6160 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Évolution des textes
- 5800 - Code de la consommation - Clauses abusives - Fondements de la protection
- 5806 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (5) - Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 - Décret n° 2009-302 du 18 mars 2009
- 5761 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Contrats – Contrats identiques conclus avec un consommateur
- 5776 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs -
- 5788 - Code de la consommation - Régime de la protection - Administration - Injonction
- 5863 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Principes - Présentation générale
- 6165 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Nature de l’action du Ministre
- 6173 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Clauses visées
- 6178 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Cadre général - Normes - Droit de la consommation
- 6227 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Formation du contrat
- 6252 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Suppression de la clause (nullité)
- 6255 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Amende civile
- 5855 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Droit postérieur à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016
- 6150 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. - Présentation générale
- 6229 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Contenu du contrat - Prix - Montant du prix
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6160 (14 octobre 2023)
PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-1-I-2° C. COM. – ANC. ART. L. 442-6-I-2° C. COM.)
PRÉSENTATION GÉNÉRALE - ÉVOLUTION DES TEXTES
Présentation. Le contrôle des déséquilibres contractuels a toujours soulevé des hésitations quant à son domaine d’application. Si son admission dans les contrats de consommation est établie depuis longtemps, son extension aux contrats entre professionnels, ou plus largement en droit commun, ne fait pas l’unanimité. En témoignent les fluctuations relatives à l’application de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. lorsqu’un professionnel contractait à l’occasion de sa profession (Cerclab n° 5863 et Cerclab n° 6153) ou les tentatives de détourner certains textes du Code civil tels que les anciens art. 1134 C. civ. (Cerclab n° 6154) ou 1135 C. civ. (Cerclab n° 6155).
Après quelques textes précurseurs (C), la loi du 4 août 2008 a introduit la sanction des déséquilibres significatifs entre partenaires commerciaux, dans une optique de droit de la concurrence, solution qui a été maintenue avec des modifications par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 (A). L’articulation de ce texte avec le nouvel art. 1171 C. civ. devra être précisée (B).
A. SANCTION DIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS
Présentation du texte : loi du 4 août 2008. La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a modifié l’ancien art. L. 442-6-I du Code de commerce en créant un 2° rédigé ainsi : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Sur la finalité du texte : l’anc. art. L. 442-6-I-2° C. com. vise à renforcer l'effectivité des sanctions civiles des pratiques restrictives de concurrence entre producteurs et distributeurs. CA Paris (pôle 4 ch. 9), 25 juin 2020 : RG n° 17/16211 ; Cerclab n° 8478.
Présentation du texte : ordonnance du 24 avril 2019. L’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 a conservé le principe posé en 2008, mais avec plusieurs modifications et un déplacement des textes. Selon le nouvel art. L. 442-1-I-2° C. com. : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : […] 2° De soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Sur la portée générale de la loi d’habilitation : il résulte des dispositions de l'article 17 de la loi du 30 octobre 2018, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé leur adoption, que le législateur a entendu habiliter le Gouvernement à modifier les dispositions figurant alors à l'art. L. 442-6 C. com. afin de clarifier, préciser et simplifier les définitions des pratiques restrictives de concurrence, en tenant compte le cas échéant des solutions retenues par les juridictions dans le sens d'un contrôle rigoureux de telles pratiques, de façon à améliorer la lisibilité et l'efficacité de ces dispositions, sans pour autant lui permettre de procéder à une réforme d'ampleur des définitions de ces pratiques (point n° 1). CE (ch. réun.), 21 décembre 2022 : req. n° 463938 ; Rec. CE tables ; Cerclab n° 10001, sur demande de T. com. Paris, 10 mai 2022 : Dnd. § Sur le contrôle de légalité de l’ordonnance, V. Cerclab n° 6168 (responsable), Cerclab n° 8325 (victime), Cerclab n° 6172 (date des faits). § V. aussi infra pour l’art. L. 442-1-I-1° C. com.
1. COMPARAISON AVEC L’ART. L. 212-1 C. CONSOM (ANCIEN ART. L. 132-1 C. CONSOM.)
Ressemblances avec l’art. L. 212-1 C. consom. (art. L. 132-1 ancien) : déséquilibre significatif. Comme l’art. L. 212-1 C. consom. (ancien art. L. 132-1 C. consom.), L. 442-1-I-2° C. com., anciennement L. 442-6-I-2°, sanctionne les « déséquilibres significatifs ».
Les deux formules ne sont pas exactement identiques. L’art. L. 212-1 C. consom. vise le « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », alors que l’art. L. 442-1-I-2° C. com. vise uniquement les « obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». La portée de cette différence reste à préciser et il n’est pas sûr qu’il faille en tirer de conséquences particulières, puisqu’une obligation génère un droit pour son créancier et que les décisions recensées ont clairement recherché le déséquilibre dans une optique large (absence de clause, droits non réciproques ou différents dans leurs modalités dans le cadre de la condition de réciprocité, etc.).
En tout état de cause, le Conseil constitutionnel a expressément lié les deux textes : Cons. constit., 13 janvier 2011 : Décision QPC n° 2010-85 ; Cerclab n° 3533 ; D. 2011. 415, note Y. Picod ; 450, pan. D. Ferrier et 392, chron. M. Chagny ; JCP G 2011, 274, note D. Mainguy ; Contr. conc. consom. 2011, chron. n° 5, J.-L. Fourgoux, comm. n° 62, obs. N. Mathey et n° 63, obs. M. Malaurie-Vignal (« le législateur s’est référé à la notion juridique de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui figure à l’ancien art. L. 132-1 du code de la consommation reprenant les termes de l’art. 3 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 »), transmis par Cass. com. 15 octobre 2010 : pourvoi n° 10-40039 ; arrêt n° 1137 ; Cerclab n° 2373, sur demande de T. com. Bobigny (8e ch.), 13 juillet 2010 : RG n° 2010F00541 : jugt n° 2010F01051 ; Cerclab n° 4299.
Dans le même sens, V. aussi : CA Nîmes (2e ch. sect. B com.), 10 mars 2011 : RG n° 08/04995 ; Cerclab n° 3272 (décision faisant référence au préjudice collectif indirect subi par l'ensemble des acteurs économiques sur le marché, y compris les consommateurs), cassé sur un autre point par Cass. com., 9 octobre 2012 : pourvoi n° 11-19833 ; Cerclab n° 3979 - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 23 mai 2013 : RG n° 12/01166 ; Cerclab n° 4605 (« cette notion de déséquilibre significatif, inspirée du droit de la consommation, conduit à sanctionner par la responsabilité de son auteur, le fait pour un opérateur économique d'imposer à un partenaire des conditions commerciales telles que celui-ci ne reçoit qu'une contrepartie dont la valeur est disproportionnée de manière importante à ce qu'il donne »), sur appel de T. com. Lille, 12 janvier 2012 : RG n° 2011/03836 ; Dnd, cassé partiellement sur un autre point par Cass. com., 16 décembre 2014 : pourvoi n° 13-21363 ; arrêt n° 1138 ; Bull. civ. IV, n° 186 ; Cerclab n° 6750 - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012 : RG n° 09/22350 ; Cerclab n° 3621 ; Lettre distrib. 2012/3, p. l, obs. J.-M. Vertut (arrêt suivant la décision du Conseil constitutionnel), pourvoi rejeté par Cass. com. 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624 - CA Versailles (14e ch.), 19 novembre 2015 : RG n° 14/07307 ; Cerclab n° 5432 (« elle se prévaut des dispositions de l'art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] qui institue une protection entre professionnels comparable à celle prévue aux [anciens] art. L. 132-1 s. C. consom. pour les consommateurs »), sur appel de T. com. Nanterre (réf.), 11 septembre 2014 : RG n° 2014R00940 ; Dnd - CA Versailles (14e ch.), 14 février 2019 : RG n° 18/05459 ; Cerclab n° 7909 (l'ancien art. L. 442-6-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] institue une protection entre professionnels comparable à celle prévue aux articles L. 132-1 s. C. consom.), sur appel de TGI Nanterre (réf.), 27 juin 2018 : RG n° 18/00462 ; Dnd.
Toutefois, si ce lien existe, il n’impose pas une analogie complète. V. Cerclab n° 6178 et par exemple : l'existence de la notion de « déséquilibre significatif » dans le droit de la consommation permet au juge et aux opérateurs économiques d'avoir un précédent légal facilitant la compréhension du texte ; si le juge peut s'inspirer des solutions dégagées sur le fondement de l'ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. pour interpréter les dispositions de l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°], il n'en résulte pas que son raisonnement procède par analogie, dès lors que le champ d'application des deux textes est distinct, l'art. L. 442-6 précité ayant vocation à s'appliquer dans les rapports entre professionnels où les rapports de force sont différents de ceux existants entre professionnels et consommateurs. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551. § V. aussi : la notion de déséquilibre significatif peut donner lieu à des interprétations multiples, qui ne sauraient se référer aux solutions existantes en matière de droit de la consommation, d'une part parce que les sanctions n'y sont pas les mêmes et d'autre part parce que le champ du droit commercial reste, sauf exceptions, celui de l'autonomie de la volonté. T. com. Évry (3e ch.), 6 février 2013 : RG n° 2009F00727 ; Cerclab n° 4352.
Différences avec l’art. L. 212-1 C. consom. Les textes différent cependant sur plusieurs points (V. aussi Cerclab n° 6178).
* Demandeurs. L’action peut être introduite par toute personne justifiant d’un intérêt, ce qui inclut au premier chef le cocontractant victime du contrat déséquilibré, solution comparable à celle existant dans le cadre de l’art. L. 212-1 C. consom. Dans la rédaction initiale, le texte exigeait la présence d’un partenariat commercial, alors que l’art. L. 442-1-I-2° C. com. englobe les relations commerciales.
En revanche, alors que la protection de l’intérêt collectif des consommateurs est assurée par les associations de consommateurs et l’administration, la protection du marché est assurée par le ministère public, par le Ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence (art. L. 442-4, anciennement L. 442-6-III C. com.). § Sur la différence de nature de l’intervention de ces différentes institutions et organismes, V. : l'action des services de l'État en matière de police économique, ne peut être assimilée à celles des associations de consommateurs qui, ne font que contribuer, aux côtés des pouvoirs publics, au respect des droits des consommateurs, sans en être les garants. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 4 juillet 2013 : RG n° 12/07651 ; Cerclab n° 4619 ; Juris-Data n° 2013-015022, pourvoi rejeté par Cass. com., 29 septembre 2015 : pourvoi n° 13-25043 ; arrêt n° 818 ; Cerclab n° 5324 (problème non examiné).
* Clauses visées. L’art. L. 212-1 C. consom. ne peut être, en principe, appliqué aux clauses concernant l’adéquation du prix ou la définition de l’objet principal du contrat. Cette restriction n’existe pas pour l’art. L. 442-1-I-2° C. com. (anc. art. L. 442-6-I-2°), l’absence de contrepartie ou une contrepartie disproportionnée faisant d’ailleurs l’objet d’une autre disposition (V. ci-dessous pour le 1°).
V. en ce sens : s’il n'appartient pas aux juridictions de fixer les prix qui sont libres et relèvent de la négociation contractuelle, celles-ci doivent néanmoins, compte tenu des termes l’ancien art. L. 442-6 C. com. [L. 442-1-I-2°], examiner si les prix fixés entre des parties contractantes créent, ou ont créé, un déséquilibre entre elles et si ce déséquilibre est d'une importance suffisante pour être qualifié de significatif. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 23 mai 2013 : RG n° 12/01166 ; Cerclab n° 4605, sur appel de T. com. Lille, 12 janvier 2012 : RG n° 2011/03836 ; Dnd, cassé partiellement sur un autre point par Cass. com., 16 décembre 2014 : pourvoi n° 13-21363 ; arrêt n° 1138 ; Bull. civ. IV, n° 186 ; Cerclab n° 6750.
Rappr. pour l’approche inverse à partir du droit de la consommation : rejet de l’argument selon lequel l’ancien art. L. 132-1 al. 7 [L. 212-1 al. 3] C. consom. instituerait un traitement plus sévère pour le consommateur final que pour une entreprise qui peut se prévaloir des dispositions de l'anc. art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°], qui ne contient pas une telle limitation, dès lors que ce texte, relatif aux pratiques restrictives de concurrence, ne vient nullement porter atteinte au contrat en sanctionnant le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties par la nullité d'une partie de ses dispositions, mais permet au partenaire commercial d'une société en position dominante d'engager la responsabilité de cette dernière. CA Paris (pôle 2 ch. 5), 21 novembre 2017 : RG n° 16/18751 ; Cerclab n° 7278 ; Juris-Data n° 2017-024487 (assurance de prévoyance individuelle des salariés), sur appel de TGI Paris, 8 septembre 2016 : RG n° 16/04585 ; Dnd.
* Sanction des clauses. L’art. L. 212-1 C. consom. répute non écrite les clauses abusives, alors que l’ancien art. L. 442-6-I-2° visait à réparer le préjudice subi du fait de ce déséquilibre significatif. Cette différence explicite excluait a priori la consécration d’une réparation en nature qui reviendrait à une élimination de la clause (la question était discutée : Cerclab n° 6252). Depuis l’ordonnance du 24 avril 2019, l’art. L. 442-4, la possibilité d’anéantir la clause est ouverte au cocontractant, même si la sanction diffère (nullité et non réputé non écrit) : « Seule la partie victime des pratiques prévues aux articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 peut faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indus ».
En revanche, le recours à la responsabilité offre une plus grande souplesse que l’art. L. 212-1 C. consom. en permettant la réparation du préjudice causé par l’absence de clause (Cerclab n° 6173).
Dans la version originelle, cette restriction ne concernait toutefois que l’action du partenaire commercial. Aux termes de l’ancien art. L. 442-6-III, en effet, « lors de cette action, le Ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. » La solution a été conservée par l’art. L. 442-4-I. Dans ce cas, l’action du Ministre peut s’apparenter à celle des associations de consommateurs, lorsqu’elles critiquent un modèle de contrat. Avant la loi du 17 mars 2014, elle s’en écartait toutefois puisque, contrairement à l’ancien art. L. 421-6 C. consom., l’action du Ministre pouvait aussi aboutir à l’élimination des clauses figurant dans un contrat déjà conclu, aboutissant dans ce cas à la restitution des sommes indûment versées. Depuis cette loi, renforcée par l’ordonnance du 14 mars 2016, les solutions se sont rapprochées (Cerclab n° 5761 et n° 5776).
* Sanction des auteurs. Aux termes de l’art. L. 442-4-I. (anciennement L. 442-6-III), une amende civile peut être prononcée à l’encontre du professionnel ayant été à l’origine des pratiques créatrices de déséquilibres significatifs. Au vu des décisions recensées (Cerclab n° 6255), l’amende présente des finalités multiples : punition, dissuasion et réparation du préjudice causé au marché. Jusqu’à la loi du 17 mars 2014, seul le dernier point pouvait être comparé à la réparation du préjudice collectif subi par les consommateurs, dans le cadre des actions collectives intentées par les actions de consommateurs. Mais depuis cette loi, l’insertion et le maintien de clauses dites « noires », irréfragablement abusives et donc interdites, dans un contrat entre professionnel et un consommateur ou un non-professionnel, peuvent être sanctionnés d’une amende administrative (Cerclab n° 5788).
* Organismes spécialisés. La Commission d'examen des pratiques commerciales prévue à l'art. L. 440-1 C. com. peut être saisie pour avis, solution qui évoque la saisine pour avis de la Commission des clauses abusives.
2. COMPARAISON AVEC L’ART. L. 632-1-I-2° C. COM.
Selon l’art. L. 632-1-I-2° C. com. (rédaction résultant de l’ord. n° 2014-326 du 12 mars 2016), « sont nuls lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : […] Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ».
Pour une illustration parmi les décisions recensées : pouvoir souverain d’appréciation de la cour d’appel qui a retenu l’existence d’un déséquilibre entre les prestations des parties au contrat. Cass. soc., 20 mars 2019 : pourvoi n° 18-12582 ; arrêt n° 464 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 7869 (application de l’art. L. 632-1 C. com. pour annuler un contrat de travail excédant les capacités de l’entreprise), rejetant le pourvoi contre CA Colmar, 13 décembre 2016 : Dnd. § V. aussi pour les juges du fond : CA Toulouse (2e ch.), 18 juillet 2018 : RG n° 16/06181 ; arrêt n° 254 ; Cerclab n° 7636 (société spécialisée dans le bâtiment et l'agencement de magasins chargée de l'aménagement et de la réfection de la quasi-totalité des magasins d’un réseau de distribution ; appréciation de l’équilibre d’une transaction au regard des anciens art. L. 621-107 et L. 621-108 C. com. ; accord jugé non déséquilibré), sur appel de T. com. Albi, 25 novembre 2016 : RG n° 2005/1494 ; Dnd, annulé par Cass. com., 22 janvier 2020 : pourvoi n° 18-23257 ; arrêt n° 53 ; Cerclab n° 8320 (annulation pour nombre pair de magistrats) - CA Lyon (3e ch. A), 13 juin 2019 : RG n° 17/06946 ; Cerclab n° 7994 (convoyage et préparation de véhicules neufs ; annulation d’un protocole d’accord, sur le fondement de la nullité de plein droit de l’art. L. 632-1-2° C. com.), sur appel de T. com. Bourg-en-Bresse, 28 juin 2017 : RG n° 2016005728 ; Dnd
Rappr. sous un angle procédural : le liquidateur qui demande, à titre principal, la nullité d’un acte sur le fondement des dispositions de l’art. L. 632-1-I-2° C. com. ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom, mais exerce une action au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers, de sorte qu’une clause compromissoire stipulée à l’acte litigieux est manifestement inapplicable au litige. Cass. com., 17 novembre 2015 : pourvoi n° 14-16012 ; arrêt n° 988 ; Cerclab n° 5366 (motif de pur droit substitué ; moyen soutenant que l’argument du liquidateur, tiré d’un prétendu déséquilibre dans une convention de résiliation d’un contrat de franchise en période suspecte, était fondé sur l’ancien art. L. 442-6 [L. 442-1-I-2°] et relevait de la juridiction arbitrale en application de la clause compromissoire), rejetant le pourvoi contre CA Amiens (ch. écon.), 20 février 2014 : RG n° 13/02165 ; Cerclab n° 7358 ; Juris-Data n° 2014-006715, sur appel de T. com. Saint-Quentin, 12 avril 2013 : Dnd.
B. ARTICULATION DE L’ART. L. 442-1 C. COM. ET 1171 C. CIV.
Sur l’articulation de l’art. 1171 C. civ. et L. 442-6, puis L. 442-1 C. com., V. plus généralement Cerclab n° 6152.
L’anc. art. L. 442-6-I-2° C. com. n'est pas devenu l'art. 1171 C. civ., mais l'art. L. 442-1-I-2° C. com. et les litiges relatifs à l'application de ce nouveau texte relèvent aussi de juridictions spécialisées, ainsi que le prévoit l'article L. 442-4 C. com. CA Grenoble (ch. com.), 6 juillet 2023 : RG n° 21/02075 ; Cerclab n° 10360 ; JurisData n° 2023-014510, sur appel de T. com. Grenoble, 21 avril 2021 : RG n° 2021J38 ; Dnd.
Pour la Cour de cassation : la primauté du texte spécial est désormais explicitement posée par la Cour de cassation : il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016, que l'intention du législateur était que l'art. 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des art. L. 442-6 C. com. et L. 212-1 C. consom. ; dès lors, l'art. 1171 C ; civ., interprété à la lumière de ces travaux, s'applique donc aux contrats, même conclus entre producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers, lorsqu'ils ne relèvent pas de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019, applicable en la cause, tels que les contrats de location financière conclus par les établissements de crédit et sociétés de financement, lesquels, pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'art. L. 311-2 CMF, ne sont pas soumis aux textes du code de commerce relatifs aux pratiques restrictives de concurrence (Com. 15 janv. 2020, n° 18-10512). Cass. com., 26 janvier 2022 : pourvoi n° 20-16782 ; arrêt n° 62 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 9440 (points n° 4 à 7), pourvoi contre CA Lyon (3e ch. A), 27 février 2020 : RG n° 18/08265 ; Cerclab n° 8366.
Dans le même sens que la Cour de cassation : CA Lyon (3e ch. A), 7 juillet 2022 : RG n° 19/01741 ; Cerclab n° 9711 (location financière d'une imprimante par un commissionnaire de transport non concernée par l’art. L. 442-1), sur appel de T. com. Saint-Étienne, 12 février 2019 : RG n° 2019j0077 ; Dnd.
V. cep. visant les deux textes : CA Paris (pôle 5 ch. 11), 27 janvier 2023 : RG n° 21/07493 ; Cerclab n° 10228 (contrat d’organisation d’une exposition de galeristes qui n’a pu se tenir en raison du Covid ; absence de déséquilibre significatif, tant sur le fondement de l’art. 1171 C. civ. que sur celui de l’art. L. 442-1 C. com.), sur appel de T. com. Paris, 11 mars 2021 : RG n° 2020037956 ; Dnd.
C. SANCTION INDIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS
Sanction dans les textes en vigueur. Indépendamment de l’anc. art. L. 442-6-I-2° C. com., issu de la loi du 4 août 2008, et devenu l’art. L. 442-1-I-2°, d’autres dispositions de cet article permettent au juge d’apprécier plus ou moins directement, l’existence d’un déséquilibre entre les obligations des parties.
Articulation entre les dispositifs : primauté des textes spéciaux ? Sur l’articulation entre les dispositifs, pour une décision excluant le cumul de qualifications : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 19 avril 2017 : RG n° 15/24221 ; Cerclab n° 6821 (1/ les contrats ayant été annulés comme constituant des avantages rétroactifs qui rémunèrent a posteriori des pénalités, il n’y a pas lieu de les invalider aussi au titre du déséquilibre significatif : « la double qualification ne venant pas à l'appui d'une demande nouvelle, il n'y a pas lieu de statuer sur cette qualification surabondante » ; 2/ refus de condamner au titre du déséquilibre significatif des déductions d’office déjà sanctionnées au titre de l’ancien art. L. 442-6-I-8° C. com. : « il n'y a pas lieu de qualifier cette pratique sous un autre fondement »), sur appel de T. com. Paris (13e ch.), 3 novembre 2015 : RG n° 2013030835 ; Dnd.
Comp. sur l’articulation des 1° et 2°, notamment pour le contrôle du prix, Cerclab n° 6229.
1. ARTICLE L. 442-1-I-1° C. COM. (ANCIEN ART. L. 442-6-I-1° C. COM.)
Texte résultant de l’ordonnance du 24 avril 2019. Selon l’art. L. 442-1-I-1° C. com., dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 24 avril 2019 : « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : 1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ».
Sur le contrôle de légalité de l’ordonnance au regard de la loi d’habilitation : l'avantage ne correspondant à aucune « contrepartie » au sens de l'art. L. 442-1-I-1° C. com., résultant de l'ordonnance du 24 avril 2019, s'entend de celui obtenu en l'absence de tout service de coopération commerciale ou encore de tout service ou diligence particulière de la part du bénéficiaire de l'avantage permettant l'atteinte d'objectifs commerciaux ; par suite, la substitution de la notion de « contrepartie » à celle de « service commercial » figurant auparavant à l'article L. 442-6-I-1° n'a ni pour objet ni pour effet de modifier le champ de la pratique restrictive de concurrence prohibée ; elle ne saurait ainsi permettre de caractériser un manquement du seul fait d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, à la différence de la pratique mentionnée antérieurement à l'article L. 442-6-I-2° C. com. et désormais reprise à l'art. L. 442-1-I-2°, qui exige en outre l'existence d'un rapport de soumission entre les parties. CE (ch. réun.), 21 décembre 2022 : req. n° 463938 ; Rec. CE tables ; Cerclab n° 10001 (point n° 9), sur demande de T. com. Paris, 10 mai 2022 : Dnd.
Texte ancien résultant de la loi du 4 août 2008. La version antérieure posait un principe similaire, tout en y ajoutant des précisions supplémentaires. Selon l’anc. art. L. 442-6-I-1° C. com., dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 (art. 109), « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 1° d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation ou de promotion commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins, du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat ou de la rémunération de services rendus par une centrale internationale regroupant des distributeurs. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires, en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d'exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ». § N.B. Avant la loi du 4 août 2008, et à compter de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, cette disposition était codifiée à l’anc. art. L. 442-6-I-2°-a) du Code de commerce.
Conditions. Le fait qu’un avantage disproportionné ait été convenu entre les parties, sans avoir été imposé, n’exclut pas l’application de l'anc. art. L. 442-6-I-1° C. com. [L. 442-1-I-1°], dès lors que cette condition n'est pas requise par le texte. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 13 juin 2018 : RG n° 18/04602 ; Cerclab n° 7623 (fourniture d’échantillons gratuits par un fournisseur à un distributeur), sur appel de T. com. Paris, 13 fevrier 2018 : RG n° 2017062553 ; Dnd.
Illustrations. Pour une analyse de ce texte : la prohibition des comportements dénoncés par l'anc. art. L. 442-6 C. com. [L. 442-1] (absence de service commercial effectivement rendu ou obtention d’un avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu) n'est qu'un développement des conséquences des règles de droit commun de l'obligation de bonne foi contractuelle résultant de l’ancien art. 1134 C. civ. [1104 nouveau] et de la nécessité prévue par l’ancien art. 1131 du même code d'une cause, c'est à dire d'une contrepartie proportionnée, à toute obligation. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 18 novembre 2009 : RG n° 09/00341 ; arrêt n° 264 ; Cerclab n° 4335 (victime invoquant implicitement mais nécessairement l’art. 1131 dès lors qu’elle allègue la « fictivité » des prestations de coopération commerciale), sur appel de T. com. Evry, 10 décembre 2008 : RG n° 2008F00358 ; Dnd. § Rappr. CA Bourges (ch. civ.), 5 juillet 2018 : RG n° 17/01116 ; Cerclab n° 7630 ; Juris-Data n° 2018-013036 (contrat d’approvisionnement exclusif en boissons durant 7 ans en contrepartie de la mise à disposition une enseigne personnalisée ; « le jugement, qui a retenu une disproportion manifeste entre les engagements réciproques des parties et ainsi caractérisé l'absence de cause… »), confirmant T. com. Bourges, 4 juillet 2017 : Dnd.
Pour des avis de la CEPC soulignant l’éventuel jeu des deux textes : CEPC (avis), 23 juin 2015 : avis n° 15-21 ; Cerclab n° 6537 (contrôle d’un prix abusif) - CEPC (avis), 25 août 2015 : avis n° 15-24 ; Cerclab n° 6538 (l’appréciation à porter pour identifier un éventuel déséquilibre significatif d’ordre tarifaire se rapproche nettement de celle requise en application de l’ancien art. L. 442-6-I-1° C. com. appréhendant l’avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu).
Articulation entre les deux textes. Une société ne peut valablement s'appuyer sur la décision du T. com. Paris du 2 septembre 2019 qui, rendue en matière de déséquilibre significatif sur le fondement de l’anc. art. L. 442-6-1-2° C. com., ne peut être transposée à un différend fondé sur l'art. L. 442-6-1-5° C. com. qui nécessite, notamment, la démonstration d'une relation commerciale établie entre l'auteur de la rupture et la victime de la rupture. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 26 octobre 2022 : RG n° 20/17089 ; arrêt n° 193 ; Cerclab n° 9921, sur appel de T. com. Paris, 26 octobre 2020 : RG n° 2017036385 ; Dnd.
N.B. Si l’exigence d’une relation commerciale établie sépare effectivement les deux textes, l’absence de lien entre les deux dispositions est en revanche discutable. Tout d’abord, la menace d’une rupture brutale peut être utilisée pour soumettre l’autre partie à des conditions déséquilibrées : l’hypothèse était explicitement visée par l’anc. art. L. 442-6-I-4° C. com. (V. ci-dessous), mais l’abrogation du texte n’y change rien et elle a plutôt été justifiée par le fait que l’hypothèse pouvait parfaitement être intégrée dans l’art. L. 442-1-I-2°. Ensuite, indépendamment du fait que la rupture est l’occasion de contester les clauses déséquilibrées, ce que la victime n’osait pas faite tant que la relation existait par peur de la mettre en péril, les deux questions peuvent être liées : par exemple, il est concevable que la rupture ait été fondée sur une clause instituant un déséquilibre significatif ; le prononcé de sa nullité écarte une résiliation aux torts de la victime de la rupture et l’autorise à solliciter l’examen de la situation au regard d’une rupture brutale.
3. ANCIEN ARTICLE L. 442-6-I-4° C. COM. (ABROGÉ)
Rappel du texte. « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] ; 4° D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ». § N.B. Cette rédaction résulte de la loi du 4 août 2008. Cette disposition, assez peu appliquée, a été abrogée par l’ordonnance du 24 avril 2019 et la situation relève désormais du « droit commun » de l’art. L. 442-1-I-2° C. com.
Pour démontrer la pratique visée par l’anc. art. L. 442-6-I-4° C. com., il faut prouver au préalable que les parties avaient noué des relations commerciales. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 31 janvier 2020 : RG n° 18/01599 ; Cerclab n° 8344 (sous-traitance dans le raccordement et la maintenance du réseau de télécommunication ; preuve non rapportée ; N.B. l’arrêt semble avoir une conception restrictive de ces relations, dans l’esprit de l’ancien art. L. 442-6-I-5° C. consom., ce qui n’est pas forcément justifié et semble désormais obsolète dans le cadre de l’art. L. 442-1-I-2° C. com.), infirmant T. com. Paris, 26 septembre 2016 : RG n° 2014035109 ; Dnd et confirmant T. com. Paris, 5 décembre 2017 : RG n° 2014035109 ; Dnd.
Il faut ensuite rapporter la double preuve de l'existence d'une menace et du caractère manifestement abusif ou non justifié des conditions réclamées sous cette menace. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 10 mai 2017 : RG n° 15/10894 ; Cerclab n° 6900 (contrat entre EDF et un groupement pour le traitement des déchets de corps d'échange issus de la rénovation des aéroréfrigérants des centrales nucléaires de production d'électricité), sur appel de T. com. Paris, 27 avril 2015 : RG n° 2013069311 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. civ. 3e, 6 septembre 2018 : pourvoi n° 17-22597 ; arrêt n° 802 ; Cerclab n° 7695. § La mise en œuvre de l’anc. art. L. 442-6-I-4° C. com. suppose que soient prouvées, par la société qui s'en prévaut, l'existence de conditions manifestement abusives que le partenaire commercial a obtenues ou tenté d'obtenir, par l'usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l'acceptation. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 18 février 2021 : RG n° 18/22624 ; Cerclab n° 8812.
Date des menaces. Le grief de menace de rupture brutale visé à l'ancien art. L. 442-6-I-4° C. com. ne peut être invoqué que si les manœuvres dénoncées interviennent en cours de contrat et non lorsque la rupture est déjà consommée. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 14 mars 2018 : RG n° 16/09127 ; Cerclab n° 7526 (grossiste en téléphonie mobile), sur appel de T. com. Paris, 22 mars 2016 : RG n° J2016000138 ; Dnd.
Existence des menaces. Constitue une menace de rupture le fait que l’acceptation du protocole d’accord constitue une condition nécessaire, mais non suffisante, pour envisager la poursuite des relations. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 10 mai 2017 : RG n° 15/10894 ; Cerclab n° 6900 ; précité (« nous ne souhaitons aucunement entrer en pourparlers avant la signature du protocole »), pourvoi rejeté par Cass. civ. 3e, 6 septembre 2018 : pourvoi n° 17-22597 ; arrêt n° 802 ; Cerclab n° 7695. § Le grief de menace de rupture brutale visé à l’ancien art. L. 442-6-I-4° C. com. ne peut être invoqué que si les manœuvres dénoncées interviennent en cours de contrat et non, lorsque la rupture est déjà consommée. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 22 mars 2017 : RG n° 14/26013 ; Cerclab n° 6780 ; Juris-Data n° 2017-005299 (sous-traitance dans le nettoyage de cabines d’avions), sur appel de T. com. Bordeaux, 12 décembre 2014 : RG n° 2014F0122 ; Dnd.
Pour des décisions estimant la preuve de menaces non rapportée : CA Paris (pôle 5 ch. 5), 18 février 2021 : RG n° 18/22624 ; Cerclab n° 8812 (sous-traitance dans le secteur du transport pour effectuer des tournées de ramassage et distribution de colis et palettes de pièces automobiles d’un groupe automobile ; 1/ preuve non rapportée en l’espèce par la production des échanges sur les grilles tarifaires qui ne contiennent aucune menace de rupture sous condition de baisser les prix ; 2/ il ne peut être reproché à ce titre au transporteur d’avoir mis en place un appel d’offres pour les nouvelles tournées du groupe automobile), sur appel de T. com. Lyon, 3 septembre 2018 : RG n° 2017J1823 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 3 février 2021 : RG n° 18/27596 ; Cerclab n° 8768 (sous-traitance portant sur la maçonnerie et le gros œuvre entre un artisan et un constructeur de maisons individuelles ; absence de preuve d’un déséquilibre significatif dans la pratique, bien établie et non contestée d’un constructeur, à l’égard de son sous-traitant, le premier corrigeant les prix à la baisse, pour un montant représentant 4,63 % des 43 marchés concernés), sur appel de T. com. Rennes, 27 novembre 2018 : RG n° 2018F00051 ; Dnd.
Conditions manifestement abusives. Absence de preuve d’une tentative d’obtention de conditions manifestement abusives dès lors que, si la proposition transactionnelle d'EDF correspondait à moins de 15 % de la somme qui était due à son cocontractant au titre des prestations contractuelles prévues et réalisées et qu'ainsi, EDF lui demandait de renoncer à une partie substantielle de sa rémunération, sans justification aucune, il a été établi que les prestations dont le paiement était demandé et le surprix de 2 % n'étaient pas prévues dans les contrats initiaux et que l'avenant litigieux n'avait pas été accepté par EDF. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 10 mai 2017 : RG n° 15/10894 ; Cerclab n° 6900 ; précité (absence de preuve que l'offre d'EDF était manifestement sous-évaluée par rapport aux prix des prestations effectuées et prévus contractuellement), pourvoi rejeté par Cass. civ. 3e, 6 septembre 2018 : pourvoi n° 17-22597 ; arrêt n° 802 ; Cerclab n° 7695 (appréciation souveraine). § Absence de preuve de soumission ou de tentative de soumission, au sens de l'art. L. 442-6-I-2° et 4° C. com. et de déséquilibre significatif dans le fait d’exiger, lors des négociations pour le renouvellement du contrat, une garantie bancaire et une diminution des encours, ainsi que la mise en place d'un contrôle qualité destiné à améliorer la qualité de services chez les clients japonais et à supprimer les non-conformités. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 23 janvier 2019 : RG n° 16/15888 ; Cerclab n° 8094 (contrat de fourniture de produits à une société allemande les exportant au Japon ; absence de preuve de soumission et de déséquilibre), sur appel de T. com. Lille, 9 juin 2015 : RG n° 2014012362 ; Dnd. § Absence de violation de l’anc. art. L. 442-6-I-4° C. com. par la clause stipulant une pénalité de 20 %, si le produit finalement livré n’est pas conforme au concept commandé. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 10 juillet 2020 : RG n° 17/01941 ; Cerclab n° 8528 (ensemble contractuel composé notamment d’une cession d’une marque et des brevets afférents par un sous-traitant spécialisé dans les cabines automatiques de photographie au profit de la société les exploitant, et d’un contrat de sous-traitance pour la fourniture de pièces détachées ; arg. : la clause faisait partie des conditions de la commande que le contractant n’était pas tenu d’accepter, le contrat cadre de sous-traitance ne contenant aucune obligation de livraison), sur appel de T. com. Paris, 12 décembre 2016 : RG n° 2014037801 ; Dnd.
Modification des modalités de paiement. A tenté d'obtenir sous la menace d'une rupture brutale des relations une modification unilatérale du contrat quant aux conditions de paiement, qui prévoyaient un paiement des factures à 30 jours, sans prévoir aucune modalité de paiement, le fournisseur qui, face à la volonté de l’approvisionné de payer les factures par chèque ou virement bancaire, a imposé que toute nouvelle livraison ou dépannage soit payée comptant. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 10 décembre 2020 : RG n° 18/02155 ; Cerclab n° 8701 (approvisionnement exclusif en boissons ; absence de preuve de soumission lors de la conclusion, mais soumission lors de leur modification), sur appel de T. com. Paris, 11 décembre 2017 : RG n° 2016063775 ; Dnd.
4. REFUS DE CONTRACTER
* Refus de contracter. V. encore examinant l’existence d’un déséquilibre significatif, non pas dans le cadre de l’anc. art. L. 442-6-I-2° C. com., non encore applicable, mais au titre du refus de consentir un nouveau contrat ne contenant pas la clause litigieuse ayant justifié la résiliation du premier. CA Toulouse (2e ch. sect. 2), 10 janvier 2012 : RG n° 10/01200 ; arrêt n° 2012/09 ; Cerclab n° 3532, confirmant TGI Toulouse, 1er décembre 2009 : RG n° 07/03867 ; Dnd. § Sur le refus de vente ou de prestation entre professionnels, V. Cerclab n° 6227 et, entre un professionnel et un consommateur, V. Cerclab n° 6074.
C. SANCTION INDIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS : TEXTES ANTÉRIEURS À L’ORDONNANCE DU 4 AOÛT 2008
Ordonnance du 1er décembre 1986. Dès l’origine, l’art. 36 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence disposait qu’« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : 1. De pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ». Il faut noter que cette disposition évoquait explicitement un « désavantage ou un avantage dans la concurrence » alors que l’ancien art. L. 442-6-1-2° évoquait « des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties », formulation qui atténue la référence à la concurrence (toujours présente en raison du contexte de la disposition). § N.B. Ce texte est resté inchangé jusqu’à l’introduction du Code de commerce et il a été cofidié à l’anc. art. L. 442-6 C. com., jusqu’à sa modification par la loi du n° 2001-420 du 15 mai 2001.
V. par exemple : Cass. com., 23 avril 2003 : pourvoi n° 01-02136 ; Cerclab n° 3246, cassant de CA Paris (14e ch. sect. A), 13 décembre 2000 : Dnd. § V. aussi entre les mêmes parties : CA Versailles (12e ch. sect. 2), 30 septembre 2004 : RG n° 01/07008 ; Legifrance ; Cerclab n° 3252, sur appel de T. com. Nanterre (8e ch.), 20 septembre 2001 : RG n° 00F2359 ; Dnd.
Ancien art. L. 442-6-I-2°-b). L’ancien art. L. 442-6-I-2°-b) C. com., dans sa rédaction résultant de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 et jusqu’à la loi du 4 août 2008 disposait qu’« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] ; b) D'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées, notamment en lui imposant des pénalités disproportionnées au regard de l'inexécution d'engagements contractuels. »
Selon la CEPC, l’ancien art. L. 442-6-I-2°-b) C. com., visant le fait d’abuser de la relation de dépendance dans laquelle se trouve un partenaire en le soumettant à des obligations injustifiées, sanctionne un abus de l’état de dépendance économique en dehors même de toute atteinte corrélative au fonctionnement ou à la structure de la concurrence, qui relèverait des dispositions de l’art. L. 420-2 C. com. CEPC (avis), 20 novembre 2006 : avis n° 06-01 ; Cerclab n° 4282.
Pour des décisions faisant un lien entre ce texte et l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. résultant de la loi du 4 août 2008 : la loi du 4 août 2008 n'a pas supprimé le cas prévu par l'ancien art. L. 442-6-I-2°-b) C. com., mais en a précisé le sens en adoptant une autre rédaction ; ainsi, l'art. 93 de la loi dispose que le b) devient le 2° de l'ancien art. L. 442-6-I et est désormais rédigé de la façon suivante : « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». CA Toulouse (2e ch. sect. 1), 5 octobre 2011 : RG n° 09/04975 ; arrêt n° 290 ; Cerclab n° 3353, sur appel de T. com. Albi, 24 juillet 2009 : RG n° 08/003857 ; Dnd. § V. aussi : CA Paris (pôle 5 ch. 5), 11 septembre 2014 : RG n° 12/19041 ; Cerclab n° 4868 (succession de contrats de location d’emplacement ; occupant fondant son action sur l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. pour les contrats les plus récents et sur l’ancien art. 442-6-I-2°-b C. com. pour les contrats antérieurs ; solution identique, la Cour vérifiant au surplus la condition d’abus de puissance économique pour le texte ancien), sur appel de T. com. Paris (17e ch.), 3 octobre 2012 : RG n° 2011052529 ; Dnd.
Ancien article L. 442-6-I-7° C. com. « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] ; 7° De soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectent pas le plafond fixé au neuvième alinéa de l'art. L. 441-6 ou qui sont manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux, et s'écartent au détriment du créancier, sans raison objective, du délai indiqué au huitième alinéa de l'art. L. 441-6. » § Le texte a été modifié par la loi du 15 novembre 2008 pour y ajouter une phrase finale : « Est notamment abusif le fait, pour le débiteur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d'émission de la facture ». § Le texte a été abrogé par la loi n° 2016-244 du 17 mars 2014.