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CASS. CIV. 1re, 21 janvier 2021

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 21 janvier 2021
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 19-17785
Décision : 21-65
Date : 21/01/2021
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:C100065
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 65
Référence bibliographique : 6681 (fourniture de gaz), 6142 (clauses sur la preuve)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8780

CASS. CIV. 1re, 21 janvier 2021 : pourvoi n° 19-17785 ; arrêt n° 65

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Vu l'article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

4. Aux termes de cette disposition, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires. Lorsqu'il considère qu'une telle clause est abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM Zrt., C-243/08).

6. Pour rejeter les demandes formées par M. X., le jugement constate, d'une part, qu'il résulte de l'article 6.2 des conditions générales du contrat de fourniture de gaz qu'en l'absence de relevé possible du compteur, le fournisseur est en droit d'estimer la consommation du locataire par tout moyen à sa disposition et notamment l'historique de la consommation, d'autre part, que les factures démontrent qu'un relevé a été effectué, qu'une facture de régularisation a été établie lors du changement de compteur, et que d'autres l'ont été sur la base d'une consommation estimée en fonction de celle de l'année précédente.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si la clause litigieuse ne créait pas au détriment de M. X. un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et ne présentait pas, en conséquence, un caractère abusif, le tribunal a privé sa décision de base légale. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 20 JANVIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : Z 19-17.785. Arrêt n° 65 FS-D.

DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.

DÉFENDEUR à la cassation : Société Engie SA - Société GRDF SA

Président : Mme Batut (président). Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thouin-Palat et Boucard.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

M. X., domicilié [adresse], a formé le pourvoi n° Z 19-17.785 contre le jugement rendu le 4 avril 2019 par le tribunal d'instance de Lyon (pôle 5), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Engie, société anonyme, dont le siège est [adresse], [...],

2°/ à la société GRDF, société anonyme, dont le siège est [adresse],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. X., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Engie, l'avis écrit de M. Lavigne, avocat général, et l'avis oral de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Darret-Courgeon, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

DÉSISTEMENT                                                                                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Désistement partiel :

1. Il est donné acte à M. X. du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société GRDF.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

2. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lyon, 4 avril 2019), rendu en dernier ressort, M. X. a assigné la société Engie en remboursement de factures de gaz payées entre juin 2015 et août 2016, en annulation d'autres factures émises entre 2016 et 2018, et en injonction de procéder, sous astreinte, à un relevé de compteur ainsi qu'à une vérification de son bon fonctionnement.

 

Examen du moyen :

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Enoncé du moyen

3. M. X. fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors « que le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle, dès lors qu'il dispose des éléments de fait et de droit pour le faire, et le cas échéant, d'en écarter l'application ; que la clause d'un contrat de fourniture d'énergie prévoyant, qu'en l'absence d'index réel de relève, le fournisseur pourra estimer l'index de compteur du consommateur par tout moyen à sa disposition et le facturer sur cette base, n'indique pas de manière claire et précise les conditions dans lesquelles cette clause peut être mise en œuvre et crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, dès lors qu'elle autorise le fournisseur, à facturer sa prestation dans des conditions qu'il détermine unilatéralement et sans permettre au consommateur d'en contrôler la pertinence par aucun moyen ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de rechercher si l'article 6.2 des conditions générales du contrat de fourniture de gaz dont se prévalait la société Engie ne créait pas au détriment de M. X., consommateur, un déséquilibre significatif et ne revêtait pas ainsi un caractère abusif, le tribunal d'instance, qui a méconnu son office, a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

4. Aux termes de cette disposition, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires. Lorsqu'il considère qu'une telle clause est abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM Zrt., C-243/08).

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

6. Pour rejeter les demandes formées par M. X., le jugement constate, d'une part, qu'il résulte de l'article 6.2 des conditions générales du contrat de fourniture de gaz qu'en l'absence de relevé possible du compteur, le fournisseur est en droit d'estimer la consommation du locataire par tout moyen à sa disposition et notamment l'historique de la consommation, d'autre part, que les factures démontrent qu'un relevé a été effectué, qu'une facture de régularisation a été établie lors du changement de compteur, et que d'autres l'ont été sur la base d'une consommation estimée en fonction de celle de l'année précédente.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si la clause litigieuse ne créait pas au détriment de M. X. un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et ne présentait pas, en conséquence, un caractère abusif, le tribunal a privé sa décision de base légale.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des procédures n° 91-17-000356 et n° 11-18-1496 sous le numéro 91-17-000356, le jugement rendu le 4 avril 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Lyon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lyon ;

Condamne la société Engie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Engie et la condamne à payer à M. X. la somme de 3.000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt et un.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté M. X. de ses demandes ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE, sur la demande d'annulation des factures, du remboursement de la somme de 761,72 € et d'établissement d'une facture basée sur la consommation réelle, aux termes de l'article 1353 du code civil, celui gui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que M. X. n'apporte aucun élément au soutien de son interruption volontaire de toute consommation si ce n'est ses simples déclarations ; qu'il ne justifie pas plus d'un dysfonctionnement du compteur ; que la société Engie doit justifier de la quantité de gaz fournie ; que cette preuve est rapportée par le relevé de compteur ; que d'autre part,1'article L. 224-11 du code de la consommation précise que le fournisseur d'électricité ou de gaz facture, au moins une fois par an, en fonction de l'énergie consommée ; qu'aucune consommation d'électricité ou de gaz antérieure de plus de 14 mois au dernier relevé ou auto-relevé ne peut être facturée ; que le contenu de cet article ne s'est appliqué qu'à compter du 17 août 2016 et ce n'est qu'à compter de cette date qu'aucune consommation de plus de 14 mois au dernier relevé ne peut être facturée ; qu'enfin, il résulte de l'article 6.2 des conditions générales du contrat de fournitures qu'en l'absence de relève possible du compteur, le fournisseur est en droit d'en estimer la consommation du locataire par tout moyen à sa disposition et notamment l'historique de sa consommation ; qu'en l'espèce, les factures démontrent bien qu'un relevé a été effectué dans le délai imparti et qu'une facture de régularisation a d'ailleurs été établie lors du changement de compteur ; que d'autre part, les factures établies sur une consommation estimée ont été faites sur la base de consommation de l'année précédente ; qu'en conséquence, la demande d'annulation des factures, du remboursement de la somme de 761,72 € et d'établissement d'une facture basée sur la consommation réelle sera rejetée ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1) ALORS QU'une partie ne peut se prévaloir de dispositions contractuelles à l'encontre d'un tiers à la convention ; que, dans ses conclusions, M. X. faisait valoir que la société Engie ne pouvait utilement se prévaloir à son endroit de l'article 6.2 des conditions générales du contrat de fourniture de gaz qu'elle versait aux débats en pièce n° 1 et auquel il n'était pas partie (concl., p. 8 § 8) ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir que la société Engie n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles, qu' « il résulte de l'article 6.2 des conditions générales du contrat de fourniture qu'en l'absence de relève possible du compteur, le fournisseur est en droit d'estimer la consommation du locataire par tout moyen à sa disposition et notamment l'historique de sa consommation », sans rechercher, ainsi qu'il y était invité, si ces conditions générales étaient opposables à M. X., le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1165 (devenu 1199) du code civil ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle, dès lors qu'il dispose des éléments de fait et de droit pour le faire, et le cas échéant, d'en écarter l'application ; que la clause d'un contrat de fourniture d'énergie prévoyant, qu'en l'absence d'index réel de relève, le fournisseur pourra estimer l'index de compteur du consommateur par tout moyen à sa disposition et le facturer sur cette base, n'indique pas de manière claire et précise les conditions dans lesquelles cette clause peut être mise en œuvre et crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, dès lors qu'elle autorise le fournisseur, à facturer sa prestation dans des conditions qu'il détermine unilatéralement et sans permettre au consommateur d'en contrôler la pertinence par aucun moyen ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de rechercher si l'article 6.2 des conditions générales du contrat de fourniture de gaz dont se prévalait la société Engie ne créait pas au détriment de M. X., consommateur, un déséquilibre significatif et ne revêtait pas ainsi un caractère abusif, le tribunal d'instance, qui a méconnu son office, a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige ;

3) ALORS QUE la partie qui ne respecte pas l'obligation mise à sa charge aux termes du contrat qu'elle a conclu engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de son cocontractant ; que, dans ses conclusions, M. X. soutenait, qu'aux termes de l'article 10 des conditions générales de vente du contrat de service qu'il avait conclu avec la société Engie le 25 juillet 2015, cette dernière s'était engagée à procéder une fois par semaine à la télérelève de ses données de consommation afin de pouvoir facturer sa consommation réelle de gaz de sorte, qu'en facturant M. X., de juin 2015 à août 2016, sur la base d'une simple estimation de sa consommation, la société Engie avait manqué à ses obligations (concl., p. 3 § 8 et 8 § 3-4) ; qu'en retenant que la société Engie n'avait pas engagé sa responsabilité contractuelle, sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, si elle n'avait pas manqué à l'obligation de télérelève hebdomadaire mise à sa charge aux termes de l'article 10 précité, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 (devenu 1231-1) du code civil, ensemble l'article 10 des conditions générales de vente du contrat de service du 25 juillet 2015.