CA BOURGES (ch. civ.), 9 avril 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8402
CA BOURGES (ch. civ.), 9 avril 2020 : RG n° 19/00903
Publication : Jurica
Extrait : « Néanmoins, le contrat de crédit équipement n°Y0101940 (portant sur la moissonneuse-batteuse) comporte en son article 5 « défaillance de l'emprunteur » une clause prévoyant que « si le contrat est résilié pour l'un des motifs visés au présent article, tous les autres contrats qui auraient pu être conclus entre l'emprunteur aux présentes, le prêteur ou l'une des sociétés de son groupe (art. 145 du CGI) seront, si bon semble au prêteur, résiliés de plein droit ».
Ce contrat n°Y0101940 a été résilié par la SAS Claas Financial Services le 18 mars 2019, à la suite d'une défaillance de la SARL Moisson Ensilage M. & Fils dans le paiement des échéances convenues. La clause précitée était dès lors susceptible de recevoir application si la SAS Claas Financial Services jugeait opportun de s'en prévaloir, ce qui est le cas en l'espèce. Le fait que les trois contrats en cause n'aient pas été interdépendants et que le contrat portant sur le téléscopique ait présenté une nature juridique distincte des deux autres est insuffisant à établir le caractère abusif de cette clause. L'existence de cette clause ne crée pas davantage de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de nature à permettre de la qualifier d'abusive.
La résiliation des contrats et la reprise des matériels litigieux par la SAS Claas Financial Services, intervenue les 26 septembre, 3 et 4 octobre 2019, correspondent ainsi à la simple exécution des stipulations contractuelles liant les parties.
L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a ordonné la restitution des matériels litigieux, et la demande présentée par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils tendant à la restitution des matériels repris par la SAS Claas Financial Services rejetée comme étant dépourvue de fondement. »
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 9 AVRIL 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/00903. N° Portalis DBVD-V-B7D-DF4S. Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de Commerce de BOURGES en date du 2 juillet 2019.
PARTIES EN CAUSE :
I - SARL MOISSON ENSILAGE M. & FILS
agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social : N° SIRET : XXX, [...], Représentée et plaidant par Maître Jean-François T., avocat au barreau de BOURGES - timbre fiscal acquitté,
APPELANTE suivant déclaration du 22 juillet 2019, INCIDEMMENT INTIMÉE
II - SAS CLAAS FINANCIAL SERVICES
agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social N° SIRET : YYY, [...], Représentée et plaidant par Maître Stéphanie V. de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES - timbre fiscal acquitté
INTIMÉE, INCIDEMMENT APPELANTE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Décembre 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. SARRAZIN, Président, en présence de Mme CIABRINI, Conseiller chargé du rapport. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. SARRAZIN Président de Chambre, M. PERINETTI Conseiller, Mme CIABRINI Conseiller.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MINOIS
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ :
La SARL Moisson Ensilage M. & Fils a souscrit auprès de la société Claas Financial Services deux contrats de crédit équipement avec clause de réserve de propriété, portant respectivement sur une ensileuse (contrat n° Z01544) et sur une moissonneuse-batteuse (contrat n° Y0101940) ainsi qu'un contrat de crédit-bail n° Y0020519 portant sur un télescopique.
Ces équipements ont été régulièrement livrés et réceptionnés à la SARL Moisson Ensilage M. & Fils, les 24 juin 2016 et 1er septembre 2017.
Invoquant des échéances demeurées impayées dans le cadre de l'exécution des deux contrats de crédit équipement, et après mises en demeure infructueuses en date des 7 et 8 février 2019, la société Claas Financial Services a prononcé la déchéance du terme pour les trois contrats et a sollicité sans succès la restitution des matériels dont elle restait propriétaire.
Suivant acte d'huissier en date du 17 mai 2019, la SAS Claas Financial Services a fait assigner la SARL Moisson Ensilage M. & Fils devant le président du Tribunal de commerce de Bourges, statuant en référé, aux fins d'obtenir sa condamnation à lui restituer sous huit jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard les matériels sus-décrits, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure.
La SARL Moisson Ensilage M. & Fils n'a pas comparu, ni constitué avocat.
Par ordonnance rendue le 2 juillet 2019, le président du Tribunal de commerce de Bourges, statuant en référé, a :
- condamné la SARL Moisson Ensilage M. & Fils à restituer à la SAS Claas Financial Services, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance, les matériels ci-après :
* Une moissonneuse-batteuse CLAAS modèle Lexion 580, n° de série 58602489, objet du contrat de crédit matériel agricole n°Y0101940
* Une ensileuse CLAAS modèle Jaguar 840 T4F, n° de série 49601162, accompagnée d'un bec CLAAS modèle Orbis 730 3T, d'une coupe CLAAS Direct Disc 5M, n° de série I8001250 et d'un chariot de transport CLAAS Direct Disc 500 n° de série 46901180, le tout objet du contrat de crédit équipement n°Z0015441
* Un télescopique CLAAS modèle Scorpion 7030, n° de série 415030012, objet du contrat de crédit-bail équipement agricole n° Y0020519 ;
- condamné la SARL Moisson Ensilage M. & Fils à verser à la SAS Claas Financial Services une indemnité de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens dont les frais de greffe taxés à 42,79 euros.
Le président du Tribunal a notamment retenu le défaut de règlement de plusieurs échéances par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils et l'absence de succès de l'intégralité des démarches tendant à obtenir la restitution des équipements, ainsi que l'existence de stipulations contractuelles permettant d'étendre la résiliation à l'ensemble des contrats intervenus entre les parties nonobstant leur parfait accomplissement.
La SARL Moisson Ensilage M. & Fils a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 22 juillet 2019.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 décembre 2019 auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SARL Moisson Ensilage M. & Fils, appelante, demande à la Cour, au visa de l'article 1171 du code civil, de :
Infirmer l'ordonnance de référé de Monsieur le Président du TRIBUNAL DE COMMERCE de BOURGES du 2 Juillet 2019,
Dire n'y avoir lieu à restitution par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils à la SAS Claas Financial Services des matériels suivants :
- moissonneuse batteuse CLAAS modèle LEXION 580, numéro de série 58602489,
- ensileuse CLAAS modèle JAGUAR 840 T4F, numéro de série 49601162, accompagné d'un bec CLAAS modèle ORBIS 750 3T, d'une coupe CLAAS DIRECT DISC 5M, numéro de série I8001250 et d'un chariot de transport CLAAS DIRECT DISC 500 numéro de série 46901180,
- télescopique CLAAS modèle SCORPION 7030, numéro de série 415030012,
Condamner la SAS Claas Financial Services sous astreinte de 100 euros par jour de retard à restituer à la SARL Moisson Ensilage M. & Fils les matériels suivants :
- moissonneuse batteuse CLAAS modèle LEXION 580, numéro de série 58602489,
- ensileuse CLAAS modèle JAGUAR 840 T4F, numéro de série 49601162, accompagné d'un bec CLAAS modèle ORBIS 750 3T, d'une coupe CLAAS DIRECT DISC 5M, numéro de série I8001250 et d'un chariot de transport CLAAS DIRECT DISC 500 numéro de série 46901180,
- télescopique CLAAS modèle SCORPION 7030, numéro de série 415030012,
Débouter la SAS Claas Financial Services de son appel et de ses demandes incidents,
Condamner la SAS Claas Financial Services aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Condamner la SAS Claas Financial Services au paiement d'une indemnité de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SARL Moisson Ensilage M. & Fils fait notamment valoir que seuls les contrats de vente peuvent comporter une clause de réserve de propriété permettant au vendeur d'exercer une action en restitution en cas de défaillance de l'acheteur. Les trois contrats litigieux étant des contrats de crédit-bail pour lesquels une action en restitution du matériel loué n'a aucun caractère autonome mais dépend au contraire de l'application d'une clause résolutoire en cas de retard du paiement des échéances par le preneur, la SARL Moisson Ensilage M. & Fils affirme que le crédit-bailleur doit au préalable faire jouer la clause résolutoire pour non paiement s'il souhaite récupérer le bien qu'il a financé.
Elle relève que la SAS Claas Financial Services n'a pas demandé au stade du référé la résolution des trois contrats de crédit-bail et ne peut ainsi prétendre à obtenir la restitution immédiate des matériels livrés à la SARL Moisson Ensilage M. & Fils.
La SARL Moisson Ensilage M. & Fils ajoute que pour que soit ouverte la voie de restitution, il est nécessaire que chaque contrat de crédit-bail conclu entre les sociétés intimée et appelante ait été régulièrement publié, ce dont la SAS Claas Financial Services n'a nullement justifié.
Elle indique par ailleurs avoir formulé des propositions concrètes et précises de règlement des impayés constatés sur chaque contrat, sans obtenir de la SAS Claas Financial Services d'autre réponse que l'assignation devant le juge des référés. Elle propose de reprendre le paiement des locations sur chaque contrat suivant nouvel échéancier qui prendrait effet à la date souhaitée par la SAS Claas Financial Services, majoré d'intérêts de pénalité de retard pour compenser les impayés déplorés depuis seulement quelques mois.
La SARL Moisson Ensilage M. & Fils précise enfin que les matériels litigieux ont été restitués à la SAS Claas Financial Services les 26 septembre, 3 et 4 octobre 2019.
[*]
Dans ses dernières conclusions notifiées le 2 décembre 2019, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SAS Claas Financial Services, intimée et appelante à titre incident, demande à la Cour, au visa des articles 15, 16, 564, 905-2, 954, 872 et 873 du Code de Procédure Civile, 1134 du Code Civil dans sa rédaction en vigueur au jour de la conclusion des contrats n°Y0101940 et Y0020519, 1103 du Code Civil dans sa rédaction en vigueur au jour de la conclusion du contrat n°Z015441, 32-1 du Code de Procédure Civile et 1240 du Code Civil, de :
- Écarter des débats les conclusions notifiées par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils le 28 novembre 2019, soit 3 jours ouvrables avant l'audience de plaidoirie, au regard de la violation manifeste du principe du contradictoire,
- Déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 28 novembre 2019 en ce qu'elles répondent à l'appel incident formulé le 27 septembre 2019, soit bien au-delà du délai d'un mois,
- Déclarer irrecevable la demande nouvelle de condamnation à restitution sous astreinte formulée par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils à l'encontre de la SAS Claas Financial Services dans les conclusions notifiées le 28 novembre 2019,
- Déclarer la SARL Moisson Ensilage M. & Fils mal fondée en son appel et l'en débouter.
- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 2 juillet 2019 par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de BOURGES, sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes d'astreinte et de dommages-intérêts pour procédure abusive présentées par la société Claas Financial Services.
- Déclarer l'appel incident de la société Claas Financial Services recevable et bien fondé pour ces deux chefs.
Y faisant droit,
- Assortir la condamnation à restitution d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 10 septembre 2019, correspondant à la date de l'ordonnance de référé rendue par Madame le Premier Président de la Cour d'appel de BOURGES qui a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de BOURGES le 2 juillet 2019.
- Compte-tenu de la restitution entre les mains de l'huissier de justice intervenue les 3 et 4 octobre 2019, fixer le montant de l'astreinte pour la période allant du 11 septembre au 2 octobre 2019 à la somme de 32 jours x 100 euros = 3200 euros,
- Condamner la SARL Moisson Ensilage M. & Fils à verser à la société Claas Financial Services la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire.
- Condamner la SARL Moisson Ensilage M. & Fils à verser à la société Claas Financial Services une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles devant la Cour d'appel de BOURGES.
- Condamner la SARL Moisson Ensilage M. & Fils aux entiers dépens de la procédure et allouer, pour ceux d'appel, à la SCP Avocats Centre le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes, la SAS Claas Financial Services expose notamment, concernant les contrats numéros Y0101940 relatif à la moissonneuse-batteuse et Z015441 relatif à l'ensileuse, qu'ils ne constituent pas des contrats de crédit-bail mais des contrats de crédit équipement, destinés à financer l'acquisition de matériel agricole par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils, chacun par le biais d'une vente de matériel, financée par un contrat de crédit, et comportant une clause de réserve de propriété au profit du vendeur, dans les droits duquel le prêteur est subrogé jusqu'à paiement complet par l'acquéreur-emprunteur.
Concernant le contrat Y0020519 relatif au télescopique, la SAS Claas Financial Services indique qu'il s'agit du seul contrat entre les parties n'ayant pas fait l'objet d'incidents de paiement et du seul contrat de crédit-bail équipement agricole objet du litige. La SAS Claas Financial Services précise toutefois que le contrat n° Y0101940 comportait une clause prévoyant qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, tous les autres contrats conclus entre l'emprunteur aux présentes, le prêteur ou l'une des sociétés de son groupe (Art 145 du CGI) puissent être, si bon semblait au prêteur, résiliés de plein droit.
Elle justifie ses demandes tendant au prononcé d'une astreinte et à la condamnation de l'appelante à dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire par la mauvaise foi qu'elle impute à la SARL Moisson Ensilage M. & Fils, dont elle estime qu'elle n'a eu de cesse d'empêcher toute forme d'exécution de son obligation de restitution à seule fin de terminer les moissons avec du matériel ne lui appartenant pas et pour le financement duquel elle n'a pas versé paiement depuis de nombreux mois et ce, malgré le caractère exécutoire de plein droit de l'ordonnance de référé.
[*]
L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 4 décembre 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la recevabilité des conclusions produites par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils :
Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
L'article 16 du même code dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations
L'article 905-2 du même code prévoit que l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.
L'article 954 du même code dispose que les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées. La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
En l'espèce, concernant les conclusions notifiées le 28 novembre 2019 par RPVA par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils, l'audience ayant été fixée au 4 décembre 2019, il doit être relevé que la SAS Claas Financial Services a été en mesure d'en prendre connaissance et d'y répondre, de façon développée, dans ses écritures notifiées le 2 décembre suivant, malgré la brièveté du délai qui lui était ainsi laissé. Elles seront en conséquence jugées recevables.
Concernant l'argumentation développée dans ses conclusions notifiées le 28 novembre 2019 par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils en réplique à la demande de dommages et intérêts présentée par la SAS Claas Financial Services, il convient d'observer que les conclusions d'intimée avec appel incident de cette dernière ont été notifiées par RPVA le 27 septembre 2019. Le délai imparti à la SARL Moisson Ensilage M. & Fils pour y répondre expirait de ce fait le 28 octobre 2019. Cette argumentation est dès lors irrecevable.
Sur la recevabilité de la demande de restitution présentée par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils :
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, la restitution des matériels litigieux survenue les 26 septembre, 3 et 4 octobre 2019 constitue un fait nouveau survenu postérieurement à la déclaration d'appel et à la notification des premières conclusions de la SARL Moisson Ensilage M. & Fils. La demande qu'elle présente aux fins de restitution de ces matériels, qui ne pouvait par nature pas intervenir avant que leur reprise par la SAS Claas Financial Services ne soit effective, sera en conséquence jugée recevable.
Sur les demandes principales des parties tenant à la restitution des matériels :
Il ressort des dispositions de l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du même code, que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi.
En l'espèce, le contrat n° Y0101940 concernant le financement de l'achat d'une moissonneuse-batteuse est un contrat de crédit équipement, qui prévoyait le remboursement des fonds avancés par la SAS Claas Financial Services selon six échéances d'un montant de 25959,29 euros chacune. Le procès-verbal de livraison-réception régularisé le 24 juin 2016 comporte une clause de réserve de propriété au profit du fournisseur et du prêteur subrogé à titre de garantie du paiement du prix de la vente, prévoyant que « l'emprunteur accepte que soit différé le transfert de propriété du matériel jusqu'à la réalisation effective par ses soins du complet paiement du prix de vente » et que « en demandant au prêteur que soit versée au fournisseur, au titre du paiement du prix, la somme objet du crédit, l'emprunteur accepte que le prêteur soit subrogé dans les droits et actions du fournisseur, nés de la réserve de propriété ci-dessus. »
Cette clause permet à la SAS Claas Financial Services, en cas de défaillance de la SARL Moisson Ensilage M. & Fils, de demander que le matériel financé lui soit restitué sur mise en demeure, et sans préjudice de son droit à recouvrer l'intégralité de sa créance.
La SARL Moisson Ensilage M. & Fils ne saurait ainsi se prévaloir de la qualification erronée de crédit-bail qu'elle attribue au contrat en cause, non plus que d'un défaut de mise en œuvre de la clause résolutoire intégrée au contrat de crédit-bail ou d'un défaut de publication dudit contrat dont elle n'indique au demeurant pas le fondement légal ou réglementaire ni les modalités.
La SAS Claas Financial Services produit aux débats la mise en demeure de régler sous huitaine la somme de 25959,29 euros, adressée le 8 février 2019 à la SARL Moisson Ensilage M. & Fils à la suite d'incidents de paiement, le courrier recommandé du 18 mars 2019 par lequel elle a prononcé la déchéance du terme et demandé paiement de la somme de 105074,78 euros et la mise en demeure de restituer le matériel sous huitaine, adressée par courrier recommandé du même jour.
Le contrat n° Z015441 concernant le financement de l'achat d'une ensileuse est un contrat de crédit équipement, qui prévoyait le remboursement des fonds avancés par la SAS Claas Financial Services selon quatorze échéances d'un montant de 29340 euros chacune. Le procès-verbal de livraison-réception régularisé le 1er septembre 2017 comporte une clause de réserve de propriété au profit du fournisseur et du prêteur subrogé à titre de garantie du paiement du prix de la vente strictement identique à celle qui avait été portée au contrat n° Y0101940, ci-dessus détaillée.
La SARL Moisson Ensilage M. & Fils ne saurait ainsi se prévaloir de la qualification erronée de crédit-bail qu'elle attribue à ce deuxième contrat, non plus que d'un défaut de mise en œuvre de la clause résolutoire intégrée au contrat de crédit-bail ou d'un défaut de publication dudit contrat dont elle n'indique au demeurant pas le fondement légal ou réglementaire ni les modalités.
La SAS Claas Financial Services produit aux débats la mise en demeure de régler sous huitaine la somme de 29640 euros, adressée le 7 février 2019 à la SARL Moisson Ensilage M. & Fils à la suite d'incidents de paiement, le courrier recommandé du 18 mars 2019 par lequel elle a prononcé la déchéance du terme et demandé paiement de la somme de 354101,28 euros et la mise en demeure de restituer le matériel sous huitaine, adressée par courrier recommandé du même jour.
Le contrat n°Y0020519, régularisé le 24 mars 2016, est un contrat de crédit-bail équipement agricole portant sur un télescopique livré à la SARL Moisson Ensilage M. & Fils le 26 février 2016, suivant procès-verbal de livraison-réception du matériel établi entre les parties. Ce contrat prévoit un premier loyer à la livraison de 868,66 euros HT puis 83 loyers mensuels de même montant.
Aucun incident de paiement n'a été relevé dans le cadre de l'exécution de ce contrat.
Néanmoins, le contrat de crédit équipement n°Y0101940 (portant sur la moissonneuse-batteuse) comporte en son article 5 « défaillance de l'emprunteur » une clause prévoyant que « si le contrat est résilié pour l'un des motifs visés au présent article, tous les autres contrats qui auraient pu être conclus entre l'emprunteur aux présentes, le prêteur ou l'une des sociétés de son groupe (art. 145 du CGI) seront, si bon semble au prêteur, résiliés de plein droit ».
Ce contrat n°Y0101940 a été résilié par la SAS Claas Financial Services le 18 mars 2019, à la suite d'une défaillance de la SARL Moisson Ensilage M. & Fils dans le paiement des échéances convenues. La clause précitée était dès lors susceptible de recevoir application si la SAS Claas Financial Services jugeait opportun de s'en prévaloir, ce qui est le cas en l'espèce. Le fait que les trois contrats en cause n'aient pas été interdépendants et que le contrat portant sur le téléscopique ait présenté une nature juridique distincte des deux autres est insuffisant à établir le caractère abusif de cette clause. L'existence de cette clause ne crée pas davantage de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de nature à permettre de la qualifier d'abusive.
La résiliation des contrats et la reprise des matériels litigieux par la SAS Claas Financial Services, intervenue les 26 septembre, 3 et 4 octobre 2019, correspondent ainsi à la simple exécution des stipulations contractuelles liant les parties.
L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a ordonné la restitution des matériels litigieux, et la demande présentée par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils tendant à la restitution des matériels repris par la SAS Claas Financial Services rejetée comme étant dépourvue de fondement.
Le prononcé d'une astreinte ne se justifie nullement, la restitution ordonnée étant effective depuis le 4 octobre 2019 et aucun élément ne venant caractériser de résistance abusive à l'encontre de la SARL Moisson Ensilage M. & Fils. L'ordonnance entreprise sera également confirmée sur ce point.
Sur la demande indemnitaire présentée par la SAS Claas Financial Services :
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est constant que le droit d'agir ou de se défendre en justice ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, les demandes formulées par la SARL Moisson Ensilage M. & Fils en cause d'appel ou devant la Première présidente de la cour d'appel ne répondent pas aux caractéristiques ci-dessus évoquées et ne peuvent ainsi être considérées comme abusives. Il n'est pas davantage caractérisé de résistance abusive à l'exécution de l'ordonnance de référé, la reprise des matériels étant intervenue depuis plusieurs mois.
La SAS Claas Financial Services sera ainsi déboutée de sa demande présentée à ce titre.
Sur l'article 700 et les dépens :
L'équité et la prise en considération de l'issue du litige commandent, en outre, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de condamner en conséquence la SARL Moisson Ensilage M. & Fils, qui succombe en l'essentiel de ses prétentions, à payer à la SAS Claas Financial Services la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. La SARL Moisson Ensilage M. & Fils, succombant en l'essentiel de ses prétentions, devra en conséquence supporter la charge des entiers dépens en cause d'appel, dont distraction au profit de la SCP Avocats Centre, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance entreprise sera par ailleurs confirmée de ces chefs.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
CONFIRME l'ordonnance de référé rendue le 2 juillet 2019 par le président du Tribunal de commerce de Bourges en l'intégralité de ses dispositions ;
Et y ajoutant,
DEBOUTE la SAS Claas Financial Services de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE la SARL Moisson Ensilage M. & Fils à payer la somme de 1.500 euros à la SAS Claas Financial Services sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE la SARL Moisson Ensilage M. & Fils aux entiers dépens en cause d'appel, dont distraction au profit de la SCP Avocats Centre en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
L'arrêt a été signé par M. SARRAZIN, Président de Chambre, et par Mme MINOIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. MINOIS L. SARRAZIN