CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 18 novembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8661
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 18 novembre 2020 : RG n° 19/12813
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Au soutien de sa demande sur le fondement de l'article [L. 442-6-I-1° C. com.], la société Garage P. n'évoque pas un avantage particulier ne correspondant à aucun service rendu ou disproportionné au regard de la valeur du service. Il n'est pas sur ce fondement contesté spécifiquement l'avantage des ristournes de fin d'année. Le Garage P. soutient plutôt que l'ensemble des « avantages » obtenus de la société Awp France venant aux droits de Mondial assistance, à savoir la réalisation de la prestation elle-même objet du contrat outre une disponibilité 24h/24, le gardiennage gratuit des véhicules et des ristournes de fin d'année sont manifestement disproportionnés au prix payé pour rémunérer la prestation de dépannage-remorquage bien inférieur au coût réel d'un dépannage. Ce faisant, la société Garage P. fait en réalité état d'un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties résultant de l'inadéquation du prix au service rendu que le juge ne peut contrôler sur le fondement de l'article L. 442-6-I-1°. »
2/ « Si la société Garage P. fait état de plusieurs actions collectives dénonçant les prix des prestations de remorques-dépannage des sociétés d'assistances et Mondiale assistance en particulier, et a refusé à partir de 2009 de payer les ristournes prévues par les dispositions contractuelles, il n'est cependant pas établi que celle-ci était dans une obligation de contracter en raison d'une dépendance économique avec la société Mondial assistance, comme le soutient la société Awp France. […]
De surcroît, concernant l'allégation de la société P. d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations résultant d'une inadéquation entre le prix et le service rendu, il convient de faire plusieurs observations à partir des explications des parties et pièces versées aux débats.
En premier lieu, [analyse des prix fixés par l’assisteur]. En deuxième lieu, l'astreinte de nuit est inhérente à l'activité de dépannage du garage et n'est pas exclusive aux prestations de la société Mondial assistance. L'obligation de gardiennage gratuit ne figure pas aux conditions contractuelles.
Enfin s'agissant des ristournes, il ressort de la convention du 30 novembre 2005 et de ses avenants que les conditions de ristournes sont ainsi prévues : […] Il est noté que ces ristournes sont calculées sur un chiffre d'affaires effectivement réalisé sur l'activité de dépannage avec Mondial assistance.
Comme l'a relevé le tribunal, et sans être utilement contesté par la société appelante, il est admis que le dépannage apporte une activité de réparation qui contribue au développement du chiffre d'affaires et sur laquelle s'exerce la liberté des prix. Sur interrogation de la société Awp France, l'expert dans son rapport (page 18 pièce P. n° 47) répond que la comptabilité générale, et non analytique au cas d'espèce, ne permet pas de déterminer la marge associée aux prestations annexes dépendantes des dépannages/remorquages des autres prestations annexes, la difficulté n'étant pas de vérifier l'existence ou non de prestations annexes au sein du garage P. mais de les rapporter spécifiquement aux dépannages/remorquage. Le Garage P. soutient, mais sans le justifier, que plus de 50 % des interventions aboutissent à un dépannage sur place et l'autre moitié par une réparation dans le garage agrée par l'assureur.
Toutefois, il est rappelé dans la note d'information n° 2010-05 précité et versée aux débats par la société appelante qu'« En l'absence d'agrément par un assisteur, un garage ne saurait exercer qu'une activité de dépannage très marginale. Les agréments garantissent un apport de clientèle et un volume de chiffre d'affaires compensant la faible rentabilité de cette activité notamment par un accroissement du chiffre d'affaires de l'atelier réparation. »
Dès lors, il ressort de l'économie générale de la relation contractuelle qu'une disproportion importante entre les droits et obligations des parties n'est pas démontrée. Il résulte de l'ensemble de ces constatations que les conditions d'application des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce ne sont pas réunies. »
3/ « La société Garage P. soutient que l'avantage, notamment d'assurer une permanence 24h/24 et 365 jours par an n'était assorti d'aucun engagement de volume de la part de la société Mondial assistance. Toutefois, comme l'a relevé le tribunal, et sans être utilement contesté par la société appelante, il n'est pas démontré par celle-ci que cette permanence, inhérente à l'activité des sociétés de dépannage et remorquage, était organisée exclusivement pour les prestations réalisées pour la société Mondial assistance. Les conditions d'application de l'article [L. 442-6-I-3° C. com.] ne sont pas réunies. »
4/ « Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas démontré que la société Mondial assistance a imposé des conditions manifestement abusives concernant les prix. Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats que la société Mondial assistance a résilié la convention de prestation de service le 15 juin 2015 pour des ristournes non payées depuis 2009. Dès lors les conditions d'application des dispositions [de l’art. L. 442-6-I-4° C. com.] ne sont pas réunies. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/12813 (12 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGED. Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 mai 2019 - Tribunal de commerce de PARIS – R.G. n° 2017073133.
APPELANTE :
SARL GARAGE P.
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, Immatriculée au RCS d'ANNECY sous le numéro XXX, Ayant son siège social [adresse], [...], Représentée et assistée de Maître Emmanuel S. de la SELEURL S. AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0290
INTIMÉE :
SAS AWP FRANCE, anciennement dénommée MONDIAL ASSISTANCE France
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, Immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro YYY, Ayant son siège social [adresse], [...], Représentée et assistée de Maître Stéphane B. de la SCP HB & ASSOCIES-H.-R. B. & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0497
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 octobre 2020, en audience publique, devant la cour, composée de : Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, Monsieur Dominique GILLES, conseiller, Madame Sophie DEPELLEY, conseillère, qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sophie DEPELLEY dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, de la chambre 4 du Pôle 5 et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Garage P., spécialisée dans le dépannage et la réparation automobile, a signé le 30 novembre 2005 une convention de prestation de services de dépannage pour une durée indéterminée avec la société Mondiale assistance, devenue Awp France.
La convention a fait l'objet de plusieurs avenants dont le dernier a été signé le 22 septembre 2010. Cette convention comportait des conditions tarifaires assorties de dispositions relatives à des ristournes, dont la société Garage P. devait s'acquitter en fonction du chiffre d'affaires réalisé.
Des différends sont intervenus à compter de 2009 s'agissant du paiement de ces ristournes. Par relances successives, la société Awp France a mis en demeure la société Garage P., le 16 janvier 2015, de les régulariser. Sans réponse ni régularisation, elle a dénoncé la convention le 12 juin 2015.
Par acte du 16 juillet 2015, la société Garage P. a fait assigner la société Awp France devant le juge des référés aux fins d'expertise, tendant à la détermination du coût de revient d'un dépannage-remorquage pour la période 2010-2015.
Estimant avoir subi des préjudices liés aux conditions d'exécution de la convention et aux modalités de la rupture de ses relations commerciales avec la société Awp France, la société Garage P. a assigné cette dernière devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par un jugement du 20 mai 2019, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit que la SAS AWP France n'a pas violé les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
- débouté la société Garage P. de toutes ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice pour violation de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
- débouté la SAS AWP France de sa demande reconventionnelle ;
- condamné la société Garage P. à payer à la SAS AWP France la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie ;
- condamné la société Garage P. aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 € dont 12,85 € de TVA.
[*]
Vu les dernières conclusions, déposées et signifiées le 10 octobre 2019 par la voie électronique, par la société Garage P., par lesquelles il est demandé à la Cour, au visa de l'article L. 422-6 du code de commerce dans sa version applicable aux faits, de :
- Dire et juger la société Garage P. recevable et bien fondée en son appel et en ses demandes.,
- Réformer le jugement rendu entre les parties par la 15e chambre du tribunal de commerce de Paris le 20 mai 2019, RG n° 2017073133, en ce qu'il a :
Dit que la société Awp France n'a pas violé les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
Débouté la société Garage P. de toutes ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice pour violation de l'article L. 442-6 du code de commerce ;
Condamné la société Garage P. à payer à la société Awp France la somme de 10000 € au titre de l'article 700 du CPC déboutant pour le surplus ;
Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
Statuant à nouveau,
- Dire et juger que la société Awp France venant aux droits de la société Mondiale assistance a violé les dispositions de l'article L. 422-6 du Code de commerce :
En se faisant octroyer par la société Garage P. des avantages ne correspondant à aucun service rendu ou manifestement disproportionné ;
En soumettant ou tentant de soumettre la société Garage P. à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
En obtenant ou en tentant d'obtenir de la société Garage P. un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné ;
En obtenant ou en tentant d'obtenir de la société Garage P., sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente.
- Condamner, en conséquence, la société AWP France venant aux droits de la SAS Mondial Assistance à verser à la société Garage P. la somme de 59.740, 30 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 422-6 du Code de commerce.
- Condamner, en conséquence, la SAS AWP France venant aux droits de la SAS Mondial Assistance à verser à la SARL Garage P. la somme de 18.967,08 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 422-6 du Code de commerce, en compensation du préavis de rupture non appliqué ;
- Débouter la SAS AWP France venant aux droits de la SAS Mondial Assistance de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner la SAS AWP France venant aux droits de la SAS Mondial Assistance à verser à la SARL Garage P. la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens, comprenant notamment les frais et honoraires de l'expert judiciaire, soit la somme de 7.500 euros au titre du premier rapport et 17.700 euros au titre du second rapport.
[*]
Vu les dernières conclusions, déposées et signifiées le 21 octobre 2019 par la voie électronique, par la société AWP France, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- Confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a débouté la SARL Garage P. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'a condamnée à payer à AWP France une indemnité de procédure d'un montant de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Débouter la société Garage P. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Statuant à nouveau et infirmant pour le surplus ;
- Condamner la société Garage P. à payer à AWP France une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil ;
- Condamner la SARL Garage P. à payer à AWP France une somme de 12'000 euros à titre d'indemnité de procédure en cause d'appel ;
- Condamner la SARL Garage P. aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
* * *
La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
La société Garage P. fait valoir que les sociétés d'assistance, dont la société Mondial assistance devenue Awp France, ont réussi à capter plus de 70 % de l'activité de remorquage et ont tiré profit de leur position dominante pour imposer à tous les artisans et sociétés de remorquage de France des tarifs identiques non négociables au-dessous du coût de revient de la prestation, de très nombreux avantages en nature non rémunérés et des ristournes en fin d'année. Elle ajoute qu'en 2012, la société Mondial assistance versait indistinctement à tous ses prestataires 62,50 euros HT, soit avec une TVA à 19,6 % (applicable jusqu'au 1er janvier 2014), 74,75 euros TTC par remorquage, diminués de ristournes en fin d'année entre 10 et 15 % du chiffre d'affaires global et que ces tarifs sont inférieurs de 69,75 euros aux barèmes officiels déterminés par le Ministère de l'économie par arrêté du 30 septembre 2011. Elle précise que le 5 janvier 2010, la DGCCRF a adressé aux assisteurs un courrier pour demander de modifier leurs pratiques, mais qui n'a finalement pas été suivi d'effet.
Pour sa situation particulière, la société Garage P. expose que par convention de prestation de service du 30 novembre 2005, puis modifié par avenant, il était prévu une prise en charge des adhérents Mondial assistance aux conditions financières suivantes :
- forfait dépannage sur place (20 km roulés) : véhicule de tourisme, 67,30 euros HT, soit 80,49 euros TTC (TVA 19,6 %)
- forfait 1er remorquage (20 km roulés) : véhicule de tourisme, 62,50 euros TTC (TVA 19,6 %)
La société Garage P. soutient que les tarifs non négociables ont été imposés par la société Mondiale assistance (soit en 2012, avec une TVA à 19,6 %, 74,75 euros TTC pour un remorquage simple et 80,49 euros TTC pour un dépannage sur place), diminués des ristournes de fin d'année, soit entre 10 et 15 % du chiffre d'affaires réalisé, ont été unilatéralement fixés au-dessous des taris officiels sur autoroutes et routes express (144,50 euros en 2011) et du coût de revient de la prestation comme en témoigne les deux rapports d'expertise judiciaire de M. M. évaluant le coût d'un remorquage et d'un dépannage au sein du garage P. de la manière suivante :
- 182,99 euros HT pour l'exercice 2009-2010 ;
- 167,58 euros HT pour l'exercice 2011-2012 ;
- 170,61 euros HT pour l'exercice 2012-2013 ;
- 155,02 euros HT pour l'exercice 2013-2014 ;
- 153, 75 euros HT pour l'exercice 2014-2015.
Il est ajouté que outre des tarifs manifestement au-dessous du prix de revient de la prestation, la société Mondial assistance a imposé à la société Garage P. d'assurer une disponibilité permanente 24h/24 et 365j/an sans engagement de volume ni contrepartie financière lorsque la permanence est assurée en vain, d'assurer gratuitement le gardiennage des véhicules, de lui rétrocéder en fin d'année une quote-part des sommes versées (ristournes) en fonction du volume d'activité, (10 % du chiffre d'affaires s'il est supérieur à 3001 euros ; 15 % du chiffre d'affaires s'il est supérieur à 90 000 euros).
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société Garage P. soutient que :
- « les avantages » obtenus par la société Mondial assistances sont manifestement disproportionnés par rapport au prix payé pour rémunérer la prestation de dépannage-remorquage et celle-ci engage sa responsabilité en application de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce
- il existe un déséquilibre significatif entre les multiples obligations de la société Garage P. et l'unique obligation de la société Mondial assistance, celle-ci engage sa responsabilité en application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,
- le garage P. avait l'obligation d'assumer les frais liés à l'organisation d'une permanence 24h/24 et 365 jours par an (notamment la nuit, les dimanches et jours fériés), sans que la société Mondial assistance ne s'engage sur un volume d'activité permettant de faire face aux dépenses, notamment de personnel, occasionnées par cette contrainte, la société Mondial assistance a engagé sa responsabilité en application de l'article L. 442-6-I-3°,
- sous la menace d'une rupture brutale des relations contractuelles, la société Mondial assistance a manifestement imposé à la société Garage P. des conditions manifestement abusives concernant les prix, et engage sa responsabilité en application de l'article L. 442-6-I-4°,
En conséquence, la société Garage P. sollicite la somme de 59.740,30 euros pour compenser le manque à gagner entre le coût unitaire d'un dépannage et le prix imposé par la société Mondial assistance sur les exercices 2010 à 2015.
Enfin, en application de l'article L. 442-6-I-5°, la société garage P. fait valoir que la société Mondial assistance a brutalement rompu les relations commerciales, en résiliant par lettre du 12 juin 2015 la convention de prestation de service signée le 30 novembre 2005, avec un préavis de 6 mois qui n'a pas été respecté dès lors qu'aucune mission de dépannage n'a été confiée entre le 15 juin et le 15 décembre 2015. Il est soutenu qu'un préavis raisonnable devait être de 12 mois pour 10 ans de relations commerciales établies. Il est sollicité la somme de 18.967,08 euros correspondant à la moyenne des 4 derniers exercices précédant celui de la rupture.
[*]
La société Awp France, venant aux droits de la société Mondial assistance conclut au rejet de l'ensemble des prétentions de la société Garage P. et sur appel incident demande la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 10.000 euros pour procédure abusive.
La société Awp France prétend que les conditions d'application des dispositions de l'article L. 442-6 du code dans sa version antérieure à l'ordonnance de 2019 ne sont pas remplies pour engager sa responsabilité et fait principalement valoir que :
- la rupture du contrat de prestation de service à son initiative le 12 juin 2015 avec un délai de préavis de 6 mois, raisonnable au regard de la nature des relations commerciales, avait pour juste motif le défaut de paiement par la société Garage P. depuis l'exercice 2009 des ristournes conformes aux dispositions contractuelles,
- les ristournes prévues au contrat étaient licites en ce qu'elles avaient comme contrepartie le rôle d'apporteur d'affaires de la société d'assistance et n'étaient exigibles qu'au vu d'une activité effectivement réalisée et d'un chiffre d'affaires effectivement facturé par la société de dépannage,
- aucune pression économique de la part de la société Mondial assistance devenue Awp France n'est démontrée dès lors que les contrats ont été librement négociés, la société Garage P. a signé deux avenants les 30 novembre 2009 et 20 août 2010 sans aucune contestation sur les tarifs, et qu'il y a lieu de relever que l'activité avec Awp France ne représente que 1,38 % du chiffre d'affaire global du Garage P. et 3,5 % du chiffre d'affaires des dépannages,
- l'équilibre des droits et obligations des parties doit être apprécié globalement et il doit être retenu que le garage P. réalise sur les véhicules qui sont confiés en assistance dépannage ou remorquage par la clientèle de la société Mondial Assistance un chiffre d'affaires induit en réparation qui n'est pas comptabilisé sachant que les activités connexes représentent près de 400.000 euros annuels,
- l'astreinte de nuit est inhérente à l'activité de dépannage du garage et n'est pas spécifique aux prestations de la société Mondial assistance,
- sur le coût de revient tel qu'établi par les expertises, celui-ci n'est pas pertinent dès lors qu'il a été calculé sur l'ensemble des dépannages réalisés auprès des sociétés d'assistance et pas spécifiquement Mondial assistance, et ne tient pas compte du chiffre d'affaires réalisés sur la réparation des véhicules confiés,
- les tarifs du contrat de prestation ne sont pas forfaitaires mais dépendent du kilométrage
* * *
Sur la demande en dommages-intérêts de 59.740,30 euros de la société Garage P. fondée sur les l'articles L. 442-6-I, 1° à 4° :
* Sur les avantages sans contreparties allégués sur le fondement de l'article L. 442-6-I-1° :
Selon l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu [...]. »
Au soutien de sa demande sur le fondement de l'article précité, la société Garage P. n'évoque pas un avantage particulier ne correspondant à aucun service rendu ou disproportionné au regard de la valeur du service. Il n'est pas sur ce fondement contesté spécifiquement l'avantage des ristournes de fin d'année. Le Garage P. soutient plutôt que l'ensemble des « avantages » obtenus de la société Awp France venant aux droits de Mondial assistance, à savoir la réalisation de la prestation elle-même objet du contrat outre une disponibilité 24h/24, le gardiennage gratuit des véhicules et des ristournes de fin d'année sont manifestement disproportionnés au prix payé pour rémunérer la prestation de dépannage-remorquage bien inférieur au coût réel d'un dépannage. Ce faisant, la société Garage P. fait en réalité état d'un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties résultant de l'inadéquation du prix au service rendu que le juge ne peut contrôler sur le fondement de l'article L. 442-6-I-1°.
* Sur le déséquilibre significatif allégué sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° :
Aux termes de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : [...] 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont, en premier lieu, la soumission ou la tentative de soumission et, en second lieu, l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif.
Concernant la soumission ou de la tentative de soumission, cette condition implique de démontrer l'absence de négociation effective des clauses incriminées ou l'usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l'acceptation. L'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties. Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l'économie de la relation contractuelle.
* * *
Les relations commerciales entre la société Mondial assistance et le Garage P. ont débuté par la signature de la convention de prestation le 30 novembre 2005, qui a été suivie de plusieurs avenants du 30 novembre 2009 et le dernier le 22 septembre 2010 pour lesquels il n'est pas démontré que le Garage P. a tenté de négocier les prix. Si la société Garage P. fait état de plusieurs actions collectives dénonçant les prix des prestations de remorques-dépannage des sociétés d'assistances et Mondiale assistance en particulier, et a refusé à partir de 2009 de payer les ristournes prévues par les dispositions contractuelles, il n'est cependant pas établi que celle-ci était dans une obligation de contracter en raison d'une dépendance économique avec la société Mondial assistance, comme le soutient la société Awp France.
En effet, il ressort du tableau du chiffre d'affaires de la société P. sur les exercices 2010 à 2015 établi dans le rapport d'expertise du 25 septembre 2017(pièce P. n° 47 page 14) que l'activité de « dépannage 19,6 % » de la société Garage P. a représenté moins de 4 % de son chiffre d'affaires global et que les prestations de dépannage-remorquages effectuées pour la société Mondial assistance (pièce P. n°58) ont représenté sur les exercices 2012 à 2014 environ 30 à 15 % du chiffre d'affaires de cette activité de dépannage (ex : pour l'exercice 2012, CA Mondial assistance 19.388,49 € comparé à un CA « dépannage » de 65.170,57 € - pour l'exercice 2014, CA Mondial assistance 13.102,93 comparé à un CA « dépannage » de 82.210,82 €). Il n'est pas contesté que l'activité de dépannage de la société Garage P. se répartie sur plusieurs sociétés d'assistance ainsi que directement avec des particuliers.
Par ailleurs, il est relevé dans la note d'information dans le secteur du dépannage-remorquage des véhicules légers n° 2010-05 de la DGCCRF du 21 janvier 2010 (pièce P. n°42) sur la situation de concurrence qu'« en l'absence d'agrément par un assisteur, un garage ne saurait exercer qu'une activité de dépannage très marginale. Les agréments garantissent un apport de clientèle et un volume de chiffre d'affaires compensant la faible rentabilité de cette activité notamment par un accroissement du chiffre d'affaires de l'atelier réparation.
L'enquête ne révèle pas de difficulté particulière pour obtenir de tels agréments qui peuvent de surcroît être cumulés. Les refus d'un assisteur qui estime ne pas devoir accroître son réseau sur une zone donnée n'interdit pas pour autant l'accès au marché par le biais d'un agrément auprès d'un assisteur concurrent.
Ainsi, et même si, à l'évidence, la puissance de négociation commerciale appartient aux assisteurs, il n'a pas été relevé de pratiques susceptibles de constituer un abus de dépendance économique au sens de l'article L. 420-2 du code de commerce dès lors qu'il n'a pas été établi que des refus d'agrément ont empêché l'accès au marché. »
De surcroît, concernant l'allégation de la société P. d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations résultant d'une inadéquation entre le prix et le service rendu, il convient de faire plusieurs observations à partir des explications des parties et pièces versées aux débats.
En premier lieu, il ressort du rapport d'expertise précité (pages 15 et 16) que le coût d'un dépannage et d'un remorquage au sein du Garage P. au titre des exercices 2010 et 2013 à 2015 a été calculé à partir des dépannages et remorquages réalisés par la société P. pour l'ensemble des « assisteurs » et particuliers pour lesquels les tarifs ne sont pas connus, et non spécifiquement pour la société Mondial assistance, l'expert faisant valoir que les éléments de comptabilité qui ont été versés aux débats ne permettent pas d'opérer les distinctions. Par ailleurs, comme l'a relevé le tribunal, il ressort des conclusions de l'expert que le prix de revient d'une prestation de dépannage varie en fonction du volume d'interventions et que l'activité de dépannage de la société P. est répartie sur plusieurs sociétés d'assistance.
En outre, comme le souligne la société Awp France, les tarifs fixés par la convention et les avenants, sont forfaitaires que jusqu'à 20 kms, soit suivant l'avenant du 27 septembre 2010 un tarif de 64,90 euros HT pour un dépannage sur place véhicule inférieur à 3,5 tonnes, 62,50 HT pour un véhicule tourisme et 73,50HT pour un véhicule lourd inférieur à 3,5 tonnes. Au-delà de 20 kms, il est appliqué un tarif proportionnel au kilométrage parcouru et le tarif est majoré les samedi, dimanche et jours fériés et nuit. Aussi, il ressort du cumul des prestations facturés à Mondial assistance par la société Garage P. (pièces P. n°49 à 53) que sur l'exercice 2011, le prix moyen facturé est de 127,55 euros HT soit 153 euros TTC et sur les exercices 2012 à 2015 le prix moyen facturé est de 92 euros HT soit 110 euros TTC.
La société Garage P., entend comparer les tarifs avec ceux de référence sur autoroutes et voies express. Outre le fait qu'il n'est pas contesté que sur route les tarifs sont librement négociés et que les dépannages sur autoroutes et routes express ne se font pas dans les mêmes conditions, il est néanmoins observé que le prix moyen facturé par la société Garage P. à la société Mondial assistance précité (153 euros TTC en 2011 et 110 euros TTC en 2014) n'est pas significativement inférieur à ces prix de référence qui sont les suivants :
- pour l'année 2011 (conclusions P. page 3) : 144,50 euros TTC (remorquage supérieur à 1,8 tonnes et inférieur à 3,5 tonnes)
- pour l'année 2014 (pièce 18 - arrêté du 5 juin 2014) : dépannage sur place 122,84 euros TTC, dépannage- remorquage 122,84 euros TTC (véhicule inférieur à 1,8t) et 151,90 euros (Véhicule entre 1,8 t et 3,5 t).
En deuxième lieu, l'astreinte de nuit est inhérente à l'activité de dépannage du garage et n'est pas exclusive aux prestations de la société Mondial assistance. L'obligation de gardiennage gratuit ne figure pas aux conditions contractuelles.
Enfin s'agissant des ristournes, il ressort de la convention du 30 novembre 2005 et de ses avenants que les conditions de ristournes sont ainsi prévues :
« En contrepartie de son rôle d'apporteur d'affaires et des moyens mis à sa disposition par la société utilisatrice, le prestataire consent à la société utilisatrice des ristournes dont les taux ou le mode de calcul, ainsi que les modalités de paiement, sont définies ci-après
Les ristournes sont variables et leur taux est déterminé en fonction du chiffre d'affaires annuel hors taxes cumulé des sociétés utilisatrice comptabilisé entre le 1er janvier et 31 décembre de chaque année. »
Il est noté que ces ristournes sont calculées sur un chiffre d'affaires effectivement réalisé sur l'activité de dépannage avec Mondial assistance.
Comme l'a relevé le tribunal, et sans être utilement contesté par la société appelante, il est admis que le dépannage apporte une activité de réparation qui contribue au développement du chiffre d'affaires et sur laquelle s'exerce la liberté des prix. Sur interrogation de la société Awp France, l'expert dans son rapport (page 18 pièce P. n° 47) répond que la comptabilité générale, et non analytique au cas d'espèce, ne permet pas de déterminer la marge associée aux prestations annexes dépendantes des dépannages/remorquages des autres prestations annexes, la difficulté n'étant pas de vérifier l'existence ou non de prestations annexes au sein du garage P. mais de les rapporter spécifiquement aux dépannages/remorquage. Le Garage P. soutient, mais sans le justifier, que plus de 50 % des interventions aboutissent à un dépannage sur place et l'autre moitié par une réparation dans le garage agrée par l'assureur.
Toutefois, il est rappelé dans la note d'information n° 2010-05 précité et versée aux débats par la société appelante qu'« En l'absence d'agrément par un assisteur, un garage ne saurait exercer qu'une activité de dépannage très marginale. Les agréments garantissent un apport de clientèle et un volume de chiffre d'affaires compensant la faible rentabilité de cette activité notamment par un accroissement du chiffre d'affaires de l'atelier réparation. »
Dès lors, il ressort de l'économie générale de la relation contractuelle qu'une disproportion importante entre les droits et obligations des parties n'est pas démontrée.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations que les conditions d'application des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce ne sont pas réunies.
* Sur les allégations fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6-I-3° :
Aux termes de l'article L.442-6, I 3° dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) D'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné et, le cas échéant, d'un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord écrit. »
La société Garage P. soutient que l'avantage, notamment d'assurer une permanence 24h/24 et 365 jours par an n'était assorti d'aucun engagement de volume de la part de la société Mondial assistance.
Toutefois, comme l'a relevé le tribunal, et sans être utilement contesté par la société appelante, il n'est pas démontré par celle-ci que cette permanence, inhérente à l'activité des sociétés de dépannage et remorquage, était organisée exclusivement pour les prestations réalisées pour la société Mondial assistance.
Les conditions d'application de l'article précité ne sont pas réunies.
* Sur les allégations fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6-I-4° :
Aux termes de l'article L. 442-6-I-4° dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...)d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusive concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente. »
Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas démontré que la société Mondial assistance a imposé des conditions manifestement abusives concernant les prix. Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats que la société Mondial assistance a résilié la convention de prestation de service le 15 juin 2015 pour des ristournes non payées depuis 2009.
Dès lors les conditions d'application des dispositions précitées ne sont pas réunies.
* * *
Il résulte de tout ce qui précède que la société Garage P. doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts de 59.740,30 euros fondée sur l'article L. 442-6-I, 1°à 4°. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de 18.967,08 euros de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° :
L'article L. 442-6-I-5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Il ressort de cet article que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou d'un préavis suffisant. Le délai de préavis suffisant, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.
En l'espèce, il n'est pas contesté que les parties entretenaient des relations commerciales établies depuis novembre 2005. La société Mondial assistance, aux droits de laquelle vient la société Awp France, a notifié la résiliation de la convention par courrier du 12 juin 2015 avec un préavis de six mois.
Compte tenu de l'ancienneté des relations (10 ans), mais du degré de dépendance économique limité de la société Garage P. à l'égard de la société Mondial assistance et des possibilités de redéploiement de son activité vers d'autres sociétés d'assistance, le préavis de six mois est suffisant.
Toutefois, la société Garage P. justifie que sa dernière prestation fournie avec la société Mondial assistance date du 12 mars 2015 et que cette dernière n'a plus donné de mission pendant le délai de préavis. La société Awp France n'apporte aucun élément sur ce point sauf à dire qu'elle avait de justes motifs pour rompre la relation sans invoquer de manquements suffisamment graves pour justifier une absence de préavis. Autrement dit le préavis de six mois n'a pas été effectif.
Le préjudice s'entend généralement de la perte de marge sur coûts variables durant les mois de préavis manquants calculée à partir du chiffre d'affaire des trois années qui précèdent la rupture selon la formule : chiffre d'affaires perdu - charges variables qui auraient dû être engagées pour réaliser ce chiffre d'affaires = marge sur coûts variables.
La société Garage P. entend être indemnisée de la perte de chiffre d'affaires sur le préavis non effectué et ne donne pas d'élément sur la perte de marge sur coûts variables.
Il ressort de la pièce 58 de la société Garage P. que le chiffre d'affaires annuel moyen sur les trois années qui précèdent la rupture est de 16.784,38 euros, dont à déduire les charges variables pouvant se limiter selon le rapport d'expertise aux dépenses de carburant évaluées au prorata des missions à la somme annuelle de 1.650 euros, soit une perte de marge sur coûts variables sur six mois de 7.567,19 euros.
Dès lors, le jugement sera infirmé sur ce point et la société Awp France sera condamnée à payer à la société Garage P. la somme de 7.567,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la société Awp France :
La société Garage P. n'ayant pas fait dégénérer en abus son droit de relever appel, la société Awp France sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Le sens de l'arrêt conduit à partager les dépens par moitié entre les parties et de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné la société Garage P. aux entiers dépens et à payer à la société Awp France la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement en ce qu'il a :
- débouté la société Garage P. de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° ancien du code de commerce en compensation du préavis de rupture non appliqué,
- condamné la société Garage P. à la société Awp France la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Garage P. aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Awp France à payer à la société Garage P. la somme de 7.567,19 euros au titre de l'article 442-6-I-5° du code de commerce dans sa version applicable au litige, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Partage les dépens de première instance et d'appel par moitié entre les parties,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
La greffière, La Présidente,
Liselotte FENOUIL Marie-Laure DALLERY