CA GRENOBLE (ch. com.), 14 janvier 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8744
CA GRENOBLE (ch. com.), 14 janvier 2021 : RG n° 17/04707
Publication : Jurica
Extrait : « Sur la demande en paiement de la société Biomet, la société CF&M entend se prévaloir, à titre reconventionnel, de la violation des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, en ce qu'il prévoit la réparation du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales établies et sanctionne le fait de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Il résulte des dispositions de l'article D. 442-3 du code de commerce et de ses annexes, que pour l'application de l'article L. 442-6, sont déterminés le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes et qu'à ce titre, seul le tribunal de commerce de Lyon est spécialement désigné pour en connaître concernant le ressort de la cour d'appel de Grenoble.
S'agissant de règles d'ordre public, il ne peut y être dérogé conventionnellement et leur non-respect constitue une fin de non-recevoir de la demande présentée devant une juridiction non spécialisée.
Tel est le cas en l'espèce, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère n'étant pas désigné comme juridiction spécialisée.
C'est donc de manière erronée que le tribunal de commerce a examiné la question de sa compétence alors qu'il s'agissait de vérifier l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels.
En retenant sa « compétence » et en statuant sur les conditions de la rupture du contrat de distribution pour apprécier la demande indemnitaire de la société CF&M, la juridiction de première instance a commis un excès de pouvoir entachant son jugement de nullité, sans que l'effet dévolutif de l'appel puisse permettre à cette cour, elle-même non spécialisée, de l'examiner, la demande demeurant irrecevable devant elle.
La demande en paiement principale de la société Biomet ne relevant pas, quant à elle, du contentieux spécialisé de l'article L. 442-6 du code de commerce, et pouvant être examinée séparément de la demande reconventionnelle, qui ne vise qu'à opérer compensation, elle était recevable devant le tribunal de commerce et le demeure devant cette cour.
Le jugement sera déclaré nul en ce qu'il a' dit que la rupture des relations commerciales n'avait pas été brutale et débouté la société CF&M de ses demandes indemnitaires, qui seront déclarées irrecevables. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 14 JANVIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/04707. N° Portalis DBVM-V-B7B-JHTN. Appel d'un Jugement (R.G. n° 2016J279) rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS-SUR-ISERE, en date du 13 septembre 2017, suivant déclaration d'appel du 9 octobre 2017.
APPELANTE :
SARL COMPAGNIE FINANCIÈRE ET MÉDICALE
SARL au capital de XX €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BOURG-EN-BRESSE sous le n° YYY, prise en la personne de son représentant légal en exercice et domicilié en cette qualité audit siège [...], [...], représentée par Maître Emmanuelle P., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Maître R., avocat au barreau de l'AIN
INTIMÉE :
SAS ZIMMER BIOMET FRANCE
société par actions simplifiée au capital de YY euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BELFORT sous le numéro YYY, représentée par M. M., Président, ayant tous pouvoirs à l'effet des présentes, [...], [...], représentée par Maître Alexis G. de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Maître V., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Patricia GONZALEZ, Présidente, Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller, M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Alice RICHET, Greffier.
DÉBATS : A l'audience publique du 18 novembre 2020, Mme BLANCHARD, conseillère, a été entendue en son rapport, Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat à durée déterminée d'une année en date du 9 mai 2012, reconduit jusqu'au 28 janvier 2016, la société Biomet a confié à la Sarl Compagnie Financière et Médicale la distribution non exclusive de ses produits et dispositifs médicaux de reconstruction.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 octobre 2015, la société Biomet a informé sa cocontractante qu'elle ne renouvellerait pas le contrat de distribution à son terme et qu'elle entendait se prévaloir des stipulations contractuelles relatives à la reprise des stocks.
Les parties se sont opposées sur l'évaluation du prix de rachat de ce stock, la société Compagnie Financière et Médicale contestant les décotes appliquées par la société Biomet et se prévalant d'une part d'un délai de préavis de rupture insuffisant et d'autre part d'une convention orale d'agence commerciale portant sur le dispositif de prothèse du genou.
Le 17 août 2016, la société Biomet a fait assigner la société Compagnie Financière et Médicale devant la juridiction commerciale en paiement du solde de ses factures.
La société Biomet est devenue la Sas Zimmer Biomet France après fusion par voie d'absorption de Zimmer France le 30 novembre 2016.
* * *
Par jugement du 13 septembre 2017, le tribunal de commerce de Romans sur Isère s'est déclaré compétent pour connaître de la demande en paiement de la société Biomet devenue Zimmer Biomet France à l'encontre de la société Compagnie Financière et Médicale et a :
- dit que le terme prédéfini du contrat de distribution signé entre les sociétés Biomet et Compagnie Financière et Médicale, outre le délai de préavis donné 3,5 mois avant le terme du contrat excluent toute brutalité dans la rupture des relations commerciales,
- dit que la société Biomet devenue Zimmer Biomet France n'a conclu aucun contrat d'agence commerciale avec la société Compagnie Financière et Médicale,
- débouté la société Compagnie Financière et Médicale de ses demandes indemnitaires,
- constaté que la société Compagnie Financière et Médicale se reconnaît débitrice de la somme de 124.894,60 € envers Biomet au titre des commandes passées,
- dit que la valorisation du stock à hauteur de 42.775,58 € s'est effectuée en stricte application des termes et conditions fixés par le contrat,
- renvoyé la société Compagnie Financière et Médicale à mieux se pourvoir devant la juridiction spécialisée sur sa demande au titre de l'article L. 442-6 du code de commerce relative aux dispositions contractuelles de reprise du stock,
- constaté que la société Compagnie Financière et Médicale et la société Biomet devenue Zimmer Biomet France se trouvent débitrices l'une de l'autre,
- prononcé la compensation entre les créances réciproques,
- condamné la société Compagnie Financière et Médicale à payer à la société Biomet devenue Zimmer Biomet France, la somme de 82.119,02 €, outre intérêts au taux légal, à compter de la signification du présent jugement, au titre des factures impayées,
- ordonné à la société Compagnie Financière et Médicale de procéder à ses frais et sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la présente décision, à l'expédition de l'intégralité du stock repris,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société Compagnie Financière et Médicale à payer à la société Biomet devenue Zimmer Biomet France, la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge de la société Compagnie Financière et Médicale.
Par déclaration au greffe en date du 9 octobre 2017, la société Compagnie Financière et Médicale a relevé appel de cette décision.
[*]
Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées le 14 mai 2018, la société Compagnie Financière et Médicale (société CF&M) demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1289 anciens du code civil, L. 442-6, D. 442-3, L. 134-11 et L. 134-12 du code de commerce, R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, de :
- dire et juger que le tribunal de commerce de Romans sur Isère, en statuant sur les demandes formées par la société CF&M, fondées sur l'article L. 442-6-I du code de commerce a commis un excès de pouvoir,
- prononcer l'anéantissement par voie d'annulation du jugement,
- subsidiairement,
- l'infirmer en toutes ses dispositions,
- dire et juger que la Sas Zimmer Biomet France a violé les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce,
- dire et juger que la Sas Zimmer Biomet France et la société CF&M sont liées par un contrat d'agence commerciale concernant la vente du dispositif médical prothétique de genou,
- condamner la Sas Zimmer Biomet France à payer à la société CF&M en indemnisation de l'insuffisance de préavis de rupture de la relation commerciale établie, la somme de 110.058 € à titre de dommages et intérêts,
- condamner la Sas Zimmer Biomet France à payer à la société CF&M au titre de l'indemnité spéciale de rupture du contrat d'agence commerciale et du non-respect du préavis de trois mois, la somme de 333.109 €,
- subsidiairement, concernant la convention de vente du dispositif prothétique de genou, si la juridiction ne considère pas la convention comme un contrat d'agence commerciale, dire et juger que la Sas Zimmer Biomet France a violé les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce en ne respectant pas un préavis suffisant de 12 mois,
- en conséquence, condamner la Sas Zimmer Biomet France à payer à la société CF&M en indemnisation de l'insuffisance de préavis concernant le contrat de distribution de la prothèse de genou, la somme de 49.966 €,
- dire et juger que la Sas Zimmer Biomet France a créé un déséquilibre significatif dans les obligations respectives des parties, de manière parfaitement abusive et a engagé sa responsabilité à ce titre,
- condamner la Sas Zimmer Biomet France à payer à la société CF&M, la somme de 85.465,11 € en réparation du préjudice lié à la violation de l'article L. 446-I-2° du code de commerce,
- ordonner la compensation entre les créances respectives de la Sas Zimmer Biomet France et la société CF&M,
- condamner la SAS Zimmer Biomet France à la société CF&M, la somme de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CF&M soutient que :
- son appel est recevable, la Cour de cassation ayant modifié sa jurisprudence pour adopter une lecture restrictive du texte de l'article D. 442-3 du code de commerce en ce qu'elle considère que ce texte ne désigne la cour d'appel de Paris que pour connaître des appels des décisions rendues par les juridictions de première instance spécialement désignées pour connaître de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce ;
- la clause contractuelle attributive de compétence ne peut faire obstacle à l'application des dispositions d'ordre public désignant ces juridictions spécialisées ;
- le tribunal de commerce a commis un excès de pouvoir en statuant sur ses prétentions reconventionnelles fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce et sa décision doit être privée d'effets ;
- elle n'avait pas l'obligation de scinder son action reconventionnelle en saisissant parallèlement le tribunal de commerce de Lyon de ses prétentions fondées sur la rupture abusive et le déséquilibre significatif.
Sur la rupture brutale de la convention de distribution, la société CF&M conteste y avoir acquiescé tacitement et rappelle que les relations contractuelles existaient depuis 2005, qu'elle a été informée du non renouvellement de la convention de distribution trois mois et demi avant son terme, alors qu'elle venait de reconstituer un stock pour assurer l'approvisionnement de ses clients.
Elle considère qu'en raison de la succession de contrats à durée déterminée, elle est en droit de se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce et que le préavis ne pouvait être inférieur à douze mois, compte tenu de la durée de plus de dix ans de la relation commerciale, de la spécificité de son objet consistant à approvisionner les chirurgiens orthopédistes d'un même établissement privé de santé en prothèses et implants, et de la nécessité pour elle de rechercher un nouveau concepteur fabricant dont les produits seraient acceptés par ses clients.
Elle revendique par ailleurs, l'existence d'une convention parallèle d'agence commerciale portant sur la prothèse de genou aux motifs que contrairement aux prothèses de hanche, elle ne procédait pas à l'acquisition d'un stock, mais se contentait de transmettre les commandes à la société Biomet et de percevoir une commission sur la facture adressée directement à l'établissement de santé.
Elle considère que ce contrat d'agence commerciale était à durée indéterminée et pouvait être résilié à tout moment moyennant indemnisation du préjudice subi par l'agent commercial.
Elle se prévaut d'une part d'une perte de marge brute de 38 % calculée sur la moyenne des trois dernières années de chiffre d'affaires, d'autre part celle de deux années de commissions brutes.
Elle estime que plusieurs dispositions de la convention la soumettent à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les parties, notamment quant aux causes de résiliation énoncés par l'article 9-3, aux conséquences d'une résiliation en ce qu'il exonère le vendeur de l'obligation d'honorer les commandes reçues et acceptées et quant aux conditions imposées pour la reprise du stock, notamment des décotes appliquées.
[*]
Par conclusions notifiées le 26 mars 2018, la société Zimmer Biomet France (Biomet) entend voir :
- débouter la société CF&M de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- condamner la société CF&M à payer à la société Zimmer Biomet France la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société CF&M aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Alexis G., avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La société Biomet soutient que le tribunal de commerce de Romans était parfaitement compétent pour connaître de sa demande en paiement tant au regard de la clause attributive de compétence figurant au contrat de distribution du 9 mai 2012, que des dispositions de l'article L.721-3 du code de commerce définissant la compétence matérielle des juridictions consulaires.
Elle considère que le litige soumis au tribunal de commerce ne portait que sur l'exécution et la rupture du contrat, que les dispositions de l'article L. 442-6-I-2° n'avaient pas vocation à s'appliquer à la demande en paiement de factures et qu'il appartenait à la société CF&M d'en saisir le tribunal de commerce de Lyon.
Elle observe que la société CF&M ne conteste pas être débitrice de factures de commandes passées antérieurement au 28 janvier 2016.
Elle fait valoir qu'elle a fait application des dispositions de l'article 10.1 du contrat de distribution pour procéder à l'inventaire contradictoire et la valorisation du stock dont elle a offert la reprise, que le refus de sa proposition par la société CF&M ne vise qu'à faire obstruction à l'exécution du contrat.
Elle relève que le contrat de distribution était à durée déterminée, que son terme au 28 janvier 2016 était donc parfaitement connu, qu'aucun délai de préavis contractuel n'était prévu et que les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° n'avaient pas vocation à s'appliquer.
Elle conteste l'existence d'une convention autonome d'agence commerciale aux motifs que le contrat de distribution du 9 mai 2012 portait sur la distribution des dispositifs prothétiques de hanche, de genou, des ciments et systèmes de cimentation.
Concernant le déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties, elle estime que l'appréciation doit en être faite de manière concrète et sur la globalité du contrat, qu'un tel déséquilibre n'est pas démontré et qu'en tout état de cause, cette demande relève de la compétence d'attribution des juridictions spécialisées.
[*]
La procédure a été clôturée le 12 décembre 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1°) Sur la fin de non-recevoir et ses conséquences :
Sur la demande en paiement de la société Biomet, la société CF&M entend se prévaloir, à titre reconventionnel, de la violation des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, en ce qu'il prévoit la réparation du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales établies et sanctionne le fait de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Il résulte des dispositions de l'article D. 442-3 du code de commerce et de ses annexes, que pour l'application de l'article L. 442-6, sont déterminés le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes et qu'à ce titre, seul le tribunal de commerce de Lyon est spécialement désigné pour en connaître concernant le ressort de la cour d'appel de Grenoble.
S'agissant de règles d'ordre public, il ne peut y être dérogé conventionnellement et leur non-respect constitue une fin de non-recevoir de la demande présentée devant une juridiction non spécialisée.
Tel est le cas en l'espèce, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère n'étant pas désigné comme juridiction spécialisée.
C'est donc de manière erronée que le tribunal de commerce a examiné la question de sa compétence alors qu'il s'agissait de vérifier l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels.
En retenant sa « compétence » et en statuant sur les conditions de la rupture du contrat de distribution pour apprécier la demande indemnitaire de la société CF&M, la juridiction de première instance a commis un excès de pouvoir entachant son jugement de nullité, sans que l'effet dévolutif de l'appel puisse permettre à cette cour, elle-même non spécialisée, de l'examiner, la demande demeurant irrecevable devant elle.
La demande en paiement principale de la société Biomet ne relevant pas, quant à elle, du contentieux spécialisé de l'article L. 442-6 du code de commerce, et pouvant être examinée séparément de la demande reconventionnelle, qui ne vise qu'à opérer compensation, elle était recevable devant le tribunal de commerce et le demeure devant cette cour.
Le jugement sera déclaré nul en ce qu'il a' dit que la rupture des relations commerciales n'avait pas été brutale et débouté la société CF&M de ses demandes indemnitaires, qui seront déclarées irrecevables.
2°) Sur la demande principale en paiement de factures :
La société CF&M ne conteste pas être débitrice de plusieurs factures demeurées impayées à hauteur de 124.894,60 euros.
Conformément à l'article 10.1.c du contrat de distribution, la société Biomet a proposé le rachat du stock de produits détenu par la société CF&M suivant inventaire du 26 janvier 2016 à la somme de 42.775,58 euros après application des différentes décôtes conventionnelles, suivant les dates respectives d'acquisition des produits.
Il résulte de la liste dressée par la société Biomet et jointe à son courrier du 3 février 2016 qu'elle a fait une stricte application des stipulations contractuelles.
C'est donc avec raison qu'indépendamment de la question de l'indemnisation d'un éventuel déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties résultant de la clause de rachat, la juridiction de première instance a condamné la société CF&M au paiement de la somme de 82.119, 02 euros au titre du solde des factures impayées et sa décision sera confirmée sur ce point.
Concernant la restitution des matériels en stock, les parties, et particulièrement la société CF&M, ne discutent pas les termes du jugement qui a ordonné à cette dernière de procéder à ses frais à la restitution de ces stocks sous astreinte et qui sera par conséquent confirmé sur ce point.
3°) Sur la convention d'agence commerciale :
La société CF&M revendique l'existence d'une convention autonome d'agence commerciale relative à la commercialisation des seules prothèses de genou et sollicite l'indemnisation de sa résiliation.
Il résulte du contrat de distribution signé entre les parties le 9 mai 2012 que les produits auxquels il s'applique, désignés dans une annexe A, concerne les hanches, les genoux, les ciments.
Selon l'article 2.4 du contrat de distribution, le vendeur peut, à l'occasion, recevoir des commandes de produits destinés à être vendus et expédiés directement à un client sur le territoire et il est prévu dans cette hypothèse que le vendeur créditera le compte du distributeur d'une commission égale à la différence entre le montant facturé et le prix d'achat ordinaire que le distributeur paie pour les produits.
C'est précisément à ces stipulations que la société CF&M faisait référence dans son courrier du 15 février 2016 pour considérer qu'elle bénéficiait d'un contrat d'agence commerciale.
Il résulte des dispositions de l'article L. 134-1 du code de commerce que l'agent commercial est un mandataire, chargé de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels de commerçant ou d'autres agents commerciaux.
L'application du statut d'agent commercial dépend exclusivement des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée et il appartient à celui qui s'en prévaut de supporter la charge de la preuve des caractéristiques de son activité.
Les seules stipulations de la convention de distribution ci-dessus rappelées ne peuvent caractériser une convention autonome d'agence commerciale puisque précisément, elles visent à commissionner le distributeur de ventes directes intervenues sans son intermédiaire.
Par ailleurs, alors qu'elle revendique de n'avoir été qu'un mandataire de la société Biomet dans la fourniture du dispositif médical de reconstruction du genou, la société CF&M ne rapporte la preuve d'aucun de ces mandats qu'elle aurait été amenée à remplir pendant plus de trois années.
A défaut pour elle d'établir la preuve d'une activité de mandataire exercée concurremment à son activité de distributeur exploitant son propre fonds de commerce et sa propre clientèle, la société CF&M ne peut prétendre à l'application du statut de l'agent commercial et se voir indemnisée de la résiliation de son mandat.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la société Biomet n'avait pas conclu de contrat d'agence commerciale avec la société CF&M et débouté cette dernière de sa demande indemnitaire.
4°) Sur les dépens :
Chaque partie succombant pour partie aux prétentions de son adversaire, elles conserveront chacune la charge des dépens dont elles ont fait l'avance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
PRONONCE la nullité du jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère en date du 13 septembre 2017 en ce qu'il a :
- dit que le terme prédéfini du contrat de distribution signé entre les sociétés Biomet et Compagnie Financière et Médicale, outre le délai de préavis donné 3,5 mois avant le terme du contrat, excluaient toute brutalité dans la rupture des relations commerciales,
- débouté la société Compagnie Financière et Médicale de ses demandes indemnitaires,
Statuant à nouveau,
DECLARE irrecevables les demandes indemnitaires de la Sarl Compagnie Financière et Médicale fondées sur les dispositions de l'article L.442-6 du code de commerce devenu L. 442-1 par ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019,
CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions,
REJETTE les demandes réciproques de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
LAISSE à la charge de chaque partie les dépens d'appel dont elle a fait l'avance.
SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par Mme RICHET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président