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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 4 février 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 4 février 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 17/21521
Date : 4/02/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/11/2017
Référence bibliographique : 5716 (crédit à la consommation, obligation de relever d’office)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8769

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 4 février 2021 : RG n° 17/21521

Publication : Jurica

 

Extrait : « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 4 FÉVRIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/21521 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QLC. Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 mai 2017 - Tribunal d'Instance d'AUBERVILLIERS - RG n° 11-17-000285.

 

APPELANTE :

La société SOGEFINANCEMENT

société par actions simplifiée prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés ès-qualités audit siège, N° SIRET : XXX, [...], [...], [...], Représentée et assistée de Maître Sébastien M. G. de la SELARL C. & M.-G., avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [adresse], [...], DÉFAILLANT :

Madame Y.

née [date] à [ville], [adresse], [...], DÉFAILLANTE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 6 janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Agnès BISCH, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 11 juin 2009, la société Sogefinancement a consenti à M. X. et Mme Y. un prêt personnel d'un montant de 38 000 euros remboursable en 84 mensualités au taux d'intérêt nominal de 7,40 % l'an.

Saisi par la société Sogefinancement d'une action tendant à la condamnation des emprunteurs au paiement du solde restant dû après déchéance du terme, le tribunal d'instance d'Aubervilliers, par un jugement réputé contradictoire rendu le 23 mai 2017 auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré la société Sogefinancement recevable en son action,

- prononcé la déchéance du droit de la société Sogefinancement de percevoir les intérêts au taux contractuel,

- débouté la société Sogefinancement de toutes ses demandes et condamné celle-ci aux dépens.

Après avoir vérifié la recevabilité de l'action du prêteur, le tribunal a retenu principalement que le contrat ne mentionnait pas le coût total du crédit sans assurance.

Par déclaration du 22 novembre 2017, la société Sogefinancement a interjeté appel de cette décision.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 13 février 2018 dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile et signifiées le 19 février 2018, la société Sogefinancement demande à la cour :

- d'infirmer le jugement dont appel,

- de condamner solidairement M. X. et Mme Y. à lui payer la somme de 9.728,67 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,5 % l'an à compter du 21 novembre 2015 sur la somme de 8 960,55 euros et au taux légal pour le surplus,

- de condamner in solidum M. X. et Mme Y. aux dépens et à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de faire application de l'article 699 du même code.

L'appelante soutient que le premier juge ne pouvait soulever d'office le moyen tiré d'une irrégularité de l'offre de crédit au-delà du délai de prescription quinquennale de droit commun.

Sous le visa de l'article L. 311-10 du code de la consommation, elle lui reproche par ailleurs d'avoir ajouté aux dispositions légales et réglementaires qui n'imposent pas la mention du coût total du crédit sans assurance et relève que l'offre de prêt contenait toutes les mentions utiles à la pleine information des emprunteurs. Elle précise que l'offre de prêt n'a pas à être une reproduction servile du modèle-type réglementaire en la matière.

Elle se prévaut de la déchéance du terme et fait valoir à titre subsidiaire que la cour devrait prononcer la résiliation du contrat si elle estimait que la déchéance du terme était irrégulière.

Elle détaille le montant de sa demande.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Régulièrement assignés selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile le 30 janvier 2018, M. X. et Mme Y. n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010.

* * *

En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige.

* * *

En application de l'article L. 311-10 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, l'offre de crédit :

1° Mentionne l'identité des parties et, le cas échéant, des cautions ;

2° Précise le montant du crédit et éventuellement de ses fractions périodiquement disponibles, la nature, l'objet et les modalités du contrat, y compris, le cas échéant, les conditions d'une assurance ainsi que le coût total ventilé du crédit et, s'il y a lieu, son taux effectif global ainsi que le total des perceptions forfaitaires demandées en sus des intérêts en ventilant celles correspondant aux frais de dossiers et celles correspondant aux frais par échéance ;

3° Rappelle les dispositions des articles L. 311-15 à L. 311-17 et L. 311-32 et, s'il y a lieu, des articles L. 311-20 à L. 311-31, L. 313-13, et reproduit celles de l'article L. 311-37 ;

4° Indique, le cas échéant, le bien ou la prestation de services financé.

En l'espèce, l'offre de prêt adressée à M. X. et Mme Y. mentionne explicitement dans l'encadré réglementaire le coût total du crédit (15 229 euros), sa ventilation entre intérêts (10.959,40 euros), assurance (4.149,60 euros) et frais (120 euros), le taux effectif global de 7,868 % l'an, satisfaisant ainsi les dispositions précitées.

Elle décrit également les conditions de l'assurance facultative, le montant de la mensualité avec et sans assurance et le montant de la cotisation mensuelle d'assurance.

Alors qu'aucune disposition du texte précité n'impose au prêteur de mentionner le coût total du crédit hors assurance, il est manifeste que l'ensemble des mentions portées sur l'offre de prêt litigieuse informait les emprunteurs de manière exhaustive et précise sur les éléments du contrat visé par ce texte.

C'est donc à tort qu'en ajoutant au texte précité que le premier juge a retenu que l'offre de prêt était irrégulière.

Il y a lieu, partant, d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

* * *

Alors qu'il incombe à la société Sogefinancement de justifier qu'elle a prononcé la déchéance du terme conformément aux dispositions contractuelles, l'appelante se contente de produire une mise en demeure de payer adressée par huissier à chacun des emprunteurs le 8 mars 2016 et portant sur une somme de 10.055,51 euros incluant une « échéance de crédit impayée » pour 4 425,75 euros et un « capital restant dû non-échu à la date d'échéance » pour 4.534,80 euros outre des pénalités et intérêts.

S'il sous-entend que la déchéance du terme a pu être prononcée antérieurement, ce document n'en fait pas état de sorte que la société Sogefinancement ne justifie ni de son prononcé effectif, ni des modalités de ce prononcé. Elle est donc mal fondée à se prévaloir d'une déchéance du terme.

Selon l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Force est de constater que la société Sogefinancement ne sollicite pas la résiliation judiciaire du contrat aux termes du dispositif de ses conclusions.

Le contrat s'est donc poursuivi de sorte que le prêteur ne peut demander paiement que des échéances échues.

L'historique du compte montre qu'il a été effectivement exécuté par les emprunteurs jusqu'au mois de mars 2014.

A la date à laquelle la société Sogefinancement forme sa demande devant la cour, soit le 13 février 2018, les emprunteurs sont donc redevables des sommes suivantes :

- échéances échues au 20 novembre 2015, date de la remise au service contentieux : 4.425,75 €

- échéances en capital et intérêts mais hors assurance, du 20/11/2015 au terme du contrat : 4.070 €

Total : 8.495,75 euros.

La société Sogefinancement n'est pas fondée à solliciter le paiement d'intérêts de retard ou de l'indemnité légale de 8 % dès lors qu'elle ne peut se prévaloir d'une rupture contractuelle et, a fortiori, d'une rupture contractuelle imputable à faute aux emprunteurs.

A défaut de mise en demeure préalable justifiée et susceptible de faire courir les intérêts sur les sommes effectivement dues, la somme de 8 495,75 euros porte intérêt au taux contractuel à compter des conclusions de la société Sogefinancement remises à la cour le 13 février 2018.

La société Sogefinancement est déboutée du surplus de ses prétentions.

Parties perdantes, les intimés supportent les dépens.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

- Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

- Condamne solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la société Sogefinancement la somme de 8.495,75 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,50 % l'an à compter du 13 février 2018 et jusqu'à complet paiement ;

- Déboute la société Sogefinancement de toutes autres prétentions ;

- Condamne in solidum M. X. et Mme Y. aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la SELARL C. & M.-G., avocats conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                           La présidente