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CA RENNES (2e ch.), 26 juin 2020

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 26 juin 2020
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 17/00880
Décision : 20/344
Date : 26/06/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 7/02/2017
Numéro de la décision : 344
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8486

CA RENNES (2e ch.), 26 juin 2020 : RG n° 17/00880 ; arrêt n° 344

Publication : Jurica

 

Extrait : « Cependant, si les clauses supprimant ou réduisant le droit à réparation du préjudice subi par un consommateur en cas de manquement du professionnel à ses obligations contractuelles sont irréfragablement abusives en application de l'article R. 132-1 devenu R. 212-1 du code de la consommation, cette circonstance est inopérante sur le présent litige qui porte précisément sur la détermination exacte des obligations contractuelles du chantier naval, et non sur la suppression du droit à réparation du propriétaire du bateau en cas de faute du chantier naval.

Il résulte à cet égard de ce qui précède que le contrat liant les parties était une convention de location d'emplacement de stockage à sec du navire, et non un contrat de dépôt, de sorte que la société ANJ ne s'était pas engagée à assurer la garde et la conservation du bateau et à restituer celui-ci à son propriétaire. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 26 JUIN 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n°17/00880. Arrêt n° 344. N° Portalis DBVL-V-B7B-NV4E.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président de chambre : Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rédacteur,

Assesseur : Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Conseillère,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER : Mme Aichat ASSOUMANI,

ARRÊT :Contradictoire, prononcé publiquement le 26 juin 2020 par mise à disposition au greffe,

 

APPELANTE :

SARL ATELIER NAUTIQUE DE JADE

prise en la personne de ses représentants légaux, [...], [...], Représentée par Maître Emmanuel E. de la SELARL LE P., D., E., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [...], Représenté par Maître Patrick LE T. de la SCP OUEST AVOCAT CONSEILS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Propriétaire d'un bateau de plaisance, M. X. en a, selon facture du 2 décembre 2015, confié à la société Atelier nautique de Jade (la société ANJ) la sortie d'eau, l'entretien et le stockage du navire et de son moteur.

Le moteur a été volé dans la nuit du 17 au 18 mars 2016 alors que le bateau se trouvait toujours entreposé sur le parc du chantier naval.

Prétendant que les parties étaient liées par un contrat de dépôt salarié et que la société ANJ avait manqué à ses obligations de gardiennage et de restitution, M. X. l'a, par acte du 2 septembre 2016, fait assigner en paiement de dommages-intérêts devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire.

La défenderesse n'a pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 19 janvier 2017, le premier juge a :

- condamné la société ANJ à payer à M. X. les sommes de 12.647 euros en réparation de son préjudice matériel et de 500 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- dit que les sommes dues portent intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2016,

- condamner la société ANJ au paiement d'une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société ANJ aux dépens.

Faisant valoir que les parties n'étaient pas liées par un contrat de dépôt, mais de location d'un emplacement de stockage du bateau à terre, et qu'elle ne s'était pas engagée à en assurer la garde, la société ANJ a relevé appel de cette décision le 7 février 2017, pour demander à la cour de :

- à titre principal, dire qu'elle n'est pas responsable du vol du moteur,

- débouter M. X. de ses demandes,

à titre subsidiaire, dire que la demande de réparation du préjudice matériel à hauteur de 13.489,96 euros est une prétention nouvelle formée pour la première fois en cause d'appel et la rejeter,

- débouter en conséquence M. X. de sa demande au titre du préjudice matériel,

- dire que le préjudice de jouissance n'est pas démontré et débouter en conséquence M. X. de sa demande y relative,

- à titre infiniment subsidiaire, dire que le préjudice de M. X. ne pourra dépasser la somme de 10 663,63 euros,

- en tout état de cause, dire que la société ANJ a été privée d'un degré de juridiction,

- condamner M. X. au paiement d'une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

Insatisfait de l'indemnisation qui lui a été allouée, M. X. a quant à lui relevé appel incident, pour demander à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que la société ANJ avait engagé sa responsabilité et devait réparer le préjudice subi,

- à titre principal, allouer à M. X. les sommes de 13.489,96 euros, ou en tous cas de 13.310,92 euros, en réparation de son préjudice matériel et de 2.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a alloué à M. X. les sommes de 12.647 euros en réparation de son préjudice matériel et de 500 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- en tout état de cause, débouter la société ANJ de ses demandes,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société ANJ à payer à M. X. une indemnité de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance,

- y additant condamner la société ANJ au paiement d'une indemnité de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner la société ANJ aux entiers dépens de première instance et d'appel

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société ANJ le 31 janvier 2018 et pour M. X. le 28 décembre 2017, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 27 février 2020.

En application de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale durant l'état d'urgence sanitaire, et en l'absence d'opposition des parties, il a été statué sans débat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

N'ayant pas, en méconnaissance de l'article 755 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la cause, constitué avocat devant le tribunal de grande instance dans le délai de 15 jours à compter de l'assignation du 2 septembre 2016, la société ANJ ne peut sérieusement se plaindre d'avoir été privée d'un double degré de juridiction au seul motif qu'elle a fait écrire le 23 novembre 2016, postérieurement à l'ordonnance de clôture du 7 novembre 2016, qu'elle envisageait enfin constituer avocat et de conclure.

Il ressort par ailleurs du procès-verbal de gendarmerie produit que le bateau reposait, lors du vol avec effraction de son moteur perpétré dans la nuit du 17 au 18 mars 2016, sur sa remorque stationnée sur le parc extérieur clôturé du chantier naval exploité par la société ANJ.

Pour qualifier, comme le réclame M. X., le contrat liant les parties de contrat de dépôt, il convient de rechercher si la société ANJ s'était engagée à assurer la garde et la conservation du bateau et à restituer celui-ci à son propriétaire (Com. 22 janvier 2020, n° 18-18291).

Or, les parties avaient conclu le 24 décembre 2013 une « convention de mise à disposition d'un emplacement à terre » dont l'objet explicite était, en contrepartie du paiement d'une somme de 50 euros par mois, « la location d'un emplacement à terre exclusive de tout gardiennage et de tout dépôt, sans obligation de surveillance », le client s'engageant quant à lui à être « assuré et le rester pendant cette période de stationnement, notamment pour se couvrir des risques d'incendie, explosion, vol, dégradation ou perte ».

Il était en outre convenu que le chantier naval ne pouvait « être tenu responsable de tous les événements dommageables au navire entreposé » et que la police d'assurance du client devait inclure « une clause de renonciation à recours envers le chantier et ses assureurs, tant du propriétaire que de ses assureurs ».

M. X. prétend que ce contrat n'a lié les parties que durant la période d'hivernage 2013-2014 et était arrivé à son terme contractuel à la fin du mois de juin 2014, lorsque le bateau a été remis à l'eau, mais il sera néanmoins observé que, selon les factures produites, la même prestation de « stockage » du navire a été facturée au même tarif de 50 euros TTC pendant la période d'hivernage 2015-2016, ce dont il résulte que l'intention des parties était bien de poursuivre, pendant chacune des périodes d'hivernage successives, leurs relations contractuelles aux mêmes conditions que celles initialement convenues.

Il soutient encore que la convention du 24 décembre 2013 concernait un bateau équipé d'un moteur Mercury, et non du moteur Yamaha qui lui a été volé, mais la circonstance que M. X. avait acquis le 18 juillet 2015 un nouveau moteur pour équiper son bateau Jeanneau Cap Camarat 575 faisant l'objet du contrat de location d'emplacement à terre de 2013 n'est pas de nature à exclure la poursuite, pendant chacune des périodes d'hivernage successives, des relations contractuelles des parties aux mêmes conditions que celles initialement convenues.

Il soutient enfin que la clause d'exclusion de responsabilité de cette convention serait abusive comme créant, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Cependant, si les clauses supprimant ou réduisant le droit à réparation du préjudice subi par un consommateur en cas de manquement du professionnel à ses obligations contractuelles sont irréfragablement abusives en application de l'article R. 132-1 devenu R. 212-1 du code de la consommation, cette circonstance est inopérante sur le présent litige qui porte précisément sur la détermination exacte des obligations contractuelles du chantier naval, et non sur la suppression du droit à réparation du propriétaire du bateau en cas de faute du chantier naval.

Il résulte à cet égard de ce qui précède que le contrat liant les parties était une convention de location d'emplacement de stockage à sec du navire, et non un contrat de dépôt, de sorte que la société ANJ ne s'était pas engagée à assurer la garde et la conservation du bateau et à restituer celui-ci à son propriétaire.

S'étant par ailleurs acquittée de son obligation de fournir, pendant la période d'hivernage, un emplacement dans son parc extérieur clos permettant le stationnement du bateau de M. X. et de sa remorque, et ayant clairement informé son client de ce qu'elle ne fournissait aucune prestation de gardiennage et qu'il appartenait à celui-ci de s'assurer lui-même contre le risque de vol, elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'occasion du vol avec effraction du moteur.

Il convient donc de réformer le jugement attaqué et de débouter M. X. de ses demandes.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la société ANJ l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 19 janvier 2017 par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire en toutes ses dispositions ;

Déboute M. X. de ses demandes ;

Condamne M. X. à payer à la société Atelier nautique de Jade une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X. aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT