CA TOULOUSE (2e ch.), 2 décembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8704
CA TOULOUSE (2e ch.), 2 décembre 2020 : RG n° 19/00056 ; arrêt n° 437
Publication : Jurica
Extrait : « Indépendamment de la valeur propre des affirmations du liquidateur, cet examen révèle que sous couvert d'une action fondée sur l'article 1383 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause), le liquidateur fait grief à la société Airbus d'avoir profité de la dépendance économique dans laquelle se trouvait placée la société A21 pour lui imposer un retrait forcé du marché qui les liait, pour lui confier artificiellement une nouvelle commande tout en l'empêchant d'exécuter le contrat dans des conditions normales et de la conduire inéluctablement à une rupture du dernier contrat, tous griefs qui répondent aux dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, tant au regard de la rupture brutale des relations commerciales établies qu'au regard du I, 2° du même article sanctionnant le fait de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
En statuant sur les demandes du liquidateur qui relevaient en réalité de l'article L. 442-6 du code de commerce et échappaient donc à son pouvoir juridictionnel pour ressortir à la compétence exclusive du tribunal de commerce de Bordeaux, juridiction spécialement désignée à cet effet, le tribunal a commis un excès de pouvoir ; il convient donc d'infirmer le jugement et de déclarer irrecevables les demandes du liquidateur, observations faites que la demande relative au débauchage des salariés est indissociable des autres demandes.
Si dans sa décision du 4 mai 2015, le juge-commissaire ne s'est pas prononcé sur l'admission ou le rejet de la créance de la société Airbus, il convient de constater que le juge-commissaire ne pourrait en tout état de cause se prononcer sur cette créance tirée de l'inexécution prétendument défectueuse du contrat, cette appréciation échappant à son pouvoir juridictionnel et devrait renvoyer cet examen à une juridiction du fond ; le liquidateur avait d'ores et déjà saisi cette juridiction sans demander au juge-commissaire de se prononcer sur l'admission ou le rejet de cette créance.
L'examen de la demande en fixation d'une créance de dommages et intérêts présentée par la société Airbus est indissociable de l'examen de la demande du liquidateur puisque les deux demandes conduisent à apprécier les conditions de la rupture des relations commerciales existant entre la société Airbus et la société A21 au regard de l'article L. 442-6 du Code de commerce et l'imputabilité à l'une ou à l'autre de la résiliation de la dernière commande du 12 octobre 2011 ; en raison de l'indivisibilité existant entre ces demandes, seul le tribunal de commerce de Bordeaux, saisi dans le cadre de l'article L. 442-6 du code de commerce, pourrait apprécier le bien-fondé de la demande d'Airbus en fixation de créance et en éventuelle compensation ; il s'en déduit que la demande d'Airbus doit être déclarée à ce stade irrecevable. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 2 DÉCEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/00056. Arrêt n° 437. N° Portalis DBVI-V-B7D-MW2P. Décision déférée du 29 octobre 2018 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE – R.G. n° 2015J00130.
APPELANTE :
Madame D. en qualité de Mandataire Liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL A2i (AMENAGEMENT AGENCEMENT INFORMATIQUE)
RCS TOULOUSE XXX [...], [...], Représenté par Maître Sébastien B.-A. de la SCP C. & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE, Assisté de Maître Michel D., avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
SAS AIRBUS OPERATIONS
[...], [...], Représentée par Maître Patrice G., avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 modifié par l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale en raison de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19 modifié par l'article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire, l'affaire a été traitée selon la procédure sans audience, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés
La Cour était composée lors du délibéré de : P. DELMOTTE, conseiller faisant fonction de président, S. TRUCHE, conseiller, A. ARRIUDARRE, vice-président placé,
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par P. DELMOTTE, président, et par J. BARBANCE-DURAND, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
La société Airbus Opérations(la société Airbus) dont le siège social est à Toulouse, et la société A21(Aménagement-Agencement-Informatique) entretenaient depuis 1997 des relations commerciales, la société A21 étant chargée de la réalisation de plans d'implantations des effectifs dans les différents bâtiments du site d'Airbus dans le cadre de projets d'optimisation, de regroupement ou de co-localisation d'équipes ; à cet effet, la société A21 a élaboré et mis en place un logiciel dénommé Nemetchek Allplan qui permettait d'avoir une vision globale des biens meubles, des biens immobiliers et des membres du personnel in situ.
Aucun contrat-cadre n'a été formalisée, la relation commerciale s'étant poursuivie au moyen du renouvellement périodique de commandes.
Au cours de l'année 2010, la société Airbus a lancé un appel d'offre, désireuse, selon elle 'de redéfinir le primètre du contrat qui devait aller au-delà des prestations réalisées par A21 et intégrer l'ensemble des sites Airbus sur le plan national « et non plus seulement son site toulousain ».
A la suite de l'appel d'offres lancé au cours du mois de juin 2011, la société Airbus n'a pas retenu la proposition de la société A21 pour lui préférer un autre prestataire, en l'occurrence la société Axeo.
Toutefois une nouvelle commande, dénommée « space planning » a été signée le 12 octobre 2011 par la société Airbus et la société A21.
Par jugement du 3 mai 2012, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert le redressement judiciaire de la société A21, désigné la SCP C.B.F. (l'administrateur) en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance et Mme D., en qualité de mandataire judiciaire.
En réponse à la mise en demeure adressée le 5 juin 2012 par la société Airbus, l'administrateur a, par courrier du 11 juin 2012, opté pour la non-continuation du contrat.
Par jugement du 19 juillet 2012, le tribunal a converti le redressement en liquidation judiciaire, Mme D. (le liquidateur) étant désignée liquidateur judiciaire.
Le 13 juillet 2012, la société Airbus a déclaré une créance à concurrence de 3.031.248,92 € au titre des inexécutions contractuelles commises par la société A21 et des dommages résultant de l'inexécution du contrat qui a été contestée par le liquidateur ; la société Airbus n'a pas répondu, dans le délai de trente jours, à la lettre de contestation du liquidateur.
Le 6 février 2015, la société Airbus a saisi le juge-commissaire aux fins, notamment, de voir constater sa compétence pour connaître de la contestation de sa créance.
Par ordonnance du 4 mai 2015, confirmée par jugement du 7 janvier 2016, le juge-commissaire qui a relevé le non-respect par la société Airbus des dispositions de l'article L. 622-27 du code de commerce, a déclaré irrecevable la demande présentée par la société Airbus et a débouté l'ensemble des parties de leurs autres demandes, fins et conclusions.
Par assignation du 28 janvier 2015, le liquidateur a saisi le tribunal de commerce de Toulouse à l'effet de voir condamner la société Airbus au paiement de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction alors applicable.
Mme D., ès qualités, exposait alors être recevable à agir tant au nom des créanciers admis au passif de la liquidation judiciaire qu'au nom et pour le compte de la société A21 pour solliciter « la réparation du préjudice causé par les décisions d'Airbus qui, alors qu'A21 était en situation de totale dépendance économique a, en connaissance de cause du préjudice causé à celle-ci, offert de le réparer en apparence en confiant une année supplémentaire de travail à A21 malgré les résultats de l'appel d'offres mais en ne lui permettant pas de l'effectuer dans les conditions normales d'exécution et en laissant, sur son propre site, débaucher les salariés d'A21 par la société concurrente et empêcher A21 de poursuivre le contrat reconduit pour une année, prorogeant(lire provoquant) aussitôt la cessation des paiements d'A21 et la perte de travail accompli et de l'investissement réalisé pendant plus de dix années ».
Ultérieurement, le liquidateur a déclaré agir exclusivement dans l'intérêt collectif des créanciers sur un fondement quasi délictuel.
Par requête du 17 décembre 2015, la société Airbus a saisi le juge-commissaire aux fins de voir constater la résiliation de plein droit du contrat conclu le 12 octobre 2011 ;
Par ordonnance du 15 avril 2016, le juge-commissaire a
- déclaré recevable la demande de la société Airbus
- constaté la résiliation de plein droit du contrat à compter du 11 juin 2012
- constaté que la société Airbus a la possibilité de demander des dommages et intérêts à la société A21
- constaté qu'une instance devant le tribunal de commerce de Toulouse est déjà en cours sur les origines de la rupture du contrat et les éventuelles conséquences financières de cette rupture.
- débouté le liquidateur de sa demande de dommages et intérêts
- condamné la société Airbus à payer au liquidateur la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 9 février 2017, le tribunal de commerce de Toulouse, statuant sur l'opposition formée par le liquidateur contre l'ordonnance précitée a
- déclaré recevable en la forme cette opposition
- infirmé l'ordonnance du 15 avril 2016
- condamné la société Airbus à payer au liquidateur la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 25 octobre 2017, la cour de céans a
- infirmé le jugement précité, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition formée par le liquidateur
- confirmé l'ordonnance du juge-commissaire du 15 avril 2016, sauf en ce qu'elle a constaté que la société Airbus a la possibilité de demander des dommages et intérêts à la société A21 et a condamné la société Airbus Opérations au paiement d'une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que la cour, qui statue avec les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire, n'a pas, dans le cadre d'une instance fondée sur les articles L. 622-13-III, 1° et R. 622-13 du code de commerce, à statuer sur la question de l'extinction ou de la perte, de l'admission ou du rejet de la créance de la société Airbus ;
- débouté le liquidateur de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Par jugement du 29 octobre 2018, le tribunal de commerce de Toulouse
- s'est déclaré compétent ;
- a débouté la société Airbus de sa fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité relevant de la rupture brutale de relations commerciales établies ;
- débouté le liquidateur de sa fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité relevant de l'absence de réponse dans le délai à la contestation de créance
- débouté la société Airbus de sa demande d'inscription au passif de sa créance ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective
Par déclaration du 4 janvier 2019, le liquidateur a relevé appel de cette décision.
[*]
Vu les conclusions RPVA du 18 septembre 2019 du liquidateur demandant à la cour d'infirmer le jugement déféré,
A titre liminaire
Sur l'irrecevabilité de la clause compromissoire :
Vu l'article R. 662-3 du code de commerce,
- de constater qu'il a agi dans l'intérêt collectif des créanciers admis au passif de la liquidation judiciaire de la société A2I,
- de constater ainsi, que la procédure collective exerce une influence sur le litige,
- de dire que le litige ne saurait relever d'une juridiction arbitrale,
- de constater que la demande est fondée sur une pluralité de contrats et sur des prestations réalisées hors contrat,
- de dire que les clauses attributives de compétence prévues dans les différents contrats émanant d'AIRBUS sont contradictoires et doivent s'annuler.
- de dire que la clause compromissoire est inapplicable en l'espèce.
Sur le rejet de la fin de non-recevoir de la société AIRBUS
Vu l'article 1383 du Code civil,
- de constater la faute contractuelle de la société Airbus à l'égard d'A2I dans l'exécution de l'ensemble contractuel,
- de constater le préjudice causé à l'ensemble des créanciers admis au passif de la liquidation judiciaire de la société A2I,
- de dire que son action en responsabilité quasi-délictuelle n'est pas fondée sur une rupture brutale de la relation contractuelle ayant existé entre les sociétés Airbus et A2I,
- de rejeter la fin de non-recevoir opposée par la société Airbus
- de déclarer le tribunal de commerce de Toulouse matériellement compétent pour connaître le présent litige.
A TITRE PRINCIPAL
Vu l'article 1383 du Code Civil,
- de dire que la société Airbus a engagé sa responsabilité à l'égard des créanciers admis au passif de la liquidation Judiciaire d'A2I, qui était sous sa dépendance économique, et à qui elle a confié, malgré les résultats de l'appel d'offres, une mission contractuelle complémentaire d'une année tant à titre de réparation du dommage subi par le marché perdu que pour pallier la carence professionnelle du bénéficiaire de l'appel d'offres, mais en permettant à ce dernier de débaucher aussitôt sur son propre site les salariés d'A2I, empêchant ainsi celle-ci de poursuivre et bénéficier de la mission complémentaire d'un an, ce qui a provoqué l'état de cessation des paiements d'A2I et la perte de son fonds de commerce et d'industrie,
- de dire que les éléments de la responsabilité civile quasi-délictuelle de la société Airbus à l'égard des créanciers admis au passif de la Liquidation Judiciaire de la société A2I sont réunis en l'espèce,
- de condamner la société Airbus à réparer les préjudices subis, et à verser à Mme D., ès qualités, les sommes de 71.302,81 € et de 470.903 Euros à titre de dommages intérêts,
- de déclarer en tout état de cause irrecevable la demande de la société Airbus
- de l'en débouter
- de débouter la société Airbus de son appel Incident
- de condamner la société Airbus à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la sociiété Airbus aux entiers dépens.
[*]
Vu les conclusions RPVA du 10 janvier 2020 de la société Airbus demandant à la cour
« In limine litis »
Vu l'article 24 intitulé « Loi applicable - Résolution des Litiges » de la commande du 12 octobre 2011, Vu les articles L. 420-7, R. 420-3 et D. 442-3 du Code de commerce, Vu l'article 122 du code de procédure civile
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de l'action engagée par le liquidateur
- de se déclarer incompétente au profit du tribunal arbitral.
A titre subsidiaire
Vu les articles L. 420-7, R. 420-3 et D. 442-3 du code de commerce,
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
de se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Bordeaux
Au fond
Vu l'article 1382 du code civil, Vu l'article L. 1237-3 du code du travail, Vu la jurisprudence citée et les pièces produites
- de dire que Madame D. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société A2I, a abandonné son action à l'encontre de la société Airbus sur le fondement des articles 1134 et de l'article 1184 du code civil en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société A2I,
- de dire que Madame D. en sa qualité de représentant des créanciers de la société A2I, sur le fondement de l'article 1383 du code civil et ne peut demander que l'indemnisation du préjudice subi par ces derniers,
- de déclarer infondée l'action de Madame D. en sa qualité de représentant des créanciers de la société A2I, sur le fondement de l'article 1383 du code civil
- de dire que Madame D. en sa qualité de représentant des créanciers de la société A2I, ne demande pas la réparation du préjudice lié à leur déclaration de créances au passif pour un montant de 71.302,81 € ;
- de dire que Madame D. en sa qualité de représentant des créanciers de la société A2I, ne rapporte pas la preuve d'un préjudice subi par les créanciers de la société A2I et pour lequel une demande est formulée pour un montant de 470.903 €
- de dire que le préjudice dont se prévaut Madame D. en sa qualité de représentant des créanciers de la société A2I, n'est pas un préjudice subi par lesdits créanciers mais un préjudice subi par les dirigeants et associés de la société A2I qui ne saurait être invoqué dans le cadre d'une action engagée par un liquidateur judiciaire en sa qualité de représentant des créanciers.
De dire que les créanciers n'ont pas subi le préjudice allégué par Madame D. en sa qualité de représentant des créanciers de la société A2I
.- de dire qu'elle a respecté ses obligations de bonne foi et de loyauté à l'égard de la société A2I.
- de dire que la société A2I n'a pas formulé de réponse pertinente à l'appel d'offres qu'elle a lancé en juin 2011 entrainant sa non- sélection pour le nouveau marché de « space planning »
-.de dire qu'elle a notifié à la société A2I un délai de préavis suffisant et dans le respect de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce (dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019)
- de dire que la commande du 12 octobre 2011 a maintenu le périmètre de la prestation confiée à la société A2I jusqu'au lancement de l'appel d'offres
- de dire que le liquidateur n'a engagé aucune action à l'encontre d'AXEO FM et des salariés
.- de dire que le liquidateur ne rapporte pas la preuve qu'elle ait commis ou se soit rendue complice d'un acte de débauchage des salariés de la société A2I
- de dire que la société A2I ne disposait pas d'un savoir-faire protégeable juridiquement et que le liquidateur ne rapporte pas la preuve qu'elle ait commis un acte de « pillage » dudit savoir-faire de la société A2I
- de dire que la société A2I n'a pris aucune mesure de nature à éviter sa déconfiture à compter de la notification de sa non-sélection consécutif à à l'appel d'offres
- de dire que la société A2I n'a engagé aucune démarche afin de diversifier son activité et sa clientèle, et de reconstituer une clientèle
- de dire que la société A2I n'a engagé aucune démarche pour embaucher et former de nouveaux salariés à la suite du départ de trois de ses salariés
.- de dire que les dirigeants de la société A2I n'ont rien fait pour pallier l'absence de salariés en participant par eux-mêmes à l'exécution de la commande du 12 octobre 2011
- de dire que l'administrateur judiciaire de la société A2I, par courrier du 11 juin 2012, a été contraint de prononcer la résiliation de la commande du 12 octobre 2011 après que la société A2I a décidé de ne plus rien faire après avoir interrogé son conseil par courrier du 13 janvier 2012.
- de dire qu'elle n'a commis aucune faute dans le cadre de ses relations avec la société A2I
- de débouter le liquidateur.de l'intégralité de ses demandes.
- de dire que la société A2I a commis des fautes qui sont à l'origine des difficultés rencontrées et qui ont causé sa cessation d'activité
- de dire que le liquidateur ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre la prétendue faute commise par la société AIRBUS et les préjudices allégués
.- de dire qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité à l'égard des créanciers au regard des relations commerciales entretenues avec la société A2I
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le liquidateur de l'intégralité de ses demandes
Sur l'appel incident
Vu les articles L. 622-13, L. 624-2, L. 622-27 du code de commerce, Vu l'article 1147 ancien du code civil, Vu la jurisprudence citée et les pièces produites, Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse du 25 octobre 2017 et l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 4 mai 2015
- de dire que la société A2I a été défaillante dans l'exécution de la commande n° 2879314 du 12 octobre 2011
- de dire que l'administrateur judiciaire a opté pour la résiliation de plein droit de la commande n°2879314 du 12 octobre 2011 en application de l'article L. 622-13 du code de commerce
.- de dire que la résiliation de plein droit de la commande conclue entre la société A2I et la société AIRBUS OPERATIONS, numérotée 2879314, du 12 octobre 2011 portant sur le « space planning », peut donner lieu à des dommages et intérêts dont il incombait au tribunal de commerce, saisi au fond, d'en fixer le montant.
- de dire qu'elle a déclaré une créance d'un montant de 3.031.248,92 € TTC au passif de la liquidation judiciaire de la société A2I au titre des inexécutions contractuelles liées aux manquements de la société A2I et à la résiliation de la commandes conclue entre la société A2I et la société AIRBUS, numérotée 2879314, du 12 octobre 2011.
- de dire qu'elle n'a pas perdu son droit de créance en ne répondant pas au liquidateur Maître D. dans le délai fixé par l'article L. 622-27 du code de commerce.
- de dire qu'elle a retrouvé ses droits au titre de la créance déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la société A2I et notamment son droit à un débat contradictoire dans le cadre de la procédure engagée au fond par le liquidateur
- de dire que la créance qu'elle a déclarée n'a été ni admise ni rejetée par l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 4 mai 2015
- de dire que la décision d'admission ou de rejet de la créance qu'elle a déclarée relève de la compétence du juge du fond en raison de la contestation émise par le liquidateur et de la nature de la créance déclarée.
- de dire que l'absence de prononcé d'un sursis à statuer par le juge-commissaire ne saurait empêcher la juridiction du fond, saisie par le liquidateur de se prononcer sur l'admission ou le rejet de la créance qu'elle a déclarée
- de débouter le liquidateur de l'intégralité de ses demandes.
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable sa déclaration de créance
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'inscription de sa créance déclarée au passif de la société A2I
- de dire qu'elle a subi un préjudice financier du fait des inexécutions contractuelles de la société A2I et de la résiliation de plein droit de la commande par l'administrateur judiciaire
- de fixer son préjudice à la somme de 3.031.248,92 € TTC.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour la condamnerait au paiement de dommages et intérêts, de dire que la créance qu'elle a déclarée et la créance de dommages et intérêts allouée au liquidateur sont connexes.
- d'admettre le principe de la compensation entre sa créance et celle du liquidateur judiciaire
- d'ordonner la compensation de ces créances, à due concurrence.
A titre infiniment subsidiaire,
- de prononcer un sursis à statuer dans l'attente d'une décision du juge-commissaire en charge de la liquidation judicaire d'A2I, invitant les parties à saisir le juge du fond compétent et prononçant un sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge du fond.
- de condamner Mme D., que ce soit en sa qualité de représentant des créanciers de la société A2I ou en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société A2I, à lui verser la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- de passer les dépens de la procédure en frais privilégiés de la procédure collective
[*]
La clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 3 février 2020.
L'affaire initialement fixée à l'audience du 10 février 2020 a été renvoyée à l'audience du 11 mai 2020 en raison du mouvement de grève des avocats.
Cette audience n'a pu se tenir en raison de la crise sanitaire.
Suivant formulaire rempli et signé le 21 avril 2020, Maître D., avocat du liquidateur a accepté le recours à la procédure sans audience prévue par l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020.
Suivant formulaire rempli et signé le 7 mai 2020, Maître G., avocat de la société Airbus, a accepté le recours à la procédure sans audience prévue par l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs :
Sur l'exception d'incompétence :
La commande du 12 octobre 2011 prévoit, en son article 24, la clause suivante : « en cas de litiges, controverses ou contestations(litiges) auxquelles la commande pourrait donner lieu, notamment en ce qui concerne sa validité, son exécution, sa résolution ou son interprétation, ces litiges seront réglés définitivement suivant le Règlement d'arbitrage de la Chambre du commerce Internationale par des arbitres nommés conformément à ce règlement. Le nombre d'arbitres sera de un (1) ou trois (3) selon l'accord des parties et l'arbitrage aura lieu à Paris. Tout recours à une juridiction est expressément exclu sauf dans le cadre prévu par le Règlement d'Arbitrage de la Chambre du Commerce Internationale pour les mesures conservatoires ».
Dans l'acte introductif d'instance, Mme D. a déclaré agir tant au nom et pour le compte de la société liquidée que dans l'intérêt collectif des créanciers avant de modifier, dès la première instance, son intérêt à agir en déclarant exercer exclusivement son action en responsabilité dans l'intérêt collectif des créanciers.
La clause compromissoire ne concerne que les litiges entre les parties qui l'ont stipulée et n'est pas opposable au liquidateur, qui n'était pas partie au contrat stipulant une telle clause et qui agit dans l'intérêt collectif des créanciers ; au surplus, le liquidateur entend fonder son action non pas seulement au regard de la commande du 12 octobre 2011 mais au regard de l'ensemble des commandes qui se sont succédées pendant plus de douze ans et qui contenaient ou non des clauses compromissoires, parfois distinctes dans leur forme.
Ainsi, la clause compromissoire est étrangère au présent litige, l'exception d'incompétence tirée de la clause d'arbitrage devant être rejetée.
Sur la recevabilité des demandes du liquidateur au regard des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce devenu l'article L. 442-1 du même code :
La société Airbus a soulevé dans le corps de ses conclusions cette fin de non-recevoir pour en tirer la conséquence que le tribunal de commerce de Toulouse était incompétent pour connaître des demandes du liquidateur au profit de celui de Bordeaux, juridiction spécialement désignée par l'article D. 442-3 du code de commerce pour connaître des actions fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce; le liquidateur demande de son côté à la cour d'écarter la fin de non-recevoir et de dire que son action n'est pas fondée sur la rupture brutale de la relation unissant la société Airbus à la société A 21. Il en résulte que la question de la recevabilité des demandes du liquidateur au regard des dispositions précitées est dans le débat et doit être examinée par la cour.
Même si le liquidateur a modifié dès la première instance le fondement juridique de ses demandes en abandonnant le fondement contractuel pour retenir le cadre de la responsabilité délictuelle, il ne peut sans se contredire soutenir que son action n'est pas fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies entre la société Airbus et la société liquidée.
En effet, l'ensemble de sa démonstration et de ses demandes en indemnisation découle de la rupture des relations continues ayant existé entre la société Airbus et la société A21 dont, dès l'assignation, il observe que cette dernière était sous la dépendance économique de la première et avait pour client unique la société Airbus.
Ainsi, il résulte des termes même des conclusions du liquidateur :
- « l'ensemble des prestations réalisées par la société A21 doivent être prises en compte, y compris celles réalisées sans pour autant être prévues contractuellement » (p 11), englobant par voie de conséquence la totalité de la relation commerciale qui s'est poursuivie pendant plus de 12 ans
- « d'où la reconduite d'une convention spécifique dont Airbus a contribué par la suite à interdire l'exécution par A21 en favorisant l'action de concurrence déloyale et le débauchage des salariés d'A21 sous son seul contrôle et au sein même de son site d'exploitation » (p 11 in fine)
- « Airbus a mis un terme à ces relations par un appel d'offres. A21 a été évincée de celui-ci. Puis Airbus a contraint le bénéficiaire de l'appel d'offres à délaisser un aspect spécifique de la mission au bénéfice d'A21, pour aussitôt permettre à ce dernier de débaucher les salariés d'A21 et de reprendre cette part du marché » (p 12)
- « Airbus a décidé d'évincer A21 du travail unique effectué par elle depuis plus de 10 ans mais était convaincue de l'intérêt pour le nouveau titulaire de conserver les salariés d'A21concernés, ce pour quoi elle a proposé, dès les résultats de l'appel d'offres à A21, de faire reprendre immédiatement ses salariés par AXEO FM ; A21 ayant refusé, Airbus a alors dilué sa responsabilité en proposant de retirer un tiers du travail octroyé désormais à Axeo par l'appel d'offre, A21 ne pouvait qu'accepter pour s'épargner le préjudice à venir non sans avoir clairement préparé et interrogé ses salariés. Deux mois plus tard, ses salariés se voyaient proposer une embauche plus intéressante par Axeo et démissionnaient le même jour, démontrant qu'ils avaient été l'objet d'un débauchage organisé sur le site Airbus, au seul profit d'Axeo et de la poursuite du marché d'Airbus » (p 12 ET 13)
- « il est ainsi démontré qu'A21 n'est pas défaillante sur des missions qui ne lui incombaient pas mais a été l'otage d'une confusion du fait des services internes d'Airbus qui continuaient de solliciter A21 pour des requêtes de « space planning » qui ne lui étaient plus destinées, à la suite du lancement d'un appel d'offre dédié et au choix du repreneur opérationnel dès le 1er octobre 2011 » (p 17)
- « n'est-ce pas là la seule preuve de la rupture fautive contractuelle (que précisément la réforme du code civil a stigmatisée). A21 privée non seulement de tout travail et de 3/4 de ses salariés, mais aussi du règlement de la facturation en cours due au titre du travail effectué jusque-là, doit déclarer son état de cessation des paiements dans le délai légal » (p. 21)
- « la société A21 a subi un préjudice commercial et financier par le retrait forcé du marché qui lui était confié » (p 24)
- « le lien de causalité : Maître D. ès qualités est recevable au nom des créanciers admis au passif de la liquidation judiciaire d'A21, à solliciter la réparation du préjudice causé par les décisions d'Airbus qui, alors qu'A21 était en situation de totale dépendance économique a, en connaissance de cause du préjudice causé à celle-ci, offert de le réparer en apparence en confiant une année supplémentaire de travail à A21 malgré les résultats de l'appel d'offres mais en ne lui permettant pas de l'effectuer dans les conditions normales d'exécution et en laissant, sur son propre site, débaucher les salariés d'A21 par la société concurrente et empêcher A21 de poursuivre le contrat reconduit pour une année, provoquant aussitôt la cessation des paiements d'A21 et la perte du travail accompli et de l'investissement réalisé pendant plus de dix ans »
Indépendamment de la valeur propre des affirmations du liquidateur, cet examen révèle que sous couvert d'une action fondée sur l'article 1383 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause), le liquidateur fait grief à la société Airbus d'avoir profité de la dépendance économique dans laquelle se trouvait placée la société A21 pour lui imposer un retrait forcé du marché qui les liait, pour lui confier artificiellement une nouvelle commande tout en l'empêchant d'exécuter le contrat dans des conditions normales et de la conduire inéluctablement à une rupture du dernier contrat, tous griefs qui répondent aux dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, tant au regard de la rupture brutale des relations commerciales établies qu'au regard du I, 2° du même article sanctionnant le fait de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
En statuant sur les demandes du liquidateur qui relevaient en réalité de l'article L. 442-6 du code de commerce et échappaient donc à son pouvoir juridictionnel pour ressortir à la compétence exclusive du tribunal de commerce de Bordeaux, juridiction spécialement désignée à cet effet, le tribunal a commis un excès de pouvoir ; il convient donc d'infirmer le jugement et de déclarer irrecevables les demandes du liquidateur, observations faites que la demande relative au débauchage des salariés est indissociable des autres demandes.
Si dans sa décision du 4 mai 2015, le juge-commissaire ne s'est pas prononcé sur l'admission ou le rejet de la créance de la société Airbus, il convient de constater que le juge-commissaire ne pourrait en tout état de cause se prononcer sur cette créance tirée de l'inexécution prétendument défectueuse du contrat, cette appréciation échappant à son pouvoir juridictionnel et devrait renvoyer cet examen à une juridiction du fond ; le liquidateur avait d'ores et déjà saisi cette juridiction sans demander au juge-commissaire de se prononcer sur l'admission ou le rejet de cette créance.
L'examen de la demande en fixation d'une créance de dommages et intérêts présentée par la société Airbus est indissociable de l'examen de la demande du liquidateur puisque les deux demandes conduisent à apprécier les conditions de la rupture des relations commerciales existant entre la société Airbus et la société A21 au regard de l'article L. 442-6 du Code de commerce et l'imputabilité à l'une ou à l'autre de la résiliation de la dernière commande du 12 octobre 2011 ; en raison de l'indivisibilité existant entre ces demandes, seul le tribunal de commerce de Bordeaux, saisi dans le cadre de l'article L. 442-6 du code de commerce, pourrait apprécier le bien-fondé de la demande d'Airbus en fixation de créance et en éventuelle compensation ; il s'en déduit que la demande d'Airbus doit être déclarée à ce stade irrecevable.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en ce que qu'il a écarté l'exception d'incompétence tirée de la clause compromissoire ;
L'infirmant pour le surplus,
Déclare irrecevables les demandes de Mme D., ès qualités ;
Vu le caractère indivisible du litige, déclare irrecevables les demandes en fixation de créance et compensation formées par la société Airbus Opérations ;
Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de Mme D., ès qualités et de la société Airbus Opérations.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT