CA RIOM (3e ch. civ. com.), 23 septembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8566
CA RIOM (3e ch. civ. com.), 23 septembre 2020 : RG n° 19/00494
Publication : Jurica
Extrait : « La clause litigieuse, qui fixe les limites de la période d'incapacité temporaire totale garantie, porte sur la définition de cette garantie, donc sur l'objet principal du contrat ; elle est d'autre part énoncée de façon claire et compréhensible, avec la stipulation d'une double limite : le 65ème anniversaire du bénéficiaire, ou sa mise à la retraite ou en pré-retraite, quelle qu'en soit la cause. Il s'ensuit, comme l'a exactement énoncé le premier juge, que cette clause ne peut être considérée comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, et qu'elle ne peut non plus donner lieu à interprétation, au sens des articles 1156 anciens et suivants du code civil, ou de l'article 1190 nouveau du même code, ou encore de l'article L. 133-2 ancien du code de la consommation : la clause d'un contrat ne peut être interprétée que lorsqu'il existe un doute sur son contenu. Dès lors les dispositions de l'article L. 341-16 du code de la sécurité sociale, ayant trait à la conversion d'une pension d'invalidité en pension de vieillesse, n'ont aucune incidence sur la portée de la clause en litige. »
COUR D’APPEL DE RIOM
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/00494. N° Portalis DBVU-V-B7D-FFOP. Sur APPEL d'une décision rendue le 6 février 2019 par le Tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND (RG n° 17/00355 ch. 1 cab. 2)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, M. François KHEITMI, Conseiller, Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé
ENTRE :
APPELANT :
M. X.
[...], [...], Représentant : Maître Bernard G., avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
ET :
INTIMÉE :
Société CNP PASSURANCES (GROUPE CAISSE DES DÉPÔTS)
SA immatriculée au RCS de Paris sous le n° XXX [...], [...], Représentant : la SCP C. DE R. C. B. G. & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
DÉBATS : L'affaire a été retenue sans audience conformément à l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, les parties étant informées de la date de mise en délibéré au 23 Septembre 2020, par avis en date du 9 juin 2020.
ARRÊT : Prononcé publiquement le 23 septembre 2020 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure - demandes et moyens des parties :
M. X a contracté, au cours de l'année 2006, deux emprunts auprès de la SA Banque Postale : un emprunt Pactys Liberté portant sur un capital de 116.476 euros, et un emprunt Compte Epargne Logement, sur un capital de 6.274 euros. Les sommes prêtées devaient être remboursées, avec les intérêts, en 180 mensualités, jusqu'en décembre 2021.
M. X a contracté en outre en 2006, auprès de la SA Crédit Foncier de France, un troisième emprunt (prêt à taux 0) de 8.250 euros, remboursable en 204 mensualités.
Ces trois emprunts, destinés à financer un projet immobilier, étaient assortis d'une assurance de groupe, contractée par M. X auprès de la SA CNP ASSURANCES, sous la forme d'une demande d'adhésion du 2 octobre 2006. Les risques garantis comportaient notamment l'incapacité temporaire totale de l'emprunteur.
M. X a été affecté de problèmes de santé qui ont donné lieu au versement d'une pension d'invalidité, attribuée par la CPAM de la Haute-Loire le 22 octobre 2013, et qui ont provoqué son licenciement le 24 janvier 2014, pour inaptitude et impossibilité de reclassement. La SA CNP ASSURANCES a pris en charge les mensualités courantes des trois emprunts, échues depuis le début de l'incapacité de travail de M. X.
CARSAT Auvergne a ensuite notifié à M. X, à effet du 1er juin 2014, l'attribution d'une pension de retraite, qui s'est substituée à la pension d'invalidité. La SA CNP ASSURANCES a suspendu sa prise en charge, à partir de décembre 2014 ; sur réclamation formée par M. X, elle a refusé de prendre en charge les mensualités suivantes, au motif que selon le contrat d'assurance, la garantie incapacité temporaire totale cessait de plein droit à compter du départ de l'assuré en retraite ou en pré-retraite, quelle qu'en soit la cause.
Le 20 janvier 2017, M. X a fait assigner la SA CNP Assurances devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, en lui demandant de déclarer illégale, nulle ou inopposable la clause qui met un terme à la garantie en cas de départ à la retraite de l'assuré, et de condamner la SA CNP Assurances à lui payer la somme principale de 57 162 euros, au titre des échéances de remboursement qu'il avait lui-même payées depuis sa retraite, et de celles qu'il devrait payer jusqu'à son 65ème anniversaire.
Le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, suivant un jugement contradictoire du 6 février 2019, a débouté M. X de toutes ses demandes, et l'a condamné aux dépens.
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M. X, par une déclaration reçue au greffe de la cour le 11 mars 2019, a interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions.
Il demande à la cour de qualifier d'abusive, et de dire nulle et de nul effet la clause du contrat d'assurance qui met un terme à la garantie à la date de mise à la retraite du bénéficiaire. Et il demande la condamnation de la SA CNP Assurances à lui payer la somme susdite de 57 162 euros.
M. X invoque, à l'encontre de la clause en litige, l'article L. 132-1 du code de la consommation, qui déclare abusives les clauses ayant pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Il expose que ce déséquilibre est manifeste dans le cas particulier : il a contracté une garantie qui devait s'appliquer jusqu'à ses 65 ans, et il se trouve privé du bénéfice de cette garantie par le fait d'une mise à la retraite qui lui a été imposée, alors qu'il continue dans le même temps de payer les primes correspondantes. Il invoque aussi l'article L. 341-16 du code de la sécurité sociale, qui permet au bénéficiaire d'une pension d'invalidité de travailler jusqu'à 65 ans : il fait valoir que la clause en litige doit être interprétée, au regard de cet article, en ce sens qu'elle maintient jusqu'aux 65 ans le bénéfice de la garantie pour l'assuré inapte à toute activité professionnelle.
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La SA CNP Assurances demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter M. X de toutes ses demandes. Elle expose notamment que selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, « l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, pour autant que les clauses concernées soient rédigées de façon claire et compréhensible » ce qui est le cas de celle en litige.
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L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 mai 2020, et l'affaire a été retenue selon la procédure sans audience prévue par l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées au greffe le 16 avril et le 31 octobre 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
La clause en litige, qui figure à l'article 10 de la notice d'information du contrat de groupe souscrit par M. X, est rédigée comme suit :
« La garantie ITT cesse à l'échéance du prêt qui suit la mise à la retraite ou préretraite de l'assuré (quelle qu'en soit la cause, y compris les mises à la retraite pour invalidité des assurés relevant d'un statut de la fonction publique ou assimilés), et au plus tard à son 65ème anniversaire, sans entraîner de modification du montant des primes. »
L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat, dispose en son premier alinéa que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le même article précise cependant, dans son septième alinéa, que l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa, ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
La clause litigieuse, qui fixe les limites de la période d'incapacité temporaire totale garantie, porte sur la définition de cette garantie, donc sur l'objet principal du contrat ; elle est d'autre part énoncée de façon claire et compréhensible, avec la stipulation d'une double limite : le 65ème anniversaire du bénéficiaire, ou sa mise à la retraite ou en pré-retraite, quelle qu'en soit la cause. Il s'ensuit, comme l'a exactement énoncé le premier juge, que cette clause ne peut être considérée comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, et qu'elle ne peut non plus donner lieu à interprétation, au sens des articles 1156 anciens et suivants du code civil, ou de l'article 1190 nouveau du même code, ou encore de l'article L. 133-2 ancien du code de la consommation : la clause d'un contrat ne peut être interprétée que lorsqu'il existe un doute sur son contenu. Dès lors les dispositions de l'article L. 341-16 du code de la sécurité sociale, ayant trait à la conversion d'une pension d'invalidité en pension de vieillesse, n'ont aucune incidence sur la portée de la clause en litige.
Et l'attribution à M. X, à effet du 1er juin 2014, d'une pension de retraite personnelle pour inaptitude au travail, se substituant à la pension d'invalidité qui lui était versée jusqu'alors, a fixé le terme de la garantie dont il bénéficiait, peu important à cet égard que M. X n'ait pas demandé le bénéfice de la pension de retraite : le contrat d'assurance prévoit la fin de la garantie en cas de mise à la retraite « quelle qu'en soit la cause », et sans exception.
C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de M. X. Le jugement sera confirmé, et la demande annexe de dommages et intérêts que présente l'appelant, au motif du refus abusif de prise en charge par la SA CNP, sera elle aussi rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et par ceux non contraires du premier juge :
Statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement déféré ;
Rejette toutes les demandes formées devant la cour par M. X ;
Condamne M. X aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
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