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CA VERSAILLES (12e ch.), 7 janvier 2021

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (12e ch.), 7 janvier 2021
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 12e ch.
Demande : 19/01425
Date : 7/01/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 27/02/2019
Référence bibliographique : 5889 (art. L. 221-3 C. consom.), 5951 (contrats conclus pendant l’activité, expertise de sinistre)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8723

CA VERSAILLES (12e ch.), 7 janvier 2021 : RG n° 19/01425

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est établi que le contrat a été conclu à [ville L.], et donc hors établissement. Il n'est pas contesté non plus que le nombre de salariés employés par M. X. était inférieur à 5, de sorte que la seule condition qui fait débat pour l'application des dispositions du code de la consommation est celle de l'objet du contrat qui ne doit pas entrer dans le champ de l'activité principale du professionnel.

Le contrat souscrit le 15 septembre 2016 - soit 3 jours après l'incendie ayant détruit la majeure partie du centre commercial - est intitulé « ordre de mission d'expertise » et a pour objet : « l'évaluation des dommages subis par nos bâtiments, matériels, mobiliers, marchandises, ainsi que l'évaluation de nos pertes d'exploitation résultant du sinistre ». Il est encore précisé que les prestations de la société CEF comprendront : « l'élaboration de l'état chiffré et détaillé de nos pertes, dommages et préjudices, la présentation de cet état aux experts nommés par les compagnies d'assurances ou à des tiers, l'assistance à l'expertise et la négociation des indemnités nous revenant conformément à la police d'assurances ».

La cour observe en premier lieu qu'il existe un déséquilibre certain entre une société qui se dit spécialisée dans l'évaluation de dommages et la négociation d'indemnités d'assurance, et un artisan boulanger qui ignore tout de ces problématiques, et se consacre entièrement à son activité principale de production de pain et de pâtisseries.

Il est constant que l'activité principale de M. X. est celle de boulanger. S'il est exact que ce dernier devait participer à l'évaluation des dommages affectant son commerce - notamment en transmettant les documents comptables comme cela est mentionné au contrat - il apparaît toutefois que cette évaluation de dommages, de même que la présentation de ces dommages aux experts et la négociation d'indemnités avec l'assureur, n'entre pas dans le champ d'une activité principale de boulanger.

Au regard de ces éléments, et contrairement à ce qu'a pu estimer le premier juge, il convient de dire que l'objet du contrat souscrit n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel, de sorte que les dispositions précitées doivent être appliquées à M. X. Le jugement sera donc infirmé de ce chef. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

DOUZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 7 JANVIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01425. N° Portalis DBV3-V-B7D-TACX. Code nac : 00A. CONTRADICTOIRE.  Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 janvier 2019 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES : R.G. n° 2017F00631.

LE SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité [...], [...], Représentant : Maître Valérie T., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 468

 

INTIMÉE :

EURL CONSEIL DES EXPERTS FRANCAIS

N° SIRET : XXX [...], [...], Représentant : Maître Cyril B., Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0050, Représentant : Maître Pierre-antoine C., Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 719 -

 

Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 novembre 2020, Madame Véronique MULLER, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de : Monsieur François THOMAS, Président, Madame Véronique MULLER, Conseiller, Monsieur Bruno NUT, Conseiller, qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Conseil des Experts Français, ci-après la société CEF, a pour activité la commercialisation et la réalisation d'expertises en évaluation industrielle et commerciale.

Monsieur X. exploite une boulangerie dans le centre commercial de [ville L.].

Le 12 septembre 2016, le centre commercial de Y. a subi un grave incendie détruisant la majeure partie de ses boutiques, et entraînant sa fermeture administrative.

Par ordre de mission du 15 septembre 2016, Monsieur X. a demandé à la société CEF de chiffrer les dommages et pertes subis et de l'assister dans la négociation avec son assureur. Ce contrat prévoyait que les honoraires seraient de 5 % du montant de l'indemnité ou, seraient, en cas de résiliation anticipée, calculés au temps passé, au taux horaire de 150 euros hors taxes.

Le 7 mars 2017, la société CEF a établi un document chiffrant la perte d'exploitation de M. X. à plus de 80.000 euros. Ce document a été transmis à l'assureur MACIF qui a toutefois refusé l'indemnisation sollicitée, obligeant M. X. à introduire une action à son encontre.

Le 31 mars 2017, Monsieur X. a résilié l'ordre de mission de la société CEF.

Le 6 avril 2017, la société CEF a pris acte de la résiliation anticipée et mis en demeure Monsieur X. de lui régler une somme de 7.200 euros au titre du temps passé sur le dossier.

Monsieur X. s'est opposé au paiement, estimant que les sommes n'étaient pas dues.

Par ordonnance du 20 juin 2017, le tribunal de commerce de Versailles, saisi par la société CEF, a enjoint à Monsieur X. de lui payer la somme de 7.200 euros en principal, en sus les intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2017.

Par courrier recommandé du 29 août 2017, Monsieur X. a fait opposition à ladite ordonnance.

Par jugement du 9 janvier 2019, le tribunal de commerce de Versailles a :

- Dit M. X. recevable en son opposition,

- Dit que le présent jugement se substitue à l'ordonnance susvisée,

- Débouté M. X. de ses demandes à titre principal, subsidiaire, infiniment et très infiniment subsidiaire,

- Condamné M. X. à payer à la société Conseil des Experts Français la somme de 7.200 euros, en sus les intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2017,

- Débouté la société Conseil des Experts Français de sa demande d'indemnité pour résistance abusive,

- Dit M. X. mal fondé en sa demande reconventionnelle et l'en déboute,

- Condamné M. X. à payer à la société Conseil des Experts Français 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Condamné M. X. aux dépens.

Par déclaration du 27 février 2019, Monsieur X. a interjeté appel du jugement.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par dernières conclusions notifiées le 24 mai 2019, Monsieur X. demande à la cour de :

* Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Déclaré Monsieur X., recevable en son opposition ;

- Débouté la société Conseil des Experts Français, de sa demande d'indemnité pour résistance abusive.

* Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Condamné Monsieur X. à payer à la société Conseil des Experts Français, la somme de 7.200 euros, en sus les intérêts au taux légal, à compter du 6 avril 2017 ;

- Condamné Monsieur X. à payer à la société Conseil des Experts Français, la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Monsieur X. aux entiers dépens de l'instance ;

- Débouté Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes.

* Et statuant à nouveau :

- Dire que le contrat dont se prévaut la société Conseil des Experts Français est un contrat hors établissement régi par les dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation, que les dispositions des sections 2, 3, 6 du chapitre 1 titre 2 du code de la consommation sont applicables, aux relations entre Monsieur X. et la société Conseil des Experts Français ;

- Dire que le contrat ne respecte pas les dispositions d'ordre public prévues par les articles L. 221-5, L. 221-, L. 221-9, L. 221-18 du code de la consommation ;

- Dire que Monsieur X. disposait donc d'un droit de rétractation qui pouvait être exercé pendant une durée de quatorze jours et que le contrat signé le 15 septembre 2016 ne comporte aucune mention relative à l'existence de ce droit.

A titre principal :

- Prononcer la nullité du contrat sur le fondement de l'article L. 242-1 du code de la consommation et en conséquence, débouter la société Conseil des Experts Français de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

A titre subsidiaire :

- Dire que les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies à Monsieur X. dans les conditions mentionnées à l'article L. 121-17-I du code de la consommation, que le délai de rétractation a été prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, et que Monsieur X. a résilié dans le délai et en conséquence, débouter la société Conseil des Experts Français de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire :

- Dire que les manquements, les fautes dans l'exécution de la mission et le défaut d'exécution du contrat par la société Conseil des Experts Français justifient la résiliation aux torts de la société Conseil des Experts Français et en conséquence, la débouter de l'ensemble de ses demandes.

A titre très infiniment subsidiaire :

- Dire que le décompte de la facturation présentée par la société CEF n'est pas justifié et en conséquence, débouter la société Conseil des Experts Français de l'ensemble de ses demandes.

A titre reconventionnel :

- Condamner la société Conseil des Experts Français à verser à Monsieur X. les sommes de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral, 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens de la présente instance qui comprendront les éventuels frais d'exécution.

[*]

Par dernières conclusions notifiées le 23 août 2019, la société Conseil des Experts Français demande à la cour de :

A titre principal :

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Monsieur X. à payer à la société CEF la somme de 7.200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2017.

En tout état de cause :

- Condamner Monsieur X. à payer à la société CEF :

la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

- Débouter Monsieur X. de toutes ses demandes fins et conclusions.

[*]

Par ordonnance d'incident du 7 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu à la radiation de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mars 2020.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur la validité du contrat de prestation de service :

* Sur l'application des dispositions du code de la consommation :

Il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation que les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre (sections relatives à l'information précontractuelle, aux contrats conclus hors établissement et au droit de rétractation) applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

En l'espèce, M. X. soutient que les dispositions du code de la consommation lui sont applicables dès lors que l'objet du contrat - à savoir la fourniture de services permettant l'élaboration de ses pertes d'exploitation et la négociation d'une indemnité d'assurance en réparation de son préjudice - est sans aucun rapport avec son activité de boulanger. Il ajoute que le contrat souscrit est nul dès lors que la société CEF ne lui a pas fourni les informations pré-contractuelles utiles, notamment quant à son droit de rétractation.

La société CEF soutient au contraire que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables. Elle fait valoir que M. X. n'a pas la qualité de consommateur dès lors qu'il a contracté pour les besoins de son activité principale de boulangerie afin de chiffrer les pertes subies par son commerce et de négocier le montant de l'indemnisation demandée à l'assureur, ce qui impliquait sa participation active.

* * *

Il est établi que le contrat a été conclu à [ville L.], et donc hors établissement. Il n'est pas contesté non plus que le nombre de salariés employés par M. X. était inférieur à 5, de sorte que la seule condition qui fait débat pour l'application des dispositions du code de la consommation est celle de l'objet du contrat qui ne doit pas entrer dans le champ de l'activité principale du professionnel.

Le contrat souscrit le 15 septembre 2016 - soit 3 jours après l'incendie ayant détruit la majeure partie du centre commercial - est intitulé « ordre de mission d'expertise » et a pour objet : « l'évaluation des dommages subis par nos bâtiments, matériels, mobiliers, marchandises, ainsi que l'évaluation de nos pertes d'exploitation résultant du sinistre ». Il est encore précisé que les prestations de la société CEF comprendront : « l'élaboration de l'état chiffré et détaillé de nos pertes, dommages et préjudices, la présentation de cet état aux experts nommés par les compagnies d'assurances ou à des tiers, l'assistance à l'expertise et la négociation des indemnités nous revenant conformément à la police d'assurances ».

La cour observe en premier lieu qu'il existe un déséquilibre certain entre une société qui se dit spécialisée dans l'évaluation de dommages et la négociation d'indemnités d'assurance, et un artisan boulanger qui ignore tout de ces problématiques, et se consacre entièrement à son activité principale de production de pain et de pâtisseries.

Il est constant que l'activité principale de M. X. est celle de boulanger. S'il est exact que ce dernier devait participer à l'évaluation des dommages affectant son commerce - notamment en transmettant les documents comptables comme cela est mentionné au contrat - il apparaît toutefois que cette évaluation de dommages, de même que la présentation de ces dommages aux experts et la négociation d'indemnités avec l'assureur, n'entre pas dans le champ d'une activité principale de boulanger.

Au regard de ces éléments, et contrairement à ce qu'a pu estimer le premier juge, il convient de dire que l'objet du contrat souscrit n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel, de sorte que les dispositions précitées doivent être appliquées à M. X. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

 

* Sur la demande de nullité du contrat :

Il résulte de l'article L. 221-9 du code de la consommation, applicable aux contrats conclus hors établissement, comme c'est le cas en l'espèce, que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu (...)confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5. (...). Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

Il résulte de l'article L.221-5 du code de la consommation que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation.

Il résulte également de l'article L. 242-1 du code de la consommation que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l'espèce, M. X. soutient qu'au regard de ces dispositions, il disposait d'un droit de rétractation dans un délai de 14 jours à compter de la signature du contrat, et que ce dernier devait être accompagné du formulaire de rétractation, ce qui n'est pas le cas. Il sollicite donc la nullité du contrat en application de l'article L. 242-1 précité.

La société CEF ne forme aucune observation à ce titre, sauf à dire que si la nullité du contrat était prononcée, la cour devrait alors remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement, ce qui impliquerait la restitution en valeur des prestations qu'elle a réalisées.

Il est établi que, contrairement à l'article L. 221-9 précité, le contrat souscrit auprès de la société CEF ne comporte aucun bulletin de rétractation, de sorte qu'il convient de prononcer sa nulllité. Le jugement sera infirmé de ce chef.

 

2 - Sur les conséquences de la nullité du contrat :

La nullité du contrat implique que les parties soient toutes deux remises dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de ce dernier, ce qui entraîne restitution par chacune d'elles de ce qu'elle a reçu en exécution du contrat.

S'il est exact que M. X. doit ainsi restituer à la société CEF la prestation d'évaluation des dommages que celle-ci a réalisée, et donc la contre-valeur de cette prestation, la société CEF doit également restituer à M. X. la somme de 7.200 euros qu'elle est censée avoir encaissé au titre de cette prestation.

M. X. n'ayant réglé aucune somme à la société CEF, il n'y a pas lieu à restitution à son profit.

S'agissant de la restitution par M. X. de la contre-valeur de la prestation qu'il a reçue, la société CEF soutient que celle-ci représente une somme de 7.200 euros correspondant à 40 heures de travail entre le 14 septembre 2016 et le 6 avril 2017. Elle sollicite donc restitution de sa prestation valorisée à cette somme de 7.200 euros.

M. X. s'oppose à cette demande et soutient que la société CEF n'a pas rempli ses obligations, notamment en ce qu'elle a omis d'analyser le contrat d'assurance et ne l'a pas avisé d'une clause d'exclusion de garantie ultérieurement soulevée par l'assureur MACIF. Il fait également valoir que la société CEF ne l'a pas tenu informé des diligences qu'elle accomplissait, et que les honoraires facturés au temps passé ne sont justifiés par aucune pièce et sont manifestement surévalués, critiquant chacun des postes facturés, et notamment la facturation de 12 heures pour l'analyse d'un bilan.

* * *

Force est ici de constater, ainsi que le fait observer M. X., que la société CEF ne produit à l'appui de sa demande que deux documents, à savoir un courriel qu'elle a adressé à l'assureur le 28 novembre 2016, et un document daté du 7 mars 2017 intitulé « chiffrage contradictoire PE et DD » (sic), outre deux courriels postérieurs à la résiliation du contrat.

La cour ne peut que constater qu'il n'est justifié d'aucun autre document que la société CEF aurait établi ou adressé, notamment à l'assureur, dans le cadre des négociations alléguées.

La fiche de « détail des temps passés » servant de base à la facture d'un montant de 7.200 euros fait notamment état de 6 heures de travail en octobre 2016 pour « tri, analyse et numérisation de documents » puis 12 heures de travail en novembre 2016 pour « analyse des pertes d'exploitation », sans que ces 18 heures de travail ne soient justifiées par un quelconque document.

Le seul document établi par la société CEF est celui daté du 7 mars 2017, à savoir le « chiffrage contradictoire PE et DD' ». Même si l'on parvient à comprendre que le sigle PE correspond à « perte d'exploitation », on ignore à quoi correspond le sigle DD qui n'est jamais explicité. Ce document présente en outre des fautes d'orthographe évidentes, et son contenu est plus que sommaire. Il apparaît notamment que, sur un même exercice comptable, le chiffre d'affaires mensuel retenu est toujours identique, ce qui dénote un manque total de sérieux et une absence de crédibilité, alors même que la société CEF a auparavant facturé 18 heures pour l'analyse des documents. Ce « chiffrage contradictoire » ne comprend en outre que des tableaux, sans aucune argumentation détaillée du mode de calcul des pertes d'exploitation. Il est encore observé que certains intitulés de postes de préjudice sont totalement incompréhensibles, tel que « frais supplémentaires pour déménagement du contenu ». La cour note enfin que les frais supplémentaires invoqués ont été forfaitisés à 11.500 euros sans qu'aucune pièce justificative ne soit produite (devis de déménagement notamment). Le peu de sérieux de ce document conduit à penser qu'il est impossible de lui accorder une quelconque crédibilité. On peut ainsi sérieusement douter qu'il soit d'une quelconque utilité dans une négociation avec un assureur qui ne manquerait pas de relever toutes ses incohérences, et notamment l'incohérence majeure résultant d'un chiffre d'affaires chaque mois identique à l'euro près, supposé pouvoir servir de base pour définir une perte d'exploitation !

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que l'évaluation de la prestation de service réalisée par la société CEF est manifestement surévaluée par cette dernière, de sorte que la cour l'évaluera à la somme de1.200 euros HT correspondant à 8 heures de travail, soit 1.440 euros TTC (180 euros TTC x 8).

M. X. sera donc condamné au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2017, date de la mise en demeure.

 

3 - Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

La société CEF sollicite paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive. Dès lors que le contrat est annulé, la résistance de M. X. au paiement de la somme sollicitée ne peut être considérée comme abusive.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

 

4 - Sur la demande reconventionnelle au titre du préjudice moral :

M. X. forme une demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral, faisant valoir qu'il pensait avoir confié la défense de ses intérêts à une société sérieuse, alors qu'il n'a finalement obtenu aucune indemnisation de son assureur, la société CEF ayant totalement manqué de sérieux dans sa manière d'appréhender le dossier.

La société CEF s'oppose à cette demande, estimant que l'absence d'indemnisation est uniquement imputable à M. X. qui a refusé de poursuivre les démarches pour une indemnisation amiable.

Si l'on peut admettre la déception de M. X. de ne pas voir aboutir sa demande d'indemnisation auprès de son assureur, les éléments produits sont insuffisants à établir que cette absence d'indemnisation - qui constituerait plus un préjudice financier qu'un préjudice moral - est bien imputable à la société CEF, étant notamment observé que l'assureur a invoqué des clauses d'exclusion de garantie. La demande formée à ce titre par M. X. sera donc rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Le contrat d'expertise étant annulé pour non-respect des dispositions impératives du code de la consommation, c'est la société CEF qui succombe à titre principal, de sorte qu'elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable d'allouer à M. X. une indemnité de procédure de 3.000 euros.

Il convient d'ordonner la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 9 janvier 2019 en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formée par la société Conseil des Experts Français au titre de la résistance abusive et en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle formée par M. X.,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat conclu le 15 septembre 2016 entre la société Conseil des Experts Français et M. X.,

Condamne M. X. à restituer à la société Conseil des Experts Français la somme de 1.440 euros TTC au titre de la contrevaleur de la prestation de services fournie, outre intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2017,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Conseil des Experts Français à payer à M. X. une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Ordonne la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties à hauteur de leur quotité respective,

Condamne la société Conseil des Experts Français aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur François THOMAS, Président, et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                                        Le président,