CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-3), 18 juin 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8453
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-3), 18 juin 2020 : RG n° 19/09592 ; arrêt n° 2020/121
Publication : Jurica
Extrait : « M. Y. et son épouse Mme X. épouse Y., qui ne soutiennent plus le caractère abusif de la clause au terme de laquelle la société venderesse serait en droit de bénéficier d'un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés, demandent que soient retenus 76 jours correspondant au double des 38 jours de retard pris en considération par l'expert. Ajoutant avoir exposé des frais de location d'un logement, de garde-meubles, de déménagement transitoire, etc. ils sollicitent une indemnisation de 10.000 € à ce titre. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-3
ARRÊT DU 18 JUIN 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/09592. Arrêt n° 2020/121. ARRÊT AU FOND. N° Portalis DBVB-V-B7D-BENYO. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 24 juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 12/13328.
APPELANTS :
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par Maître Maud D.-G. de la SCP C. G. M. D. G., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Maître Sophie R.-B., avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur Y.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Maud D.-G. de la SCP C. G. M. D. G., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Maître Sophie R.-B., avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
SCCV SCI
[...] RCS de NANTERRE sous le N° XXX, demeurant [adresse], représentée par Maître Agnès E. de la SCP E.-A.- C. & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Maître Stéphane E. de la SELARL B.-E.-DE C., avocat au barreau de MARSEILLE
Vu l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars applicable en période d'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
Vu l'accord donné par toutes les parties pour que la procédure se déroule selon la procédure sans audience ;
L'affaire a été examinée par la cour qui était composée de : Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente (rapporteur), Mme Béatrice MARS, Conseiller, Mme Florence TANGUY, Conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 4 juin 2020, prorogé au 18 juin 2020, le dossier de plaidoirie de l'avocat de l'appelant n'ayant pas été déposé.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 juin 2020, Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 20 juillet 2006 les époux Y. ont signé avec la SCI [...] un contrat de réservation concernant un appartement de type 4 au 4ème étage d'un ensemble qui allait être édifié dénommé Parc [...], pour un prix de 590.000 €, avec une livraison envisagée pour le 1er trimestre 2009.
L'acte d'achat définitif a été signé le 28 décembre 2006 et prévoyait une livraison pour le 2ème trimestre 2009.
Le chantier ayant pris du retard, le constructeur a périodiquement reporté la date prévue pour la livraison, laquelle n'a pu intervenir que le 26 janvier 2010.
Le procès-verbal de livraison dressé le 26 janvier 2010 a fait apparaître de nombreuses réserves qui ont été complétées par des lettres des 4 et 13 février 2010 signalant l'apparition de nouveaux désordres et invitant le constructeur à les supprimer.
En l'état de la carence de la société venderesse, les époux Y. ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille et par ordonnance en date du 13 mai 2011 il a été fait droit à leur demande d'expertise, Mr Vincent C. ayant été désigné comme expert.
L'expert a déposé son rapport définitif le 12 mai 2012.
Le tribunal de grande instance de Marseille par jugement du 24 juillet 2015 a condamné à la SCCV SCI [...] à payer aux époux Y. la somme de 1.800 € au titre des travaux de reprise, la somme de 1000 € au titre du préjudice subi du fait du retard de livraison, la somme de 800 € au titre du trouble de jouissance, outre 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt rendu le 18 janvier 2018, la 3ème chambre de la cour d'appel d'Aix en Provence a :
- Réformé partiellement le jugement déféré
- A déclaré abusive et a donc annulé la clause relative aux causes légitimes de suspension de délai de livraison
- A condamné la SCCV [...] a payé aux époux Y. les sommes suivantes :
- 2.500 € au titre des travaux de reprise,
- 900 € au titre de moins-value pour défaut de verticalité
- 10.000 € à titre de dommages et intérêt pour le préjudice résultant du retard de livraison
- 2.000 € au titre de dommages et intérêts pour le trouble de jouissance
- 1.000 € au titre de l'article 700 du CPC.
Sur pourvoi formé par la SCCV [...], la Cour de cassation a par arrêt du 23 mai 2019 :
Cassé et Annulé mais seulement en ce qu'il déclare abusive et en conséquence, nulle et de nul effet la clause figurant pages 14 et 15 de l'acte de vente du 28 décembre 2006 conclu entre la SCCV [...] et M. et Mme Y. sous le titre « causes légitimes de suspension du délai de livraison » en ce qu'il y était stipulé qu'en cas de survenance des évènements relatés, « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier » et en ce qu'il condamne la SCCV à payer à M. et Mme Y. la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison, l'arrêt rendu le 18 janvier 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.
La Cour de cassation a considéré qu'en statuant ainsi, alors que la clause d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la cour a violé l'art 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation.
[*]
Dans leurs dernières conclusions en date du 9 août 2019, les époux Y. demandent à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1231-1 du code civil, (anciennement 1184 du code civil)
A TITRE PRINCIPAL
DIRE ET JUGER que les époux Y. ont été livrés avec 184 jours de retard
DIRE ET JUGER que l'expert judiciaire a retenu 38 jours de retard justifiés
DIRE ET JUGER que les époux Y. sont en droit de valoriser l'indemnisation du préjudice résultant du retard de livraison sur la base de 108 jours de retard.
DIRE ET JUGER que les époux Y. avaient, en première instance valorisé leur préjudice à hauteur de 100€ par jour de retard outre les frais de relogement et de garde meuble.
CONDAMNER la SCCV MARSEILLE 9ème à payer aux époux Y. la somme de 14.630 € à titre de dommages et intérêts du fait des 108 jours de retard de livraison subi
A TITRE SUBSIDIAIRE
DIRE ET JUGER que la livraison est intervenue avec 184 jours de retard et que l'expert judiciaire a retenu 38 jours de retard justifiés
DIRE ET JUGER que la SCCV [...] sera tenue d'indemniser 108 jours de retard
DIRE et JUGER que la cour d'appel dans son arrêt du 18 janvier 2018 a indemnisé à hauteur de 10.000 € les 112 jours de retard de livraison retenus.
CONDAMNER la SCCV MARSEILLE 9ème à payer aux époux Y. la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts du fait des 108 jours de retard de livraison subi
EN TOUT ETAT DE CAUSE
CONDAMNER la SCCV MARSEILLE 9ème à payer aux époux Y. la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC
La CONDAMNER aux entiers dépens, ceux de la présente instance, distraits au profit de la SCP C. G. M. D.-G., sur son offre de droit.
[*]
Dans ses dernières conclusions en date du 9 octobre 2019 la SCCV SCI [...] demande à la cour de :
Vu les articles 1217, 1231-1, 1103, 1104, 1193 (anciens articles 1147, 1134 du Code civil), les articles 1792 et suivants du Code Civil,
DECLARER parfaitement valable la clause contractuelle de l'acte de vente afférente aux causes légitimes de retard,
DIRE ET JUGER que les époux Y. ne peuvent se prévaloir que d'un retard de livraison de 14 jours,
DEBOUTER les époux Y. de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de la concluante,
CONDAMNER les époux Y. au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP E., sur ses offres de droit.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'application de la clause contractuelle :
Dans l'acte de vente du 28 décembre 2006, le vendeur s'obligeait à livrer le bien immobilier acheté en VEFA au plus tard au cours du deuxième trimestre 2009, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de « causes légitimes de suspension » définies au contrat.
En page 14 et 15 du contrat de vente, il était précisé que « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier. Dans un tel cas, la justification de la survenance de l'une de ces circonstances sera apportée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre ».
Le délai initial de livraison expirait le 30 juin 2009 et la livraison est intervenue le 26 janvier, avec un retard de livraison de 6 mois et 26 jours, soit un total de 210 jours.
M. Y. et son épouse Mme X. épouse Y., qui ne soutiennent plus le caractère abusif de la clause au terme de laquelle la société venderesse serait en droit de bénéficier d'un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés, demandent que soient retenus 76 jours correspondant au double des 38 jours de retard pris en considération par l'expert. Ajoutant avoir exposé des frais de location d'un logement, de garde-meubles, de déménagement transitoire, etc. ils sollicitent une indemnisation de 10.000 € à ce titre.
La SCCV SCI [...] estime que les époux Y. ne peuvent se prévaloir que d'un retard de 14 jours.
Selon l'attestation du maître d'œuvre daté du 26 octobre 2010, le total des jours ouvrés justifiant d'un arrêt de chantier est de 70 jours, correspondant à 14 semaines de 5 jours ouvrés, auxquelles il convient d'ajouter 2 jours ouvrés par semaine, soit 28 jours (2 jours x 14 semaines), pour obtenir un total de 98 jours.
Le vendeur est légitime à opposer le double du temps de retard, soit 196 jours.
Le retard de livraison dont peuvent se prévaloir les époux Y. est donc de 210 - 196 = 14 jours. En tenant compte des frais de location d'un autre logement pour 650 €/mois, de frais de garde-meubles de 220 €/mois et de frais de déménagement qu'ils ont dus engager dans l'attente de la livraison de leur logement, le préjudice qu'ils ont subi du fait du retard de livraison doit être indemnisé par l'allocation de la somme de 2.000 euros.
Sur les autres demandes :
Il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront à la charge de M. Y. et Mme X. épouse Y.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 18 janvier 2018 ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 23 mai 2019 ;
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 24 juillet 2015 en ce qu'il a condamné la SCCV SCI [...] à payer à M. Y. et Mme X. épouse Y. la somme de 1.000 € au titre du préjudice subi du fait du retard de livraison ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la SCCV SCI [...] à payer à M. Y. et Mme X. épouse Y. la somme de 2.000 € au titre du préjudice subi du fait du retard de livraison ;
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. Y. et Mme X. épouse Y. aux dépens et autorise la SCP E. à faire application de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE