CA LYON (3e ch. A), 11 juin 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8447
CA LYON (3e ch. A), 11 juin 2020 : RG n° 18/00104
Publication : Jurica
Extrait : « La société M. soutient à titre principal la nullité du contrat signé le 16 novembre 2016 avec la société Locam du fait de l'absence des informations précontractuelles obligatoires concernant la faculté de rétractation et d'un bordereau de rétractation, le contrat ayant été signé hors établissement et n'entrant pas dans le champ de son activité principale. Elle ajoute qu'elle n'avait alors qu'un seul salarié ce qui lui permet de se prévaloir des termes de l'article L. 221-1 du code de la consommation.
La société Locam répond de manière inopérante que les dispositions des articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation n'ont pas vertu à s'appliquer à la société M. car cette dernière n'a pas invoqué ce texte. Elle fait valoir que le texte imposant la présence d'un bordereau de rétractation n'est pas requise en l'espèce en ce qu'elle a été démarchée dans le cadre de son activité professionnelle.
Elle prétend à tort que le contrat de location financière est exclu du champ d'application des dispositions du code de la consommation régissant les contrats conclus hors établissement, car il ne s'agit pas d'un service financier défini par l'article 3.3 d de la Directive 2011/83UE et exclu par l'article L. 221-2 de ce code. Ce contrat de location n'est pas assimilable à une opération de crédit car la location n'est pas assortie d'une option d'achat et la directive invoquée rappelle d'ailleurs qu'un service financier est défini comme « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements. » Il n'est pas exclu du champ d'application de l'article L. 221-3 comme n'étant pas une opération connexe aux opérations de banque.
Les autres critères d'application du texte sont justifiés et non contestés par la société Locam, le contrat ayant été signé hors établissement, pour louer des matériels informatiques n'entrant pas dans le champ de son activité de pompes funèbres.
La société Locam ne discute pas l'absence de respect des termes du code de la consommation imposant l'information et la mise à disposition d'un bordereau dédié pour l'exercice du droit de rétractation édicté dans l'article L. 221-5 du même code. La sanction de cette violation du texte est la nullité du contrat. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 11 JUIN 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/00104. N° Portalis DBVX-V-B7C-LOM7. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE, Au fond, du 14 novembre 2017 : R.G. n° 2017f00825.
APPELANTE :
SARL PF M. exerçant sous l'enseigne « LOST FUNERAIRE »
[...], [...], Représentée par Maître Julien T. de la SELARL LEXFACE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉE :
SAS LOCAM
[...], [...], Représentée par Maître Michel T. de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
Date de clôture de l'instruction : 24 octobre 2019
Date de mise à disposition : 11 juin 2020
Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne-Marie ESPARBÈS, président, - Hélène HOMS, conseiller, - Pierre BARDOUX, conseiller
Vu l'état d'urgence sanitaire, la présente décision est rendue sans audience en l'absence d'opposition des parties et en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;
La décision est portée à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/202030000319/FC.
Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées par tout moyen, Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SARL PF M. (M.) est appelante par acte du 4 janvier 2018 d'un jugement réputé contradictoire rendu le 14 novembre 2017 par le tribunal de commerce de Saint-Étienne qui, sur le fondement d'un contrat de location de matériel et avec exécution provisoire, l'a condamnée à payer à la SAS Locam la somme de 10.790,08 € + 1 € à titre de clause pénale outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, a ordonné la restitution du matériel objet du contrat à la société demanderesse sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 6ème jour suivant la signification, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.
Par ordonnance du 18 décembre 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la société M. en sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans une instance l'opposant à la société Next télécom, fournisseur du matériel objet du contrat signé avec la société Locam.
[*]
Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 23 septembre 2019, fondées sur les articles 1152 devenu 1231-5, 1244-1 devenu 1345-3 du code civil, L. 121-16-1, L. 211-1 et suivants, L. 221-1 et L. 221-5 du code de la consommation, la société M. demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
à titre principal,
- dire et juger que le contrat de location financière n° 1301254 a été conclu dans un lieu où la société Locam n'exerce pas son activité et en présence simultanée des deux parties, la société Next télécom ayant été mandatée par la société Locam pour remettre le contrat litigieux, qui est établi sur papier à son entête, et le faire signer,
- dire et juger que son activité principale a trait aux services funéraires et que le contrat portant sur un autocommutateur, un poste numérique et trois cartes n'entre pas dans son champ,
- dire et juger qu'elle ne compte qu'un salarié et que le contrat entre dans le champ d'application des dispositions des articles L. 211-1 [lire L. 221-1] [N.B. précision figurant dans l’arrêt] et suivants du code de la consommation,
- dire et juger que le contrat ne contient pas les informations précontractuelles obligatoires prévues par ces textes et notamment les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétractation, ainsi que le formulaire-type de rétractation,
- dire et juger nul le contrat et débouter la société Locam de l'intégralité de ses demandes,
- condamner reconventionnellement la société Locam à lui payer la somme de 744 € correspondant aux quatre loyers dont elle s'est acquittée,
à titre subsidiaire,
- dire et juger qu'hormis le contrat de location financière faisant intervenir les sociétés Locam et Next télécom, elle n'a régularisé aucun autre contrat avec cette société Next télécom,
- dire et juger que son activité principale a trait aux services funéraires et que la commande portant sur un autocommutateur, un poste numérique et trois cartes n'entre pas dans son champ,
- dire et juger qu'elle ne compte qu'un salarié,
- dire et juger que la commande financée par le contrat de location financière n° 1301254 a nécessairement été régularisée à son siège social et conclue dans un lieu où la société Next télécom n'exerce pas son activité et en présence simultanée des deux parties et que cette commande entre dans le champ d'application des dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation,
- dire et juger que la société Locam s'est acquittée du paiement de la facture de la société Next télécom à l'occasion de la signature du procès-verbal de livraison et de conformité conformément à l'article 1er des conditions générales du contrat de location financière, sans procéder préalablement aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le démarchage à domicile était affecté d'une cause de nullité car le contrat n'a pas fait l'objet d'un écrit sauf pour la société Locam à en rapporter la preuve contraire,
- dire et juger que la société Locam a ainsi commis une faute la privant de son droit à agir à son encontre et la débouter de l'intégralité de ses demandes,
à titre infiniment subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de la société Locam au titre de la clause pénale à la somme de 1 €,
- dire qu'elle est une débitrice malheureuse et de bonne foi et lui octroyer des délais de paiement pour s'acquitter de sa dette avec une imputation de ses règlements en priorité sur le capital,
- condamner la société Locam à lui payer une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct.
[*]
Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 25 février 2019, fondées sur les articles 1103, 1231-2 et 1343-5 du code civil, les articles liminaire, L. 111-2, L. 222-1 et suivants du code de la consommation et les articles L. 311-2 et L. 511-21 du code monétaire et financier, la société Locam demande à la cour de :
- dire non fondé l'appel de la société M. et la débouter de toutes ses demandes,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a réduit la clause pénale de 10 % à l'euro symbolique et lui allouer à ce titre la somme complémentaire de 1.079,01 € outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure distribuée le 23 juin 2017,
- condamner la société M. à lui régler une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens d'instance et d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
A titre liminaire, sont inopérants les développements faits par les parties sur l'incident de sursis à statuer tranché par le conseiller de la mise en état qui ne les conduisent pas à présenter des prétentions dans le dispositif de leurs dernières écritures, sur lesquelles la cour est tenue uniquement de statuer.
L'article L. 221-3 du code de la consommation, situé dans le chapitre « Contrats conclus à distance et hors établissement » prévoit que « Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »
La société M. soutient à titre principal la nullité du contrat signé le 16 novembre 2016 avec la société Locam du fait de l'absence des informations précontractuelles obligatoires concernant la faculté de rétractation et d'un bordereau de rétractation, le contrat ayant été signé hors établissement et n'entrant pas dans le champ de son activité principale. Elle ajoute qu'elle n'avait alors qu'un seul salarié ce qui lui permet de se prévaloir des termes de l'article L. 221-1 du code de la consommation.
La société Locam répond de manière inopérante que les dispositions des articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation n'ont pas vertu à s'appliquer à la société M. car cette dernière n'a pas invoqué ce texte. Elle fait valoir que le texte imposant la présence d'un bordereau de rétractation n'est pas requise en l'espèce en ce qu'elle a été démarchée dans le cadre de son activité professionnelle.
Elle prétend à tort que le contrat de location financière est exclu du champ d'application des dispositions du code de la consommation régissant les contrats conclus hors établissement, car il ne s'agit pas d'un service financier défini par l'article 3.3 d de la Directive 2011/83UE et exclu par l'article L. 221-2 de ce code.
Ce contrat de location n'est pas assimilable à une opération de crédit car la location n'est pas assortie d'une option d'achat et la directive invoquée rappelle d'ailleurs qu'un service financier est défini comme « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements. »
Il n'est pas exclu du champ d'application de l'article L. 221-3 comme n'étant pas une opération connexe aux opérations de banque.
Les autres critères d'application du texte sont justifiés et non contestés par la société Locam, le contrat ayant été signé hors établissement, pour louer des matériels informatiques n'entrant pas dans le champ de son activité de pompes funèbres.
La société Locam ne discute pas l'absence de respect des termes du code de la consommation imposant l'information et la mise à disposition d'un bordereau dédié pour l'exercice du droit de rétractation édicté dans l'article L. 221-5 du même code.
La sanction de cette violation du texte est la nullité du contrat.
Par infirmation du jugement entrepris, il convient de la prononcer, de débouter la société Locam de toutes ses demandes et de la condamner à rembourser, au titre de la remise en état, les mensualités qu'elle a perçues soit 744 €.
En cet état, les prétentions subsidiaires formées par la société M. n'ont pas à être examinées.
La société Locam succombe et doit supporter les dépens de première instance et d'appel, seuls ces derniers pouvant être recouvrés directement du fait de l'absence de constitution obligatoire d'avocat devant le tribunal de commerce, comme indemniser la société M. des frais irrépétibles engagés devant la cour.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Prononce la nullité du contrat signé par les sociétés PF M. (SARL) et Locam (SAS) le 16 novembre 2016,
Déboute la SAS Locam de toutes ses demandes,
Condamne la SAS Locam à rembourser à la SARL PF M. la somme de 744 €,
Condamne la SAS Locam à verser à la SARL PF M. une indemnité de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Locam aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5946 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Informatique