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CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 12 novembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 12 novembre 2020
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 17/21038
Date : 12/11/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/11/2017
Référence bibliographique : 5716 (relevé d’office et déchéance des intérêts), 5725 (relevé d’office et prescription)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8640

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 12 novembre 2020 : RG n° 17/21038 

Publication : Jurica

 

Extrait : « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/21038. N° Portalis 35L7-V-B7B-B4OZU. Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 juillet 2017 - Tribunal d'Instance de PARIS (16ème) – R.G. n° 11-17-000313.

 

APPELANTE :

La société SOGEFINANCEMENT

société par actions simplifiée prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés ès-qualités audit siège, N° SIRET : XXX, [...], [...], [...], représentée et assistée de Maître Sébastien M. G. de la SELARL C. & M.-G., avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] en [ville], [...], [...], DÉFAILLANT

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Agnès BISCH, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte sous seing privé en date du 7 juillet 2006, M. X. a contracté auprès de la société Sogefinancement, un crédit renouvelable d'un montant initial de 9.000 euros, assorti d'un taux d'intérêt variable selon le montant utilisé.

Saisi le 23 mai 2017 par la société Sogefinancement d'une action tendant principalement à la condamnation de l'emprunteur au paiement du solde restant dû après déchéance du terme, le tribunal d'instance de Paris 16ème, par un jugement réputé contradictoire du 28 juillet 2017, auquel il convient de se reporter, a :

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Sogefinancement,

- condamné M. X. au paiement à la société Sogefinancement de la somme de 4.950,34 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,

- débouté la société Sogefinancement du surplus de ses demandes ou contraires,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné M. X. aux dépens.

Le tribunal a retenu que la société Sogefinancement n'apportait pas la preuve de la délivrance de l'instance de l'information annuelle et de son contenu des dispositions des articles L. 311-9 et L. 311-16 du code de la consommation.

[*]

Par une déclaration d'appel du 16 novembre 2017 qui précise les chefs de jugement critiques, la société Sogefinancement a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 16 février 2018 dont le dispositif doit être expurgé des mentions qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Paris 16ème le 28 juillet 2017 en ce qu'il a :

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Sogefinancement,

- limité la condamnation de M. X. au paiement à la société Sogefinancement de la somme de 4.950,34 euros au titre du contrat de crédit du 7 juillet 2006, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,

- débouté la société Sogefinancement de ses demandes plus amples ou contraires,

- de dire que l'argument soulevé par le tribunal à l'audience du 13 juin 2017 tiré d'une déchéance du droit aux intérêts contractuels pour non-respect du formalisme afférent à l'envoi de lettres annuelles de reconduction est prescrit pour les lettres adressées avant avril 2013, de dire n'y avoir à déchéance du droit aux intérêts ;

- de condamner M. X. à lui payer la somme de 10.766,47 € outre intérêts au taux contractuel de 7,34 % l'an à compter du 08/04/2016 sur la somme de 9.724,51 € en remboursement du crédit n° 4004XX493 accepté le 07/07/2006 ;

- subsidiairement, de dire que la déchéance du droit aux intérêts contractuels est limitée à la période postérieure au renouvellement du 07/07/2013, eu égard à la prescription affectant l'argument pour les lettres annuelles de renouvellement antérieures ; de condamner, à tout le moins, M. X. à lui payer la somme de 7.566,51 € outre intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer en date du 21/04/2016 ;

- de condamner M. X. aux dépens et à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante fait valoir principalement que le juge ne peut soulever d'office des violations de dispositions d'ordre public sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts au-delà du délai de prescription de cinq ans ouvert au débiteur lui-même, qu'en l'espèce, l'argument ne peut porter que sur la période postérieure au 17 juin 2013 et qu'elle justifie avoir satisfait son obligation en produisant la copie des lettres annuelles de reconduction qu'il lui incombait d'envoyer.

[*]

Assigné selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile par acte délivré le 2 février 2018, M. X. n'a pas constitué avocat.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010.

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige.

* * *

Le premier juge a retenu que la banque ne justifiait pas avoir satisfait l'article L. 311-9 du code de la consommation alors applicable puis l'article L. 311-16 résultant de la loi du 1er juillet 2010 en ce qu'elle ne produisait pas les lettres annuelles portant proposition de renouvellement du contrat trois mois avant l'échéance et qu'elle devait donc être déchue du droit aux intérêts.

Or, la société Sogefinancement produit devant la cour la copie de lettres destinées à M. X. chaque mois d'avril depuis 2007 et proposant un renouvellement du contrat à l'identique.

En l'absence de contestation sur la réalité de l'envoi de ces lettres, il est retenu que la banque a satisfait son obligation de sorte que le jugement dont appel est infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

* * *

La cour n'étant saisie d'aucune autre contestation, il convient de réformer le jugement dont appel sur le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de M. X. pour y inclure les intérêts au taux contractuel.

En conséquence, M. X. est condamné à payer à la société Sogefinancement la somme de 9.724,51 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 23 février 2016.

Au regard de son caractère manifestement excessif en ce qu'elle s'ajoute à un taux d'intérêt élévé perçu pendant dix années d'exécution du contrat, l'indemnité résiliation dont la société Sogefinancement demande par ailleurs paiement est réduite à 0 euro en application de l'article 1152 ancien du code civil.

* * *

Partie perdante, M. X. supporte les dépens.

L'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'il suit.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

- Infirme le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Sogefinancement ;

- Le réformant en ses autres dispositions,

- Condamne M Jean-André T. à payer à la société Sogefinancement la somme de 9.724,51 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 23 février 2016 ;

- Déboute la société Sogefinancement de toutes autres demandes ;

- Condamne M. X. aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Sogefinancement la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Accorde le bénéfice de l'article 699 du même code à la SELARL C. & M.-G., avocats.

La greffière                           La présidente