CA CAYENNE (ch. civ.), 11 septembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8537
CA CAYENNE (ch. civ.), 11 septembre 2020 : RG n° 19/00563 ; arrêt n° 62
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « A défaut d'élément nouveau, la cour estime que le premier juge a fait une exacte appréciation de la cause ainsi que des droits des parties et a, par de justes motifs qu'elle approuve, prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, mais aussi écarté l'application de l'article 1153 du code civil en ce que les taux légaux applicables depuis la mise en demeure du 7 novembre 2017 sont supérieurs au taux conventionnel du prêt, ôtant ainsi toute efficacité à la sanction de déchéance du droit intérêts conventionnels. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point. »
2/ « La cour relève que, contrairement à ce que l'appelante affirme, le tribunal n'a pas retenu que la déchéance du terme avait été prononcée pour cause de perte d'emploi, mais a, après avoir débouté la banque de sa demande de paiement en l'absence d'historique de compte, déclaré la clause mentionnée supra abusive et dit qu'elle serait réputée non écrite. A défaut d'élément nouveau, la cour estime que le premier juge a fait une exacte appréciation de la cause ainsi que des droits des parties et a, par de justes motifs qu'elle approuve, déclaré cette clause du contrat de prêt du 24 mai 2013 abusive et dit qu'elle serait non écrite. »
[N.B. rappel des motifs du jugement : Il a déclaré abusive et dit que serait réputée non écrite la clause « employé caisse régionale » du contrat de prêt, aux termes de laquelle : « Le prêt étant accordé à l'Emprunteur en sa qualité de salarié de la Caisse Régionale Prêteuse si celui-ci venait à perdre cette qualité pour quelque cause que ce soit, le prêt deviendrait exigible dans les mêmes conditions que celles précisées au point a) du paragraphe Déchéance du terme. Cependant, si l'Emprunteur continue à remplir les conditions requises, le prêt pourra être maintenu à son bénéfice après accord de ladite Caisse aux conditions de droit commun applicables à la catégorie de prêt concerné en vigueur au moment du départ de l'Agent ».
Le tribunal a relevé que cette clause faisait dépendre de la déchéance du terme le maintien d'un contrat de travail entre le prêteur et le consommateur et créait ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.] »
COUR D’APPEL DE CAYENNE
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/00563. Arrêt n° 62.
APPELANTE :
Caisse de Crédit Mutuel CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA MARTINIQUE ET DE LA GUYANE
société coopérative à capital variable, agréée en tant qu'établissement de crédit ; [...], [...], [...], Représentée par Maître Jeannina N., Avocat au barreau de GUYANE
INTIMÉ :
Monsieur X.
[...], [...], Ni comparant, Ni représenté
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : En application des dispositions des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 juin 2020, en audience publique et mise en délibéré au 11 septembre 2020, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Madame Nathalie RAMAGE, présidente de chambre.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame Marie-Laure PIAZZA, première présidente, Madame Micheline BENJAMIN, présidente de chambre, Madame Nathalie RAMAGE, présidente de chambre, qui en ont délibéré.
GREFFIER : Madame Marie-France VASSEAUX, greffière, présente lors des débats et du prononcé
ARRÊT : Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre du 24 mai 2013, la SA Caisse de Crédit Agricole de la Martinique et de la Guyane a octroyé à M. X. un crédit personnel d'un montant total de 21.500 euros.
Par acte du 6 mars 2018, la banque a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Cayenne aux fins, notamment, de le voir condamner à lui payer la somme totale de 13.333,88 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,39 % à compter du 22 décembre 2017 au titre du solde du crédit.
Par jugement contradictoire du 12 avril 2019, le tribunal a :
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts, même au taux légal, de la SA Caisse de Crédit Agricole de la Martinique et de la Guyane s'agissant du contrat de prêt conclu le 24 mai 2013 avec M. X. ;
- déclaré la clause « Employé Caisse Régionale » figurant au contrat de prêt du 24 mai 2013 abusive et dit qu'elle serait réputée non écrite ;
- débouté, en l'état, la SA Caisse de Crédit Agricole de la Martinique et de la Guyane et M. X. de l'ensemble de leurs demandes ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SA Caisse de Crédit Agricole de la Martinique et de la Guyane aux entiers dépens de l'instance ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
[*]
Par déclaration reçue le 5 septembre 2019, la SA Caisse de Crédit Agricole de la Martinique et de la Guyane a interjeté appel limité aux chefs de jugement critiqués à l'encontre de M. X.
Aux termes de ses conclusions du 14 novembre 2019, signifiées à M. X. par acte d'huissier du 19 novembre 2019, l'appelante demande de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- réformer la décision attaquée en ce qu'elle a :
* prononcé la déchéance de son droit aux intérêts,
* déclaré la clause « employé Caisse Régionale »' figurant au contrat de prêt du 24 mai 2013 abusive et dit qu'elle serait réputée non écrite,
* débouté, en l'état la SA Caisse de Crédit Agricole de la Martinique et de la Guyane et M. X. de l'ensemble de leurs demandes,
* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la SA Caisse de Crédit Agricole de la Martinique et de la Guyane aux entiers dépens de l'instance,
*dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Statuant à nouveau :
- dire et juger l'action recevable étant formée dans les deux ans de l'événement qui lui a donné naissance ;
- dire et juger les demandes de la banque tant au titre des échéances que du capital restant dues non atteintes par la forclusion ;
- constater que les obligations précontractuelles ont été remplies par la banque et notamment la consultation préalable du FICP et qu'e1le n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts ;
- constater que la déchéance du terme a été prononcée pour non-paiement des mensualités à l'échéance, le 1er incident non régularisé remontant à mai 2016, conformément aux dispositions contractuelles ;
- condamner M. X. à lui payer la somme de 13.333,88 € en principal arrêtée au 21/12/2017 ;
- dire et juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux conventionnel de 1,3900 % à compter du 22/12/2017 jusqu'à parfait paiement ;
- condamner M. X. au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[*]
M. X. n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2020.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions susvisées et au jugement déféré.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
Le tribunal, au visa des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, et L. 311-30 du même code dans sa version applicable au litige de la consommation, devenu L. 311-24, a retenu que, s'agissant de la consultation obligatoire du FICP prévue à l'article L. 311-9 du code de la consommation, la banque ne justifiait pas du respect de l'obligation de conserver les preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat sur un support durable telle qu'énoncée à l'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursements des crédits aux particuliers.
Il a relevé que la seule pièce fournie à titre de justificatif faisait état d'une clé non sécurisée, et n'indiquant pas les motifs de la consultation.
Il a en conséquence prononcé la déchéance du droit aux intérêts depuis l'origine par application de l'article L. 311-48 alinéa 2 du code de la consommation.
Le tribunal a par ailleurs, s'agissant des intérêts au taux légal, considéré que les dispositions de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil devaient être écartées en application de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne du 27 mars 2014 dès lors qu'il en résulterait pour le l'appelante la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'elle aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée.
Il a en conséquence indiqué que la somme restant due au titre du prêt litigieux ne porterait pas intérêts, même au taux légal.
L'appelante affirme avoir, conformément à l'arrêté du 26/10/2010, communiqué à la Banque de France tous les éléments relatifs à l'état civil de l'emprunteur, fournis par ce dernier, visant expressément sa date de naissance, en vue de procéder aux recherches et vérifications sur sa solvabilité ; que cette demande de vérification de la solvabilité de l'emprunteur a été adressée antérieurement à l'octroi du prêt intervenu le 24/05/2013, et que la Banque de France a répondu à la banque le 2/05/2013: « 0 Dossier recensé sous la clé 29108IL. ».
Elle indique que les recherches portaient bien sur l'emprunteur, dont la date de naissance était confirmée, outre les 5 premières lettres de son nom ; que la réponse émanait bien de la Banque de France comme en fait foi son sigle apposé sur le résultat de la consultation.
Elle en déduit qu'elle justifie de la consultation du FICP antérieurement à la conclusion du contrat et sollicite le paiement des intérêts contractuels jusqu'à parfait paiement.
S'agissant des intérêts au taux légal, elle conteste le fait que le montant des intérêts qu'elle percevrait est proche ou avoisinant de celui des intérêts au taux conventionnel qu'elle aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée.
[*]
A défaut d'élément nouveau, la cour estime que le premier juge a fait une exacte appréciation de la cause ainsi que des droits des parties et a, par de justes motifs qu'elle approuve, prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, mais aussi écarté l'application de l'article 1153 du code civil en ce que les taux légaux applicables depuis la mise en demeure du 7 novembre 2017 sont supérieurs au taux conventionnel du prêt, ôtant ainsi toute efficacité à la sanction de déchéance du droit intérêts conventionnels.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la clause abusive et la demande de paiement du solde du prêt :
Le tribunal a rejeté cette demande après avoir relevé que la banque ne fournissait aucun historique de compte, considérant que la seule production du tableau d'amortissement ne permettait pas d'analyser les évènements survenus pendant la vie du contrat, d'autant que la question de la forclusion et de la déchéance du droit aux intérêts avait été mise dans le débat.
Ainsi n'était-il pas en mesure de déterminer le montant de la créance et de s'assurer de la véracité de celle-ci.
Il a déclaré abusive et dit que serait réputée non écrite la clause « employé caisse régionale » du contrat de prêt, aux termes de laquelle : « Le prêt étant accordé à l'Emprunteur en sa qualité de salarié de la Caisse Régionale Prêteuse si celui-ci venait à perdre cette qualité pour quelque cause que ce soit, le prêt deviendrait exigible dans les mêmes conditions que celles précisées au point a) du paragraphe Déchéance du terme. Cependant, si l'Emprunteur continue à remplir les conditions requises, le prêt pourra être maintenu à son bénéfice après accord de ladite Caisse aux conditions de droit commun applicables à la catégorie de prêt concerné en vigueur au moment du départ de l'Agent ».
Le tribunal a relevé que cette clause faisait dépendre de la déchéance du terme le maintien d'un contrat de travail entre le prêteur et le consommateur et créait ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
L'appelante prétend que le tribunal a, à tort, considéré que la déchéance du terme avait été prononcée pour cause de perte d'emploi.
Elle soutient que la dite déchéance a pour unique cause le non-respect des échéances, rendant exigible le capital restant dû conformément aux dispositions contractuelles.
Elle se prévaut de la production aux débats d'un historique des paiements du mois de juillet 2013 au mois d'avril 2016 et d'un historique des impayés sur la période du 1er mai 2016 au 1er juin 2019.
[*]
La cour relève que, contrairement à ce que l'appelante affirme, le tribunal n'a pas retenu que la déchéance du terme avait été prononcée pour cause de perte d'emploi, mais a, après avoir débouté la banque de sa demande de paiement en l'absence d'historique de compte, déclaré la clause mentionnée supra abusive et dit qu'elle serait réputée non écrite.
A défaut d'élément nouveau, la cour estime que le premier juge a fait une exacte appréciation de la cause ainsi que des droits des parties et a, par de justes motifs qu'elle approuve, déclaré cette clause du contrat de prêt du 24 mai 2013 abusive et dit qu'elle serait non écrite.
En revanche, le jugement doit être infirmé au vu des pièces désormais produites par la banque qui justifie de la défaillance de l'emprunteur dans les remboursements du prêt.
A la lecture de ces pièces, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu au mois de mai 2016.
La banque ayant assigné M. X. par acte du 6 mars 2018, elle est recevable en sa demande de paiement.
La défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du prêt, accepté le 24 mai 2013, autorise la banque à se prévaloir, conformément aux dispositions des conditions générales du prêt et aux dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige, de la déchéance de son terme et à réclamer paiement de son solde, étant relevé que la mise en demeure préalable exigée par les dites conditions générales a été adressé à l'intimé le 7 novembre 2017 et est restée sans effet.
A l'examen des pièces produites par l'appelante, et au regard de la déchéance du droit aux intérêts retenue plus haut, le solde du prêt s'établit à la somme de 10.692,44 euros, somme ne produisant pas d'intérêts.
Le jugement sera donc infirmé et M. X. sera condamné à verser à l'appelante la somme précitée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Aucune considération tirée de l'équité ne permet de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SA Caisse de Crédit Agricole de la Martinique et de la Guyane de sa demande à ce titre.
Il sera en revanche infirmé en ce qu'il a condamné cette dernière aux dépens.
Les dépens d'appel seront mis à la charge de M. X.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement du tribunal d'instance de Cayenne du 12 avril 2019 sauf en ce qu'il a :
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts, même au taux légal, de la SA Caisse de Crédit Agricole de la Martinique et de la Guyane s'agissant du contrat de prêt conclu le 24 mai 2013 avec M. X. ;
- déclaré la clause « Employé Caisse Régionale » figurant au contrat de prêt du 24 mai 2013 abusive et dit qu'elle serait réputée non écrite ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. X. à payer à la SA Caisse de Crédit Agricole de la Martinique et de la Guyane la somme de 10.692,44€ (dix mille six cent quatre-vingt-douze euros et quarante-quatre centimes) au titre du solde du prêt du 24 mai 2013, somme ne portant pas intérêts,
Condamne M. X. aux dépens de première instance,
Y ajoutant,
Condamne M. X. aux dépens d'appel.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la première présidente et la greffière.
La greffière La première présidente
Marie-France VASSEAUX Marie-Laure PIAZZA