir tirée de l’absence de pouvoir juridictionnel de la Cour de céans ;
Que La société Smartbox oppose à son adversaire cette fin de non-recevoir au visa des dispositions combinées des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce et conclut, à la seule compétence de la cour d’appel de Paris ;
Que la société Phil & Dom conclut à l’habilitation de la Cour de céans appelée à statuer sur l’appel formé contre la décision entreprise, observant que celui-ci concerne en effet une demande de responsabilité civile pour manquement contractuel outre, des demandes fondées sur l’article L. 442-6 du code de commerce ;
Que vu les articles L. 442-6-2° et D. 442-3 du code de commerce dont il ressort notamment, que la seule cour d’appel compétente pour connaître des décisions rendues par les juridictions commerciales habilitées à trancher les litiges se rapportant à l’application de l’article L. 442-6 est la Cour d’appel de Paris ;
Que les demandes fondées sur l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce étant d’évidence, dans les circonstances de cette espèce, virtuellement comprises dans celles fondées sur un prétendu manquement contractuel de la société Smartbox, il s’infère de cette constatation que seule la Cour d’appel de Paris se trouve investie du pouvoir de statuer, sur l’appel formé contre la décision entreprise ;
Que l’appel formé devant la Cour de céans doit être déclaré irrecevable » et que « l’exercice d’un recours manifestement irrecevable caractérise un abus du droit d’appel donnant lieu, dans les termes du dispositif ci-après, à l’attribution de dommages-intérêts en faveur de la partie intimée » ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1/ ALORS QUE la cour d’appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues par les tribunaux de commerce nominativement désignées par l’article D. 442-3 du code de commerce ; qu’en déclarant irrecevable l’appel formé par la société Phil & Dom au motif qu’elle formait en cause d’appel des demandes fondées sur l’article L. 442-6 du code de commerce « virtuellement comprises » dans celles fondées sur un manquement contractuel alors que le tribunal de commerce de Nanterre ne faisait pas partie des juridictions spécialisées désignées par l’article D. 442-3 du code de commerce, la cour d’appel de Versailles a violé les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce et l’article R. 311-1 du code de l’organisation judiciaire ;
2/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE sauf disposition particulière, une cour d’appel connaît de tous les jugements des juridictions situées dans son ressort ; qu’en l’espèce, la cour d’appel de Versailles a déclaré irrecevable l’appel de la société Phil & Dom au motif qu’elle formait, pour la première fois en appel, des demandes fondées sur l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce relevant de la compétence exclusive de la cour d’appel de Paris et qui étaient « virtuellement comprises » dans celles fondées sur un prétendu manquement contractuel ; qu’en statuant ainsi quand, le tribunal de commerce de Nanterre n’ayant pas été saisi de demandes fondées sur l’article L. 442-6 du code de commerce et n’ayant pas statué au visa de ce texte, la cour d’appel de Versailles était seule à pouvoir connaître du recours formé contre cette décision, peu important que soit invoqué, pour la première fois en appel, l’article L. 442-6 du code de commerce dès lors qu’étaient également invoqués d’autres fondements juridiques, la cour d’appel a violé les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce et l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire ;
3/ ALORS, PLUS SUBSIDIAIREMENT ENCORE, QUE sauf disposition particulière, une cour d’appel connaît de tous les jugements des juridictions situées dans son ressort ; qu’en l’espèce, la cour d’appel de Versailles a déclaré irrecevable l’appel de la société Phil & Dom au motif qu’elle formait, pour la première fois en appel, des demandes fondées sur l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce relevant de la compétence exclusive de la cour d’appel de Paris et qui étaient « virtuellement comprises » dans celles fondées sur un prétendu manquement contractuel ; qu’en statuant ainsi quand il lui appartenait, si elle estimait les demandes formées par la société Phil & Dom irrecevables en ce qu’elles étaient fondées sur l’article L. 442-6 du code de commerce, d’en apprécier néanmoins le bien-fondé au regard des autres fondements juridiques invoqués par la société Phil & Dom, la cour d’appel a violé les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce et l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire.
4/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur l’une des branches sus visées du moyen entraînera par voie de conséquence, en application de l’article 624 du Code de procédure civile, la cassation de l’arrêt en ce qu’il a condamné la société exposante à la somme de 700 euros envers son adversaire pour appel abusif ;
5/ ALORS QU’un appel, fut-il irrecevable, ne constitue pas pour autant un appel abusif ; qu’en ayant jugé du contraire la Cour d’appel a violé l’article 32-1 du code de procédure civile.