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CAA DOUAI (1re ch.), 12 janvier 2021

Nature : Décision
Titre : CAA DOUAI (1re ch.), 12 janvier 2021
Pays : France
Juridiction : Douai (CAA)
Demande : 20DA00255
Date : 12/01/2021
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 2/09/2016
Référence bibliographique : 5986 (logique, clause inapplicable en fait)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8732

CAA DOUAI (1re ch.), 12 janvier 2021 : req. n° 20DA00255

Publication : Legifrance

 

Extrait : « 13. Enfin, Maître E. ne fournit aucune précision sur les journées d'intempérie qui auraient empêché la société d'exécuter les travaux après l'échéance du 1er mars 2013. Dans ces conditions, le moyen relatif au caractère de clause abusive de l'article 4.2 du cahier des clauses administratives particulières portant sur l'allongement des délais en raison de journées d'intempérie, est en tout état de cause inopérant. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 12 JANVIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Req. n° 20DA00255.

 

APPELANT :

Société anonyme Les Compagnons Paveurs - Maître E., liquidateur

 

INTIMÉE :

Communauté de communes de Pont-Audemer

 

Président : M. Heinis. Rapporteur : M. Jean-Pierre Bouchut. Rapporteur public : M. Gloux-Saliou. Avocat(s) : PETRELLI.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Les Compagnons Paveurs et Maître E., son mandataire liquidateur, ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la communauté de communes de Pont-Audemer à verser à la société la somme de 122.736,73 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires à compter du 31 juillet 2013 et de leur capitalisation, au titre du solde du marché relatif au lot n° 2 « sols, maçonnerie, mobilier » des travaux d'aménagement de la place X. à Pont-Audemer.

Par un jugement n° 1500536 du 19 juillet 2016, le tribunal administratif de Rouen a condamné la communauté de communes de Pont-Audemer à verser à la société Les Compagnons Paveurs une somme de 2.427,74 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires avec capitalisation.

Par un arrêt n° 16DA01568 du 22 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Douai, sur appel principal de Maître E. et sur appel incident de la communauté de communes de Pont-Audemer, d'une part, a réformé le jugement du tribunal administratif de Rouen en condamnant la communauté de communes à verser à Maître E. pris comme mandataire de la société le montant des intérêts contractuels sur la somme de 43.754,67 euros pour la période comprise entre le 22 avril 2014 et le 13 février 2015, ainsi que la somme de 23.371,62 euros augmentée des intérêts contractuels à compter du 22 avril 2014, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par une décision n° 427282 du 10 février 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par Maître E. liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons Paveurs, a annulé cet arrêt du 22 novembre 2018 en tant qu'il a rejeté les conclusions d'appel de Maître E. et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la même cour.

 

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée sous le n° 16DA01568 le 2 septembre 2016, et des mémoires, enregistrés le 7 juillet 2017, le 22 février 2018, et des mémoires enregistrés après cassation sous le n° 20DA00255 le 16 avril 2020 et le 3 août 2020, la société anonyme Les Compagnons Paveurs et Maître E., liquidateur, représentés par Maître F., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Rouen du 19 juillet 2016 en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de leurs conclusions indemnitaires ;

2°) d'arrêter le décompte général du marché au montant de 809.365,59 euros toutes taxes comprises, hors actualisation ;

3°) de condamner la communauté de communes de Pont-Audemer à verser à la société, d'une part, le solde du marché restant dû soit la somme de 21.135,59 euros, augmentée des intérêts moratoires contractuels à compter du 22 avril 2014 avec capitalisation à la date du 22 avril 2015 ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante, d'autre part, les intérêts moratoires sur la somme de 43.754,67 euros au titre de la période comprise entre le 24 janvier 2014 et le 27 janvier 2015, enfin, la somme correspondant à l'actualisation des prix, soit 2.713,69 euros avec intérêts à compter du 22 avril 2014 ;

4°) de condamner la communauté de communes de Pont-Audemer à rembourser les sommes correspondant à l'annulation partielle des pénalités de retard, en prenant en compte la date du 23 juillet 2013 et, à titre subsidiaire, celle du 15 septembre 2013 comme date contractuelle de fin d'exécution des travaux ;

5°) de rejeter la demande de sa condamnation à verser 4.600 euros à la communauté de communes en réparation du préjudice causé par le retard du chantier ;

6°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Pont-Audemer la somme de 8.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Maître F., représentant Maître E. ès-qualité de liquidateur judiciaire de la sa les Compagnons Paveurs, et de Maître C., représentant la communauté de communes de Pont-Audemer.

Une note en délibéré présentée par Maître E. ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SA les Compagnons Paveurs a été enregistrée le 2 décembre 2020.

Une note en délibéré présentée par la communauté de communes de Pont-Audemer-Val-de-Risle a été enregistrée le 4 décembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Par un acte d'engagement notifié le 25 octobre 2011, la communauté de communes de Pont-Audemer a confié à la société Les Compagnons Paveurs le lot n° 2 « sols - maçonnerie – mobilier » des travaux d'aménagement de la place Charles de Gaulle, à Pont-Audemer. La réception des travaux a été prononcée, avec réserves, avec effet au 6 novembre 2013. La société a adressé au maître d'œuvre son projet de décompte final le 7 février 2014. Le décompte général, qui lui a été notifié le 23 mai 2014, a retenu un solde d'un montant de 67.126,29 euros. La société a présenté le 3 juillet 2014 un mémoire en réclamation en se prévalant d'un solde en sa faveur plus élevé, évalué par elle à 161.816,59 euros toutes taxes comprises.

2. Cette réclamation ayant été rejetée, la société Les Compagnons Paveurs et son liquidateur Maître E. ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la communauté de communes de Pont-Audemer à leur verser une somme de 122.736,73 euros. Le tribunal administratif n'a que partiellement fait droit à ce recours, en condamnant la communauté de communes de Pont-Audemer à verser à la société Les Compagnons Paveurs la somme de 2.427,74 euros toutes taxes comprises augmentée des intérêts moratoires avec capitalisation, puis a rejeté les conclusions reconventionnelles présentées par la communauté de communes.

3. La société Les Compagnons Paveurs et Maître E. relèvent appel de ce jugement en tant qu'il ne leur a pas donné plus ample satisfaction. La communauté de communes présente des conclusions d'appel incident et demande en outre la réformation du jugement en tant que celui-ci a prononcé une condamnation à son encontre concernant l'actualisation des prix.

4. Par un jugement du 25 mars 2014, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Les compagnons Paveurs et en a désigné liquidateur la SELARL EMJ en la personne de Maître E. L'appel doit, par suite, être regardé comme présenté par le mandataire-liquidateur de cette société agissant ès-qualité.

 

Sur la régularité du jugement :

5. Il résulte de la procédure de première instance que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur les conclusions de la société Les Compagnons Paveurs et de Maître E. relatives au solde du marché. Par suite, il y a lieu d'annuler, dans cette seule mesure, le jugement attaqué, de statuer sur ce point par la voie de l'évocation et de statuer sur les autres points du litige par l'effet dévolutif de l'appel.

 

Sur les pénalités de retard :

6. Il résulte du décompte général du marché que la communauté de communes de Pont-Audemer-Val-de-Risle a mis à la charge de la société Les Compagnons Paveurs une somme de 77.190 euros sanctionnant 249 jours de retard d'exécution des travaux, en application de l'article 4.3.1 du cahier des clauses administratives particulières.

7. Selon cet article, qui déroge à l'article 20 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux : « En cas de retard sur les échéances précisées sur le planning d'exécution annexé au marché, l'entrepreneur subira, par jour calendaire de retard dans l'achèvement des travaux, une pénalité de 310 euros H.T., sans préjudice des dédommagements du maître de l'ouvrage, consécutif à l'incidence des majorations des révisions de prix pour l'ensemble des corps d'état concernés. / Ces pénalités pourront être appliquées sans mise en demeure préalable, sur simple confrontation de la date réelle d'achèvement et de la date d'expiration du délai contractuel d'exécution fixée au planning d'exécution des travaux ».

 

En ce qui concerne la date contractuelle de fin des travaux :

8. Il résulte de l'instruction que la communauté de communes n'a pas tenu compte des dépassements des délais partiels successifs fixés par le planning des travaux, mais a uniquement sanctionné le dépassement de l'échéance fixée par ce planning, conformément à l'ordre de service n° 2, au 1er mars 2013. Cet ordre de service, signé par la société Les Compagnons Paveurs, a retenu cette date comme celle à laquelle les travaux devaient être définitivement achevés. Cette même date a d'ailleurs été rappelée à la société par deux mises en demeure notifiées en avril et juillet 2013.

 

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

9. Maître E. soutient que des travaux supplémentaires ont été demandés à la société après le 1er mars 2013. Toutefois, si des avenants n° 1 et n° 2, signés sans réserve et ayant pour objet des travaux supplémentaires, ont été notifiés en avril 2013 et en juillet 2013, ils n'ont pas accordé un délai supplémentaire à la société pour achever le chantier. Si Maître E. se réfère notamment à la réalisation d'un trottoir sur le bord de la Risle au nord de la zone concernée, il ne produit pas les ordres de service qui auraient imposé la réalisation des travaux invoqués. Enfin, il résulte des comptes rendus de chantier produits à l'instance que des travaux analogues à ceux évoqués par les avenants étaient en cours d'exécution en 2012. Dans ces conditions, lesdits avenants doivent être regardés, ainsi que le soutient la communauté de communes, comme ayant seulement eu pour objet de régulariser des travaux supplémentaires déjà effectués.

 

En ce qui concerne l'imputabilité des retards :

10. Maître E. n'établit d'abord pas que le retard dans la réalisation des passages piétons est imputable à l'entreprise chargée du lot n° 1, qui aurait différé la réalisation du support, ou au maître d'œuvre, qui aurait tardé à valider le matériau mis en œuvre.

11. Si Maître E. soutient ensuite que le retard dans la réalisation des travaux afférents à la pose du mobilier urbain est imputable au maître de l'ouvrage, lequel aurait finalement assumé la fourniture du mobilier urbain mais aurait tardé à le livrer sur le chantier, il se borne à présenter quelques bons de livraison et courriels qui ne suffisent pas à établir que la société a été déchargée de la totalité de la fourniture du mobilier urbain, prestation qui lui incombait en vertu de l'article 3 du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 2.

12. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'absence des éventuelles carences des autres intervenants ou du maître d'ouvrage, la société requérante aurait terminé plus rapidement l'ensemble des travaux qui lui incombaient.

13. Enfin, Maître E. ne fournit aucune précision sur les journées d'intempérie qui auraient empêché la société d'exécuter les travaux après l'échéance du 1er mars 2013. Dans ces conditions, le moyen relatif au caractère de clause abusive de l'article 4.2 du cahier des clauses administratives particulières portant sur l'allongement des délais en raison de journées d'intempérie, est en tout état de cause inopérant.

 

En ce qui concerne la date d'achèvement des travaux :

14. Le procès-verbal de réception des travaux, avec mention des réserves portant sur les travaux restant à réaliser, retient comme date de sa prise d'effet le 6 novembre 2013.

15. D'une part, si Maître E. soutient que la date d'achèvement effectif des travaux du lot n°2 doit être fixée au 31 juillet 2013 en invoquant un « constat contradictoire d'achèvement des travaux du 31 juillet 2013 », ce document, signé notamment par le représentant du titulaire du marché, a indiqué expressément que les travaux du marché n'étaient pas encore achevés au 31 juillet 2013 et qu'outre la pose du mobilier urbain et la création de passages piétons, de nombreux travaux de reprise ou de finition n'étaient toujours pas effectués.

16. D'autre part, si Maître E. soutient que les travaux ont nécessairement été terminés vingt jours avant la date de la réception de l'ouvrage, puisque l'article 41.1 du cahier des clauses administratives générales dispose que le maître d'œuvre procède aux opérations préalables à la réception des ouvrages dans un délai de vingt jours à compter de la date de réception de l'avis par lequel le titulaire du marché indique au maître d'œuvre et au maître de l'ouvrage la date à laquelle il estime que les travaux ont été achevés, il n'a pas produit à l'instance l'avis par lequel, en l'espèce, la société aurait informé le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre de l'achèvement des travaux. Dans ces conditions, le moyen ainsi invoqué doit être écarté.

17. Il résulte de ce qui précède que les travaux confiés à la société Les Compagnons Paveurs, qui devaient être terminés le 1er mars 2013, n'ont été effectivement achevés que le 6 novembre 2013, soit avec 249 jours de retard.

 

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

18. Le paragraphe 4.3.1 du cahier des clauses administratives particulières, relatif aux retards d'exécution des travaux, prévoit ainsi qu'exposé au point 7 une pénalité par jour calendaire de retard de l'achèvement des travaux de 310 euros « hors taxes ».

19. Il se déduit de cette disposition que lors de l'établissement du décompte général du montant des travaux, après avoir retenu dans un premier temps les montants en faveur du titulaire du marché, les versements déjà effectués puis ceux imputés à son détriment tels que les réfactions, les moins-values ou les pénalités hors taxes, il y a lieu dans un second temps d'appliquer la taxe sur la valeur ajoutée à la somme qui résulte du solde.

20. Il résulte de ce qui précède que Maître E. ne peut utilement ni invoquer les dispositions de l'article 267 du code général des impôts relatives à l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, qui ne sont pas applicables au calcul des pénalités litigieuses, ni soutenir que pour la loi fiscale et la doctrine administrative prise pour son interprétation une pénalité de retard a le caractère d'une indemnité, ne constitue pas la contrepartie d'une livraison de biens ou d'une prestation de services et n'est donc pas située dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

21. En tout état de cause, les mémoires en réclamation formés par le titulaire du marché avant et après la notification du décompte général par le maître d'ouvrage ne comportaient aucune demande tendant à l'exclusion de l'application de la taxe sur la valeur ajoutée au montant des pénalités et cette demande a donc été formée devant le juge sans tenir compte de l'article 50.3.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, selon lequel « si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation ».

22. Dans ces conditions, le montant des pénalités applicables s'élève comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, compte tenu du nombre des jours de retard et du taux journalier de la pénalité, à la somme de 77.190 euros qui doit être retenue pour le calcul du solde auquel s'appliquera comme il a été dit la taxe sur la valeur ajoutée.

 

Sur l'actualisation des prix :

23. En vertu du 1° du III de l'article 18 du code des marchés publics, un prix ferme est un prix invariable pendant la durée du marché, qui est toutefois actualisé « si un délai supérieur à trois mois s'écoule entre la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l'offre et la date de début d'exécution des prestations ».

24. Aux termes de l'article 10.4.2 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en litige en application de l'article 2.1.2 de son cahier des clauses administratives particulières : « Les prix fermes sont actualisés dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur à la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l'offre ».

25. Aux termes de l'article 3.4 du cahier des clauses administratives particulières : « Les prix sont fermes et actualisables (...) / Au cas où l'ordre de service général n'aurait pas été donné dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter du dernier jour du mois de valeur des prix de l'offre de l'entreprise, il sera procédé à l'actualisation des prix du marché à la date d'effet de cet ordre de service, par application de la formule d'actualisation définie ci-après ». Selon l'article 3.4.2 du même cahier : « Les prix du présent marché sont réputés établis sur la base des conditions économiques en vigueur au mois de juillet 2011. / Ce mois précédant la date limite de remise des offres est appelé mois zéro ». L'article 3.4.4 de ce cahier subordonne enfin l'actualisation du prix du marché à la condition que « l'ordre de service délivré au mois du début du délai contractuel d'exécution des travaux soit postérieur de plus de trois mois au mois zéro ».

26. L'actualisation des prix ainsi prévue a pour objet de prendre en compte les modifications des conditions économiques entre, d'une part, le prix du marché à la date du dernier jour du mois de valeur des prix de l'offre de l'entreprise et, d'autre part, le prix du marché à la date du début de son exécution, lorsque celle-ci est postérieure de plus de trois mois à la date d'effet de l'ordre de service général. Elle n'est appliquée que si un délai de quatre-vingt-dix jours au moins s'est écoulé entre ces deux dates.

 

En ce qui concerne le déclenchement du délai de trois mois :

27. Il résulte des articles 3.4, 3.4.2 et 3.4.4 du cahier des clauses administratives particulières que la première date à prendre en compte est le 31 juillet 2011.

 

En ce qui concerne le dépassement du délai de trois mois :

28. Aux termes de l'article 19 du cahier des clauses administratives générales applicable, auquel l'article 10 du cahier des clauses administratives particulières du marché litigieux n'a pas dérogé : « 19.1. Délais d'exécution : 19.1.1. Le délai d'exécution du marché comprend la période de préparation définie à l'article 28.1 et le délai d'exécution des travaux défini ci-dessous. Un ordre de service précise la date à partir de laquelle démarre la période de préparation. / Le délai d'exécution des travaux est celui imparti pour la réalisation des travaux incombant au titulaire, y compris le repliement des installations de chantier et la remise en état des terrains et des lieux. Un ordre de service précise la date à partir de laquelle démarre le délai d'exécution des travaux. (...) ».

29. Il résulte de ces dispositions que « l'ordre de service général » prévu à l'article 3.4 du cahier des clauses administratives particulières doit préciser la date à partir de laquelle démarre la période de préparation et la date à partir de laquelle démarre le délai d'exécution des travaux et que c'est ainsi la date de démarrage de la période de préparation qui doit être prise en compte pour apprécier le dépassement du délai de trois mois.

30. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'aucun ordre de service général au sens ainsi défini n'a été émis par le maître d'ouvrage. Pour déterminer la date de démarrage de la période de préparation, il y a donc lieu de se référer à l'acte d'engagement du marché litigieux, qui stipulait que « Le délai de la période de préparation des travaux est fixé à 1 mois à compter de la notification du marché ». Or cette notification est intervenue le 25 octobre 2011. Il n'y a dès lors pas lieu de tenir compte de l'ordre de service n°1 qui a prescrit le début d'exécution des travaux à compter du 14 novembre 2011.

31. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes est fondée à soutenir que le délai contractuel d'actualisation du prix de l'offre n'a pas excédé trois mois. Par suite, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la clause d'actualisation des prix n'est pas applicable en l'espèce.

 

Sur le solde du marché :

32. Il résulte de l'instruction que le montant total du marché, tel que rehaussé par les avenants n°1 et n°2, s'élève à 801 249,96 euros toutes taxes comprises.

 

En ce qui concerne le décompte général définitif :

33. Maître E. soutient que le décompte général définitif notifié le 23 mai 2014 qui retient, compte tenu des pénalités de retard, un montant net de 717.046,35 euros toutes taxes comprises et, eu égard aux acomptes versés, un solde dû de 67.126,29 euros toutes taxes comprises, a été falsifié par la communauté de communes.

34. Toutefois, si ce document comporte des ratures et des mentions manuscrites ajoutées, le dirigeant de la société l'a signé le 2 juillet 2014. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que ce décompte correspondrait à un document falsifié, ni que les chiffres qu'il mentionne seraient inexacts.

 

En ce qui concerne le versement du solde :

35. Maître E. soutient que, au lieu de verser le solde de 67.126,29 euros toutes taxes comprises mentionné sur le décompte général définitif, la communauté de communes ne lui a versé finalement, avec retard le 13 février 2015, que la somme de 43.754,67 euros.

36. D'une part, il résulte de ce qui précède que Maître E. est fondé, ès-qualité, à demander la condamnation de la communauté de communes à lui verser les intérêts contractuels afférents à la somme de 43.754,67 euros entre la date à laquelle le solde aurait dû être versé et la date de versement effectif de cette somme, soit le 13 février 2015.

37. D'autre part, s'agissant de la somme non versée de 23.371,62 euros, la communauté de communes admet que, sur ce solde de 67.126,29 euros, « une retenue de 19.840 euros a été effectuée au titre des pénalités définitives ». Elle n'a précisé toutefois ni le principe ni les modalités de calcul de cette retenue supplémentaire, alors que les pénalités pour retard d'exécution ont déjà été prises en compte, lors de l'établissement du décompte général définitif, pour déterminer le solde du marché.

38. Dans ces conditions, Maître E. est fondé, ès-qualité, à demander la condamnation de la communauté de communes à lui verser la somme complémentaire de 23.371,62 euros, augmentée des intérêts contractuels à compter de la date à laquelle le solde aurait dû être versé.

 

En ce qui concerne les intérêts :

39. En vertu de l'article 98 du code des marchés publics dans sa version applicable, le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder trente jours pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux.

40. Selon l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales applicable : « Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général avant la plus tardive des deux dates ci-après : - quarante jours après la date de remise au maître d'œuvre du projet de décompte final par le titulaire / - douze jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde. ».

41. L'article 3.3.3 du cahier des clauses administratives particulières a prévu un délai de mandatement du solde de trente jours.

42. D'une part, la réception par le maître d'œuvre, le 7 février 2014, du projet de décompte final soumis par la société a fait courir, en application des dispositions précitées, un délai de quarante jours expirant le 19 mars 2014. A cette date, la communauté de communes était tenue de notifier le décompte général à l'entreprise. Si ce décompte ne lui a été notifié effectivement que le 23 mai 2014, il ne résulte pas de l'instruction que ce retard soit imputable au titulaire du marché.

43. D'autre part, il résulte de ce qui précède que le délai de mandatement du solde est de trente jours à compter de la date prévue de notification du décompte général. La communauté de communes était donc tenue de mandater le solde du marché dans les trente jours ayant couru à compter du 19 mars 2014, soit au plus tard le 18 avril 2014.

44. Il résulte de ce qui précède que les intérêts moratoires ont couru à compter du 18 avril 2014.

 

En ce qui concerne les intérêts des intérêts :

45. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.

46. Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière.

47. La capitalisation des intérêts a été demandée par la société dans sa demande de première instance enregistrée le 19 février 2015. Par suite, les intérêts échus à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle successive doivent être capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

 

Sur les conclusions d'appel incident de la communauté de communes :

48. Si la communauté de communes demande la condamnation de la société Les Compagnons Paveurs à lui verser des dommages-intérêts, il résulte de la décision du Conseil d'Etat du 10 février 2020, en tout état de cause, que l'arrêt de la cour rendu le 22 novembre 2018 est devenu définitif en ce qui concerne ces conclusions.

 

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

49. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées sur le même fondement par la communauté de communes ne peuvent qu'être rejetées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCIDE :

Article 1er : La communauté de communes de Pont-Audemer-Val-de-Risle est condamnée à verser à Maître E., ès-qualité de mandataire liquidateur de la société anonyme Les Compagnons Paveurs, d'une part, les intérêts contractuels afférents à la somme de 43.754,67 euros au titre de la période comprise entre le 18 avril 2014 et le 13 février 2015, d'autre part, la somme de 23.371,62 euros augmentée des intérêts contractuels à compter du 18 avril 2014, ces intérêts étant calculés et capitalisés dans les conditions fixées par les motifs du présent arrêt.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 19 juillet 2016 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur le solde du marché, et réformé pour le surplus en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Maître F. pour Maître E., ès-qualité de liquidateur de la société Les Compagnon Paveurs, et à la communauté de communes de Pont-Audemer-Val-de-Risle.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Eure.