CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 3 février 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8768
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 3 février 2021 : RG n° 18/27596
Publication : Jurica
Extrait : « S'il apparaît que les devis annexés au contrat ont été corrigés à la main, le tribunal a justement retenu qu'il s'agissait d'une pratique bien établie depuis le début de l'année 2015 ; or, pendant toute la période des relations contractuelles, la société A. constructions n'a en aucune façon protesté contre cette pratique, ni contesté les corrections de prix au fur et à mesure de leur application, au cours de la réalisation des travaux ou encore lors du paiement de ses factures ; de plus, sur le montant des 43 marchés concernés, les correctifs n'ont représenté que 4,63 % de la facturation totale.
Au regard de ces éléments, la société A. constructions ne démontre pas l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, ni des agissements du constructeur pour obtenir ou tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, ni une faute susceptible d'engager la responsabilité contractuelle de la société Pavillons Jubault ; en conséquence, sa demande sera rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 3 FÉVRIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/27596 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B633O. Décision déférée à la cour : jugement du 27 novembre 2018 -tribunal de commerce de RENNES – R.G. n° 2018F00051.
APPELANTE :
SARL A. CONSTRUCTIONS
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège N° SIRET : XXX (RENNES), siège social [adresse], [...], représentée par Maître Véronique DE LA T. de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148 et ayant pour avocat plaidant Maître Maître Philippe D., SELARL ARES, Société d'Avocats de RENNES, avocat plaidant du barreau de RENNES
INTIMÉES :
SAS AXCE'S HABITAT
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège N° SIRET : n° YYY (RENNES), [...], [...], représentée par Maître Stella BEN Z. de la SELARL CABINET BEN Z., avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : G0207
SASU PAVILLONS JUBAULT
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège N° SIRET : n° ZZZ (RENNES), [...], [...], représentée par Maître Stella BEN Z. de la SELARL CABINET BEN Z., avocat au barreau de PARIS, toque : G0207
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère. Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, Monsieur Dominique GILLES, Conseiller,Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Saoussen HAKIRI.
ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Marie Laure DALLERY, présidente de chambre et par Marie BOUNAIX, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement rendu le 27 novembre 2018 par le tribunal de commerce de Rennes qui a :
- débouté la société A. constructions de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Axce's habitat et la société Pavillons Jubault de leurs demandes reconventionnelles,
- condamné la société A. constructions, par application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2.500 euros à chacune des sociétés Axce's habitat et Pavillons Jubault,
- condamné la société A. constructions aux dépens,
- débouté la société A. constructions de sa demande d'exécution provisoire.
[*]
Vu l'appel relevé par la société A. constructions et ses dernières conclusions notifiées le 15 septembre 2020 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles L. 442-6-I-5° et L 442-6-I, 2° et 4° du code de commerce ainsi que de l'article 1147 du code civil, de réformer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- dire que les sociétés Axce's habitat et Pavillons Jubault ont rompu brutalement les relations commerciales entretenues avec elle,
- les condamner à réparer son entier préjudice,
- les débouter de toutes leurs demandes, notamment de celles tendant à une inexécution de sa part,
- en conséquence :
- condamner la société Axce's habitat à lui verser la somme de 113.758,90 euros, à titre de dommages-intérêts, pour rupture brutale et abusive, sans préavis, des relations commerciales établies,
- condamner la société Pavillons Jubault à lui verser la somme de 88.091,79 euros, à titre de dommages-intérêts, pour rupture brutale et abusive des relations commerciales établies,
- condamner la société Pavillons Jubault à lui verser la somme de 60.841,79 euros au titre du déséquilibre significatif et obtention de conditions sous la menace d'une rupture totale ou partielle des relations commerciales,
- dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation et jusqu'à parfait paiement,
- condamner in solidum la société Axce's habitat et la société Pavillons Jubault aux entiers dépens et à lui payer la somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
[*]
Vu les dernières conclusions notifiées le 27 avril 2020 par la société Axce's habitat et par la société Pavillons Jubault qui demandent à la cour, au visa de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société A. constructions,
- condamner la société A. constructions aux entiers dépens et à payer à chacune d'elles la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civil.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
M. A., qui exploitait une entreprise de travaux de maçonnerie générale et de gros œuvre en qualité d'artisan indépendant depuis septembre 2009, a signé des contrats de sous-traitance portant sur la maçonnerie et le gros œuvre avec la société Pavillons Jubault, constructeur de maisons individuelles, puis avec la société Axce's habitat, appartenant au même groupe que la société Pavillons Jubault.
M. A. a constitué l'EURL A. constructions qui a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 3 avril 2017 ; auparavant, suivant contrat d'apport du 28 mars 2017, il avait apporté son fonds artisanal à cette société, avec transfert des contrats en cours.
A la fin de l'année 2016 et courant 2017, les constructeurs ont relevé à l'encontre de la société A. constructions des retards dans le déroulement de chantiers et des défauts nécessitant des travaux de reprise.
Par lettre du 30 juin 2017, le courtier de la société Axce's habitat, Vespieren, a informé la société A. constructions de la fin de la garantie de paiement des sous-traitants en indiquant, qu'à compter de l'envoi de sa lettre, la garantie n'était plus acquise pour toutes factures émises et non réglées à cette date.
Le 13 octobre 2017, le conseil de la société A. constructions a mis en demeure la société Axce's habitat de justifier de la garantie de paiement due par le constructeur en application de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ; la société Axce's habitat lui a répondu le 19 octobre 2017 que la garantie était acquise pour tous les contrats signés avant le 30 juin 2017, que la société A. constructions devait donc poursuivre sa mission sans retard et que, pour le dossier Lhermenier échappant à la garantie, elle proposait de payer les factures dès leur réception ; suivant lettre du 30 octobre 2017, la société Tokio Marine HCC, par l'intermédiaire du courtier Vespieren, a elle-même confirmé que les marchés signés avec la société Axce's antérieurement au 30 juin 2017 étaient couverts par sa garantie, en se référant à son engagement de caution souscrit le 1er mars 2011; elle précisait alors avoir appris que les chantiers avaient pris du retard et qu'il existait certaines malfaçons, raison pour laquelle elle missionnait Capra services pour faire le point sur chacun des chantiers.
La société A. constructions, qui avait assigné la société Axce's habitat devant le juge des référés le 3 novembre 2017 pour la voir condamner à produire les pièces justificatives de cette garantie, s'est ensuite désistée de sa demande en faisant état de la lettre du 15 décembre 2017 par laquelle le constructeur avait résilié les contrats.
Par lettre du 8 décembre 2017, faisant l'objet d'une signification par huissier de justice, la société Pavillons Jubault a notifié à la société A. constructions la résiliation de leurs contrats à ses torts exclusifs, aux motifs qu'elle n'avait pas repris ses travaux sur 7 chantiers et que certains de ses ouvrages, non acceptés, devaient faire l'objet de reprise de sa part.
Par lettre du 15 décembre 2017, faisant l'objet d'une signification par huissier de justice, la société Axce'e habitat a notifié à la société A. constructions la résiliation de la convention de sous-traitance à ses torts exclusifs, lui reprochant de n'avoir pas repris ses travaux sur 6 chantiers et d'avoir commis des malfaçons sur un autre chantier.
C'est en cet état que le 5 février 2018, la société A. constructions a fait assigner la société Axce's habitat et la société Pavillons Jubault devant le tribunal de commerce de Rennes afin de les entendre condamner toutes deux à des dommages-intérêts pour rupture brutale et abusive des relations commerciales établies et la seconde pour exécution fautive des contrats.
Le tribunal, par le jugement déféré, a débouté la société A. constructions de toutes ses demandes et a rejeté la demande reconventionnelle en dommages-intérêts des deux sociétés défenderesses pour procédure abusive.
Par ailleurs, en mars 2018, la société A. constructions a saisi le tribunal de commerce de Rennes de demandes en annulation de 6 contrats de sous-traitance conclus avec la société Axce's habitat et de 8 contrats conclus avec la société Pavillons Jubault pour défaut de souscription de la garantie de paiement exigée par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 ; les jugements rendus ont été frappés d'appel et ces instances sont en cours devant la cour d'appel de Rennes.
Sur les demandes de l'appelante en dommages-intérêts pour rupture brutale et abusive des relations commerciales établies :
La société A. constructions soutient que les sociétés intimées ont rompu sans préavis les relations commerciales établies, partiellement en avril 2017, puis définitivement en décembre 2017.
Pour contester les demandes de l'appelante, les sociétés intimées prétendent d'abord qu'il n'existait pas de relations commerciales établies avec la société A. constructions ; elles exposent en ce sens :
- qu'elles n'ont jamais conclu de contrat cadre avec l'appelante, qu'elles disposaient d'au moins trois entreprises différentes pour chaque lot de travaux et qu'elles signaient un contrat de sous-traitance pour chaque nouveau chantier,
- que dans le secteur du bâtiment, il est impossible de prévoir d'une année sur l'autre le nombre précis de chantiers qui feront l'objet de sous-traitance,
- que les tableaux établis par l'appelante listant les contrats et chiffre d'affaires réalisés avec chacune d'elles sont faux,
- que les huit chantiers confiés par Pavillons Jubault et les six confiés par Axce's habitat en 2017 ne peuvent justifier de relations commerciales établies.
Mais il ressort des pièces versées aux débats que depuis 2011, les sociétés intimées ont régulièrement signé des contrats de sous-traitance avec la société A. constructions : 152 pour la société Axce's habitat et 75 pour la société Pavillons Jubault ; la société Fidelia expertise atteste que la société A. constructions a réalisé avec la société Axce's habitat 64 % de son chiffre d'affaires d'octobre 2015 à septembre 2016 et 27 % d'octobre 2016 à septembre 2017; la société Inea expertise atteste que la société A. constructions a réalisé avec la société Jubault constructions, depuis 2010, entre 20 et 30 % de son chiffre d'affaires.
Ainsi, même en l'absence d'un contrat cadre, il a existé entre les parties des relations commerciales établies, stables et continues, autorisant la société A. constructions à croire légitiment à leur poursuite à l'avenir.
L'appelante conteste avoir commis des fautes qui justifieraient une résiliation des contrats de sous-traitance sans préavis ni même respect du préavis contractuel de 15 jours après mise en demeure restée infructueuse adressée au sous-traitant pour inexécution ; faisant valoir que 6 chantiers étaient en cours pour la société Axce's habitat et 8 pour la société Jubault Pavillons, elle reproche à ces sociétés de n'avoir pas fourni la garantie prévue à l'article L. 231-13 du code de la construction et de l'habitation garantissant le paiement des sommes dues au sous-traitant, en dépit de ses demandes ; elle allègue qu'il n'y a pas eu confirmation de la véracité du contenu de la lettre de la société Marine Tokyo.
Concernant les chantiers en cours pour la société Axce's habitat, l'appelante fait essentiellement valoir :
- que les comptes rendus de réception des chantiers du premier semestre 2017 montrent qu'il s'agissait de simples reprises habituelles sur les chantiers,
- que pour le chantier D., elle n'est pas responsable puisque le terrassement et l'implantation des fondations n'étaient pas à sa charge,
- que les comptes rendus, constats d'expert et d'huissier qui lui sont opposés ne sont pas contradictoires,
- que par ordonnance sur requête du 2 novembre 2017, elle avait obtenu la désignation d'un expert pour voir constater l'avancement des travaux, mais que cette ordonnance n'a pu être exécutée, l'expert désigné étant intervenu précédemment pour la société Pavillons Jubault,
- qu'elle a fait constater par huissier de justice des 30 janvier, 31 janvier et 1er février 2018 que les travaux avaient été repris par d'autres entreprises, sans la moindre procédure judiciaire, et qu'il n'y avait pas eu à proprement parler de réparations.
Concernant les chantiers en cours pour la société Pavillons Jubault, l'appelante relève à nouveau que les constats et rapports d'expert du constructeur ne sont pas contradictoires, qu'elle n'a pu exécuter l'ordonnance du 2 novembre 2017 et qu'il existait un litige sur la garantie due par le constructeur ; elle lui reproche de n'avoir envoyé les marchés pour signature qu'à la fin de réalisation du gros œuvre en corrigeant manuellement les devis adressés au début du chantier et qu'elle a subi ainsi une réfaction de 7.338,34 euros sur un montant total de devis de 230.724,74 euros, soit 3 %, que le constructeur s'est attribué unilatéralement ; elle ajoute :
- que suite à une réunion du 28 novembre 2017, par lettre du 4 décembre 2017 elle a fait part de son accord de reprise des chantiers, s'agissant non de malfaçons mais de simples corrections habituelles, mais a également sollicité une garantie de paiement,
- que le constat d'huissier de justice effectué à la demande du constructeur montre seulement l'absence d'ouvriers le 6 décembre 2018 mais ne prouve pas un abandon de chantier,
- que ses propres constats de janvier/février 2018 démontrent qu'il n'y a pas eu de malfaçons et que les chantiers étaient en cours.
Mais il convient de constater que le défaut allégué de garantie de paiement de la part des sociétés intimées fait l'objet des instances en nullité de contrats qui ont été introduites après la rupture des relations commerciales et qui sont encore pendantes devant la cour d'appel de Rennes.
Il était loisible à la société A. constructions de faire remplacer l'expert désigné par ordonnance sur requête, ce qu'elle n'a pas fait ; elle n'apporte donc aucun élément technique probant de nature à contrecarrer les constats et rapports versés aux débats par les sociétés intimées.
S'agissant des contrats de sous-traitance conclus avec la société Axce's habitat avant le 30 juin 2017 à l'exception du chantier L., la société Axce's habitat a mis en demeure la société A. constructions, par lettres du 1er décembre 2017, de reprendre les travaux et malfaçons dans les 8 jours sur les chantiers Bi., L., Z., M., Ba. et D. ; le 12 décembre 2017, elle a fait constater par Maître T., huissier de justice qu'aucune entreprise n'était présente sur ces chantiers et que :
- sur le chantier Bi., des travaux n'étaient pas exécutés et il lui était précisé que des malfaçons faisaient l'objet d'un rapport de Capra service,
- sur le chantier L., le vide sanitaire et la dalle étaient réalisés,
- sur le chantier Z., le vide sanitaire et la dalle étaient réalisés et il lui était signalé qu'à l'arrière de la construction, la fondation n'était pas axée sous le mur qu'elle reprend,
- sur le chantier M., le vide sanitaire et la dalle étaient réalisés et qu'il lui était indiqué que les malfaçons faisaient l'objet d'un rapport de Capra service,
- sur le chantier Ba., plusieurs coffres de volets roulants étaient cintrés, des traces d'humidité étaient visibles sous la porte d'entrée, la porte fenêtre et la porte de service et, concernant les malfaçons, il lui était indiqué qu'un rapport avait été établi par Capra service,
- sur le chantier D., le terrain était inondé, le constructeur lui précisant que les fondations avaient été effectuées et qu'une d'elles avait été ouverte pour connaît la nature de l'acier utilisé.
Dans son rapport de visite daté du 30 octobre 2017 et annexé au constat de l'huissier de justice, Capra service avait relevé, notamment :
- sur le chantier Bi., des défauts d'assise des linteaux au-dessus des coffres des volets roulants,
- sur le chantier Z., que les aciers en attente pour l'élévation du rez de chaussée devaient faire l'objet d'une mise en conformité et le drain agricole remplacé par un drain conforme au DTU,
- sur le chantier M., que les aciers en attente étaient de type chaînages et non poteaux et qu'ils manquaient de longueur pour recouvrement,
- sur le chantier B., un défaut de ferraillage et d'assise d'un linteau.
L'abandon des chantiers, ainsi démontré, et les défauts d'exécution qui n'ont pas été corrigés en dépit d'une mise en demeure constituent des fautes d'une gravité suffisante pour justifier la rupture des relations commerciales sans préavis le 15 décembre 2017 ; cette rupture ne présente aucun caractère abusif ; la baisse du chiffre d'affaires réalisé par la société A. constructions avec la société Axce's habitat d'avril 2017 à septembre 2017 n'est pas assez importante eu égard au secteur de la construction de maisons individuelles pour établir une rupture partielle des relations commerciales à partir d'avril 2017 ; les attestations du dirigeant de la société A. constructions et de l'assistante de direction de cette société selon lesquelles la société Axce's habitat aurait volontairement baissé le volume d'affaires confié en 2017 ne constituent pas des éléments suffisamment probants.
S'agissant des 8 contrats de sous-traitance conclus en 2017 avec la société Pavillons Jubault, cette dernière a mis en demeure la société A. constructions, par lettre du 27 novembre 2017, de terminer l'ensemble des travaux sous 10 jours et de reprendre les malfaçons, en joignant les comptes rendus de chantiers ainsi que 5 rapports établis par M. D., expert en construction ; si la société A. constructions a fait part de son intention de procéder à la reprise de ce qu'elle estimait ne pas être des malfaçons, elle ne justifie pas y avoir donné suite ; lors de ses visites opérées le 6 décembre 2017 à la demande de la société Pavillons Jubault, l'huissier de justice Maître T. a constaté qu'aucune entreprise de maçonnerie n'était présente sur les 8 chantiers et que :
- sur le chantier La., divers travaux n'avaient pas été exécutés et des défauts affectaient une poutre du carport, un linteau de porte de cuisine et un poteau en béton du hall d'entrée,
- sur le chantier J., différents travaux n'avaient pas été exécutés,
- sur le chantier M., des travaux n'avaient pas été réalisés ou seulement en partie et des défauts affectaient la poutre du garage,
- sur le chantier Lan., différents travaux n'avaient pas été effectués,
- sur le chantier S., un seuil en béton moulé n'avait pas été réalisé et des défauts affectaient l'acrotère en plancher haut au premier étage,
- sur les chantiers T. et Dh., la reprise des chevêtres d'escalier devait être faite, des traces d'oxydation étant présentes,
- sur le chantier Bo., des travaux n'avaient pas été effectués et les fondations du mur de clôture empiétaient sur le terrain voisin.
L'abandon de ces chantiers, ainsi caractérisé, et les défauts d'exécution non corrigés en dépit d'une mise en demeure constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier la rupture sans préavis des relations commerciales le 8 décembre 2017 ; cette rupture ne présente pas non plus un caractère abusif ; la seule baisse du chiffre d'affaires de la société A. constructions avec la société Pavillons Jubault entre avril et septembre 2017 n'est pas assez importante eu égard au secteur de la construction de maisons individuelles pour démontrer une rupture partielle des relations commerciales à compter d'avril 2017.
En conséquence, toutes les demandes de dommages-intérêts de la société A. constructions pour rupture partielle puis totale des relations commerciales établies seront rejetées.
Sur les demandes de l'appelante pour déséquilibre significatif et obtention de conditions sous la menace d'une rupture brusque ou partielle des relations commerciales établies :
Pour réclamer la somme de 60.841,79 euros à la société Pavillon Jubault, la société A. constructions lui reproche de ne lui avoir renvoyé les devis et contrats de sous-traitance qu'une fois les travaux commencés et quasiment terminés ; elle fait valoir :
- que ses prix étaient parfaitement loyaux,
- que la société Pavillons Jubault lui renvoyait les devis avec une réfaction unilatérale, le marché étant anti-daté et portant le prix définitif,
- qu'elle se trouvait ainsi dans l'impossibilité de discuter le prix et se trouvait soumise à un déséquilibre significatif sous la menace d'une rupture des relations commerciales,
- que les agissements de la société Pavillons Jubault constituent à tout le moins une inexécution fautive des contrats,
- que les modifications apportées au devis ne sont à son avantage que pour un montant de 6,42 %, alors qu'elles sont à l'avantage de la société Pavillons Jubault pour 93,58 %,
- que le déséquilibre reste significatif même après retrait des 8 contrats visés dans l'assignation en nullité, qui entraîne encore un avantage en montant de 6,68 % pour elle contre 93,32 % au profit du constructeur,
- qu'elle n'a jamais signé de bordereau de prix unitaires avec les constructeurs.
La société Pavillons Jubault fait valoir :
- que le tribunal a estimé que la société A. constructions avait toujours conservé la liberté de contracter, que les correctifs apportés en cours de chantier étaient plutôt au détriment du constructeur et que, de manière générale, ces correctifs et ajustements devaient être intégrés dans le cadre des négociations commerciales et/ou techniques en cours de chantier,
- que la demande de l'appelante n'est fondée que sur des tableaux établis par elle au vu d'éléments contestés par les intimées,
- que la société A. constructions a formulé la même demande dans le cadre de l'instance en nullité des contrats.
[*]
S'il apparaît que les devis annexés au contrat ont été corrigés à la main, le tribunal a justement retenu qu'il s'agissait d'une pratique bien établie depuis le début de l'année 2015 ; or, pendant toute la période des relations contractuelles, la société A. constructions n'a en aucune façon protesté contre cette pratique, ni contesté les corrections de prix au fur et à mesure de leur application, au cours de la réalisation des travaux ou encore lors du paiement de ses factures ; de plus, sur le montant des 43 marchés concernés, les correctifs n'ont représenté que 4,63 % de la facturation totale.
Au regard de ces éléments, la société A. constructions ne démontre pas l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, ni des agissements du constructeur pour obtenir ou tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, ni une faute susceptible d'engager la responsabilité contractuelle de la société Pavillons Jubault ; en conséquence, sa demande sera rejetée.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
La société A. constructions, qui succombe en toutes ses prétentions, doit supporter les dépens.
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de débouter l'appelante de sa demande de ce chef et d'allouer la somme supplémentaire de 3.000 euros à chacune des appelantes.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société A. constructions à payer, par application de l'article 700 du code de procédure civile :
- la somme de 3.000 euros à la société Axce's habitat,
- la somme de 3.000 euros à la société Pavillons Jubault,
DÉBOUTE la société A. constructions de toutes ses demandes,
CONDAMNE la société A. constructions aux dépens d'appel.
Marie BOUNAIX Marie Laure DALLERY
Greffière La Présidente