CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 17 septembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8552
CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 17 septembre 2020 : RG n° 17/14505
Publication : Jurica
Extrait : « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombe aux parties.
Les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.
Par ailleurs, si la notion de prescription s'attache à une action, il est admis qu'elle est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.
Il s'en déduit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.
C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 331-8 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige.
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'appelante produit à hauteur d'appel la fiche dialogue signée par l'emprunteur.
Par conséquent, le motif tiré de l'insuffisance de la vérification de solvabilité de l'emprunteur soulevé par le juge de première instance n'est pas fondé, et le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé pour ce motif, la déchéance du droit aux intérêts contractuels. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9
ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/14505 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7B-B3ZJO. Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 décembre 2016 -Tribunal d'Instance d'EVRY – R.G. n° 11-16-001265.
APPELANTE :
SAS SOGEFINANCEMENT
Société par Actions Simplifiée prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés ès-qualité audit siège SIRET XX, [...], [...], Représentée par Maître Sébastien M. G. de la SELARL C. & M.-G., avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMÉ :
M. X.
né le [date] au [ville], [...], [...], Défaillant
COMPOSITION DE LA COUR : En application : - de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;
- de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;
- de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;
L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 30 juin 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure ;
La cour composée comme suit en a délibéré : M. Philippe DAVID, président, Mme Fabienne TROUILLER, conseillère, Mme Agnès BISCH, conseillère.
ARRÊT : rendu par défaut - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - par Mme Fabienne TROUILLER, conseillère ayant participé au délibéré pour le président empêché et par madame Léna Etienne greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par acte sous seing privé en date du 14 mai 2011, M. X. a contracté auprès de la société SOGEFINANCEMENT un prêt personnel d'un montant de 17.200 euros, remboursable en 84 mensualités moyennant un taux débiteur annuel fixe de 7,6 %.
Par suite d'impayés, la déchéance du terme a été prononcée.
Par acte du 25 août 2016, la société SOGEFINANCEMENT a assigné M. X. devant le tribunal d'instance d'Évry aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer les sommes de 12.389,19 euros, dont la somme de 887,70 euros d'indemnité de clause pénale outre les intérêts au taux contractuel de 7,7 % sur la somme en principal de 11.485,25 euros à compter du 9 février 2016 et de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X. a sollicité des délais de paiement.
Par jugement contradictoire du 16 décembre 2016, le tribunal d'instance d'Évry a :
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts,
- condamné M. X. à payer à la société SOGEFINANCEMENT la somme de 3.804,04 euros au titre du contrat de crédit,
- débouté la société SOGEFINANCEMENT de sa demande d'indemnité au titre de la clause pénale,
- autorisait M. X. à apurer la dette en 19 mensualités de 200 euros,
- condamné M. X. à payer à la société SOGEFINANCEMENT la somme de 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a retenu qu'aucune fiche de dialogue n'était versée aux débats, que le prêteur ne justifiait pas avoir vérifié la solvabilité de l'emprunteur avant la conclusion du contrat et que le débiteur s'acquittait déjà de mensualités de 200 euros afin d'apurer sa dette de sorte qu'était justifié l'octroi de délais de paiement.
Par acte du 19 juillet 2017, la société SOGEFINANCEMENT a interjeté appel de la décision.
[*]
Dans ses dernières conclusions remises le 19 octobre 2017, la société SOGEFINANCEMENT demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels, a limité la condamnation sollicitée, l'a déboutée de sa demande d'indemnité au titre de la clause pénale, a accordé des délais de paiement, et s'agissant de tous les chefs de ses demandes qui ont été rejetés,
- juger que les arguments visant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme pré-contractuel ou contractuel, sont prescrits eu égard au délai de prescription quinquennale,
- subsidiairement, juger qu'elle établit avoir vérifié la solvabilité de M. X. au vu de la fiche de dialogue Ressources et Charges produites et des fiches de paie produites,
- juger, en conséquence, qu'elle n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts contractuels,
- constater que la déchéance du terme a été prononcée,
- subsidiairement, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt au vu des manquements de l'emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit et fixer la date des effets de la résiliation au 9 février 2016,
- en tout état de cause, condamner M. X. à lui payer la somme de 11.121,21 euros outre les intérêts au taux contractuel de 7,60 % l'an à compter du 15 novembre 2016 en remboursement du crédit,
- subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, condamner M. X. à lui payer la somme de 4.107,50 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 24 février 2016,
- ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la date de l'assignation dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
- en cas d'octroi d'un échéancier qui ne saurait excéder la durée légale de 24 mois, juger qu'en cas de non-règlement d'une seule échéance à bonne date, l'intégralité de la créance deviendra immédiatement exigible,
- en tout état de cause, condamner M. X. à lui payer la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante fait valoir qu'elle est bien fondée à solliciter l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, alors qu'au moment où il a été soulevé, l'argument était prescrit depuis le 14 mai 2016 en vertu du délai légal de 5 ans.
[*]
M. X., auquel la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 28 septembre 2017 et 24 octobre 2017, n'a pas constitué avocat.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 juin 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le contrat signé par les parties le 14 mai 2011, est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, résultant de la loi 2010-737 promulguée le 1er juillet 2010.
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombe aux parties.
Les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.
Par ailleurs, si la notion de prescription s'attache à une action, il est admis qu'elle est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.
Il s'en déduit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.
C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 331-8 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige.
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'appelante produit à hauteur d'appel la fiche dialogue signée par l'emprunteur.
Par conséquent, le motif tiré de l'insuffisance de la vérification de solvabilité de l'emprunteur soulevé par le juge de première instance n'est pas fondé, et le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé pour ce motif, la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
Sur le montant de la créance :
L'appelante produit à l'appui de sa demande :
- l'historique du compte,
- le tableau d'amortissement,
- le décompte de la créance,
- la sommation de payer adressée le 24 février 2016 à M. X.
Au vu des pièces justificatives produites, l'appelante est en droit de réclamer à M. X. la somme de 11.121,21 euros correspondant à la somme de 913,60 euros au titre des mensualités échues impayées, à la somme de 10.571,65 euros au titre du capital restant dû au 9 septembre 2016, à la somme de 16,24 euros au titre des intérêts de retard au taux de 7,60 % l'an jusqu'au 9 février 2016, à la somme de 887,70 euros au titre de l'indemnité d'exigibilité anticipée de 8 % et à la somme de 632,02 euros, déduction faite des règlements reçus au contentieux de 1.900 euros.
M. X. sera par conséquent condamné à verser à la société SOGEFINANCEMENT la somme de 11.121,21 euros, majorée des intérêts au taux contractuel de 7,60 % l'an à compter du 15 novembre 2016.
Aucune capitalisation des intérêts ne sera ordonnée, celle-ci étant prohibée en application des articles L. 311-23 à L. 311-25 du code de la consommation qui énumèrent les droits du prêteur en cas de défaillance de l'emprunteur.
En l'absence de contestation sur ce point le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé des délais.
Sur les dépens et la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
L'intimé, qui succombe en appel, sera condamné aux entiers dépens.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
statuant selon la procédure sans audience prévue à l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, à laquelle l'appelante a donné leur accord, par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a accordé des délais et en ce qu'il a condamné M. X. aux dépens et aux frais irrépétibles,
statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts,
Condamne M. X. à verser à la société SOGEFINANCEMENT la somme de 11.121,21 euros, majorée des intérêts au taux contractuel de 7,60 % l'an à compter du 15 novembre 2016, sauf à déduire les versements intervenus au-delà de la somme de 1.900 euros,
Dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts,
Dit que M. X. pourra s'acquitter de sa dette en 23 versements mensuels de 200 euros et en un 24ème versement égal au solde de la dette en capital et intérêts, chaque versement devant intervenir avant le 10ème jour du mois, le premier, avant le 10ème jour du mois suivant la signification du présent arrêt,
Dit qu'à défaut de paiement d'une mensualité à son échéance, l'ensemble de la dette deviendra de plein droit immédiatement exigible sans mise en demeure préalable,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne M. X. aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés par la SELARL C. et M.-G., avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière La Conseillère pour le président empêché