CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 17 novembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 17 novembre 2020
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 4e ch.
Demande : 18/00985
Date : 17/11/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/02/2018
Référence bibliographique : 5889 (art. L. 221-3 C. consom.)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8653

CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 17 novembre 2020 : RG n° 18/00985 

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'appelante soutient qu'elle peut invoquer le droit de rétractation dans la mesure où elle remplit les trois conditions requises : - le contrat a été conclu hors établissement ; - elle n'emploie que deux salariés ; - l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de son activité principale.

Les deux premières conditions sont remplies, et cela n'est pas contesté par l'intimée qui en revanche soutient que la troisième ne l'est pas dans la mesure où l'objet du contrat, consistant en l'installation d'un système de communication visant à porter à la connaissance du public une activité, a un rapport direct avec cette activité puisqu'il a vocation à en faciliter l'exercice, ajoutant que d'ailleurs l'appelante en a convenu aux termes d'une clause figurant au recto du contrat, par laquelle elle reconnaît que le site créé a un lien direct avec son activité professionnelle et qu'en conséquence les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables. Cependant, en application de l'article L. 121-21, toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle.

L'appelante est par ailleurs fondée à faire valoir que l'objet du contrat, même s'il peut avoir un rapport direct avec l'exercice de son activité professionnelle puisqu'il vise à en assurer la promotion, n'entre pas dans le champ de cette activité de location de machines et d'équipements pour la construction, à laquelle il est complètement étranger.

Il en résulte qu'elle est en droit de se prévaloir du droit de rétractation prévu par les articles énoncés plus haut, de sorte qu'en l'absence de toute mention au contrat, et de remise d'un formulaire, le contrat est nul.

Il y a lieu en conséquence de déclarer nul le contrat et d'infirmer le jugement qui a condamné la société TP Loc à paiement. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/00985. N° Portalis DBVJ-V-B7C-KJJS (Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller). Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 janvier 2018 (R.G. n° 2017F00082) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 21 février 2018.

 

APPELANTE :

EURL TP LOC

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis, [adresse], représentée par Maître Philippe L. de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Hanane P.-T., avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉES :

SCP S. & B. es qualité de mandataire judiciaire de la société YADACOM SA

et de commissaire à l'exécution du plan de redressement arrêté par jugement du 28 juin 2017 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis, [adresse]

SARL YADACOM

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis, [adresse]

représentées par Maître Aurélie V.-L. de la SELAS AVL AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTERVENANTE :

SELARL M. pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL YADACOM

domicilié en cette qualité au siège sis, [...], non représentée

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 octobre 2020 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth FABRY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Robert CHELLE, Président, Madame Elisabeth FABRY, Conseiller, Madame Catherine BRISSET, Conseiller.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT : - réputé contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société TP Loc a pour activité la location de machines et d'équipements pour la construction, le terrassement et la démolition.

Elle a signé le 15 octobre 2014 avec la société Yadacom, spécialisée dans la communication globale des entreprises, un contrat de mandat assorti d'un bon de commande Pages Jaunes pour les éditions 2015 et un contrat de licence d'exploitation de site web pour une durée de 48 mois moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 479,89 euros TTC ainsi que des frais de création d'un montant de 948 euros TTC.

La société TP Loc ayant interrompu ses règlements, et après vaines mises en demeure, la société Yadacom l'a assignée par exploit d'huissier en date du 20 décembre 2016 devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat de visibilité web à ses torts exclusifs et de la condamner au paiement de diverses indemnités.

La société Yadacom a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 29 juin 2016 qui a désigné la SCP S. B. en qualité de mandataire judiciaire. Un plan de redressement a été arrêté par jugement du 28 juin 2017 et la SELARL M. désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Yadacom.

Par jugement contradictoire en date du 11 janvier 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- débouté la société TP Loc de sa demande au titre de la nullité du contrat ;

- prononcé la résiliation du contrat de visibilité web aux torts exclusifs de la société TP Loc ;

- condamné la société TP Loc à payer à la société Yadacom la somme de 22.075,02 euros à titre d'indemnité de résiliation anticipée ;

- condamné la société TP Loc à payer à la société Yadacom la somme de 2.207,00 euros à titre clause pénale ;

- débouté la société TP Loc de ses demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel et ce sans caution ;

- condamné la société TP Loc à payer à la société Yadacom la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société TP Loc aux dépens.

La société TP Loc a relevé appel du jugement par déclaration d'appel en date du 21 février 2018 énonçant les chefs de jugement expressément critiqués intimant la société Yadacom, la SCP S. B. et la SELARL M. ès qualités.

[*]

Par conclusions déposées en dernier lieu le 24 septembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société TP Loc demande à la cour de :

- vu les articles 1103 et suivants du code civil,

- vu l'article 1219 du code civil,

- vu les articles 1231-1 et suivants du code civil,

- vu les articles L.121-16-1 et suivants du code de consommation,

- vu la jurisprudence,

- vu les pièces versées aux débats,

- à titre principal,

- dire et juger que la société Yadacom n'a pas exécuté ses obligations contractuelles au titre du contrat de licence d'exploitation de site web et au titre du contrat de mandat conclus le 15 octobre 2014 ;

- en conséquence,

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- débouter la société Yadacom de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- prononcer la résolution du contrat de licence d'exploitation de site web aux torts exclusifs de la société Yadacom pour exception d'inexécution,

- condamner la société Yadacom au paiement de la somme de 25.959,78 euros à titre de dommages-intérêts et fixer la créance au passif de la procédure de redressement judiciaire ;

- à titre subsidiaire,

- prononcer la nullité du contrat de licence d'exploitation de site web au titre des manœuvres dolosives exercées par la société Yadacom ;

- constater en tout état de cause, qu'elle n'a pas été informée de son droit de rétractation ni de ses modalités d'exercice ;

- en conséquence,

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- débouter la société Yadacom de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- à titre infiniment subsidiaire,

- ramener à de plus justes proportions l'indemnisation contractuelle de la société Yadacom ;

- rejeter la demande d'indemnisation au titre de la clause pénale,

- en tout état de cause,

- condamner la société Yadacom au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Yadacom aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Maître Philippe L., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société TP Loc fait valoir à titre principal que les demandes sont irrecevables et mal fondées ; que la société Yadacom n'a jamais livré le site internet définitif ; qu'elle n'a pas rempli ses autres obligations au titre du contrat de licence d'exploitation de site web puisqu'elle n'a pas respecté les délais de communication de la première maquette ni des rapports de positionnement ; qu'elle n'a pas respecté ses engagements au titre de contrat de mandat puisqu'elle n'a jamais effectué la moindre démarche ; à titre subsidiaire, que le contrat de licence d'exploitation du site web est nul en raison des manœuvres dolosives de l'intimée et faute de l'avoir informée de son droit de rétractation ; à titre infiniment subsidiaire, qu'il y a lieu de ramener l'indemnité contractuelle à de plus justes proportions et de rejeter la clause pénale disproportionnée et inéquitable.

[*]

Par conclusions déposées en dernier lieu le 18 juillet 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Yadacom demande à la cour de :

- vu les dispositions des anciens articles 1134, 1147 et suivants du code civil,

- vu le contrat souscrit entre les parties le 15 octobre 2014,

- vu le jugement du 11 janvier 2018,

- confirmer purement et simplement le jugement en ce qu'il a :

* prononcé la résiliation du contrat du contrat de visibilité web aux torts exclusifs de la société TP Loc

* condamné la société TP Loc au règlement d'une somme de 22.075,02 euros à titre d'indemnité de résiliation anticipée

* condamné la société TP Loc au règlement d'une somme de 2.207 euros au titre de la clause pénale

* condamné au versement d'une somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens

* ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir

- débouter la société TP Loc de l'ensemble de ses prétentions ;

- en conséquence, à titre principal, déclarer recevable l'ensemble des demandes formulées par elle

- à titre subsidiaire,

- constater la validité et la régularité des contrats par la société TP Loc ;

- débouter cette dernière de ses demandes de nullité au regard du dol et du défaut du respect du droit de rétractation ;

- à titre infiniment subsidiaire, débouter la société TP Loc de sa demande de réduction de la dette à de plus justes proportions et de rejet de clause pénale

- en toutes hypothèses, (sic).

La société Yadacom fait valoir notamment à titre principal, que ses demandes sont recevables ; qu'elle a livré un site internet conforme ainsi qu'en atteste le PV de conformité formalisé lors de la livraison du site le 17 mars 2015; qu'elle a fourni dans les délais prévus les rapports de positionnement ; qu'elle a fait une demande d'insertion auprès des Pages Jaunes qui a été refusée en raison d'un solde débiteur de la société Top Loc ; à titre subsidiaire, que le contrat de licence d'exploitation du site web est valide et régulier en l'absence de manœuvres dolosives ; que les dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation ne sont pas applicables ; que les difficultés de trésorerie alléguées par l'appelante n'ont pas à être prises en compte pour réduire l'indemnité contractuelle.

[*]

La SCP S. B. et la SELARL M.ès qualités, à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été régulièrement signifiées, n'ont pas constitué avocat.

[*]

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 29 septembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande principale :

Les parties ont conclu le même jour, le 15 octobre 2014, deux contrats :

- un contrat de mandat assorti d'un bon de commande Pages Jaunes (pièce 5 de l'appelante) ;

- un contrat de licence d'exploitation de site web (pièce 1 de l'intimée) ;

L'appelante, pour s'opposer à la demande en paiement, oppose :

- à titre principal, l'irrecevabilité et le mal fondé des demandes

- à titre subsidiaire, la nullité du contrat de licence d'exploitation du site web.

 

Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité et du mal fondé des demandes :

La société TP Loc soutient d'abord que contrairement à ses engagements, la société Yadacom n'a jamais réalisé la livraison du site internet définitif ; que la livraison de la 1ère maquette, convenue dans un délai de 3 mois, a eu lieu le 17 mars 2015, avec 2 mois de retard ; que le procès-verbal de réception et de conformité dont se prévaut l'intimée (sa pièce 4) est antidaté; que l'intimée ne peut avoir, le même jour, livré la maquette et le site définitif ; qu'elle est donc fondée à invoquer une exception d'inexécution ; que la société Yadacom lui doit restitution des prélèvements réalisés indûment.

C'est cependant à bon droit que l'intimée, qui produit par ailleurs des échanges dont il ressort que c'est en raison de l'accord des parties que le contrat a débuté en mars 2015 (ses pièces 15 et 16), oppose que la société TP Loc a définitivement réceptionné le site sans observation ni réserve le 17 mars 2015 ainsi qu'il résulte du PV de conformité et de réception signé et tamponné par elle (sa pièce 4) dans lequel elle atteste en avoir vérifié et le bon fonctionnement, aucune conséquence ne pouvant être tirée du fait que la société TP Loc détient un exemplaire vierge de ce PV.

L'appelante allègue ensuite que l'intimée a manqué à ses autres obligations au titre du contrat de licence d'exploitation du site web puisqu'elle n'a fourni le rapport de positionnement que le 1er avril 2016, un an plus tard, et n'a pas créé d'adresse email dans le délai de 3 mois.

L'intimée peut cependant faire valoir qu'elle a fourni les rapports de positionnement (sa pièce 12) et que c'est seulement à la demande expresse du client, qui fait défaut en l'espèce, qu'elle créé une nouvelle adresse ; que l'appelante, comme souvent, a préféré conserver la sienne.

L'appelante soutient enfin que la société Yadacom a manqué aux obligations souscrites au titre du contrat de mandat ; qu'alors qu'elle devait la représenter et accomplir des démarches pour l'achat d'espaces publicitaires dans les annuaires édités par les Pages Jaunes et signer des ordres d'insertion et assurer le suivi de leur exécution pour l'édition 2015, elle n'a jamais effectué la moindre démarche, ce qui a eu pour conséquence de la priver non seulement de la chance de faire une économie de 4.225,44 euros mais a aussi entraîné une perte de chiffre d'affaires de 136.955,35 euros qui fonde sa demande de dommages et intérêts à hauteur 25.000 euros.

Le moyen sera écarté, l'intimée justifiant avoir fait le 3 avril 2015 une commande d'un achat d'espaces publicitaires qui a été refusée le 17 avril 2015 au motif que la société Top Loc était débitrice (pièces 13 et 14 de l'intimée). Même si la société TP Loc a ensuite soldé sa dette et pris l'initiative de re-signer directement un bon de commande auprès des Pages Jaunes, aucun manquement contractuel de la société Yadacom n'est caractérisé, l'intimée étant par ailleurs, et surabondamment, fondée à soutenir qu'elle ne saurait sérieusement être tenue pour responsable de la baisse du chiffre d'affaires qui semble en tout état de cause antérieure à son intervention.

 

Sur la nullité alléguée du contrat de licence d'exploitation du site web :

La société Top Loc soutient d'abord que la société Yadacom, qui l'a incitée à conclure le contrat de licence d'exploitation du site web en se prévalant d'une prétendue spécialisation dans les annuaires Pages Jaunes, et qui n'a cependant jamais procédé à la moindre commande de parutions, a usé de manœuvres dolosives justifiant l'annulation du contrat dès lors qu'il est évident que si l'intimée ne l'avait pas persuadée, notamment par le biais du contrat de mandat, qu'elle optimiserait ses parutions Pages Jaunes en lui faisant réaliser d'importante économies, elle ne l'aurait jamais souscrit.

Le moyen apparaît dépourvu de sérieux, l'appelante procédant par de simples allégations sans rapporter aucune preuve d'une fausse promesse ni autre manœuvre cependant que la société intimée peut soutenir que la référence au contrat Pages Jaunes fait bien partie de ses missions, et que le mentionner sur son site n'est en rien fautif ni constitutif d'une manœuvre dolosive, le contrat étant par ailleurs parfaitement conforme puisque comportant toutes les mentions requises.

En revanche, plus pertinent est l'argument tenant au défaut d'information relative au droit de rétractation, fondé sur les articles L. 121-27 I, L. 121-6-III et L. 121-18-1 du code de la consommation dans leur version applicable au contrat litigieux.

L'article L. 121-27-I énumère les informations qui doivent être communiquées au consommateur préalablement à la conclusion du contrat, notamment, au 2°, quand il existe un droit de rétractation, ses conditions, délais et modalités d'exercice ainsi que la remise d'un formulaire type de rétractation.

L'article L. 121-16-1-III dispose que ces dispositions sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du client professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

L'article L.121-18-1 alinéa 1er précise quant à lui que l'exemplaire du contrat remis au consommateur comprend à peine de nullité toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17.

L'appelante soutient qu'elle peut invoquer le droit de rétractation dans la mesure où elle remplit les trois conditions requises :

- le contrat a été conclu hors établissement ;

- elle n'emploie que deux salariés ;

- l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de son activité principale.

Les deux premières conditions sont remplies, et cela n'est pas contesté par l'intimée qui en revanche soutient que la troisième ne l'est pas dans la mesure où l'objet du contrat, consistant en l'installation d'un système de communication visant à porter à la connaissance du public une activité, a un rapport direct avec cette activité puisqu'il a vocation à en faciliter l'exercice, ajoutant que d'ailleurs l'appelante en a convenu aux termes d'une clause figurant au recto du contrat, par laquelle elle reconnaît que le site créé a un lien direct avec son activité professionnelle et qu'en conséquence les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables.

Cependant, en application de l'article L. 121-21, toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle.

L'appelante est par ailleurs fondée à faire valoir que l'objet du contrat, même s'il peut avoir un rapport direct avec l'exercice de son activité professionnelle puisqu'il vise à en assurer la promotion, n'entre pas dans le champ de cette activité de location de machines et d'équipements pour la construction, à laquelle il est complètement étranger.

Il en résulte qu'elle est en droit de se prévaloir du droit de rétractation prévu par les articles énoncés plus haut, de sorte qu'en l'absence de toute mention au contrat, et de remise d'un formulaire, le contrat est nul.

Il y a lieu en conséquence de déclarer nul le contrat et d'infirmer le jugement qui a condamné la société TP Loc à paiement.

 

Sur les demandes accessoires :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les sommes, non comprises dans les dépens, exposées par elle dans le cadre de l'instance. Le jugement qui a condamné la société TP Loc à payer à la société Yadacom la somme de 1 500,00 euros au titre des frais irrépétibles sera donc infirmé, et il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La société Yadacom sera condamnée aux entiers dépens de la procédure.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 11 janvier 2018

Statuant à nouveau

Déclare nul le contrat de licence d'exploitation de site web conclu le 15 octobre 2014 entre la société TP Loc et la société Yadacom

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Yadacom aux entiers dépens, dont recouvrement direct pour ceux d'appel par Me L., avocat qui en fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.