CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 22 septembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8549
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 22 septembre 2020 : RG n° 18/02312
Publication : Jurica
Extrait : « En vertu de ce texte, la seule qualité de professionnel ne suffit pas à exclure l'application de dispositions protectrices du code de la consommation. Ces dispositions sont en effet applicables lorsque le contrat conclu hors établissement, ce qui est le cas, ne présente pas de lien avec l'activité principale du professionnel qui n'emploie pas plus de cinq salariés.
En l'espèce, il n'est pas contesté qu'aucune des appelantes n'emploie de salarié.
La compétence qu'elles ont en matière d'orthophonie n'a strictement aucun rapport avec l'utilisation d'un photocopieur.
Dès lors, les contrats conclus n'entrant pas dans le champ de leur activité principale, elles doivent être considérées comme de simples consommateurs pouvant se prévaloir des dispositions des sections applicables aux relations entre consommateurs et professionnels.
Les pièces produites aux débats permettent de retenir divers manquements dans la délivrance des informations précontractuelles. En revanche contrairement à ce qui est soutenu, les documents contractuels leur ont bien été remis et les contrats de location conclus avec la société Locam comportent bien un formulaire de rétractation. Sans se référer à aucun texte, les appelantes demandent à la cour de prononcer la nullité des contrats conclus avec la société Prestatech et la caducité des contrats conclus avec la société Locam.
Mais de telles sanctions ne sont pas prévues par les articles L. 121-22 et suivants du code de la consommation, étant rappelé que les relations des parties ne sont pas régies par les règles du crédit affecté. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/02312. N° Portalis DBVM-V-B7C-JRIM. Appel d'une décision (R.G. n° 16/01227) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 26 mars 2018, suivant déclaration d'appel du 25 mai 2018.
APPELANTES :
Madame X.
née le [date] à [ville], [adresse]
Madame Y.
née le [date] à [ville], [adresse]
Madame Z. épouse W.
née le [date] à [ville], [adresse]
Madame V.
née le [date] à [ville], [adresse]
Représentés par Maître Régine P. de la SCP CONSOM'ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
Monsieur A. en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL PRESTATECH
(RCS LYON N° XXX) ayant son siège social [adresse], [...], [...], Défaillant
LA SOCIÉTÉ LOCAM
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège. [...], [...], Représentée par Maître Dejan M. de la SELARL D. ET M., avocat au barreau de GRENOBLE
LA SOCIÉTÉ PRESTATECH
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [...], [...]
Représentée par Maître Marie M., avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Hélène COMBES, Président de chambre, Mme Dominique JACOB, Conseiller, M. Laurent GRAVA, Conseiller
DÉBATS : A l'audience publique du 13 juillet 2020 Madame JACOB, Conseiller chargé du rapport en présence de Madame COMBES, Président de chambre, assistées de Mme Anne BUREL, Greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Madame X., Madame Y., Madame Z.-W. et Madame V. exercent la profession d'orthophonistes.
Le 28 octobre 2014, Madame V. qui exerce son activité [ville], a conclu avec la société Prestatech un contrat de maintenance d'un photocopieur Olivetti MF 2400 et un contrat de location avec la société Locam, moyennant 21 loyers trimestriels de 735 euros.
Le 6 mai 2015, Madame Z.-W. qui exerce son activité [ville], a conclu avec la société Prestatech un contrat de maintenance d'un photocopieur Olivetti MF 3100 et un contrat de location avec la société Locam, moyennant 63 loyers mensuels de 249 euros.
Le 16 juillet 2015, Madame X., qui exerce son activité [ville] a conclu avec la société Prestatech un contrat de maintenance d'un photocopieur Olivetti MF 3100 et un contrat de location avec la société Locam, moyennant 63 loyers de 249 euros.
Le 23 juillet 2015, Madame Y., [ville] a conclu avec la société Prestatech un contrat de maintenance d'un photocopieur Olivetti MF 3100 et un contrat de location avec la société Locam, moyennant 63 loyers mensuels de 249 euros.
Invoquant un manquement des deux sociétés aux dispositions du code de la consommation, Madame X., Madame Y., Madame Z.-W. et Madame V. les ont assignées par acte du 11 février 2016, devant le tribunal de grande instance de Grenoble en nullité des contrats, restitution des sommes versées et paiement de dommages intérêts.
Par jugement du 26 mars 2018, le tribunal les a déboutées de leur demande et les a condamnées à payer à la société Prestatech la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles.
Elles ont relevé appel le 25 mai 2018.
Après prononcé de la liquidation judiciaire de la société Prestatech, Madame X., Madame Y., Madame Z.-W. et Madame V. ont appelé à la cause Maître Jérôme A., mandataire judiciaire de la société Prestatech, par acte du 4 octobre 2019.
[*]
Dans leurs dernières conclusions du 27 février 2020, les appelantes demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de prononcer la nullité du contrat conclu avec la société Prestatech, de constater la caducité du contrat conclu avec la société Locam.
Elles sollicitent de la société Locam le remboursement des sommes versées par elles.
Elles réclament 3.000 euros chacune à titre de dommages intérêts et 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles sollicitent la fixation de leur créance au passif de la société Prestatech.
Elles exposent qu'elles ont été démarchées par un représentant de la société Prestatech, qu'elles ont signé les contrats sans bien comprendre qu'il y avait deux contrats avec deux fournisseurs séparés, que les originaux des contrats ne leur ont pas été remis.
Elles font valoir que c'est à tort que le premier juge a exclu les dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation, alors que cette disposition n'est plus en vigueur depuis la loi du 17 mars 2014, entrée en vigueur le 13 juin 2014 et qu'il convient d'appliquer les dispositions de l'article L. 121-16-1 devenu L. 221-3.
Elles invoquent la conclusion de contrats hors établissement et soutiennent qu'ils n'entrent pas dans le champ de leur activité principale, de sorte qu'elles doivent bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation.
Elles se prévalent de divers manquements aux dispositions du code de la consommation ainsi que des manœuvres constitutives d'un dol.
[*]
Dans ses dernières conclusions du 13 février 2020, la société Locam conclut au rejet de toutes les demandes formées contre elle et réclame 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle réplique que le droit de la consommation n'est pas applicable en l'espèce dès lors que les contrats présentent un rapport direct avec l'activité des appelantes qui ne peuvent être considérées comme des consommateurs.
Elle soutient encore que le droit de la consommation n'est pas applicable aux contrats de longue durée.
Elle invoque subsidiairement des contrats portant sur des services financiers. Elle conteste le dol allégué.
[*]
Assignée à personne habilitée, la Selarl Jérôme A. mandataire judiciaire de la société Prestatech n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 juin 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
Pour rejeter la demande des appelantes, le premier juge a considéré qu'elles ne peuvent invoquer le bénéfice des dispositions du code de la consommation dès lors que les matériels ont été commandés dans leurs locaux professionnels, pour l'exercice de leur activité professionnelle et qu'elles ont réceptionné les matériels sur leur lieu de travail.
L'article L. 121-16-1 III du code de la consommation issu de la loi du 17 mars 2014, applicable aux contrats conclus après le 13 juin 2014, devenu L. 221-3 dispose :
« III. - Les sous-sections 2, 3, 6 et 7, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »
En vertu de ce texte, la seule qualité de professionnel ne suffit pas à exclure l'application de dispositions protectrices du code de la consommation.
Ces dispositions sont en effet applicables lorsque le contrat conclu hors établissement, ce qui est le cas, ne présente pas de lien avec l'activité principale du professionnel qui n'emploie pas plus de cinq salariés.
En l'espèce, il n'est pas contesté qu'aucune des appelantes n'emploie de salarié.
La compétence qu'elles ont en matière d'orthophonie n'a strictement aucun rapport avec l'utilisation d'un photocopieur.
Dès lors, les contrats conclus n'entrant pas dans le champ de leur activité principale, elles doivent être considérées comme de simples consommateurs pouvant se prévaloir des dispositions des sections applicables aux relations entre consommateurs et professionnels.
Les pièces produites aux débats permettent de retenir divers manquements dans la délivrance des informations précontractuelles.
En revanche contrairement à ce qui est soutenu, les documents contractuels leur ont bien été remis et les contrats de location conclus avec la société Locam comportent bien un formulaire de rétractation.
Sans se référer à aucun texte, les appelantes demandent à la cour de prononcer la nullité des contrats conclus avec la société Prestatech et la caducité des contrats conclus avec la société Locam.
Mais de telles sanctions ne sont pas prévues par les articles L. 121-22 et suivants du code de la consommation, étant rappelé que les relations des parties ne sont pas régies par les règles du crédit affecté.
S'agissant des dols allégués, les manœuvres invoquées ne sont pas établies et l'on voit mal en quoi les appelantes ont été placées dans une situation de faiblesse.
Au surplus, elles ont été en mesure de constater dès la signature des contrats, qu'un contrat était conclu avec la société Prestatech et un contrat avec la société Locam.
Les appelantes seront déboutées de leurs demandes de nullité et de caducité des contrats qu'elles ont exécutés.
S'agissant de leurs demandes en paiement, elles apparaissent incompréhensibles n'étant étayées par aucune pièce.
Il sera observé à cet égard que ni Madame Z.-W., ni Madame V. n'expliquent les circonstances dans lesquelles elles ont perçu les sommes de 5.040 euros et 4.000 euros de la société Prestatech.
Quant à Madame Y. elle ne chiffre pas sa demande.
Le jugement sera confirmé, sauf en ses dispositions relatives à l'indemnité allouée à la société Prestatech sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société Locam.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame X., Madame Y., Madame Z.-W. et Madame V. de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Prestatech et de la société Locam.
- L'infirmant sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu d'allouer une indemnité de ce chef à la société Prestatech.
- Y ajoutant, déboute la société Locam de sa demande au titre des frais irrépétibles.
- Condamne Madame X., Madame Y., Madame Z.-W. et Madame V. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale