CASS. CIV. 1re, 25 novembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8685
CASS. CIV. 1re, 25 novembre 2020 : pourvoi n° 19-17996 ; arrêt n° 715
Publication : Legifrance
Extrait : « 6. L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, relatif aux clauses abusives, qui a transposé en droit français les dispositions de la directive 93/13 du Conseil en date du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, applicable à la cause, a instauré un mécanisme assurant le contrôle par le juge national de toute clause contractuelle n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle, notamment de son caractère éventuellement abusif, les clauses abusives étant réputées non écrites et le contrat restant applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. Toutefois, ce contrôle est limité par son alinéa 7 qui énonce que l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
7. Saisi sur requête en saisie-rémunération, à l'occasion de laquelle le caractère abusif des clauses instituant le mécanisme financier du prêt Helvet Immo a notamment été soulevé par l'emprunteur, le tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne a, par jugement du 2 août 2019, renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles qui suivent : […] 8. Saisi de plusieurs assignations portant notamment sur le caractère abusif des clauses instituant le mécanisme financier des prêts Helvet Immo, le tribunal de grande instance de Paris a, par sept jugements du 1er octobre 2019 et une ordonnance de mise en état du lendemain, renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles qui suivent : […]
9. Au regard des griefs formulés par les moyens et des questions préjudicielles précitées, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à intervenir est de nature à influer sur la solution du présent pourvoi. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer jusqu'au prononcé de celle-ci. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : D 19-17996. Arrêt n° 715 FS-D.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X. – Madame Y. épouse X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société BNP Paribas Personal Finance
Président : Mme Batut (président). Avocat(s) : Maître Laurent Goldman, SCP Spinosi et Sureau.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
1°/ M. X., domicilié [adresse], 2°/ Mme Y., épouse X., domiciliée [adresse], ont formé le pourvoi n° D 19-17.996 contre l'arrêt rendu le 17 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige les opposant à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. et Mme X., de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Darret-Gourgeon, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 16 mai 2018, pourvoi n° 17-11337), suivant offres acceptées les 16 décembre 2008 et 5 octobre 2009, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à M. et Mme X. (les emprunteurs) trois prêts immobiliers, libellés en francs suisses et remboursables en euros, dénommés Helvet Immo, destinés à financer l'acquisition d'appartements et d'emplacements de parking.
2. Par acte du 19 janvier 2012, les emprunteurs ont assigné la banque au titre de manquements à ses obligations et invoqué, à l'occasion du premier pourvoi, le caractère abusif de certaines clauses des contrats.
Examen des moyens :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites leurs demandes relatives à la reconnaissance du caractère abusif de certaines clauses des contrats Helvet Immo ainsi que les demandes subséquentes, alors :
« 1°/ que la demande du consommateur tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive n'est pas soumise à la prescription quinquennale ; qu'en retenant, pour les déclarer irrecevables, que les demandes des emprunteurs tendant à voir déclarer non écrites les clauses abusives des contrats de prêt Helvet Immo étaient soumises à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
2°/ qu'aucune limite temporelle n'est fixée à l'obligation pour le juge d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; qu'en décidant néanmoins, pour refuser d'examiner le caractère abusif des clauses des contrats de prêt dont elle était saisie, que le juge était soumis aux mêmes conditions de temps et de délais que les parties elles-mêmes, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
3°/ que, en tout état de cause, c'est à la date à laquelle le juge dispose des éléments de fait et de droit nécessaires à l'examen du caractère abusif d'une clause contractuelle que s'apprécie l'écoulement du délai quinquennal ; qu'en s'abstenant de rechercher si, dès l'introduction de l'instance en janvier 2012, c'est-à-dire moins de cinq ans après l'acceptation des offres de prêt, les premiers juges ne disposaient pas des éléments de fait et de droit nécessaires à l'examen du caractère abusif des clauses litigieuses, de sorte qu'elle ne pouvait refuser de procéder à cet examen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
4°/ que, en tout état de cause, le délai de prescription de l'action tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive ne commence à courir qu'à compter du jour où le consommateur découvre l'existence d'un déséquilibre significatif ; qu'en se bornant à relever, pour dire que le délai de prescription avait commencé de courir, pour chaque prêt, à la date d'acceptation de l'offre, que les emprunteurs avaient pu se convaincre par les mentions des offres de prêt de l'existence d'un risque de change et des conséquences économiques qui découlaient pour eux du contrat, sans constater qu'ils avaient pris conscience de l'existence d'un déséquilibre significatif à leur détriment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 du code civil et L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
5°/ que le délai de prescription de l'action tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive ne commence à courir à la date de conclusion du contrat que si le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère a été exposé de manière transparente à l'emprunteur, de sorte que ce dernier ait été mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et les risques qui en découlaient pour lui, notamment par la fourniture d'informations devant au moins traiter de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de l'euro et de ce qu'en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s'expose à un risque de change qu'il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d'assumer en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été accordé ; qu'en se bornant, pour placer le point de départ de la prescription au jour de la conclusion du prêt, à se référer aux stipulations du prêt, sans constater que le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère avait été exposé de manière transparente à l'emprunteur selon les critères précités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
6°/ que, plus subsidiairement, l'effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice s'étend, dans la même action, aux demandes tendant aux mêmes fins ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que l'action découlant des clauses litigieuses des contrats de prêt avait été introduite à l'encontre de la banque les 6 et 9 janvier 2012, ce dont il résultait que cette demande en justice avait interrompu le délai de prescription tant à l'égard des demandes indemnitaires initiales que de celles, formées ultérieurement, tendant à voir constater le caractère abusif des clauses de ces contrats, qui tendaient aux mêmes fins que les premières, s'est néanmoins placée, pour dire prescrites ces dernières demandes, à la date des conclusions dans lesquelles elles avaient été formulées, a violé l'article 2241 du code civil. »
Sur le deuxième moyen
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen
4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires au titre du manquement de la banque à son obligation d'information, alors :
« 1°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en refusant d'examiner les pièces du dossier d'instruction et l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se bornant à affirmer, pour écarter les demandes indemnitaires des emprunteurs, qu'il ne saurait être exigé de l'établissement de crédit prêteur qu'il évalue très précisément et de manière chiffrée, un risque d'endettement sur la base d'un cours dont il ne contrôle pas les fluctuations, sans examiner, fût-ce sommairement, les éléments développés dans les conclusions des emprunteurs, qui étaient de nature à démontrer que la banque avait anticipé, dès 2007, une importante dépréciation de l'euro face au franc suisse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le banquier dispensateur d'un crédit en devise étrangère remboursable en euros doit, au titre de son devoir d'information, exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère, de sorte que l'emprunteur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et les risques qui en découlent pour lui, notamment en lui fournissant des informations suffisantes pour lui permettre de prendre ses décisions avec prudence et en toute connaissance de cause, ces informations devant au moins traiter de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'Etat membre où l'emprunteur est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger, en informant les emprunteurs qu'en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s'expose à un risque de change qu'il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d'assumer en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été accordé, mais également en exposant à l'emprunteur les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d'un prêt en devises étrangères tels que le risque d'impossibilité d'exercer le mécanisme d'option en euros, le risque d'impossibilité de procéder au rachat du prêt ou à la revente du bien ; qu'en se bornant à relever, pour statuer comme elle l'a fait, que les emprunteurs avaient été clairement, précisément, expressément, informés sur le risque de variation du taux de change, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les termes « risque de change » n'étaient pas absents de l'offre de prêt et des documents annexes, ce qui était de nature à démontrer que l'information délivrée par la banque était insuffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ qu'en se bornant encore à relever que les emprunteurs avaient reçu une information suffisante sur l'incidence sur les remboursement d'une dépréciation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus, qui serait illustrée par les exemples chiffrés annexés à l'offre de prêt, sans constater que l'information et les exemples donnés traitaient de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de l'euro, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Sur le troisième moyen
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen
5. Les emprunteurs font grief à l'arrêt attaqué de rejeter leur demande indemnitaire au titre du manquement de la banque à son obligation de renégocier le contrat, alors :
« 1°/ qu'en cas de bouleversement des conditions d'exécution d'un contrat, qui aurait pour effet de rendre celles-ci ruineuses, le créancier de l'obligation dont les conditions d'exécution ont été bouleversées, tenu d'une obligation d'exécuter de bonne foi, doit proposer la renégociation du contrat en cause ; qu'en se fondant, pour écarter la demande indemnitaire des emprunteurs, sur la circonstance inopérante que le contrat était intangible et que le juge n'avait pas le pouvoir de le réviser, ce qui était sans incidence sur la demande indemnitaire fondée sur l'obligation de renégocier le contrat, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ qu'en se bornant par ailleurs à relever que les emprunteurs avaient été informés que l'amortissement du crédit serait soumis à la variation du taux de change et que le bouleversement de l'économie du contrat qu'ils invoquaient n'était que l'application des stipulations contractuelles, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, comme le soutenait la banque, le décrochage de l'euro n'avait pas été brusque et imprévisible, de sorte que ce n'était pas de l'application du contrat que résultait le bouleversement de ses conditions d'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour aux moyens :
6. L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, relatif aux clauses abusives, qui a transposé en droit français les dispositions de la directive 93/13 du Conseil en date du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, applicable à la cause, a instauré un mécanisme assurant le contrôle par le juge national de toute clause contractuelle n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle, notamment de son caractère éventuellement abusif, les clauses abusives étant réputées non écrites et le contrat restant applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. Toutefois, ce contrôle est limité par son alinéa 7 qui énonce que l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
7. Saisi sur requête en saisie-rémunération, à l'occasion de laquelle le caractère abusif des clauses instituant le mécanisme financier du prêt Helvet Immo a notamment été soulevé par l'emprunteur, le tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne a, par jugement du 2 août 2019, renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles qui suivent :
« Question n° 1 : Le paragraphe 2 de l'article 4 de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens que constituent l'objet principal d'un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en devise nationale, sans pouvoir être considérées isolément, les clauses stipulant des remboursements à échéances fixes imputés prioritairement sur les intérêts et qui prévoient l'allongement de la durée du contrat et l'augmentation des règlements, pour payer le solde du compte, ce solde pouvant augmenter significativement à la suite des variations des parités ?
Question n° 2 : Le paragraphe 1er de l'article 3 de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens que les clauses stipulant des paiements à échéances fixes imputés prioritairement sur les intérêts et qui prévoient l'allongement de la durée du contrat et l'augmentation des règlements, pour payer le solde du compte, pouvant augmenter significativement à la suite des variations des parités, créent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat, notamment en ce qu'elles exposent le consommateur à un risque disproportionné de change ?
Question n° 3 : L'article 4 de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens qu'il impose que le caractère clair et compréhensible des clauses d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère et remboursable en devise nationale, soit apprécié en se référant, au moment de la conclusion du contrat, au contexte économique prévisible, en l'espèce les conséquences des difficultés économiques des années 2007 et 2009 sur les variations des taux de change, en tenant compte de l'expertise et des connaissances du prêteur professionnel et de sa bonne foi ?
Question n° 4 : L'article 4 de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens qu'il impose que le caractère clair et compréhensible des clauses d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère et remboursable en devise nationale, soit apprécié en communiquant au consommateur des informations, notamment chiffrées, uniquement objectives et abstraites ne tenant pas compte du contexte économique pouvant avoir une incidence sur les variations des taux de change, par le prêteur disposant de l'expertise et des connaissances du professionnel ? »
8. Saisi de plusieurs assignations portant notamment sur le caractère abusif des clauses instituant le mécanisme financier des prêts Helvet Immo, le tribunal de grande instance de Paris a, par sept jugements du 1er octobre 2019 et une ordonnance de mise en état du lendemain, renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles qui suivent :
« Première question : La directive n° 93/13, interprétée à la lumière du principe d'effectivité, s'oppose-t-elle, dans un dossier comme celui au principal, à l'application des règles de prescription, dans les cas suivants : (a) pour la déclaration du caractère abusif d'une clause, (b) pour les restitutions éventuelles, (c) lorsque le consommateur est demandeur et (d) lorsque le consommateur est défendeur, y compris à une demande reconventionnelle ?
Deuxième question : En cas de réponse totalement ou partiellement négative à la première question, la directive n° 93/13, interprétée à la lumière du principe d'effectivité, s'oppose-t-elle, dans un dossier comme celui en cause au principal, à l'application d'une jurisprudence nationale fixant le point de départ du délai de prescription à la date d'acceptation de l'offre de prêt, plutôt qu'à la date de survenance de difficultés financières sérieuses ?
Troisième question : Des clauses telles que celles en jeu dans le litige principal, prévoyant notamment que le franc suisse est la monnaie de compte et l'euro la monnaie de paiement, ayant pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, relèvent-elles de l'objet principal du contrat au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la directive n° 93/13, en l'absence de contestation du montant des frais de change et en présence de clauses prévoyant, à dates fixes, la possibilité pour l'emprunteur d'exercer une option de conversion en euros selon une formule prédéterminée ?
Quatrième question : La directive n° 93/13, interprétée à la lumière du principe d'effectivité du droit communautaire, s'oppose-t-elle à une jurisprudence nationale considérant qu'une clause ou un ensemble de clauses, telle que celles en cause au principal, sont « claires et compréhensibles » au sens de la directive, aux motifs que :
- l'offre préalable de prêt détaille les opérations de change réalisées au cours de la vie du crédit et précise que le taux de change euros contre francs suisses sera celui applicable deux jours ouvrés avant la date de l'événement qui détermine l'opération et qui est publié sur le site de la Banque centrale européenne ;
- il est mentionné dans l'offre que l'emprunteur accepte les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement du crédit, et que le prêteur opérera la conversion en francs suisses du solde des règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes du crédit ;
- l'offre indique que, s'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance sera inscrite au solde débiteur du compte en francs suisses, et qu'il est précisé que l'amortissement du capital du prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels, à la hausse ou à la baisse, que cette évolution peut entraîner l'allongement ou la réduction de la durée d'amortissement du prêt et, le cas échéant, modifier la charge totale de remboursement ;
- les articles « compte interne en euros » et « compte interne en francs suisses » détaillent les opérations effectuées à chaque paiement d'échéance au crédit et au débit de chaque compte, et le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère ; et alors que ne figure dans l'offre, notamment, pas de mention expresse du « risque de change » qui incombe à l'emprunteur au vu de l'absence de perception des revenus dans la monnaie de compte, ni de mention explicite du « risque de taux d'intérêts » ?
Cinquième question : Dans l'éventualité d'une réponse positive à la quatrième question, la directive n° 93/13, interprétée à la lumière du principe d'effectivité du droit communautaire, s'oppose-t-elle à une jurisprudence nationale considérant qu'une clause ou un ensemble de clauses, telle que celles en cause au principal, sont « claires et compréhensibles » au sens de la directive, dès lors que s'ajoute uniquement aux éléments relevés dans la quatrième question, une simulation d'une baisse de 5,33 % de la monnaie de règlement par rapport à la monnaie de compte, dans un contrat d'une durée initiale de 25 ans, et sans autre mention des termes tels que « risque » ou « difficulté » ?
Sixième question : La charge de la preuve du caractère « clair et compréhensible » d'une clause au sens de la directive n°93/13 incombe-t-elle, y compris au sujet des circonstances entourant la conclusion du contrat, au professionnel ou au consommateur ?
Septième question : Si la charge de la preuve du caractère clair et compréhensible de la clause appartient au professionnel, la directive n° 93/13 s'oppose-t-elle à une jurisprudence nationale estimant, en présence de documents relatifs aux techniques de vente, qu'il appartient aux emprunteurs de prouver, d'une part, qu'ils ont été destinataires des informations contenues dans ces documents et, d'autre part, que c'est la banque qui les leur a adressés, ou, au contraire, exige-t-elle que ces éléments constituent une présomption de ce que les informations contenues dans ces documents ont été transmis, y compris verbalement, aux emprunteurs, présomption simple qu'il incombe au professionnel, qui doit répondre des informations communiquées par les intermédiaires qu'il a choisis, de réfuter ?
Huitième question : L'existence d'un déséquilibre significatif peut-elle être caractérisée dans un contrat tel que celui en cause au principal dans lequel les deux parties subissent un risque de change, dès lors que, d'une part, le professionnel dispose de moyens supérieurs au consommateur pour anticiper le risque de change et que, d'autre part, le risque supporté par le professionnel est plafonné tandis que celui supporté par le consommateur ne l'est pas ? »
9. Au regard des griefs formulés par les moyens et des questions préjudicielles précitées, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à intervenir est de nature à influer sur la solution du présent pourvoi. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer jusqu'au prononcé de celle-ci.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, la Cour : SURSOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'au prononcé de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne dans les affaires C-609/19 et C-776/19 à C-782/19 ;
Renvoie la cause et les parties à l'audience du 19 octobre 2021 ;
Réserve les dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.
Le Conseiller référendaire rapporteur le Président
Le greffier de chambre
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par Maître Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Les époux X. font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites leurs demandes relatives à la reconnaissance du caractère abusif de certaines clauses des contrats Helvet Immo ainsi que les demandes subséquentes ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE : Considérant que les époux X. peuvent se prévaloir d'une décision de la Cour de cassation (1ère civile 13/03/2019 17-23169), qui statuant, en matière de clause abusive, a jugé que la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses ne s'analysait pas en une demande de nullité, de sorte qu'elle n'était pas soumise à la prescription quinquennale ;
Considérant qu'aucun texte, en droit français, ne prévoit l'imprescriptibilité de l'action tendant à voir réputée non écrite une clause qui serait abusive ;
Considérant qu'il résulte des écritures procédurales des parties et des pièces qu'elles versent au débats que le sujet est débattu et que la doctrine est partagée ;
Considérant qu'une réponse ministérielle ne lie pas les juges ;
Considérant que certes la cour de cassation, (3ème chambre) a jugé, en substance, que tout copropriétaire peut, sans que l'on puisse lui opposer la prescription, agir sur le fondement de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, pour faire modifier le règlement de copropriété quand il contient des clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 17, 19 à 37 et 42 de la loi, lesquelles sont réputées non écrites, et étant non avenues par le seul effet de la loi, sont censées n'avoir jamais existé ;
Considérant qu'elle a aussi (3ème chambre civile 10 juillet 2013 12-14.569 par exemple) jugé que la décision de réputer non écrite de telles clauses, contraires à des dispositions légales, ne vaut que pour l'avenir et ne prend effet qu'à compter de la date à laquelle la décision a acquis l'autorité de la chose jugée ;
Considérant que la cour de cassation a également dans un arrêt (3ème civile 23 janvier 2008 06-19.129), censuré les juges d'appel qui avaient déclaré non écrite une clause d'un bail commercial, au lieu de prononcer sa nullité, étant précisé qu'ainsi ils avaient évité de constater l'acquisition de la prescription ;
Considérant que cependant dans un tel cas, les deux contractants étaient deux professionnels qui connaissaient le statut d'ordre public qui avait vocation à se substituer à la clause illicite ;
Considérant que la transposition des jurisprudences précitées aux clauses abusives de l'article 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1 du dit code, ne revêt aucun caractère d'évidence ;
Considérant qu'admettre que, par une fiction juridique, la clause abusive de l'article 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1 du dit code, réputée non écrite, est censée n'avoir jamais existé, pose de sérieuses questions ; qu' en son premier alinéa, l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » et énonce, en son septième alinéa, que « l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible » ;
Considérant en effet que les jurisprudences citées plus haut sont fondées sur la différence entre la nullité, qui requiert l'intervention d'un juge, et le réputé non écrit qui produit ses effets automatiquement ;
Considérant que dans le cas d'espèce, pour qualifier une clause d'abusive au visa de ce texte, le juge ne doit pas examiner sa concordance avec des dispositions légales ou règlementaires précises, ni se contenter d'examiner si elle figure sur « une liste noire » ; qu'il doit se livrer à une triple analyse et apprécier, d'abord, si la clause litigieuse porte sur la définition de l'objet principal du contrat, c'est à dire si elle fixe les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci, ou sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert et ensuite si, dans le premier cas, la clause est rédigée de façon claire et compréhensible, étant précisé que pour qu'une clause soit rédigée de manière claire et compréhensible, il faut qu'elle soit, non seulement intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d'autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui; qu'en cas de réponse positive cumulative à ces deux questions, toute discussion à propos du caractère abusif de la clause est exclue ; que ce n'est qu'en cas de réponse négative que le juge doit dire si la dite clause a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Considérant, ensuite, que les conséquences de la décision du juge, qui déclare abusive, et donc non écrite, une clause d'un contrat, sont radicalement différentes, puisque la situation des parties doit être revue à la date de la conclusion du contrat et que tous les effets que la dite clause a produits doivent être anéantis dans le passé ;
Considérant qu'il est dès lors manifeste qu'autoriser un co-contractant à agir à tout moment, même si le contrat a été exécuté, pour soumettre à l'appréciation du juge le caractère abusif d'une clause d'un contrat et la voir déclarer non écrite, qu'imposer au juge, d'agir d'office, et d'écarter une telle clause, sans limite de temps, ni sans aucune autre condition, constitueraient des atteintes réelles à l'ordre social qui ne peut admettre que des situations acquises soient remises en cause sans prévisibilité aucune, et dépendent d'aléas judiciaires ;
Considérant que consacrer l'imprescriptibilité de cette action et la possibilité d'anéantir rétrospectivement les effets du contrat, de façon perpétuelle, créerait une insécurité juridique majeure ;
Considérant que la jurisprudence européenne doit être précisément examinée ;
Considérant que la jurisprudence de la Cour de Luxembourg invoquée par les époux X. (21 décembre 2016 C-154/15) ne peut en aucune manière être citée comme constituant une interdiction de prescription de l'action en déclaration d'une clause abusive ; qu'en effet, il y a lieu de retranscrire les paragraphes essentiels de cette décision (soulignés par la cour) : «…»
Considérant que cet arrêt statue uniquement sur les effets, dont la Cour dit qu'ils ne peuvent être limités dans le temps, d'une décision ayant constaté le caractère abusif d'une clause ;
Considérant que, dans le cas présent, non seulement une telle décision n'existe pas, mais qu'au contraire la Cour de cassation a approuvé la cour d'appel qui avait jugé que les clauses litigieuses du contrat Helvet Immo ne pouvaient être qualifiées d'abusives en ce qu'elles définissaient l'objet principal du contrat et qu'elles étaient rédigées de façon claire et compréhensible ;
Considérant qu'il doit être relevé que cet arrêt reconnaît expressément le droit aux juridictions nationales de conférer l'autorité de chose jugée à une décision qui contient une violation d'une disposition, quelle qu'en soit la nature, contenue dans la directive 93/13, et affirme que la protection du consommateur ne revêt pas un caractère absolu et que la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l'intérêt de la sécurité juridique est compatible avec le droit de l'Union, en rappelant les termes de l'arrêt du 6 octobre 2009 (Asturcom Telecommnicaciones C-40/08EU : C2009/615) dont certains points doivent être retranscrits ( soulignés par la cour) : «…»
Considérant que cette décision rappelle que, selon l'article 6 paragraphe 1, de la directive 93/13 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, « les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux » (souligné par la cour) ; qu'elle énonce expressément qu'il n'est pas interdit à une juridiction nationale d'appliquer les règles de prescription à un contrat contenant des clauses abusives, que la protection du consommateur n'a pas un caractère absolu et doit céder devant les impératifs de sécurité juridique et de respect d'autorité de chose jugée, qui relèvent du droit national qui doit prévoir des délais raisonnables pour rendre l'exercice des recours effectif ;
Considérant que l'arrêt Cofidis (CJUE 21 novembre 2002 C 473/00) édicte seulement le principe selon lequel, en matière de clause abusive, la fin de non recevoir tirée de la prescription ne peut être opposée au consommateur qui forme sa demande par voie d'exception ou au juge qui la relève d'office ;
Considérant en effet que la cour a dit pour droit : «…»
Considérant qu'il résulte clairement de cette décision que la cour n'a envisagé que le cas de l'action intentée par le professionnel qui demande, à l'encontre du consommateur, l'application d'une clause qui pourrait être qualifiée d'abusive ; qu'elle ne traite pas de l'action engagée par le consommateur à l'encontre du professionnel, qui est le cas d'espèce, puisque les époux X. sont demandeurs à l'action et non pas défendeurs ;
Considérant en outre qu'il s'évince des termes même et du sens de la décision que la cour, non seulement ne consacre pas la thèse du caractère imprescriptible de l'action tendant à faire déclarer non écrite une clause qualifiée d'abusive, mais qu'au contraire, elle part du constat que l'action n'est pas, par elle-même, imprescriptible et qu'elle est soumise à des délais de prescription par le droit national, ce qu'elle avait jugé autorisé dans l'arrêt cité précédemment, et qu'elle en déduit qu'il faut, afin d'assurer la protection du consommateur, absolument éviter que le professionnel « attend(e) l'expiration du délai fixé par le législateur national pour demander l'exécution des clauses abusives » (souligné par la cour) ;
Considérant que, dans notre droit national, les contrats sont soumis, par leur date, aux dispositions de la loi n° 208-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile ;
Considérant que cette loi a eu parmi ses objectifs essentiels, celui de raccourcir le temps et modifier la durée de la prescription jugée le plus souvent excessive, celui d'harmoniser les délais, et d'intégrer les enjeux européens pour rendre le système juridique français plus sécurisé, plus performant et attractif pour les opérateurs économiques et le droit contractuel plus attrayant aux yeux des investisseurs ;
Considérant qu'il y a lieu, notamment, de rappeler que les deux délais de prescription de l'action en nullité absolue et relative ont été unifiés, par cette loi, en un seul délai de 5 ans, de sorte qu'il n'existe plus, du point de vue du délai de la prescription, aucune différence entre l'ordre public de direction et l'ordre public de protection, et de souligner que les conséquences du prononcé de la nullité d'une clause et de la qualification de clause abusive sont identiques, puisque la clause nulle est réputée n'avoir jamais existé ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les époux X., la cour ne peut tirer, ni de la rédaction de l'article R. 632-1 du code de la consommation qui prévoit que le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application et qu'il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat, ni des arrêts rendus le 4 juin 2009 par la CJCE (arrêt Pannon) et le 16 mai 2018 par la 1ère chambre civile de la cour de cassation dans le présent litige, la conclusion qu'aucune limite temporelle ne saurait être imposée à l'action du juge, tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses d'un contrat dont il est saisi ;
Considérant en effet tout d'abord, que l'article R 632-1 du code de la consommation, qui figure au chapitre II intitulé « office du juge », du titre troisième intitulé « compétence du juge », effectue seulement une distinction entre ce que le juge « peut » et ce qu'il « doit » relever d'office ; que ce texte constitue une exception au principe selon lequel le juge du fond, au civil est lié par les prétentions des parties et qu'il ne peut modifier l'objet du litige dont il est saisi, et ceci pour suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel ;
Considérant que ce texte ne traite pas du problème de la prescription ; qu'il est constant que le juge, qui examine d'office certains moyens, est soumis aux mêmes conditions de temps et de délais que les parties elles-mêmes et qu'il ne peut s'en affranchir ; qu'il y a lieu de rappeler, si besoin en était, que le juge pénal, se voit, comme la partie civile, opposer la prescription quand il exerce l'action publique, après l'expiration des délais prévus par la loi ;
Considérant que la CJCE dans l'arrêt PANNON et la cour de cassation dans l'arrêt du 16 mai 2018 ont seulement dit, sans aborder la question de la prescription, que le juge national était tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ;
Considérant que l'arrêt précité de la cour de cassation est d'autant moins susceptible d'avoir consacré sur le fond le caractère imprescriptible de l'action, et le caractère abusif de certaines clauses que, de façon constante, la cour lorsqu'elle examine le contrat lui-même et le caractère abusif allégué de certaines clauses du contrat approuve la cour d'appel d'avoir considéré que les clauses du prêt Helvet Immo définissent l'objet principal du contrat et sont rédigées de manière claire et compréhensibles (1re civile 3 mai 2018 17-13593 notamment) ;
Considérant qu'il doit être également relevé que dans l'arrêt Cofidis, la Cour de l'Union met sur le même plan l'exception soulevée par le juge et celle du consommateur, ce qui confirme que l'action du juge ne peut être décorrélée, s'agissant du délai pour agir, de celle de la partie ;
Considérant que les époux X. ne peuvent pas sérieusement soutenir que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où ils ont découvert le déséquilibre significatif, c'est à dire au jour où ils ont été en mesure de percevoir l'augmentation de la durée du crédit et la possibilité d'un déplafonnement total des échéances lors des cinq années supplémentaires, qu'ils fixent à la date de l'ordonnance de renvoi de la banque devant le tribunal correctionnel, et non à la date d'acceptation des offres ;
Considérant qu'il y a lieu de rappeler que la présente cour a eu à se prononcer sur le caractère abusif des clauses du prêt Helvet Immo, lorsque les demandes ont été présentées devant elle par les emprunteurs dans le délai de la prescription ; qu'elle a jugé, en se fondant sur les décisions de la CJUE, que la clause de monnaie de compte, dont toutes les autres ne sont que la déclinaison, définit l'objet principal du contrat et est rédigée de manière claire et compréhensible; que la cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre les arrêts qui ont retenu cette solution ;
Considérant qu'il ne peut être valablement soutenu que les époux X., qui doivent être considérés comme des consommateurs raisonnablement attentifs, et qui savent gérer leur patrimoine, n'ont pas compris, avant que le risque ne se réalise, qu'ils étaient soumis au risque de change et que la révélation de ce risque leur a été faite par la décision de renvoi de la banque devant le tribunal ;
Considérant que le point relatif à la qualité de l'information qui leur a été fournie sera développé ci-dessous mais que dès à présent il y a lieu de relever que les stipulations essentielles des contrats de prêts, de leurs annexes, le texte des accusés de réception et d'acceptation des offres, ont été ci-dessus reproduits ; qu'il en résulte que les époux X. ont été spécialement informés de la caractéristique essentielle des prêts qui, consentis dans une devise étrangère, et remboursables en euros, étaient nécessairement impactés par le risque de change et qu'ils ont reconnu avoir reçu cette information ; que le contrat expose de façon transparente le fonctionnement concret du mécanisme d'un prêt en devises ; qu'il est, notamment explicitement stipulé que si le prêt en francs suisses n'est pas remboursé en totalité au terme de la durée initiale du crédit, les échéances étant constantes mais converties en francs suisses suivant un taux de change par essence variable, la durée de celui-ci sera allongée dans la limite de 5 ans et que le montant des échéances sera augmenté; que le contrat contient des explications simples sur les conséquences économiques qui découlent du contrat que les époux X. pouvaient appréhender à la seule lecture des offres qu'ils ont acceptées ;
Considérant en conséquence que les époux X. ne peuvent se prévaloir d'un quelconque report du point de départ du délai de prescription ;
Considérant qu'ils ne peuvent non plus invoquer la violation qui en découlerait pour eux de leur droit à un recours effectif au juge, prévu par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ;
Considérant en effet que ce droit n'est pas absolu, qu'il se prête à certaines limitations et appelle une réglementation par l'État, jouissant à cet égard d'une certaine marge d'appréciation ; qu'en l'espèce le droit au tribunal des époux X. ne se trouve pas atteint dans sa substance même ; que les délais de prescription, qui ne sont pas exagérément courts, puisqu'ils sont de 5 ans, poursuivent un but légitime, en ce que l'appréciation du délai à respecter pour former une demande vise à assurer une administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique ;
Considérant que les époux X. ne sauraient sérieusement prétendre soutenir que la prescription a été interrompue par l'assignation qu'ils ont fait délivrer le 6 janvier 2012 ;
Considérant qu'il est de jurisprudence constante qu'en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre ; qu'il en est autrement lorsque deux actions procèdent d'une même cause, ou lorsque, bien qu'ayant des causes distinctes, les deux actions tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ;
Considérant qu'aux termes de leur assignation initiale, les emprunteurs reprochaient à la banque des manquements à ses devoirs de conseil, d'information et de mise en garde et réclamaient la condamnation de la banque à leur payer la somme de 150.000 € à titre de dommages-intérêts ; que dans le cadre de la présente instance de renvoi après cassation, ils continuent de former des demandes indemnitaires à hauteur, maintenant, de 407.346,30 €, au titre de leur préjudice financier, et 35.000 €, au titre de leur préjudice moral, et pour la première fois, demandent à la cour, après avoir dit que certaines clauses étaient abusives de requalifier les contrats Helvet Immo en contrat de crédit en euros à taux fixe depuis leur conclusion, de condamner la banque à recalculer le TEG fixé dans chacun des trois contrats de prêts HELVET IMMO en lui retirant les frais de change, de déterminer les sommes dues au jour de la conclusion du contrat et le solde dû au jour de l'arrêt, déduction faite des sommes payées par eux en euros et d'établir et communiquer un nouveau tableau d'amortissement ;
Considérant que ces nouvelles demandes n'ont pas la même cause que les demandes initiales ; qu'elles ne poursuivent pas le même but non plus puisque les premières, qui ne sont pas abandonnées mais coexistent avec les secondes, supposent, dans le cadre d'une action en responsabilité, l'allocation de dommages-intérêts et le maintien des contrats, dans les termes des offres acceptées, avec, notamment, la clause d'indexation et que les secondes tendent à la requalification des prêts Helvet Immo en prêts en euros dès l'origine ;
Considérant, dans ces conditions, qu'aucune interruption de prescription ne peut être constatée ;
Considérant en définitive et compte tenu de ce qui précède, qu' il y a lieu de dire que l'action engagée par les époux X. pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d'abusives relève du droit commun des contrats ; qu'elle est donc soumise, comme les demandes, à la prescription quinquennale, laquelle n'a pas été interrompue ; que le point de départ de cette prescription est la date de l'acceptation des offres, soit le 16 décembre 2008 et le 5 octobre 2009 ; que les époux X. ont, pour la première fois, prétendu que les clauses des offres de prêt étaient abusives, dans des conclusions datées du 15 août 2018, c'est à dire postérieurement à l'expiration du délai quinquennal de prescription intervenu le 17 décembre 2013 et le 6 octobre 2014 ; que les demandes sont donc irrecevables car prescrites ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE la demande du consommateur tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive n'est pas soumise à la prescription quinquennale ; qu'en retenant, pour les déclarer irrecevables, que les demandes des époux X. tendant à voir déclarer non écrites les clauses abusives des contrats de prêt Helvet Immo étaient soumises à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
2°) ALORS QUE, en outre, aucune limite temporelle n'est fixée à l'obligation pour le juge d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; qu'en décidant néanmoins, pour refuser d'examiner le caractère abusif des clauses des contrats de prêt dont elle était saisie, que le juge était soumis aux mêmes conditions de temps et de délais que les parties elles-mêmes, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
3°) ALORS QUE, en tout état de cause, c'est à la date à laquelle le juge dispose des éléments de fait et de droit nécessaires à l'examen du caractère abusif d'une clause contractuelle que s'apprécie l'écoulement du délai quinquennal ; qu'en s'abstenant de rechercher si, dès l'introduction de l'instance en janvier 2012, c'est-à-dire moins de cinq ans après l'acceptation des offres de prêt, les premiers juges ne disposaient pas des éléments de fait et de droit nécessaires à l'examen du caractère abusif des clauses litigieuses, de sorte qu'elle ne pouvait refuser de procéder à cet examen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
4°) ALORS QUE, en tout état de cause, le délai de prescription de l'action tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive ne commence à courir qu'à compter du jour où le consommateur découvre l'existence d'un déséquilibre significatif ; qu'en se bornant à relever, pour dire que le délai de prescription avait commencé de courir, pour chaque prêt, à la date d'acceptation de l'offre, que les époux X. avaient pu se convaincre par les mentions des offres de prêt de l'existence d'un risque de change et des conséquences économiques qui découlaient pour eux du contrat, sans constater qu'ils avaient pris conscience de l'existence d'un déséquilibre significatif à leur détriment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 du code civil et L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
5°) ALORS QUE le délai de prescription de l'action tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive ne commence à courir à la date de conclusion du contrat que si le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère a été exposé de manière transparente à l'emprunteur, de sorte que ce dernier ait été mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et les risques qui en découlaient pour lui, notamment par la fourniture d'informations devant au moins traiter de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de l'euro et de ce qu'en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s'expose à un risque de change qu'il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d'assumer en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été accordé ; qu'en se bornant, pour placer le point de départ de la prescription au jour de la conclusion du prêt, à se référer aux stipulations du prêt, sans constater que le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère avait été exposé de manière transparente à l'emprunteur selon les critères précités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
6°) ALORS QUE, plus subsidiairement, l'effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice s'étend, dans la même action, aux demandes tendant aux mêmes fins ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que l'action découlant des clauses litigieuses des contrats de prêt avait été introduite à l'encontre de la BNP les 6 et 9 janvier 2012, ce dont il résultait que cette demande en justice avait interrompu le délai de prescription tant à l'égard des demandes indemnitaires initiales que de celles, formées ultérieurement, tendant à voir constater le caractère abusif des clauses de ces contrats, qui tendaient aux mêmes fins que les premières, s'est néanmoins placée, pour dire prescrites ces dernières demandes, à la date des conclusions dans lesquelles elles avaient été formulées, a violé l'article 2241 du code civil.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Les époux X. font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes indemnitaires au titre du manquement de la banque à son obligation d'information ;
AUX MOTIFS QUE : Considérant que les époux X. ont souscrit, à trois reprises, un prêt Helvet Immo libellé en francs suisses pour financer l'acquisition de trois biens immobiliers ; que la lecture des offres de prêt, qui ont été acceptées par les époux X., et dont les stipulations essentielles sont ci-dessus reproduites, est éclairante à cet égard ; que l'article « description de votre crédit », qui figure en première page des offres de prêt acceptées par les époux X. indique que ces derniers ont emprunté des sommes chiffrées en francs suisses ; que l'article « Financement de votre crédit » précise que le capital emprunté permettra de débloquer le montant du prix de vente des immeubles chiffré en euros chez le notaire et de payer les frais de change correspondant à ces opérations ; que l'article « Ouverture d'un compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit » explique sans équivoque le fonctionnement du prêt en devise ; que les articles « Compte interne en euros » et « Compte interne en francs suisses » détaillent les opérations effectuées à chaque paiement d'échéance au crédit et au débit de chaque compte ; que les opérations de change sont clairement décrites dans l'offre ; que les clauses « description de votre crédit », « financement de votre crédit », « ouverture de compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses » « opérations de change » font expressément référence aux opérations et aux frais de change ; que dans l'article « opérations de change » il est expressément mentionné que l'amortissement du capital du prêt évoluera en fonction des variations du taux de change et que le taux de change applicable à toutes les opérations de change sera le taux de change de référence publié sur le site internet de la Banque Centrale Européenne ; que cet article explique que l'amortissement du prêt se fait par la conversion des échéances fixes en euros et que la conversion s'opérera selon un taux de change qui pourra évoluer ; que l'amortissement évolue en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels effectués par l'emprunteur, que l'amortissement du capital sera plus ou moins rapide, selon qu'il résulte de l'opération de change une somme supérieure ou inférieure à l'échéance en francs suisses exigible ;
Considérant que les époux X. ont été clairement, précisément, expressément, informés sur le risque de variation du taux de change et sur son influence sur la durée du prêt et donc sur la charge totale de remboursement de ce prêt ; que la variation du taux de change est au cœur de l'économie du contrat de prêt souscrit par les époux X. puisqu'ils ont contracté un prêt en francs suisses qu'ils devaient rembourser en euros, les échéances étant converties en francs suisses au taux de change déterminé deux jours ouvrés avant l'arrêté de compte ;
Considérant que non seulement, les clauses sont rédigées de manière claire et compréhensible sur les plans formel et grammatical mais qu'elles fournissent aux emprunteurs des informations suffisantes sur l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle les prêts ont été accordés ;
Considérant que les trois annexes (tableau d'amortissement prévisionnel, notice présentant les conditions et modalités de variations du taux d'intérêt du crédit, informations relatives aux opération de change) font expressément référence, ainsi que cela est illustré plus haut, à l'incidence de la variation du taux de change sur le montant des règlements, la durée et le coût total du crédit ; qu'il est spécifié que les tableaux et les exemples chiffrés sont prévisionnels et indicatifs ; que dans le dernier document il est spécialement indiqué que le prêteur n'est pas engagé sur l'évolution du taux de change euros contre francs suisses et sur le taux d'intérêts et par conséquent sur les durées, montants des règlements mensuels et coûts totaux qui sont mentionnés ;
Considérant que l'attention des emprunteurs a été spécialement appelée, dans le formulaire de l'acceptation de l'offre de crédit sur l'existence des opérations de change pouvant avoir un impact sur le plan de remboursement ;
Considérant que l'information est tout aussi précise sur le taux d'intérêt; que les prêts Helvet Immo souscrits par les époux X. sont des prêts dont le taux d'intérêt, qui est fixe pendant la période initiale de 5 ans, est ensuite révisé tous les cinq ans à partir de la date du premier déblocage des fonds prêtés ; que le taux d'intérêt est variable ; que les emprunteurs ont, au moment de la révision, aux termes de l'offre de prêt, le choix entre trois options : soit ils décident de continuer à amortir leur prêt en francs suisses, (« charges de votre crédit ») et alors le nouveau taux d'intérêt est calculé en additionnant deux composantes, l'une fixe, l'autre égale à la moyenne mensuelle du taux swap francs suisses 5 ans du mois, soit ils choisissent un changement de monnaie de compte, la monnaie de paiement devenant la monnaie de compte et ils optent pour un taux fixe en euros qui est défini comme étant celui du Taux moyen Mensuel des Emprunts d'Etat à long terme, publié par la Caisse des Dépôts et Consignations, majoré suivant ce qui est fixé dans les offres et augmentée de 0,20 ou 0,30 selon la durée du crédit, le TME pris en compte étant le dernier publié au jour de la réception par la banque de la décision de choisir l'option, soit ils optent pour un taux trimestriellement révisable en euro et, dans ce cas, la révision du taux se fait sur la base du Taux Interbancaire à 3 mois offert en euros (Tibeur en euros) publié par la Fédération Bancaire Européenne, le nouveau taux étant égal à la somme de deux composantes, l'une fixe, déterminée dans l'offre, l'autre égale à la moyenne mensuelle du TIBEUR à 3 mois du mois civil précédent la date de révision ; que les indices sont objectifs, et font l'objet de publication ; que le mode de calcul du taux est précisé ;
Considérant, ainsi, que la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a, dans l'offre, qui détaille les caractéristiques du prêt, et les annexes, qui la synthétisent sur les points essentiels et contiennent des simulations chiffrées, respecté son obligation d'information, neutre et descriptive, envers les emprunteurs ; que l'offre de prêt adressée aux emprunteurs indique de manière claire que le prêt contracté par ces derniers est un prêt en francs suisses, que l'amortissement de ce prêt se fait par la conversion des échéances fixes payées en euros selon les modalités prévues au contrat de crédit, que la conversion s'opérera selon un taux de change qui, par essence est susceptible d'évoluer, que la variation du taux de change peut avoir une incidence sur la durée de remboursement et sur le montant des échéances à compter de la cinquième année, et, par conséquence, sur la charge totale de remboursement du prêt ; que la variation du taux de change et ses conséquences sur l'amortissement du prêt est constamment rappelée dans l'offre, dont une lecture littérale et objective s'impose, et que la notice contient des exemples clairs ; que l'information fournie est complète, loyale et compréhensible et que les époux X., qui ont signé le document intitulé « accusé de réception et acceptation de l'offre », ne peuvent pertinemment prétendre qu'ils n'ont pas été informés des risques de change encourus ; que le paiement d'échéances fixes en euros et la possibilité d'un allongement de la durée d'amortissement implique logiquement et nécessairement un risque d'augmentation de la contrevaleur en euros du capital restant dû en francs suisses et d'allongement de la durée des prêts ; qu'il est clairement dit dans l'offre que lorsque l'échéance en euros ne suffit pas à rembourser l'échéance théorique en francs suisses, l'emprunteur continue à payer l'échéance initialement prévue mais voit la durée de son crédit s'allonger ; qu'il doit être noté, en outre que les emprunteurs ont reçu chaque trimestre, un relevé de situation qui détaille les opérations réalisées à chaque échéance et précise de manière systématique le taux de change appliqué, ce qui démontre que la banque a respecté son obligation d'information tout au long de l'exécution du prêt ;
Considérant qu'il est donc inexact de soutenir, comme le font les époux X., que la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a dissimulé le risque qui existait pour eux de voir les sommes à payer en euros augmenter par l'effet de l'allongement de la période de remboursement du crédit lié à une dépréciation de l'euro, ou qu'elle a effectué une présentation trompeuse du mécanisme ; qu'il doit être au contraire relevé qu'alors qu'elle n'en avait pas l'obligation, la banque a intégré dans les trois offres de prêt une notice permettant d'apprécier l'influence de la fluctuation du taux de change sur le capital emprunté et la variation de la durée du prêt en résultant dans laquelle il est expressément dit que les variations éventuelles du taux de change au cours de la vie du crédit auront un impact sur son plan de remboursement et qui comprend des simulations chiffrées qui détaillent le montant des échéances, la durée du crédit, le coût total du crédit dans l'hypothèse d'une appréciation ou d'une dépréciation du franc suisse par rapport à l'euro ;
Considérant qu'il ne saurait être exigé de l'établissement de crédit prêteur qu'il évalue très précisément et de manière chiffrée, un risque d'endettement sur la base d'un cours dont il ne contrôle pas les fluctuations ; que le taux de change est, par essence, susceptible d'évoluer, et qu'il impacte nécessairement l'amortissement du prêt ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en refusant d'examiner les pièces du dossier d'instruction et l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour écarter les demandes indemnitaires des époux X., qu'il ne saurait être exigé de l'établissement de crédit prêteur qu'il évalue très précisément et de manière chiffrée, un risque d'endettement sur la base d'un cours dont il ne contrôle pas les fluctuations, sans examiner, fût-ce sommairement, les éléments développés dans les conclusions des emprunteurs, qui étaient de nature à démontrer que la banque avait anticipé, dès 2007, une importante dépréciation de l'euro face au franc suisse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le banquier dispensateur d'un crédit en devise étrangère remboursable en euros doit, au titre de son devoir d'information, exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère, de sorte que l'emprunteur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et les risques qui en découlent pour lui, notamment en lui fournissant des informations suffisantes pour lui permettre de prendre ses décisions avec prudence et en toute connaissance de cause, ces informations devant au moins traiter de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'Etat membre où l'emprunteur est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger, en informant les emprunteurs qu'en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s'expose à un risque de change qu'il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d'assumer en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été accordé, mais également en exposant à l'emprunteur les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d'un prêt en devises étrangères tels que le risque d'impossibilité d'exercer le mécanisme d'option en euros, le risque d'impossibilité de procéder au rachat du prêt ou à la revente du bien ; qu'en se bornant à relever, pour statuer comme elle l'a fait, que les époux X. avaient été clairement, précisément, expressément, informés sur le risque de variation du taux de change, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les termes « risque de change » n'étaient pas absents de l'offre de prêt et des documents annexes, ce qui était de nature à démontrer que l'information délivrée par la banque était insuffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) ALORS QU'en se bornant encore à relever que les emprunteurs avaient reçu une information suffisante sur l'incidence sur les remboursement d'une dépréciation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus, qui serait illustrée par les exemples chiffrés annexés à l'offre de prêt, sans constater que l'information et les exemples donnés traitait de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de l'euro, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Les époux X. font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande indemnitaire au titre du manquement de la banque à son obligation de renégocier le contrat ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE : Considérant qu'il ne saurait être reproché à la BNP Paribas Personal Finance d'avoir manqué à son obligation de bonne foi en refusant de renégocier le contrat ;
Considérant que l'article 1195 du code civil issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 n'est pas applicable à l'espèce ;
Considérant que l'article 1134 du code civil, dont les dispositions s'appliquent aux contrats litigieux, prévoit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que le contrat est intangible et que le juge n'a pas le pouvoir de le réviser ; que dans le cas présent, ainsi qu'il a été dit plus haut, les emprunteurs ont été informés que l'amortissement du crédit serait soumis à la variation du taux de change et que le bouleversement de l'économie du contrat qu'ils invoquent n'est que l'application des stipulations contractuelles ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QU'en cas de bouleversement des conditions d'exécution d'un contrat, qui aurait pour effet de rendre celles-ci ruineuses, le créancier de l'obligation dont les conditions d'exécution ont été bouleversées, tenu d'une obligation d'exécuter de bonne foi, doit proposer la renégociation du contrat en cause ; qu'en se fondant, pour écarter la demande indemnitaire des époux X., sur la circonstance inopérante que le contrat était intangible et que le juge n'avait pas le pouvoir de le réviser, ce qui était sans incidence sur la demande indemnitaire fondée sur l'obligation de renégocier le contrat, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QU'en se bornant par ailleurs à relever que les emprunteurs avaient été informés que l'amortissement du crédit serait soumis à la variation du taux de change et que le bouleversement de l'économie du contrat qu'ils invoquaient n'était que l'application des stipulations contractuelles, sans rechercher, comme elle y invitée, si, comme le soutenait la banque, le décrochage de l'euro n'avait pas été brusque et imprévisible, de sorte que ce n'était pas de l'application du contrat que résultait le bouleversement de ses conditions d'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.