CA PARIS (8e ch. sect. A), 9 novembre 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 864
CA PARIS (8e ch. sect. A), 9 novembre 2004 : RG n° 03/19242
Publication : Juris-Data n° 254634
Extrait : « Considérant que l'invocation par le premier juge de la Directive Européenne du 22 décembre 1986 et de la jurisprudence rendue par la Cour de Justice des communautés européennes procède d'une confusion dans l'analyse juridique, le droit européen ne contredisant en rien la conception de l'office du juge en matière d'ordre public de protection telle qu'appliquée par la Cour de Cassation française et les juridictions nationales ; qu'il ressort en effet de cette jurisprudence que si le juge peut soulever d'office le caractère abusif d'une clause insérée dans un contrat de crédit à la consommation et prononcer la déchéance du droit aux intérêts même si le délai de forclusion biennale est dépassé, il n'a jamais été toutefois question de lui permettre de relever d'office toute irrégularité de l'offre préalable de crédit, même au-delà du délai préfix, et de prononcer par voie de conséquence la déchéance du droit aux intérêts au sens de l'article L. 311-33 du Code de la Consommation ».
COUR D’APPEL DE PARIS
HUITIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 9 NOVEMBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 03/19242. Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 février 2003 - Tribunal d'Instance de PARIS 20 - RG n° 200201601.
APPELANTE :
SA FINAREF
prise en la personne de ses représentants légaux [adresse], représentée par la SCP LAGOURGUE OLIVIER, avoué, assistée de Maître BOHBOT, D 430, avocat qui a fait déposer son dossier,
INTIMÉE :
Mademoiselle X.
défaillante.
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 5 octobre 2004, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Didier PIMOULLE, Conseiller faisant fonction de Président, Monsieur Jean PIQUARD, Conseiller (loi du 7 janvier 1988) Madame Viviane GRAEVE, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Danièle ARNABOLDI.
ARRÊT : - défaut - prononcé publiquement par Monsieur Didier PIMOULLE, - signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mme Danièle ARNABOLDI, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Suivant offre préalable acceptée le 13 avril 1998, la société FINAREF a consenti à Madame X. une ouverture permanente de crédit d'un montant de 15.000 francs accessoire à des contrats de vente ainsi qu'à des prestations de service et/où à des mises à disposition de fonds, utilisable par fractions, assortie d'une carte de crédit Kangourou et ouvrant droit à la perception d'intérêts au taux effectif global révisable de 17,88 % pour un montant de crédit effectivement utilisé inférieur ou égal à 10.000 francs et de 16,92 % au delà de cette somme.
Madame X. ayant interrompu le remboursement des échéances à compter du 21 février 2001, FINAREF l'a vainement mise en demeure le 4 mars 2002 de payer le solde résultant de la déchéance du terme du contrat, puis l'a assignée le 2 décembre 2002 devant le Tribunal d'Instance du 20ème arrondissement de Paris selon les formes de l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile en paiement de 5.795,27 euros au titre du solde du compte avec intérêts au taux de 18,32 % sur 4.716,66 euros à compter du 18 septembre 2002, 377,33 euros au titre de l'indemnité légale de résiliation et 400 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Madame X. n'ayant pas comparu, le Tribunal après avoir soulevé d'office le moyen tiré des manquements par le prêteur aux dispositions du Code de la Consommation a, par jugement réputé contradictoire du 25 février 2003 :
- condamné Madame X. à verser à la société FINAREF les sommes suivantes :
* 3.138,90 euros avec intérêts au taux légal à compter de son prononcé,
* 10 euros au titre de la clause pénale
* 300 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile,
- rejeté pour le surplus,
- et condamné Madame X. aux dépens.
La société FINAREF a relevé appel de cette décision et aux termes de ses uniques écritures déposées le 21 janvier 2004 et développées à la barre par son conseil conclut par une infirmation à se voir adjuger l'intégralité de ses demandes de première instance.
Régulièrement assignée et réassignée en mairie avec dénonciation des conclusions, Mme X. n'a pas constitué avoué ; il sera dès lors statué par défaut.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant que pour entrer en voie de condamnation contre Madame X., nonobstant sa non-comparution, à des sommes bien inférieures à celles qui étaient demandées par l'établissement de crédit le Tribunal a dans un premier temps expliqué qu'il avait la possibilité de relever d'office un moyen relatif au Code de la Consommation, se réclamant en cela tout à la fois de l'ordre public de direction, de la Directive européenne du 22 décembre 1986 et de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, puis a évoqué la forclusion biennale tout en l'écartant au motif qu'elle serait expressément limitée aux actions du prêteur pour en définitive invoquer l'irrégularité du contrat, justifiant à ses yeux la déchéance du droit aux intérêts et a par ailleurs motivé la réduction à la somme à 10 euros du montant de la clause pénale par le fait que l'application du taux de 8 % paraît manifestement excessive au regard du préjudice réellement subi par l'établissement de crédit du fait du retard dans le paiement ;
[minute page 3] Mais considérant que l'appelante reproche à juste titre au premier juge d'avoir relevé d'office certains moyens tirés d'irrégularités formelles de l'offre et alors que l'emprunteur n'avait même pas comparu prononcé contre la société FINAREF la déchéance « de plein droit » des droits aux intérêts ;
Considérant en effet, que la méconnaissance éventuelle du formalisme imposé par les dispositions du Code de la Consommation, même d'ordre public, constitue une nullité de protection que seule peut invoquer la personne que ces dispositions ont pour objet de protéger ;
Considérant que l'invocation par le premier juge de la Directive Européenne du 22 décembre 1986 et de la jurisprudence rendue par la Cour de Justice des communautés européennes procède d'une confusion dans l'analyse juridique, le droit européen ne contredisant en rien la conception de l'office du juge en matière d'ordre public de protection telle qu'appliquée par la Cour de Cassation française et les juridictions nationales ; qu'il ressort en effet de cette jurisprudence que si le juge peut soulever d'office le caractère abusif d'une clause insérée dans un contrat de crédit à la consommation et prononcer la déchéance du droit aux intérêts même si le délai de forclusion biennale est dépassé, il n'a jamais été toutefois question de lui permettre de relever d'office toute irrégularité de l'offre préalable de crédit, même au-delà du délai préfix, et de prononcer par voie de conséquence la déchéance du droit aux intérêts au sens de l'article L. 311-33 du Code de la Consommation ;
Considérant, au surplus, le contrat ayant été signé le 13 août 1998, que la forclusion biennale prévue par l'article L. 311-37 du Code de la Consommation, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001, se serait opposée à la contestation de la régularité formelle de l'offre préalable plus de deux ans après son acceptation par Madame X. ;
Considérant qu'en l'état de ces développements le jugement déféré sera réformé en ce qu'il fait application au compte de la déchéance du droit aux intérêts ;
Considérant que pour justifier ses demandes devant la Cour la société FINAREF produit outre le contrat, des extraits de compte, une mise en demeure notifiée le 4 mars 2002 et un décompte de créance délivré le 4 octobre 2004, mais n'indique pas les raisons du choix par elle fait de la date du 18 septembre 2002 comme point de départ des intérêts ni n'expose d'où sort le chiffre de 7.325,90 euros correspondant au montant total de la créance par elle revendiquée ;
Considérant que l'application de l'indemnité légale de 8 % n'apparaît pas en l'espèce manifestement excessive ; qu'il n'y a pas lieu de la réduire ; que le jugement entrepris sera également réformé de ce chef ;
Qu'en définitive le décompte de la créance de FINAREF s'établit en l'état des pièces produites comme suit :
- intérêts échus impayés : 699,44 euros
- capital restant dû : 4.716,66 euros
- indemnité légale de 8 % : 377,33 euros
Total : 5.763,43 euros
[minute page 4] que Madame Christiane X. sera en conséquence condamnée à payer à la société FINAREF 5.763,43 euros avec intérêts au taux contractuel de 18,32 % sur 5.416,66 euros à compter du 4 mars 2002 et au taux légal à dater du présent arrêt pour le surplus de la somme soit 377,43 euros correspondant à l'indemnité de résiliation ;
Considérant que la décision dont appel sera encore réformée en ce qu'elle a alloué pour frais irrépétibles à l'établissement de crédit 300 euros, l'équité ne commandant pas en effet d'accueillir pareille prétention tant en première instance qu'en appel ;
Considérant que Mademoiselle X. qui succombe voit mis à sa charge les entiers dépens de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant par défaut,
Réforme le jugement sur le montant de condamnations au titre du solde du crédit, le taux et le point de départ des intérêts ainsi que le remboursement des frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ni à réduction du montant de 8 % de l'indemnité de résiliation ;
Condamne en conséquence Madame X. à payer à la société FINAREF la somme de 5.763,43 euros avec intérêts au taux de 18,32 % sur 5.416,66 euros à compter du 4 mars 2002 et au taux légal à dater du présent arrêt pour le surplus de la somme, soit 377,43 euros ;
Déboute la société FINAREF de ses demandes d'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile tant en première instance qu'en appel ;
Décharge en conséquence Madame X. de sa condamnation à payer 300 euros à ce titre ;
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné celle-ci aux dépens d'instance ;
La condamne en outre aux dépens d'appel ;
Admet la SCP LAGOURGUE-OLIVIER, avoués associés, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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